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famille de biopolymères phénoliques De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La lignine (du latin lignum qui signifie bois) est une biomolécule, plus précisément une famille de macromolécules polyphénoliques, qui est un des principaux composants du bois avec la cellulose et les hémicelluloses. Ce biopolymère est présent principalement dans les plantes vasculaires et dans quelques algues rouges coralligènes, ce qui suggère une convergence évolutive de la biosynthèse des lignines entre ces algues et les trachéophytes[5]. Ses principales fonctions sont de conférer de la rigidité et de la résistance mécanique aux parois cellulaires[6], ainsi que d'apporter une imperméabilité à l'eau et une résistance à la décomposition.
Bien qu'elle puisse être présente en quantité importante au sein de certaines plantes herbacées, la lignine est en moyenne beaucoup plus abondante chez les plantes ligneuses. Ainsi, la teneur en lignine est de 14 à 34 % dans le bois dur des arbres angiospermes, et de 21 à 37 % dans le bois tendre des arbres gymnospermes[7]. La lignine est principalement localisée dans les lamelles moyennes, c'est-à-dire entre les cellules, mais est également présente à l'intérieur même de celles-ci[8]. Réseau tridimensionnel hydrophobe complexe, les unités structurales de la lignine sont des unités phénylpropanes.
Après la cellulose (constituant 35 à 50 % de la biomasse végétale terrestre) et l'hémicellulose (30 à 45 %), la lignine forme la troisième famille de composés par ordre d’abondance dans les plantes et dans les écosystèmes terrestres où domine la biomasse végétale morte ou vive[9]. Son abondance explique qu'elle fasse l'objet de recherches en vue de valorisations autres que ses utilisations actuelles en bois d'œuvre et en combustible.
La lignine est une biomolécule appartenant au groupe des phénylpropanoïdes, qui dérivent d'un précurseur, la phénylalanine, après élimination de la partie contenant de l'azote[10]. Cet acide aminé subit une cascade de réactions faisant intervenir une dizaine de familles d'enzymes différentes afin de former des monolignols. Ces enzymes sont : phénylalanine ammonia-lyase (PAL) responsable de la désamination oxydative, cinnamate 4-hydroxylase (C4H), 4-coumarate-CoA ligase (4CL), hydroxycinnamoyl-CoA shikimate/quinate hydroxycinnamoyl transférase (HCT), p-coumarate 3-hydroxylase (C3H), cafféoyl-CoA o-méthyltransférase (CCoAOMT), cinnamoyl-CoA réductase (CCR), ferrulate 5-hydroxylase (F5H), Acide cafféique O-méthyltransférase (COMT) et cinnamyl alcool deshydrogénase (CAD). Dans un certain nombre de cas, des aldéhydes peuvent également être incorporés dans le polymère[11].
La lignine est apparue il y a 380 millions d'années, au Dévonien, avec les premières plantes vasculaires que sont les Fougères (Ptéridophytes) et presque simultanément les premiers arbres (Archaeopteris)[12]. La biosynthèse de la lignine nécessite de l'oxygène et est probablement apparue à cette époque lorsque la concentration en oxygène atmosphérique a atteint un niveau suffisant[13].
En 1813, le botaniste suisse Augustin Pyramus de Candolle décrit brièvement la lignine en page 417 de son ouvrage Théorie élémentaire de la botanique; ou, Exposition des principes de la classification naturelle et de l'art de décrire et d'étudier les végétaux. Il en énumère plusieurs caractéristiques : « fibreuse, insipide, insoluble dans l'eau et l'alcool ; soluble dans les lessives alcalines faibles ; précipitée par les acides[14]. »
En 1839, le chimiste français Anselme Payen parle d'une « matière incrustante » ayant un lien exclusivement mécanique avec la cellulose[15].
C'est en 1856 que le terme lignine fait son apparition pour la première fois en littérature scientifique dans une publication du chimiste Franz Ferdinand Schulze (1815–1873)[16].
Le caractère aromatique de la lignine a été mis en évidence pour la première fois en 1868[17], et en 1897 le scientifique suédois P. Klasen décrira la lignine comme non cellulosique et confirmera sa nature aromatique. Après la Première Guerre mondiale, plusieurs travaux permettront d'attester le phénol comme étant un constituant de la lignine[18],[19], mais il faudra attendre jusqu'en 1927 avant que sa structure phénylpropane et ses dérivés soient clairement établis[20].
Il existe plusieurs définitions de la lignine du fait de sa grande variabilité et cela au sein même d'une espèce donnée, car sa formation dépend de l'environnement physico-chimique dans lequel le végétal croît. La lignine est donc un nom générique regroupant des molécules aux structures très diverses.
La lignine est un polymère biosynthétisé à partir de trois monolignols, ses monomères. Ceux-ci ne diffèrent que par le nombre de groupes méthoxy -OCH3 sur le noyau aromatique :
Outre des groupes éther et méthoxy, la lignine contient, dans l’ordre décroissant d’abondance, des alcools aliphatiques, des phénols, des carbonyles et des carboxyles[21],[22].
La fraction de chaque monomère varie de façon importante en fonction de :
La lignine du bois des gymnospermes est constituée à 95 % d’unités G, tandis que celle du bois des angiospermes contient des proportions équivalentes (environ 50 %) d’unités S et G[23],[24],[22]. La lignine des plantes herbacées, quant à elle, contient les trois unités G, S et H, avec en particulier une grande proportion d'unités G[22]. Ainsi, toutes les plantes vasculaires, ligneuses et herbacées, synthétisent de la lignine où est toujours présente l'unité G (relative à l'alcool coniférylique), dont l'oxydation donne l'acide férulique.
Les molécules de lignine de gymnospermes sont homogènes. Le bois de ces essences, dit homoxylé, est constitué à 95 % de trachéides et à 5 % de différents types de parenchymes. Le bois de résineux contient une lignine dont la structure est « condensée » (nombreuses liaison carbone-carbone entre les unités constitutives).
Les angiospermes, évolutivement beaucoup plus jeunes, ont diversifié leurs tissus pour le transport des sèves par des éléments de vaisseaux en plus des trachéides (alors que chez les gymnospermes, les fonctions de transport des sèves et de support mécanique sont assurées exclusivement par les trachéides). On trouve ainsi une diversité énorme des bois de feuillus, dits hétéroxylés, dont certains sont plus poreux (riches en vaisseaux, comme les chênes) et les autres plus « fibreux » (comme les bouleaux). La lignine devient elle aussi plus diversifiée et elle varie entre les cellules des fibres et les cellules des vaisseaux.
La lignification est un processus fondamental de l’évolution des plantes terrestres végétaux ligneuses. Elle assure une rigidité, une imperméabilité à l'eau, une résistance à l'implosion[Note 3] des cellules conductrices de sève brute[25] et une grande résistance à la décomposition. Cette capacité a permis d'avoir un port dressé favorisant la réception de l'énergie lumineuse. L'ensemble de ces acquisitions étant un préalable à la conquête du milieu terrestre. La capacité de formation de lignine par les végétaux s'est mise en place au début du Paléozoïque (avec un fort développement à partir du Dévonien) et caractérise les trachéophytes (voir flore de Rhynie).
La lignine se dépose tout d'abord dans la lamelle moyenne, la paroi primaire et la couche S1 de la paroi secondaire de certaines cellules végétales, puis imprègne les couches S2 et S3. La paroi aura ainsi une meilleure solidité, car la lignine est très résistante à la compression. De plus, la lignine possède un pouvoir d’imperméabilisation des cellules, du fait de son caractère hydrophobe.
On trouve ainsi des parois imprégnées de lignine (lignifiées) dans les cellules de tissus servant au soutien de la plante (sclérenchyme) ou au transport de l’eau et des sels minéraux (xylème). En règle générale, les cellules lignifiées, devenues imperméables, ont perdu leur cytoplasme et n’acquièrent leur rôle dans le végétal qu’une fois mortes.
La lignine, qui est donc caractéristique des plantes vasculaires terrestres, offre également une barrière de protection contre l'attaque microbienne du végétal. En effet, sa nature chimique la rend extrêmement résistante à divers agents chimiques et à la dégradation biologique, ce qui explique la qualité biologique médiocre des fourrages hautement lignifiés.
Selon une hypothèse de A.C Neish et C. Hébant, la lignine serait une forme de stockage des excréments de la plante[26]. Sachant que la lignine est constituée de composés phénoliques qui sont toxiques pour la plante sous forme libre, cette dernière aurait trouvé une façon de les neutraliser en les stockant sous forme de lignine dans des cellules vasculaires mortes.
Certains micro-organismes, en particulier les champignons dits de la pourriture blanche du bois, sont capables de digérer entièrement le complexe lignine - hémicellulose - cellulose (ligninolyse) et ainsi d'améliorer la valeur nutritive des matériaux lignocellulosiques.
Macromolécule très stable, la lignine n'est décomposée de manière significative que par des champignons saprotrophes à haut pouvoir de lyse fongique, principalement des basidiomycètes (agents de « pourriture blanche » de la litière, agents de pourriture du bois qui ont un équipement enzymatique spécifique : cellulases et hémicellulases, peroxydases et polyphénol-oxydases extracellulaires et intracellulaires attaquant les fragments de cellulose, hémicellulose et lignine importés dans la cellule fongique) responsables de la lyse de ces composés et de l'humification[27].
L'activité lignolytique est appelée lignolyse fongique (dégradation de la matière ligneuse du bois de manière significative sans nécessairement s'attaquer à la lignine, les champignons lignolytiques se répartissant en espèces cellulolytiques et en espèces ligninolytiques) et l'activité ligninolytique, ligninolyse fongique (dégradation de la lignine de manière significative)[29],[30].
Une hypothèse fait apparaître les champignons lignivores (dits aussi xylophages) il y a 280 millions d'années, stoppant l'accumulation des débris végétaux qui avait permis jusqu'alors la formation du charbon par fossilisation pendant la période géologique appelée Carbonifère[31],[32]. Cependant, une étude de 2016 prétend que les micro-organismes détritivores (notamment champignons) seraient plus anciens et que le charbon serait principalement constitué de tissus non ligneux, comme démontré par les fossiles qu'il est supposé contenir[33]. Cette étude est néanmoins contredite en 2020 via une méta-analyse sur l'évolution des CAZymes fongiques[34]. Il n'y a toujours pas de consensus aujourd'hui, la seule certitude étant la fin abrupte de l'accumulation du charbon dans les couches géologiques à la fin du carbonifère.
Des recherches sont en cours pour trouver de nouveaux usages à la lignine (par exemple, le bois liquide produit à partir de lignine désoufrée[40]) ; l'industrie tente, essentiellement par transformation génétique, de créer des végétaux pauvres en lignine pour les papeteries, ou au contraire plus riches en lignine, comme bois de chauffage.
La production du complexe lignine-hémicellulose-cellulose est importante sur la planète, et environ 25 % de cette ressource renouvelable serait accessible à des procédés de conversion biotechnologiques. Les champignons xylophages, dont le champignon de la pourriture blanche, sont très étudiés pour leur intérêt dans les domaines suivants :
L'université de Tokushima (Japon) a réussi en 2009 à séparer, à haute température et haute pression, la lignine des autres composants du bois, permettant de produire avec cette lignine à faible masse moléculaire l'équivalent d'une résine époxy résistante à la température et non conductrice de l'électricité, comparable selon ses inventeurs aux résines actuellement utilisées[43]. Des résines à bases de lignine sont déjà utilisées comme agent de charge et liant pour agglomérer les particules des panneaux de bois[41], renforcer des caoutchoucs[41] ou la charge adhésive dans les colles à froid à base d'aminoplaste[41] et de phénoplastes[41].
Un processus catalytique par réduction de l'oxygène de la lignine a été proposé, permettant la production de biocarburant pour l'aviation[44],[45].
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