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L'effet Lense-Thirring (aussi appelé précession Lense-Thirring ou frame-dragging en anglais) est un phénomène astrophysique de faible ampleur prédit par la relativité générale d'Albert Einstein et qui aurait un effet significatif autour d'objets en rotation très rapide et dans un champ gravitationnel extrêmement fort, comme un trou noir de Kerr. Il s'agit d'une correction relativiste apportée à la précession gyroscopique d'un corps dont la masse et la vitesse angulaire appartiennent à un ordre de grandeur qui échappe à la mécanique newtonienne.
Pour obtenir la précession totale d'un tel corps, il est nécessaire de combiner la précession de Sitter, qui tient compte de la déformation de l'espace-temps intrinsèque à un corps stable, avec la précession de Lense-Thirring, qui tient compte de la déformation complémentaire de l'espace-temps par ce même corps lorsqu'il est en rotation.
Outre le fait de valider finement une des prédictions de la relativité générale, une meilleure compréhension de ces effets permet, notamment, de mieux cerner le cadre d'une hypothétique théorie quantique de la gravitation.
Les éponymes de l'effet Lense-Thirring[1] sont les physiciens autrichiens Josef Lense (-)[2] et Hans Thirring (-)[3], qui l'ont prédit en [4] dans leurs travaux sur la relativité générale[5].
Selon la mécanique newtonienne, la gravitation exercée par un corps se propage instantanément et ne dépend que de la distance entre les corps s'influençant, ceci étant cohérent avec le principe suivant lequel deux corps en mouvement « perçoivent » l'espace de la même manière (mêmes mesures de distance). Dans ce cadre, l'effet de la gravitation exercée par un corps se propage instantanément à tout l'espace et n'est pas influencé par son mouvement mais par sa distance aux autres corps.
En relativité restreinte, un corps en mouvement par rapport à un observateur n'est pas perçu avec les mêmes mesures que s'il était immobile par rapport à lui, et toute émission de ce corps est perçue comme modifiée (effet Doppler par exemple). De même, un cercle en rotation est vu comme ayant sa circonférence réduite, mais pas son rayon, et un effet Doppler est perceptible pour toute émission d'onde : la rotation d'un corps sur lui-même en modifie sa géométrie perçue par l'observateur (outre son aplatissement aux pôles), et donc la géométrie de toute émission. Mais tout ceci n'est perceptible que pour des vitesses relativistes. Ainsi, en relativité générale, quand un corps est en rotation sur lui-même, en plus de l'effet gravitationnel qui modifie la géométrie de l'espace-temps, sa rotation aussi modifie cette géométrie et ceci s'appelle l'effet Lense-Thirring.
Par exemple :
Imaginons un satellite tournant autour de la Terre. Selon la mécanique newtonienne, s'il n'y a aucune force externe appliquée au satellite mis à part la gravité de la Terre, assimilable à une force de gravité issue du centre de la Terre, il continuera de tourner éternellement dans le même plan, peu importe si la Terre tourne sur elle même ou non. Selon la relativité générale, la rotation de la Terre sur elle-même a une influence sur la géométrie de l'espace-temps, de sorte que le satellite subit lui-même une petite précession de son plan de rotation, dans la même direction que la rotation de la Terre.
L'effet Lense-Thirring est extrêmement faible. Cela implique qu'il est observable seulement autour d'un objet en rotation avec un très fort champ gravitationnel, comme un trou noir. L'autre possibilité est de construire un instrument extrêmement sensible[6].
La première expérience menée en ce sens a été celle du satellite LAGEOS (Laser Geodynamics Satellite), conçu par la NASA et lancé le . Il a été remplacé par LAGEOS-2 le . Construit par l'Agence spatiale italienne sur les plans du précédent, qui a été placé sur orbite lors de la mission STS-52 de la navette spatiale américaine. Ces deux expériences auraient permis de mesurer l'effet Lense-Thirring, mais la précision de ces observations est sujette à controverses[7],[8],[9],[10]. G. Renzetti a publié en 2013 un article de synthèse sur les tentatives visant à mesurer l'effet Lense-Thirring utilisant des satellites de la Terre[11].
Le satellite Gravity Probe B, lancé en 2004 par la NASA, a confirmé en 2011 la présence de cet effet, avec les ordres de grandeur prévus par la relativité générale[12].
Le satellite LARES (Laser Relativity Satellite), développé par l'Italie et lancé le 13 février 2012 par un lanceur Vega de l'ESA, devrait permettre d'obtenir une précision de 1 % sur la mesure, bien que tous ne soient pas de cet avis[13],[14],[8],[15],[16],[9],[17],[18],[7],[19],[20],[21].
L'effet Lense-Thirring est mis en évidence par une métrique. Celle-ci est une solution approchée[22] de l'équation tensorielle fondamentale de la relativité générale. Elle décrit le champ gravitationnel à l'extérieur d'une sphère en rotation et dont la densité est constante[22]. Sa forme est[23] :
où :
où :
Avant de calculer l'effet Lense-Thirring, il faut trouver le champ gravitomagnétique (B). Le champ gravitomagnétique dans le plan équatorial d'une étoile en rotation est exprimé par :
La vitesse angulaire () est donnée par :
ce qui donne[Quoi ?] :
En ne tenant compte que de la composante perpendiculaire à la surface de la Terre, la première partie de l'équation s'annule, alors que est égal à et est la latitude :
Ce qui donne :
qui correspond au champ gravitomagnétique. Nous savons qu'il y a une forte relation entre la vitesse angulaire dans le système inertiel local () et le champ gravitomagnétique. Ainsi, la Terre introduit une précession sur tous les gyroscopes dans un système stationnaire entourant cette dernière. Cette précession se nomme la précession Lense-Thirring () et se calcule par :
Ainsi, par exemple, pour une latitude correspondant à la ville de Nimègue, aux Pays-Bas, l'effet Lense-Thirring donne :
La précession relativiste totale sur la Terre est donnée par la somme de la précession de De Sitter et la précession Lense-Thirring. Ceci est donné par :
À titre d'exemple, à ce taux, un pendule de Foucault devrait osciller environ 16000 ans avant de montrer une précession de 1 degré.
Une étoile en orbite autour d'un trou noir supermassif en rotation subit l'effet Lense-Thirring, causant une précession de sa ligne des nœuds orbitale de[28] :
ou et sont le demi-grand axe et l'excentricité orbitale, est la masse du trou noir et est le paramètre de rotation non-dimensionnel (0<<1). Certains chercheurs prévoient que l'effet Lense-Thirring des étoiles près du trou noir supermassif de la Voie lactée sera mesurable dans les prochaines années[29].
Les étoiles en précession exercent à leur tour un moment de force sur le trou noir, causant ainsi une precession sur son axe de rotation à un taux de[30] :
ou Lj est le moment angulaire de la je étoile et (aj,ej) sont le demi-grand axe et l'excentricité.
Un disque d'accrétion incliné autour d'un trou noir en rotation sera affecté par la précession Lense-Thirring à un taux donné par l'équation ci-dessus en posant et en associant avec le rayon du disque. Étant donné que le taux de précession varie avec la distance, le disque va « s'emballer » jusqu'à ce que la viscosité force le gaz sur un nouvel axe aligné avec l'axe de rotation du trou noir (l'effet Bardeen-Petterson)[31].
L'effet Lense-Thirring a été observé chez une naine blanche dans un système binaire avec le pulsar PSR J1141-6545[32].
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