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La Lice chansonnière est une des plus célèbres goguettes parisiennes. Ses membres portent le nom de licéens ou lycéens. Créée en 1831, son existence dure 136 ans. Elle disparaît en 1967[2]. Dans son héritage sont toujours connues deux célèbres chansons française : Ma Normandie de Frédéric Bérat et L'Internationale d'Eugène Pottier.
Au départ, la Lice chansonnière devait être fondée par deux goguettiers : Charles Le Page et Émile Debraux. La mort prématurée de ce dernier, le dans sa 35e année[3], modifie le projet. La Lice chansonnière est fondée en 1831 par Charles Le Page seul.
Au nombre de ceux qui se groupent avec lui à cette occasion, se trouve Louis Festeau, qui, dès cette année, remporte un premier prix dans cette société avec la chanson Le Défi, musique de l'auteur[4].
En 1832, le poète et chansonnier Édouard Hachin devient membre de la Lice chansonnière. Avec le temps, il en deviendra le plus ancien membre. Président d'honneur en 1878[5], il est toujours alerte et actif une dizaine d'années après. Et, octogénaire, il chante une chanson nouvelle à chaque banquet mensuel[6]. Il meurt en mai 1891 après 59 ans de participation à la Lice chansonnière[7].
De 1832 à 1856, les tracasseries policières conduisent la Lice chansonnière à de nombreux déménagements forcés de son lieu de réunion. Ces déménagements inspirent en 1881 à Édouard Hachin une chanson comique : Voyages de la Lice[8].
Le règlement de la Lice chansonnière est édité en 1833[9]. Le premier volume de ses chansons paraît en 1834[10]. Ce qui explique qu'il est souvent écrit que la Lice chansonnière a été fondée « vers 1834 ».
La Lice chansonnière refuse l'adhésion des femmes, excepté en 1834 où elle intègre dans ses membres la poétesse Élisa Fleury. Eugène Baillet dans une biographie de la poétesse publiée en 1898 a fait le récit de son admission[11] :
En 1835 est écrit et adopté le Chœur d'ouverture de la Lice chansonnière appelé couramment le Chant de la Lice, paroles de Blondel et Germain, musique de Blondel seul.
En 1836 au sein de la goguette est lancée la chanson Ma Normandie souvent évoquée aujourd'hui en France sous le nom de J'irai revoir ma Normandie. Elle est écrite et mise en musique par Frédéric Bérat. Laurent Quevilly écrit à propos de lui : « Il est un pur produit de la Lice chansonnière, fondée en 1834[12] par Charles Le Page, sorte d'académie populaire se réunissant chaque jeudi pour chanter en public. Sa devise : « Fumer, boire et chanter »[13]. »
En 1842 la Lice chansonnière accueille dans ses membres le fameux goguettier lyonnais puis parisien François Barrillot.
En 1845 paraît une publication : L'Écho de la lice[1].
En 1846 la société lyrique des Templiers publie une chanson de Charles Gille et Christian Sailer : Nos démissions à la Lyce Chansonnière où les deux goguettiers rejettent la Lice chansonnière, l'accusant de manquer de générosité, sincérité et refuser l'adhésion des femmes.
En 1849, la Lice chansonnière reçoit la visite de Gustave Courbet[14].
En 1856, la Lice chansonnière voit se clore son cycle de déménagements forcés. Elle établit ses réunions dans l'établissement nommé Aux Vendanges de Bourgogne, 14 rue de Jessaint et y restera au moins vingt-cinq années.
En 1863, La Muse gauloise. Journal de la chanson par tous et pour tous est fondée par Imbert et Marchal. Elle indique au nombre de ses collaborateurs l'ensemble des membres du Caveau et du Dîner des Vendanges, nom porté à l'époque par la Lice chansonnière[15].-
La Lice chansonnière a donc changé de nom à cette époque. Par la suite elle a repris son nom d'origine, sous lequel on la retrouve à nouveau.
La goguette, à la suite de la mort d'Élisa Fleury survenue le 28 décembre 1862, annule son banquet de en signe de deuil[16].
Le les lycéens sont rassemblés à une soirée au bénéfice d'un des leurs : le poète, éditeur, chansonnier, goguettier et mécène des goguettes Charles Durand. Gravement malade, il meurt le lendemain. Il avait vécu et était mort pauvre, car il avait fait le choix de vendre ses éditions à des prix abordables pour les bourses modestes[17].
En février 1872 Henri Nadot crée à la Lice chansonnière sa chanson pacifiste Les canons[18].
Le à la cérémonie d'inauguration du monument funéraire du chansonnier Desforges de Vassens au cimetière du Père-Lachaise à Paris sont représentées la Lice chansonnière, le Caveau et les Sociétés chorales de Paris[19].
Vers 1876 le poète et chansonnier montmartrois Jules Jouy fréquente la Lice chansonnière[20].
Le il inaugure sa propre goguette : Le Rire gaulois. Elle est essentiellement composée de membres de la Lice chansonnière dont il est à présent adhérent[22].
En mai 1880 survient la brouille entre la revue La Chanson et la Lice chansonnière. Cette revue fait part de l'événement à ses lecteurs[23].
Par la suite La Chanson ne rend plus compte des activités de la Lice chansonnière.
À l'époque de la rupture entre la revue et la Lice chansonnière, La Chanson mène campagne pour rassembler les goguettes en les fédérant sous la bannière politique de la République. Vouloir créer un syndicat des goguettes avec une direction, réduire les fiers licéens à ne plus être qu'une fraction d'un groupe de sociétés et introduire une orientation politique précise et générale pour toutes les goguettes adhérentes sont les raisons très vraisemblables de cette brouille[24].
L'année suivante, le , la Lice chansonnière fête joyeusement son cinquantenaire avec un banquet de 143 couverts. Les convives sont tous masculins, chantent et improvisent des chansons. Eugène Baillet, qui préside, chante Le Rondeau de la Lice chansonnière qu'il a composé pour cette occasion[25]. La fête est clôturée par une tombola[26].
Un journaliste du journal Le Temps, dans son compte-rendu de la fête relève que[27] : « Les braves gens réunis hier ne sont point des auteurs vivant de leurs productions, mais simplement des amateurs que rassemble le plaisir de chanter. Le président est horloger, tel autre marchand drapier, tel autre un ouvrier aisé qui a quelques loisirs. »
Parmi ces chansonniers amateurs il mentionne un homme politique : « Leconte, député de l'Indre, rimeur intarissable ».
Au nombre des distractions il y a ce soir-là le tour de marotte[27] :
En 1883 Eugène Pottier présente une chanson au concours de la Lice chansonnière et remporte la médaille d'argent.
Il retrouve à cette occasion le chansonnier Gustave Nadaud qui l'a croisé en 1848 et à qui il a alors fait une forte impression[28].
Grâce à ces retrouvailles une cinquantaine de chansons de l'auteur de l'Internationale sont publiées pour la première fois en 1884 et sauvées de l'oubli par Nadaud qui admire beaucoup le talent poétique de Pottier tout en étant très loin de partager ses opinions politiques.
Nadaud qui a financé l'impression du recueil de Pottier termine sa préface élogieuse par un distique :
L'initiative de Nadaud en faveur de Pottier incite ses amis politiques à publier en 1887 ses Chants révolutionnaires avec une préface de Henri Rochefort[30].
Sans Nadaud et la Lice chansonnière, ni l'Internationale ni les autres œuvres de Pottier ne seraient connues.
La Lice chansonnière est elle-même l'objet d'une chanson du licéen Charles Vincent intitulée Ma rentrée à la Lice[31].
Durant l'année 1893 la Lice chansonnière édite son propre périodique. Il est exclusivement réservé à ses membres et aux Visiteurs et porte le nom de La Lice chansonnière, sous-titré Société littéraire fondée en 1831[34].
Comme il apparaît dans un ouvrage publié en 1890 le règlement de la Lice chansonnière fait qu'elle a connu de nombreux présidents[35] :
Ses activités sont rapportées dans la presse non seulement à Paris, mais aussi en province. Ainsi en 1893 le numéro de février de sa revue écrit :
Il existe des liens entre la Lice chansonnière et des sociétés chantantes dans les provinces. En 1879 le goguettier lillois Alexandre Desrousseaux auteur du célèbre P'tit Quinquin est fait membre d'honneur de la Lice chansonnière. En 1892 c'est Gustave Nadaud de la Lice chansonnière qui rédigera l'épitaphe du chansonnier lillois. En 1893 en hommage à la Lice chansonnière le Temple de la chanson de Saint-Étienne donne à sa revue le nom de La Lice chansonnière du Forez[38]. En 1900 Le chansonnier et poète Ernest Chebroux est président de la Lice Chansonnière parisienne[10]. Il figure également par ailleurs membre d'honneur du Temple de la chanson de Saint-Étienne et président d'honneur du Caveau Lyonnais[39].
Le 59e volume de la Lice chansonnière paraît en 1900[10].
La Lice chansonnière est toujours active 80 ans après sa fondation : La Presse du publie une annonce de convocation à une de ses soirées[40], [36].
Après l’interruption causée par la Grande Guerre elle reprend ses activités en 1920[41]. En 1921, le poète Edmond Teulet est élu président.
À son concours annuel de chansons inédites, au côté du sujet libre figure en qualité de sujet imposé un thème résolument d'actualité : l'Aviation[37].
Le dimanche 1er février 1931, La Lice chansonnière célèbre son centième anniversaire par un banquet[42], comme elle l'avait déjà fait pour fêter son cinquantenaire en 1881[26]. En 1932, un article du magazine Les Dimanches de la femme rapporte le déroulement détaillé, riche, animé et vivant d'une de ses réunions.
Edmond Teulet est à l'époque président de la Lice chansonnière depuis 1921, soit onze années. Ce qui indique peut-être de la difficulté pour renouveler les cadres de l'association.
La Lice chansonnière disparaît finalement en 1967 au bout de 136 ans d'existence[2].
La Lice chansonnière paraît avoir pratiqué à partir d'un moment donné une sorte d'élitisme. Elle se présente alors comme en dehors et au-dessus des autres goguettes. En 1889 le licéen Henri Avenel cherchant à brosser un tableau du Paris chantant de l'époque établit une différence entre les « deux sociétés chantantes » : la Lice chansonnière et le Caveau d'une part et les centaines de goguettes d'autre part dont il ne donne aucun nom :
Pourtant les goguettes ne sont pas autre chose que des sociétés chantantes. Il semble apparaître ici qu'elles ne sont que des goguettes.
En 1893, La Lice chansonnière se donne en sous-titre dans sa revue interne Société littéraire ce qui est probablement une forme de différenciation supplémentaire d'avec les autres goguettes[34]. Dans cette revue figurent en couverture les portraits photographiques des sociétaires.
La Lice chansonnière refuse dans ses rangs les femmes, une exception cependant étant faite au cours de son histoire pour Élisa Fleury.
Le licéen Ernest Chebroux compose le numéro 99 de la Revue La Plume qui paraît le 1er juin 1893. On y trouve avec une introduction d'Armand Sylvestre des œuvres de Fernand Fau, Francis Magnard, Armand Sylvestre, Ernest Chebroux, Panard, Désaugiers, Béranger, Émile Debraux, Frédéric Bérat, Charles Gille, Pierre Dupont, Charles Colmance, Léon Deschamps, Eugène Pottier, Charles Vincent. Ces auteurs parmi lesquels se trouvent des goguettiers fameux étant censés être les représentants de la chanson classique. Se présenter y compris soi-même comme classique témoigne bien d'une volonté élitiste. Elle n'a pas empêché la Lice chansonnière de sombrer dans l'oubli. En 2010 seuls des spécialistes, curieux ou historiens la connaissent encore.
L'Écho lyrique écrit[46] :
Voici le punch qui bout et siffle dans la coupe,
Que la bande joyeuse autour du bol se groupe ;
En avant, les viveurs, usons bien nos beaux ans,
Faisons les lord Byron et les petits don Juans.
Théophile Marion Dumersan écrit[47] :
C'est ma Lison, ma Lisette,
La grisette.
Paul Avenel écrit[48] :
Le samedi , l'hebdomadaire Ric et Rac célèbre le centenaire de la bien vivante Lice chansonnière, dans un article documenté qui accrédite au moins deux fables sur les goguettes : le caractère inévitablement politique de celles-ci et la participation assidue de Béranger aux séances de la Société du Caveau. Les membres de cette dernière sont également qualifiés ici par erreur de « professionnels », alors qu'à l'époque la chanson était une spécialité et n'était pas une profession. Les goguettiers exerçaient tous une profession en plus de leur activité chansonnière[42] :
La Lice chansonnière.
La chanson est un genre très français qu'on a raison de remettre en honneur ! Approuvons ceux qui essayent de lui rendre un peu de sa vogue d'autrefois.
« Amis je viens d'avoir cent ans[49] », a pu fredonner à cette occasion la Lice chansonnière, qui vient d'atteindre son siècle d'existence, et qui l'a fêté dimanche dernier en de joyeuses agapes. Cette aimable société lyrique s'attache à perpétuer la tradition des anciennes goguettes qui pullulèrent sous la Restauration. On appelait ainsi de petits groupements de chansonniers amateurs qui, le soir après le travail, se réunissaient au cabaret pour chanter, sur des airs connus leurs modestes élucubrations sentimentales, bachiques, grivoises et surtout politiques, car on y daubait fort le gouvernement... Ces goguettes portaient des noms pompeux ou humoristiques, les Amis de la gloire, les Bergers.de.Syracuse, les Enfants de la Lyre, les Grognards, les Braillards, les Gamins, les Frileux, les Infernaux, les Lapins, etc. Dans chaque, quartier de Paris on en comptait au' moins une douzaine, sans parler de la fameuse société du Caveau, qui, fondée en 1729 par l'épicier-poète Gallet avec Piron, Panard, Collé et Crébillon fils, monopolisait les « as » professionnels de la chanson, Béranger en tête.
Beaucoup plus jeune, la Lice chansonnière prit naissance au début de 1831. Elle eut pour pères trois chansonniers en renom, Charles Lepage, qui lui trouva son titre, Piton du Roqueray qui fut professeur, et le populaire Émile Debraux qu'une mort prématurée emporta à 33 ans, le , sans lui laisser le temps d'assister seulement à la première séance de sa Lice chansonnière.
Émile Debraux est l'auteur de ces chansons à jamais célèbres qui, sous le règne des Bourbons, le firent emprisonner à Sainte-Pélagie pour avoir, glorifié Napoléon, « l'usurpateur » : Te souviens-tu ? écrite en 1817 :
Te souviens-tu ? disait un capitaine
Au vétéran qui mendiait son pain...
... Malgré les vents, malgré la terre et l'onde
On vit flotter, après l'avoir vaincu,....
Notre étendard sur le berceau du monde :
Dis-moi soldat, dis-moi t'en souviens-tu ?
Puis la Colonne (1818), avec ce quatrain resté légendaire :
... De quelle gloire t'environne
Le tableau de tant de hauts faits.
Ah ! qu'on est fier d'être Français
Quand on regarde la Colonne !
Depuis sa création, la Lice chansonnière publia chaque année un recueil des meilleures œuvres de ses membres ; on y trouve les noms de Gustave Nadaud, Édouard Hachin, Jules Leroy, Chebroux, Avenel, Octave Pradels et Pierre Lachambeaudie, doux poète révolutionnaire de 1848, auteur d'une étonnante chanson intitulée « Ne criez plus ; A bas les communistes ! » dont nous citerons par curiosité le premier couplet :
Quoi ! désormais tout penseur est suspect !
Pourquoi ces cris et cette rage impie ?
N'avons-nous pas chacun notre utopie
Qui de chacun mérite le respect ?
Ah ! combattez vos penchants égoïstes
Par les élans de la fraternité
Au nom de l'ordre et de la liberté,
Ne criez plus : A bas les communistes !
Voilà de quoi réjouir le camarade Cachin.
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