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fuite de Louis XVI et de sa famille De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La fuite manquée des et — plus connue sous les noms de « fuite de Varennes » ou « fuite à Varennes » — est un épisode important de la Révolution française, au cours duquel le roi de France Louis XVI, la reine Marie-Antoinette et leur famille immédiate tentèrent de rejoindre le bastion royaliste de Montmédy, à partir duquel le roi espérait lancer une contre-révolution, et furent arrêtés en route à Varennes-en-Argonne (Meuse, Lorraine).
Le départ de la famille royale de Paris est un projet récurrent depuis le , date à laquelle il a été pour la première fois abordé en conseil[1], mais cette fois, la situation va décider le roi Louis XVI à autoriser son entourage et celui de Marie-Antoinette d'Autriche, avec au premier rang Axel de Fersen, à lui soumettre un plan minutieusement organisé en vue d'une évasion du palais des Tuileries. Le roi n'est plus libre de ses mouvements, et se trouve même de fait, avec sa famille, prisonnier à Paris, placé avec les siens sous surveillance étroite. La Fayette, en tant que général commandant de la garde nationale, est en effet chargé de la protection de l'exécutif, mais également de la surveillance assidue de la famille royale. Premier responsable mis au courant de ce départ, il donne immédiatement, et seul, l'ordre d'envoyer des hommes dans toutes les directions possibles, ce qui conduira à la reprise du roi. La Fayette, bientôt suivi par l'Assemblée, élabore et défend une communication publique d'un prétendu enlèvement du roi, et ne diffuse pas la « déclaration à tous les Français » rédigée par Louis XVI afin d'expliquer son départ de Paris (cf. le testament politique de Louis XVI, infra)[2].
Le plan de la fuite consistait à rallier discrètement la place forte de Montmédy, pour y rejoindre le marquis de Bouillé, général en chef des troupes de la Meuse, Sarre et Moselle, coorganisateur de l’évasion. Une série de mauvaises applications de ce plan transformera cette tentative en un échec, ce qui fera progresser l'idée de l'instauration d'une république.
L'événement sera à l'origine de la scission entre le club des feuillants, opposé au renversement du roi malgré sa fuite, et le club des Jacobins républicains, associé désormais à Robespierre.
Cela fait de nombreux mois que Louis XVI songe à quitter Paris. Le plan d'évasion était déjà prêt, mais la crainte d'une guerre civile le retenait. Deux événements vont décider Louis XVI à vouloir reprendre la main par la force[3] :
Les premières traces de préparation de la fuite datent de . Il semble que le plan initial ait été apporté par l'évêque de Pamiers, Joseph-Mathieu d’Agoult : « Sortir de sa prison des Tuileries et se retirer dans une place frontière dépendant du commandement de M. de Bouillé ». Là, le roi réunirait des troupes « ainsi que ceux de ses sujets qui lui étaient restés fidèles et chercherait à ramener le reste de son peuple égaré par des factieux »[5]. Seulement si ce plan échouait, le recours aux « alliés », c'est-à-dire à l'empereur du Saint-Empire, Léopold II d'Autriche, frère de Marie-Antoinette, était envisagé.
Le roi, qui reste le cerveau de son « voyage à Montmédy » comme il nomme lui-même cette opération, a chargé de l'organisation les personnages suivants :
Dès septembre, l'évêque de Pamiers s'était rendu à Metz rencontrer Bouillé, commandant des troupes de l'Est. Ce dernier eut même l'idée de demander à l'empereur, allié du roi, de faire avancer quelques troupes sur la frontière, et ainsi demander du renfort de ses meilleurs régiments. Un courrier de Marie-Antoinette à Mercy-Argenteau prouve cette demande de mouvement des troupes « alliées » vers la frontière française.
Ce plan très confidentiel est évoqué dans les mémoires du comte de Provence[7]. Il y dit qu'il a été mis au courant de la destination finale de Louis XVI (Montmédy) le . Il a lui aussi quitté Paris dans la nuit du (il demeurait au Petit Luxembourg). Déguisé, muni d'un « passe-port » anglais, il rejoint ainsi les Pays-Bas autrichiens, via Avesnes-sur-Helpe et Maubeuge.
Au mois de lors du départ du roi et de la famille royale pour Montmédy, M. de Bourcet partit pour Mons, en terre autrichienne, où il devait trouver des ordres[8], mais il fut arrêté à Valenciennes. M. de Bourcet prit le nom, le brevet, les lettres de services, le passeport et l'uniforme de son cousin M. de Polastre. Il put sortir de Paris, mais reconnu pour ne pas être cet officier, il fut arrêté. Il allait être livré à un conseil de guerre, lorsque la nouvelle de l'arrestation de la famille royale parvint de Valenciennes. M. de Bourcet s'échappa et revint à Paris. Il était près du roi au château des Tuileries, le .
Le principe consistait à se faire passer pour l'équipage de la baronne de Korff, veuve d'un colonel russe se rendant à Francfort avec deux enfants, une femme, un valet de chambre (Louis XVI) et trois domestiques. Une berline fut spécifiquement commandée (infra).
Le trajet, choisi par Louis XVI pour se rendre à Montmédy, empruntait la route de Châlons-sur-Marne. À Pont-de-Somme-Vesle un premier détachement de 40 hussards de Lauzun, aux ordres du duc de Choiseul suivrait l'équipée jusqu'à Sainte-Menehould, où un détachement du régiment royal dragons escorterait directement la berline : à Clermont-en-Argonne, un escadron du régiment des dragons de Monsieur aux ordres du comte Damas rejoindrait la berline. À la sortie de Varennes, un escadron de hussards de Lauzun bloquerait durant vingt heures les éventuels poursuivants : le poste de Dun-sur-Meuse serait gardé par un escadron des hussards de Lauzun et le régiment du Royal allemand cantonnerait à Stenay. Le roi pourrait gagner ainsi la place forte de Montmédy où l'attendrait le marquis de Bouillé. Il était ensuite prévu que la famille royale soit un temps logée dans le château de l'abbé de Courville, situé dans la bourgade de Thonnelle, à la sortie de Montmédy et à seulement quelques kilomètres des frontières du Saint-Empire.
En réalité, rien ne va se passer ainsi. Selon de nombreux passionnés de cet événement, comme Napoléon Bonaparte (dont un courrier sur le sujet a été exhumé des archives par l'historien André Castelot), le grand responsable de cet échec est le duc de Choiseul. Ce dernier n'a pas, d'une part, respecté les directives de Bouillé et a, de plus, désorganisé le plan initial. Ainsi, il a autorisé des officiers (qui attendaient un « trésor » à escorter) à quitter leur poste, en raison du retard du cortège royal. Pour ce faire, il a confié ses instructions au coiffeur de la reine, Léonard, qui les appliqua avec trop de zèle. Sans cela, toujours selon le mot de Napoléon, la face du monde aurait été changée.
Sans cette désorganisation, et de nombreux retards, les hommes de La Fayette, à la poursuite du convoi, n'auraient pas rencontré Jean-Baptiste Drouet, maître de poste de Sainte-Menehould. Ce dernier s'est souvenu avoir vu, une heure avant, une berline correspondant à la description et s'est rappelé qu'elle se dirigeait vers Varennes. La municipalité de Sainte-Menehould l'y dépêche, avec un autre habitant, afin qu'ils arrêtent le convoi. Empruntant un raccourci, ils arrivent avant la berline et convainquent les autorités locales de faire contrôler scrupuleusement les passeports. Bloqué une partie de la nuit, le roi refusa que la force fût employée (des hussards et une partie de la population étaient prêts à couvrir son départ). Louis XVI attendait, en vain, le renfort de Bouillé, qui aurait dû arriver. Pendant ce temps, les habitants de Varennes, et de nombreuses personnes, venues des environs, alertés par le tocsin, s'étaient massés à Varennes.
Le roi ayant ainsi été retardé, l'aide de camp de La Fayette, Romeuf (autre homme clef de cette arrestation) eut le temps d'arriver, muni d'un décret de l'Assemblée ordonnant l'arrestation de la famille royale. Possédant la légitimité de la garde nationale et de l'Assemblée, il prit l'ascendant. Mais alors, voyant qu'il n'organisait pas sans tarder le retour du roi à Paris, son adjoint Bayon, « patriote », et quelques autorités locales se sont dressés contre le projet de Louis XVI. À ce moment, environ 10 000 personnes s'étaient agglutinées à Varennes. Certains scandèrent « À Paris ! À Paris ! » « Vive la nation ! », ce qui exacerba les tensions. Romeuf sera arrêté le suivant, pour s'expliquer sur son rôle. Il sera relâché, deviendra plus tard général et baron d'Empire. Son nom est gravé sur l'arc de triomphe de l'Étoile.
Fersen, au nom de Mme de Korff, sollicita du ministre Montmorin un laissez-passer que celui-ci signa en ne soupçonnant rien. La signature du roi fut moins difficile à obtenir. Voici les identités d’emprunt des membres de l'équipée :
Le , une voiture susceptible de tenir six personnes, robuste et confortable, est commandée au carrossier Jean Louis, implanté quai des Quatre-Nations (quai Malaquais, aujourd'hui hôtel Parabère). La caisse et les moulures de cette berline seront peintes en vert et le train et les roues en jaune citron. Elle comportera un attelage de six chevaux. Cette demande de « fourniture » émane de la baronne Anna de Korff et c'est Fersen qui joue les intermédiaires. Durant tout l'hiver, il le fait presser son travail. La berline est terminée le , mais personne ne vient la chercher avant le .
Elle correspondrait à un véhicule de voyage conforme à l’usage pour effectuer un long trajet (cette berline servit d’ailleurs de diligence, assurant le Paris-Dijon jusqu’en 1795, date à laquelle elle fut détruite dans un incendie). L'historienne spécialiste de Louis XVI, Pierrette Girault de Coursac avance la comparaison suivante : « on peut la qualifier de belle Mercédès, mais certainement pas de Rolls-Royce ». Trois « gardes du corps » accompagnent la famille royale : Malden, Vallory et Moutier. Ils seront cochers ou chevaucheront devant ou à côté de la berline pour préparer les relais. Michelet voit ici une des raisons de l'échec de la fuite : la reine avait choisi elle-même ses gardes du corps, privilégiant le dévouement à la compétence. Il en va de même pour le choix de Fersen et le jeune duc de Choiseul (30 ans seulement) comme principaux exécutants du plan de fuite. Bien que très loyaux, ils n'en sont pas moins incompétents et très inexpérimentés pour une mission de cette nature.
C'est à Fersen que revenait l'organisation de la sortie des Tuileries. L'historien André Castelot souligne la difficulté de quitter secrètement un palais (qu'il qualifie de caravansérail) où dormaient, sur des couches à même le sol, de nombreuses personnes. Les hommes de La Fayette, qui s'était engagé sur sa tête à ce que le roi ne tente pas de s'échapper, étaient vigilants.
Pour quitter les Tuileries afin de rejoindre une « citadine » (petite voiture) garée rue des Échelles, il faut donc, après avoir procédé à la cérémonie du coucher (réduite, mais toujours en vigueur en 1791), connaître les mouvements des sentinelles. Vite déguisés, le roi, la reine, la gouvernante accompagnée du dauphin et de Madame Royale, la marquise, et Madame Élisabeth, quittent le palais en direction de la citadine, dont le cocher est le marquis de Briges. Ce dernier et Fersen les emmènent ensuite, via la rue du Faubourg-Saint-Martin, à la barrière de la Villette. Il est 1 h 20. Celle-ci passe sans problème, étant donné que les responsables de la barrière fêtent le mariage de l'un d'eux. Une fois sortis de la capitale, tout le monde descend pour s'installer dans la berline qui les attend, avec les trois valets en livrée jaune ! Fersen peut alors faire ses adieux.
Deux femmes de chambre de Marie-Antoinette, madame Brunier et madame Neuville, les premières dames de Madame et du Dauphin, quittent les Tuileries pour Claye-Souilly, où elles doivent rejoindre la berline royale.
Dans le même temps, dans l'Argonne (et dans la Marne), 180 dragons, sous le commandement du colonel de Damas, cantonnent à Clermont-en-Argonne et au village voisin d'Auzéville-en-Argonne. 40 hussards de Lauzun, commandés par le sous-lieutenant Boudet, cantonnent à Sainte-Ménéhould. Ils doivent rejoindre le lendemain Pont-de-Somme-Vesle, premier relais après Châlons-en-Champagne.
Axel de Fersen emmène des Tuileries le Dauphin (futur Louis XVII), sa sœur, Marie-Thérèse de France et leur gouvernante, Louise-Élisabeth de Croÿ de Tourzel. Il fait le tour du Louvre par les quais, et revient se positionner rue de l'Échelle, à côté du Louvre, en attendant le Roi, la Reine et Élisabeth.
Louis XVI et Marie-Antoinette font semblant de se coucher, selon le cérémonial habituel. La Fayette et Romeuf sont venus faire la visite de courtoisie habituelle, retardant ainsi la fin de la cérémonie du coucher.
Louis XVI, déguisé en valet de chambre, monte dans une « citadine » (voiture de ville) stationnée près des Tuileries, rue de l’Échelle. Il y retrouve sa sœur, Élisabeth de France, et Marie-Antoinette l'y rejoint à 0 h 35, Marie-Antoinette s’étant perdue dans les méandres des rues entourant le Louvre. Selon Michelet, Choiseul avait réservé la dernière place pour un de ses hommes de main : Louis-Fouquet de Vincens de Saint-Michel, marquis d'Agoult (1737-1813). Louise-Élisabeth de Croÿ de Tourzel, fait valoir qu'en sa qualité de gouvernante, elle a fait serment de ne pas quitter les enfants royaux, et qu'il doit lui céder sa place. Louis XVI intercédera à sa demande, et le soldat sera forcé de descendre de la voiture. Michelet voit là l'une des raisons de l'échec de la fuite, l’expédition perdant un homme compétent et connaissant le pays, au profit d'une passagère inutile.
La famille royale atteint la berline avec une heure et demie de retard sur l’horaire prévu.
Premier relais à Bondy : Axel de Fersen, qui avait accompagné la famille royale la quitte[9].
Un cabriolet avec les deux femmes de chambre rejoint la berline royale à Claye-Souilly.
Le valet de chambre s’aperçoit que Louis XVI n’est pas dans la chambre aux Tuileries, et à la place du roi il trouve le texte laissé par ses soins : « Déclaration de Louis XVI à tous les Français à sa sortie de Paris », document manuscrit de 16 pages rédigé de la main du roi dans les jours précédant son départ, considéré comme « le testament politique de Louis XVI ». Ce texte sera censuré par La Fayette sur le moment, puis par l'Assemblée, qui ne le diffusera pas. Il ne fut jamais connu des Français ni diffusé dans son intégralité à l'époque révolutionnaire. D'une part, Louis XVI y accuse les Jacobins, et leur emprise croissante sur la société française. D'autre part, il y explique sa volonté : une monarchie constitutionnelle, avec un exécutif puissant et autonome vis-à-vis de l'Assemblée. Ce document historique majeur a été redécouvert en [10], et acquis par le musée des Lettres et Manuscrits à Paris. Le roi commente son sentiment sur la Révolution, en critique certaines conséquences, sans pour autant en rejeter les réformes importantes, comme l'abolition des ordres et l'égalité civile.
Le comte de Provence (futur Louis XVIII) quitte quant à lui Paris au petit matin, avec son ami d’Avaray, et arrive sans la moindre difficulté par Maubeuge et Avesnes-sur-Helpe, à Mons, en Belgique. De là il gagne Marche-les-Dames où il apprendra plus tard l’arrestation de son frère Louis XVI.
La nouvelle du départ de Louis XVI se répand dans Paris. L’Assemblée constituante, après avoir hésité entre la fuite ou l’enlèvement, déclare qu’il a été « enlevé ».
60 hussards du régiment de Lauzun aux ordres du sous-lieutenant Röhrig cantonnent au couvent des Cordeliers à Varennes-en-Argonne : ils y sont présents depuis le , avec un détachement principal le . Un détachement de 100 hussards aux ordres du chef d'escadron Deslon tient le poste de Dun-sur-Meuse à 24 km de Varennes : un détachement de 40 hussards est confié au sous-lieutenant Boudet, sous les ordres du duc de Choiseul pour accueillir la famille royale à Pont-de-Somme-Vesle, à la sortie de Châlons-en-Champagne. La berline arrive à Viels-Maisons, l'aubergiste François Picard reconnait le roi. Les postillons et palefreniers sont mis au courant.
Les voitures royales s’arrêtent à Montmirail. Elles ont trois heures de retard sur l’horaire prévu. À Paris, La Fayette envoie des courriers dans toutes les directions pour arrêter la famille royale. À Sainte-Menehould et Clermont-en-Argonne, la population s’inquiète de l’arrivée des cavaliers ; la garde nationale prend les armes.
Passage à Chaintrix où le roi est reconnu par le maître de Poste. À la sortie de Chaintrix, les chevaux s'affalent deux fois. Vers 16 h, arrive à Chaintrix le hussard de Briges qui a décidé de rejoindre le roi dès qu'il a appris son départ. Vers 17 h arrive Bayon, courrier envoyé par La Fayette. Il interroge Briges jusqu'à 19 h 45. Mais il a pris soin d'envoyer un courrier à sa place (le fils de la poste de Lagny). Ce dernier relaiera jusqu'à Châlons en portant le message de La Fayette annonçant le passage du roi. Le courrier de l'Assemblée nationale Romeuf, porteur de l'ordre d'arrestation du roi, passe à 17 h.
La berline royale arrive à Châlons-en-Champagne par l'avenue de Paris, ils traversent la Marne et prennent la rue de Marne. Avec quatre heures de retard, ils relaient chez le maître de poste Viet, au 94, rue Saint-Jacques (actuellement rue Léon-Bourgeois). Puis ils reprennent la direction de Sainte-Menehould. Les hussards du régiment de Lauzun détachés à Pont-de-Somme-Vesle, las d’attendre le passage des voitures royales et menacés par les paysans[réf. nécessaire], reçoivent l’ordre de leur jeune chef, le duc de Choiseul, de se replier à travers champs et de gagner Varennes-en-Argonne en évitant les routes.
Le cabriolet, suivi de la berline royale, s’arrête devant le relais de Sainte-Menehould.
Le maître de poste, Jean-Baptiste Drouet, qui a séjourné à Versailles, reconnaît le roi mais ne réagit pas.
Dans son témoignage devant l'Assemblée constituante, le , il affirme : « Je crus reconnoître la reine ; et apercevant un homme dans le fond de la voiture à gauche, je fus frappé de la ressemblance de sa physionomie avec l'effigie d'un assignat de 50 livres »[11].
Il ne se lance à la poursuite de la berline royale que lorsque la municipalité le mandate après délibération.
Les deux voitures quittent le relais en direction de Clermont-en-Argonne, où les attend un détachement de dragons commandé par le colonel Damas. Ceux-ci, pactisant avec la population, refusent les ordres et laisseront passer la berline. En fait Damas ayant parlé avec le roi, celui-ci souhaite rester incognito et relayer sans autre formalité, Damas se propose de le suivre à distance. Damas ne pourra prendre la route qu'avec quelques soldats.
Constatant « qu'après avoir demandé des chevaux pour Verdun, ces voitures prenaient la route de Varennes[12] », Jean-Baptiste Drouet et son ami Jean-Chrisosthome Guillaume[13] montent à cheval. Ils se dirigent par la forêt d’Argonne vers le village des Islettes pour rejoindre Varennes-en-Argonne, où ils pensent que se dirigent les voitures royales. À Sainte-Menehould, les dragons sont désarmés sans résistance par la population.
La berline royale s’arrête à l’entrée de Varennes pendant qu’un postillon cherche le relais.
Les voyageurs sont étonnés de ne trouver aucun des cavaliers qui devaient les escorter.
Ils frappent à la maison de monsieur de Préfontaines, qui dit tout ignorer d’un relais.
En effet, ne voyant rien venir, le relais a été déplacé dans la ville basse, de l’autre côté du pont enjambant l’Aire.
Jean-Baptiste Drouet et Jean-Chrisosthome Guillaume arrivent à Varennes, passent devant la berline arrêtée et avertissent le procureur-syndic, l’épicier Jean-Baptiste Sauce, que les voitures de la famille royale en fuite sont arrêtées en haut de la ville. Ils décident de barricader le pont de l’Aire, par lequel doit passer la berline royale. La garde nationale de Varennes se mobilise et son commandant, le futur général Radet, fait mettre deux canons en batterie près du pont.
Les deux voitures de la famille royale sont immobilisées à quelques encablures de la barricade, devant la voûte de l’église Saint-Gengoult, qui enjambe la rue[14].
Jean-Baptiste Sauce, sous la pression des patriotes qui se trouvent à l’estaminet du « Bras d’or », oblige les voyageurs à descendre de voiture, et les fait entrer dans sa maison, qui est à quelques pas.
Le tocsin sonne, la garde nationale est mise en alerte. Bayon et Romeuf, qui depuis Paris portent l'ordre d'arrêter la famille royale, arrivent peu de temps après[réf. nécessaire], ainsi que les hussards errants de Choiseul et Goguelat.
Le juge Destez qui a vécu assez longtemps à Versailles, et que Jean-Baptiste Sauce est allé chercher, reconnaît formellement le roi. Les hussards de Lauzun, cantonnés au Couvent des Cordeliers, n'ayant pas été rassemblés par leurs officiers (dont le lieutenant Bouillé, fils du marquis de Bouillé), pactisent avec la foule. Le chirurgien Mangin monte à cheval pour porter la nouvelle de l'arrestation à Paris.
Le détachement des hussards de Lauzun, aux ordres du duc de Choiseul et de retour de Pont-de-Somme-Vesle, rentre à Varennes et se place en garde devant la Maison Sauce. À la demande du duc de Choiseul, le sous-lieutenant Röhrig part pour Stenay, prévenir le marquis de Bouillé (le chevalier de Bouillé, incapable d'initiative était déjà parti rejoindre son père à Stenay).
Le tocsin sonne et de plus en plus de paysans et de gardes nationaux arrivent à Varennes.
Le chef d'escadron Deslon, responsable du poste de Dun-sur-Meuse, ayant vu passer le chevalier de Bouillé vers 3 h du matin, puis le sous-lieutenant Röhrig, comprend ce qui se passe à Varennes, fait monter son escadron de hussards, et arrive à Varennes vers 5 h 30. S'il ne peut entrer dans le village mis en alerte avec sa troupe, il rencontre néanmoins le roi et sa famille et propose une sortie en force sous la protection des hussards de Lauzun, encore fidèles. Le roi refuse, souhaitant attendre l'arrivée des troupes du marquis de Bouillé.
Les patriotes de Varennes, avec les envoyés de l’Assemblée législative, Bayon et Romeuf, officiers de la garde nationale de Paris, arrivés vers 7 h[réf. nécessaire], décident de renvoyer la famille royale à Paris. Alertée par le tocsin qui sonne partout une foule énorme vient border la route suivie par le cortège des « prisonniers », encadré par la garde nationale varennoise et les dragons ralliés aux patriotes : il est 8 h, la berline royale reprend la route de Paris.
Le duc de Choiseul et le comte de Damas sont arrêtés par la foule. Le chef d'escadron Deslon essaye en vain de combiner une opération de la dernière chance avec les hussards présents à Varennes et son détachement bloqué devant le village, mais sans carte, il ne trouve pas un gué pour passer la rivière l'Aire avec son escadron. Le régiment royal allemand n'arrive à Varennes qu'à 9 h. Il ne reste plus que l'émigration pour les officiers compromis dans cette aventure.
À Paris, l’Assemblée constituante prévenue par Mangin de l’arrestation de la famille royale, nomme trois commissaires, Antoine Barnave, Jérôme Pétion de Villeneuve et Charles-César de Faÿ de La Tour-Maubourg, pour ramener la famille royale à Paris. Pétion et Barnave monteront dans la voiture de la famille royale. Aux abords de Paris, selon Michelet, Pétion (très populaire alors) se placera entre le Roi et la Reine afin de décourager un éventuel tir de mousquet dans leur direction.
La famille arrive à Châlons-en-Champagne, par la porte Sainte-Croix, qui avait été dédiée à la Dauphine lors de son arrivée en France le , et elle y passe la nuit à l'hôtel de l'Intendance.
Le cortège royal quitte Châlons-en-Champagne, après avoir reçu une délégation du directoire de la ville conduit par Louis-Joseph Charlier à 10 h, et assisté à la messe, qui sera interrompue.
Le cortège arrive à Épernay, où la famille royale dîne.
Les trois députés de l’Assemblée constituante, accompagnés du colonel Mathieu Dumas rejoignent la famille royale à Boursault, entre Épernay et Dormans. Ils couchent à Dormans. À Paris, le club des cordeliers demande l’établissement de la République.
Le cortège part pour Paris et s’arrête à La Ferté-sous-Jouarre pour déjeuner, puis à Meaux pour la nuit. À Paris, une pétition, signée de 30 000 noms, réclame la République.
La famille royale quitte Meaux. À Paris, dès l’aube, une foule immense prend la direction de Meaux. La ville est inondée de pamphlets violents, injurieux pour le roi et la reine.
Les premiers Parisiens rencontrent la famille à Villeparisis. L’Assemblée nationale décrète la suspension de Louis XVI.
Le cortège royal arrive sur les « nouveaux boulevards » (actuels boulevards de La Chapelle, Rochechouart, Clichy, etc.). Pour éviter de trop violentes manifestations, la municipalité a décidé que les fugitifs feraient le tour de Paris et rentreraient aux Tuileries par les Champs-Élysées et la place de la Concorde. La garde nationale forme la haie, mais la crosse en l’air, comme pour un enterrement. Le silence a été ordonné : « Quiconque applaudira le roi sera bâtonné, quiconque l’insultera sera pendu. » Il est 22 heures.
Au passage de la berline royale et de sa double haie de gardes nationaux précédés par La Fayette, on se montrait sur les sièges les trois gardes du corps du Roi (Malden, Moustier et Valory) qui arrivaient les mains liées derrière le dos. La foule était immense, mais silencieuse, ou presque : on entendait quelques cris de « Vive Drouet ! Vive la Nation ! Vive la brave garde nationale ! ». En effet, La Fayette avait interdit toute manifestation de soutien ou de haine.
Lorsque la voiture royale arriva aux Tuileries, la fureur de la foule éclata. Il s’en fallut de peu que Marie-Antoinette ne fût écharpée. Le duc d’Aiguillon et Louis-Marie de Noailles la sauvèrent de justesse.
La tentative de fuite à Varennes allait, dans les faits, sceller le destin de la famille royale. Le ralliement de Louis XVI à la Constitution, et son serment de fidélité le , auront peu de poids face aux soupçons de trahison, dont la tentative de fuite constituait une preuve éclatante.
Au-delà même des erreurs d’organisation de cette équipée, l’arrestation du roi marque véritablement un tournant dans la Révolution. L'idée d'une république commence à faire son chemin[15]. Les partisans de l'abolition de la Monarchie vont utiliser cet événement pour dépeindre Louis XVI en ennemi de la Révolution. Ce départ, justifié par Louis XVI (cf. ci-dessous, le testament politique), est alors assimilé à une fuite.
Cette fuite constituera un des chefs d’accusation développés par la Convention en [16].
D'autre part, la fuite de Louis XVI fut dans tous les esprits lors des débats à l'Assemblée nationale, en 1792, sur le rétablissement des passeports et l'alourdissement des contrôles requis.
Le matin du , le valet de chambre de Louis XVI découvre sur le lit, en lieu et place du corps du roi, un texte de 16 pages écrit de la main de Louis, intitulé « Déclaration à tous les Français », justifiant son départ de Paris[1]. Louis XVI voulait en effet s'adresser directement au peuple afin de le faire juge de la situation politique du pays. Contrairement à ce qui est souvent dit, si l'Assemblée était divisée sur la fuite du roi, peu compatible avec la monarchie constitutionnelle, une partie des députés parlèrent clairement de fuite et surtout le texte laissé par le roi et communiqué à l'Assemblée par De La Porte, fut en partie publiée immédiatement par le Moniteur universel, le , p. 4 . Le roi contestait les limites apportées à son pouvoir. On comprend mieux les réactions très vives qui eurent lieu dans tout le pays dès le contre le roi.
Traditionnellement appelé « le testament politique de Louis XVI », ce document a été redécouvert en [17].
Ce document historique majeur explique la volonté du roi : une monarchie constitutionnelle avec un exécutif puissant et autonome vis-à-vis de l'Assemblée.
Par ailleurs, il commente son sentiment sur la révolution, en critique certaines conséquences sans pour autant rejeter les réformes importantes comme l'abolition des ordres et l'égalité civile.
Conclusion du manuscrit :
« Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d'une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n'aura-t-il pas d'oublier toutes ces injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution qu'il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables. À Paris, le , Louis[18]. »
Sa rédaction avait initialement été confiée au comte de Provence, mais Louis XVI, trouvant les propos trop agressifs à l'égard de l'Assemblée, le réécrivit dans sa quasi-totalité, nous apprennent Les mémoires du comte de Provence[19]. Le manuscrit préparatoire de huit pages du comte de Provence est également connu.
Plusieurs participants directs ou indirects ont écrit leurs mémoires. On peut citer celles de François Claude de Bouillé, du marquis de Choiseul, qui aidèrent à la fuite et celles du comte de Moustier, Valory ainsi que celle de la marquise de Tourzel qui participèrent à la fuite les premiers en tant que garde du corps et Mme de Tourzel en tant que baronne de Korff.
Plusieurs historiens, contemporains ou de peu, de l’événement, ont également relaté ce dernier dont les plus connus restent Charles de Lacretelle et Jules Michelet.
Alexandre Dumas s’est intéressé à la fuite de Varennes lors de l’écriture de son roman La Comtesse de Charny. Il s’est alors abondamment documenté sur le sujet et a refait lui-même le trajet, plus d’un demi-siècle plus tard, reconstituant les lieux, recherchant des témoins visuels et pointant ainsi les imprécisions des historiens. Il relate sa quête dans La Route de Varenne, publié en 1860.
Pour certains, l'épisode de Varennes constitue un élément de preuve de la duplicité du roi, qui n'aurait accepté officiellement la Révolution française que pour sauver son titre royal et n'aurait attendu qu'une occasion pour rejoindre les princes étrangers. Pour d'autres, c'était l'occasion de reprendre la main à partir d'une constitution équilibrant les pouvoirs. Michelet de son côté ne doute pas que l'objectif du roi était de revenir à la tête d'une armée d'émigrés dans le but de mener une contre-révolution par la force.
En 2009, à propos d'un téléfilm sur le sujet (« Ce jour-là, tout a changé : l'évasion de Louis XVI »), l'historien Jean-Christian Petitfils a émis une thèse différente : « Le scénario qui m'avait été présenté aborde deux thèmes essentiels et pourtant peu connus, ou en tout cas que les historiens en général n'ont pas pris en compte : Louis XVI est prêt à s’entendre avec les révolutionnaires, il accepte le principe d’une monarchie limitée. Néanmoins, il souhaite conserver une autorité dans certains domaines politiques. Mais cette volonté est rejetée par une grande majorité de députés de l’assemblée. (…) »[20].
Un collectif d'historiens a fortement critiqué la thèse de Petitfils. Ils citent notamment l’historien Edgar Quinet qui a évoqué le plan de Mirabeau (devenu secrètement conseiller de la Cour jusqu’à sa mort le ) : le roi devait se réfugier dans une place forte au milieu des régiments fidèles, dissoudre l’Assemblée, et reprendre Paris aux révolutionnaires. Ils citent l'historien Alphonse Aulard : « Dès le mois d’octobre le projet était arrêté de partir secrètement pour Montmédy. L’empereur ferait sur nos frontières une démonstration militaire qui effraierait les patriotes. Louis XVI marcherait sur Paris avec l’armée de Bouillé. » Ils invoquent l'historien François Bluche pour qui « Louis XVI prisonnier de Paris depuis le , ulcéré d’avoir dû accorder sa sanction à la Constitution civile du clergé votée le et condamnée par le pape le , est décidé à ne plus jouer le rôle que les circonstances lui imposaient depuis presque deux ans. Il est résolu à fuir la capitale, à se réfugier en province à Montmédy afin de retrouver au moins la plénitude de ses attributions constitutionnelles »[21].
Cette dernière version, de François Bluche, correspond d'ailleurs à la thèse du téléfilm et de Jean-Christian Petitfils.
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