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constructeur en automobile et aéronautique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Gabriel Voisin, né le à Belleville-sur-Saône[1] et mort le à Ozenay[2], est l'un des plus célèbres pionniers français de l'aéronautique, tant civile que militaire, ainsi qu'un fabricant d'automobiles de luxe à la marque « Avions Voisin ».
Fils et petit-fils de fondeurs des côtés paternel et maternel, Gabriel Voisin fait ses études au lycée Ampère puis à l'école des Beaux-Arts de Lyon. Parallèlement à ses cours aux Beaux-Arts, il travaille comme dessinateur industriel dans le cabinet de M. Peguin à Lyon. Pendant son adolescence, il se livre avec son frère Charles à de nombreuses constructions artisanales, tricycle à pétrole, bateau à vapeur sur la Saône, et de nombreux essais de cerfs volants et de planeurs.
Son expérience dans le domaine des engins volants lui vaut d'être embauché en 1903 comme dessinateur pour Ernest Archdeacon, l'un des promoteurs et mécènes de l'aéronautique naissante.
Gabriel Voisin s'illustre très tôt dans le domaine de l'aviation. En 1905, il modifie pour des raisons de sécurité un de ses planeurs en hydravion et décolle de la Seine à Billancourt le 6 juin, remorqué par la vedette rapide La Rapière à moteur Panhard de 150 ch. Le vol est accompli à une altitude de quinze à vingt mètres sur une longueur de six cents mètres. L'appareil était un biplan à équilibreur avant, à deux flotteurs de type catamaran, d'une masse à vide de 360 kg et d'une surface portante totale (deux plans) de 50 m2. La modification du planeur en hydravion pour des essais sur la Seine a été financée par Ernest Archdeacon, fondateur de l'Aéro-Club de France.
Avec son frère Charles, il crée en janvier 1907 l'entreprise Voisin frères dans un vaste atelier situé rue de la Ferme à Billancourt. Leur premier client est Léon Delagrange auquel ils livrent un biplan de 10,50 mètres de long, 10 m d'envergure, présentant un empennage cellulaire à l'arrière et un plan "équilibreur" à l'avant. Leur appareil virait à plat, sans gauchissement, grâce à un léger dièdre du plan supérieur. L'appareil Voisin était équipé d'un moteur V8 à injection directe Antoinette de 50 ch, remarquablement léger pour cette époque. Charles Voisin décolle avec cet appareil en mars 1907, puis Delagrange effectue un vol en ligne droite de 300 mètres avec le même appareil, le 5 novembre 1907. Enfin et surtout, le même type d'appareil conçu et fabriqué par Voisin Frères et légèrement modifié par Henri Farman permit à ce dernier de remporter, le , le prix Deutsch de la Meurthe-Archdeacon récompensant le premier kilomètre bouclé en circuit fermé avec décollage et atterrissage normaux (autonome)[3].
Malgré la mort de son frère Charles lors d'un accident d'automobile le 12 septembre 1912 avec la baronne de Laroche, il poursuivit jusqu'en 1914 la construction d'avions d'abord pour les gentlemen-pilotes de l'époque puis pour l'aviation militaire. En 1912 Voisin sortit son biplan de 13,50 m à moteur rotatif de 50 ch et ailerons conjugués qui fut acheté par l'Armée. Il servira de prototype aux biplans Voisin de bombardement à charpente métallique et moteurs de 130 ch utilisés intensivement pour le bombardement de nuit en 1914-1918.
La réussite industrielle et commerciale vint avec la Première Guerre mondiale, au début de laquelle il présenta au ministère de la Guerre le premier avion à charpente tubulaire entièrement métallique. Équipé d'un seul moteur à hélice propulsive arrière, il offrait un cockpit avant très dégagé et pouvait transporter près de 350 kilos de bombes dans sa dernière version. Il servit essentiellement au bombardement de nuit sur objectifs lointains. Appareil sûr, extrêmement robuste et de pilotage aisé, il fut fabriqué à 10 400 exemplaires[4]. Il était équipé de moteurs allant du Salmson 130 ch à ses débuts au Renault de 300 ch dans sa dernière version. De nombreux exemplaires de cet appareil de bombardement furent également fabriqués sous licence, notamment en Russie.
En 1918, la guerre terminée, il se détourna de l'aviation et se lança dans la construction d'automobiles, domaine qui lui paraissait constituer un marché plus prometteur. En , Gabriel Voisin présenta son premier modèle : la C-1 ; il sera construit à près de cent exemplaires jusqu'en 1920. Après quelques tentatives dans les voiturettes et les motocyclettes, il se consacra à des modèles très étudiés : d'abord la C-1 à quatre cylindres puis la C-2 à douze cylindres en V. Vinrent rapidement la C-4 d'entrée de gamme et les C-S à tendance sportive. Il produisit près de mille voitures par an et remplaça son modèle à succès, la C-4, par la C-7 à partir de 1925. Un an plus tard, il livra ses voitures entièrement carrossées, contrairement aux usages de l'époque où les constructeurs fournissaient des châssis nus aux carrossiers. Au niveau sportif, il tenta, en 1923, d'appliquer de façon approfondie la technique aéronautique au prototype Voisin Laboratoire : optimisation du poids, carrosserie profilée en aluminium, pompe à hélice, absence de différentiel. Malheureusement, le manque de puissance des moteurs ne permit pas de grands résultats. Il lança ensuite la C-11, une six cylindres livrable avec une carrosserie en aluminium largement vitrée dite « lumineuse », évoluant en C-14 jusqu'en 1932. De 1920 à 1930, la marque Voisin fournira les voitures présidentielles de Paul Deschanel, d'Alexandre Millerand puis de Gaston Doumergue.
De façon anecdotique, le français René Stapp (en) développa entre 1930 et 1932 son « Jupiter », équipé de trois moteurs Bristol Jupiter 24L. de près de 400CV chacun, montés sur un châssis Voisin renforcé, mais après des essais à Daytona Beach en vue de battre les records mondiaux de Campbell, l'engin fut détruit dans un incendie sur la plage de La Baule-Escoublac.
L'inventivité de Voisin, son tempérament exigeant et son intransigeance, le conduisirent rapidement à produire essentiellement des véhicules haut de gamme : C-12, C-16, C-18, C-20, C-22 et C-24. L'incendie de son usine, mal assurée, puis la crise économique de 1929 entraînant la morosité du marché automobile dans les années 1930 l'obligèrent à laisser le contrôle de ses usines à des financiers[5]. Reflétant son passé aéronautique, Voisin présenta la C25 Aérodyne au Salon de Paris de 1934 puis, en 1935, l'Aérosport C-28 « ponton » sans ailes séparées.
Plusieurs projets restèrent à l'état de prototype tel la C-26, présentée en 1934, ou au stade d'exemplaire unique comme le coupé C-27 Aérosport avec son toit coulissant dans la malle arrière.
En 1938, Gabriel Voisin produisit quelques exemplaires de la C-30 équipée d'un moteur Graham-Paige dont le châssis inspirera André Lefèbvre pour certains éléments de la Citroën DS et qui sera la dernière Voisin[6]. Sa longue fidélité aux moteurs sans soupape, à chemises mobiles, du type Knight, qui fut un avantage au début des années 1920, où les ressorts des soupapes avaient une faible durée de vie, devint un inconvénient et l'empêcha de présenter des moteurs performants et fiables. Ils permirent néanmoins à Voisin de détenir de nombreux records de vitesse sur de longues distances, entre 1925 et 1930 : 10 000 km à 147 km/h de moyenne, puis trente mille kilomètres à 133 km/h de moyenne et, enfin, les cinquante mille kilomètres à 120 km/h de moyenne en 1930.
Après la Seconde Guerre mondiale, Voisin dessina le Biscooter, voiturette à moteur de 125 cm3 qui, légère et rustique, était conçue pour doter la France d'un véhicule économique mais qui fera carrière en Espagne.
Gabriel Voisin a pour client et ami l'architecte Le Corbusier, qui admire le côté futuriste de ses automobiles et qui possédait une C-7[11],[12]. Cette proximité donne naissance au Plan Voisin, une tentative de faire table rase des quartiers historiques de Paris - Rive droite pour les adapter à l'automobile, voire à l'aviation, en y construisant des gratte-ciel d'habitation pour pas moins de 500 000 personnes. Plus anecdotiquement, le garage trois places de la Villa Savoye avec sa rampe d'accès incurvée est dessiné en tenant compte des dimensions et du rayon de braquage d'une automobile Voisin de l'époque[13].
Gabriel Voisin se retire en 1958 sur les bords de la Saône, au Villars, puis non loin de là, dans le petit village mâconnais d'Ozenay. Il meurt en 1973, à l'âge de 93 ans et est inhumé dans le petit cimetière du Villars. Sa seconde épouse Henriette meurt en 1992 à 82 ans.
« À l'heure de dresser un bilan des évolutions techniques du vingtième siècle, et d'établir de même une ébauche de palmarès des hommes qui l'ont constitué, il est important de ne pas omettre celui qui fut l'un des personnages clés de son époque, offrant à ses contemporains son esprit créatif et l'étendue insoupçonnée de sa verve intellectuelle. Grand constructeur du vingtième siècle, Gabriel Voisin (1880-1973), véritable phénomène d'un monde moderne en devenir, aura ainsi exercé son talent, son génie, dans les deux secteurs de développement caractéristiques du second millénaire: l'aviation et l'automobile. Il sera en effet, durant une trentaine d'années, l'un des industriels français les plus prolifiques en ce qui concerne les projets, et les plus sophistiqués sur le plan des réalisations.
Épris de mécanique, doué d'une étrange intuition, d'une âme ingénieuse et d'idées à revendre, Gabriel Voisin est un virtuose du bricolage, inventif et généreux, doté de surcroît d'une obstination farouche et d'un caractère bouillant rehaussé d'une truculence langagière peu courante. Personnalité hors du commun, pourvu d'une étonnante capacité d'adaptation, Gabriel Voisin aura déroulé le fil de sa vie entre ombre et lumière, jonglant adroitement entre les exigences d'un marché industriel souvent chaotique et la ligne de conduite, inflexible et résolue, qu'il s'était assignée.
Lucide, altruiste plus que de raison, présentant une noblesse d'âme que bien peu lui renieront, il était conscient de la destinée unique et légendaire qu'il reçut en cadeau de l'existence. Nanti d'un esprit chevaleresque et d'une humilité à toute épreuve, il incarne à merveille la réussite sociale et le dévouement sans faille à sa patrie aux années sombres de l'histoire. »
— Emmanuel Mère, Gabriel Voisin, ou le pionnier magnifique
« Depuis [19]24, j'ai toujours trouvé en [Gabriel Voisin] l'ami le plus sûr. Un génie de la mécanique. Il méprisait Citroën (c'est un ingénieur, un assembleur de pièces). Le goût, la sûreté de ses dessins mécaniques, l'élégance, une continuelle invention : l'aérodynamisme des lignes, la malle arrière, le pneu de secours, l'abaissement du centre de gravité, les « bains-de-pied », pour les pieds des voyageurs, l'arbre central surélevé, l'usage de l'aluminium, l'influence de l'avion sur la voiture. Adoré et admiré des ouvriers. Je l'ai vu enseigner, dans ce langage d'usine qu'il maniait comme personne, ses ouvriers ébahis, se mettant à la place de l'homme, usinant la pièce à sa place. Inventeur comme Vinci. Je l'ai vu inventer des fusils, des pièges, des poêles, des lignes, des mini-moteurs (en Espagne), des meubles. Il peignait, dessinait, sculptait. Il s'est ruiné dix fois. [...]
[Gabriel Voisin] s'est ruiné parce qu'il n'était ni comptable, ni administrateur. Ses voitures trop parfaites, le coût de revient, il n'y pensait jamais. Indifférent à l'argent. Gai, violent, coléreux, enthousiaste, adoré des femmes, emmerdé par leur jalousie. Il avait trois ménages, il déjeunait deux fois avec deux femmes différentes. Rusé, roublard, Don Juan, burlador ; doué d'une puissance physique prodigieuse, se tuant au lit et à l'usine. [...] Je l'ai encore vu, il y a six ans, bricolant, montant ses meubles au premier étage au cours d'une inondation (une rivière passait sous sa maison), continuant à faire seul des travaux de géant. Jamais aidé, plein de mépris pour la bêtise, la lenteur des ouvriers, lui qui était l'aristocrate de l'adresse, de l'esprit, de l'audace, de l'invention. Un gentilhomme par la force, le courage, l'intrépidité. Sa vie ne fut qu'une longue lutte, aussi intense que le plaisir qu'il aimait, mais moins que le travail. Un des plus beaux, des plus complets types humains qui traversèrent ma vie. »
— Paul Morand, Journal inutile, tome 2, pp. 168-170 (janvier 1974)
Son nom est donné :
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