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philosophe antique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Démocrite d'Abdère (en grec Δημόκριτος / Dêmókritos, « choisi par le peuple »), né vers à Abdère et mort en , est un philosophe grec considéré comme matérialiste en raison de sa conception d'un Univers constitué d'atomes et de vide.
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Il a été un disciple de Leucippe, le fondateur de l'atomisme ; Diogène Laërce attribue injustement l'ouvrage de Démocrite à propos de l'atomisme à Épicure[1].
Strabon, qui se base sur l'opinion de Posidonius, dit que l'atomisme doit être attribué à Mochus, proto-philosophe de Sidon, qui fut antérieur à la guerre de Troie (qui vécut donc bien avant Leucippe et Démocrite).
Les contributions exactes de Démocrite sont difficiles à démêler de celles de son mentor Leucippe, car ils sont souvent mentionnés ensemble dans les textes des doxographes. Leurs spéculations sur les atomes se rapprochent de la compréhension du XIXe siècle de la structure atomique. C'est pourquoi Démocrite est considéré a posteriori comme le plus scientifique des philosophes grecs, voire comme le « père de la science moderne »[2], bien que ses idées reposent sur des bases très différentes de celle-ci. La véritable convergence se situe dans le doute et le scepticisme de Démocrite, qu'il exprime par la phrase : « En réalité nous ne savons rien, car la vérité est au fond du puits », proche de la démarche du chercheur moderne, toujours critique, se tenant prudemment à l'écart des certitudes établies[3].
Largement ignoré dans l'Athènes antique, Démocrite était pourtant bien connu de son compatriote Aristote. Platon aussi connaissait l'atomisme démocritéen, comme on le voit dans le Timée[4] (qu'il appelait les atomistes "amis de la Terre" dans ses dialogues) où des analogies évidentes existent entre, d'une part, l'atomisme platonicien et sa conception de la pathologie des tissus, et d’autre part, les maladies et la mort de l'organisme vivant et du cosmos chez Démocrite[5]. De telles analogies suggèrent l'hypothèse d'une influence de Démocrite sur certaines pages du Timée. Mais, Platon ne nomme jamais Démocrite, ce qui a autorisé un anti-platonicien comme Aristoxène à formuler une explication non exempte d'une certaine tonalité polémique[non neutre] :
« Aristoxène rapporte, dans les Commentaires historiques, que Platon avait eu l'intention de brûler tous les écrits de Démocrite qu'il avait pu rassembler, mais que les pythagoriciens Amyclas et Clinias l'en détournèrent en lui représentant qu'il n'y gagnerait rien, puisqu'ils étaient très répandus. Ce qui confirme ce récit, c'est que Platon, qui a parlé de presque tous les anciens philosophes, ne cite pas une fois Démocrite, pas même lorsqu'il serait en droit de le combattre, sans doute parce qu'il savait bien à quel redoutable adversaire il aurait affaire. (Diogène Laërce, IX, Démocrite, paragraphe 5)[6],[7]. »
Le silence de Platon à l'endroit de Démocrite n'est sans doute pas anodin, d'autant plus qu'il n'oubliait pas de citer les pythagoriciens, Héraclite et Parménide, le cas échéant.
Démocrite est souvent classé arbitrairement par les exégèses contemporains parmi les présocratiques[8] du point de vue philosophique, bien qu'il soit un peu plus jeune que Socrate (469-399), et qu'il soit mort quelque trente années après lui.
Démocrite, troisième fils d’Hégésistrate, d’Athénacrite ou de Damasippe, est né à Abdère, dans la 80e olympiade (460–457) ou, selon d’autres, dans la 77e (en 470-469). Actif vers 433 av. J.-C., il serait mort à l’âge de 103 ans (entre 366 et 356).
Il aurait été éduqué par des mages perses qui lui apprirent la théologie et l’astronomie, après que Xerxès Ier, roi des Perses, eut atteint Abdère en 480 av. J.-C.[10] puis fut le disciple de Leucippe, actif vers Cette anecdote est loin d'être clairement attestée.
Après avoir hérité d’une forte somme d’argent de son père, il voyagea beaucoup.
Démocrite apprit la géométrie auprès des prêtres d’Égypte, et l’astrologie en Perse[11]. Il aurait également voyagé en Inde, où il aurait rencontré les gymnosophistes, en Éthiopie et en Babylonie. Il serait même allé à Athènes, rencontrant Socrate sans s'en faire connaître, par indifférence pour la gloire. Selon Diogène Laërce, le personnage inconnu des Les Rivaux (dialogue apocryphe de Platon) qui discute de philosophie avec Socrate pouvait être Démocrite. Ce passage à Athènes était néanmoins considéré déjà comme douteux dans l’Antiquité.
« De tous mes contemporains j’ai parcouru la plus grande partie de la terre, en étudiant les sujets les plus grands. J’ai vu le plus de ciels et de pays. J’ai entendu la plupart des hommes doctes, et personne encore ne m’a surpassé dans l’art de combiner les lignes et d’en démontrer les propriétés, pas mêmes les arpenteurs d’Égypte, avec qui j’ai passé 80 ans en terre étrangère. »
— Cité par (en) Clément d'Alexandrie, Stromates (lire en ligne), I, 15, 316[12].
De son côté, l'historien Diodore de Sicile dans son ouvrage historique (livre I, XCVI) mentionne aussi son voyage en Égypte, mais avec bien peu de détails et en termes vagues, ce qui n'accrédite pas vraiment un déplacement de Démocrite - pendant une longue période -, dans ce Pays prestigieux aux yeux des Grecs. Pour certains spécialistes universitaires la citation rapportée par Clément d'Alexandrie sur les nombreux voyages de Démocrite semblerait apocryphe.De plus dans l'antiquité, il apparaît que de nombreux auteurs ont publiés leurs œuvres plus ou moins fantaisistes sous le nom prestigieux de Démocrite (dont Bolos de Mendès l'alchimiste). Néanmoins un témoignage assez fiable, accrédite les voyages de Démocrite en Asie, notamment à Babylone. En effet le rhéteur Elien [13] rapporte que Théophraste loue Démocrite d'avoir réalisé ses voyages dans le but d’acquérir une richesse - le Savoir - bien supérieure à un projet de simples marchands phéniciens.
De retour de ses voyages, ayant dilapidé sa fortune, une disgrâce imprévue l'attendait. Ses ennemis l'accusèrent d'avoir dissipé tout son patrimoine en des voyages inutiles entrepris par une vaine curiosité. Le Philosophe parut devant le Sénat d'Abdère, et pour toute défense, il se contenta de lire les premières pages d'un Traité nommé Grand ordre du monde qu'il venait de finir. Les Juges frappèrent des mains, et lui donnèrent mille louanges ainsi qu'une récompense de 500 talents. Il vécut ensuite dans la pauvreté, et fut entretenu par Damaste, son frère.
D’autre part, selon Pline l'Ancien, (la même anecdote est attribuée à Thalès, en des termes légèrement différents), il aurait prouvé à ses concitoyens qui « dénigraient les études auxquelles il se livrait », qu’il était capable de s’enrichir, bien que cela ne l’intéressât point car selon lui, « celui qui sait jouir du peu qu'il a est toujours assez riche ». Il aurait procédé de la façon suivante : évaluant sur des considérations astrologiques une hausse du cours de l’huile, il a acheté la plupart des stocks pour les revendre à la montée des cours. Les notables auraient alors constaté tant son intelligence que son indifférence pour le gain (et/ou son honnêteté) lorsqu’il rendit la marchandise sans demander le fruit de sa spéculation[14].
Ce que l'on peut dire, c'est qu'il passa la fin de sa vie dans sa patrie Abdère (cité antique), dans sa maison en ville, ou il continuait a écrire, et faire ses recherches sur les animaux et les Hommes.
Ces éléments sont tiré des lettres apocryphes sur Démocrite et Hippocrate le célèbre médecin, écrites par des rhéteurs autour du Ier siècle après J.-C. si ces lettres sont peu fiables en raison des fantaisies rhétoriques, elles devaient néanmoins pour être crédibles, présenter des éléments notoirement connus, et crédibles sur Démocrite (lettre pseudo hippocrate II, III).
Aulu-Gelle raconte que Démocrite, se promenant un jour aux environs d'Abdère, rencontra un portefaix nommé Protagoras, qui portait une charge de bois retenue par un seul lien et placée dans un équilibre tel que sa pesanteur en était comme diminuée. Le philosophe demanda à Protagoras qui lui avait appris à mettre ainsi son fardeau en équilibre. Protagoras répondit qu'il avait trouvé lui-même ce moyen, et, pour le prouver, il défit à l'instant son fagot et le rétablit ensuite en peu de temps avec le même soin. Frappé de l'intelligence de cet homme, Démocrite lui aurait alors proposé de l'admettre au nombre de ses disciples. Protagoras aurait accepté et devint ensuite un philosophe sophiste.
Cette anecdote s'accorde toutefois mal avec les dates actuellement retenues pour Démocrite (-460, soit de 30 ans plus jeune que Protagoras), et l'hypothèse d'une relation entre Démocrite et Protagoras pourrait être elle-même une invention tardive[15]. Néanmoins le fait que ces deux personnalités se soient fréquentées parait bien plausibles (Plutarque d'ailleurs indiqua que dans ses ouvrages Démocrite citait et argumentait contre le relativisme de Protagoras)
Théophraste a critiqué les théories dans ses ouvrages : Selon Démocrite, « le soleil repoussant et chassant l'air le condense », ce que Théophraste juge absurde[16]. Il reproche notamment à Démocrite de ne pas tout expliquer de la même manière, pas même tout ce qui rentre dans le même genre.
D’après Démétrios de Phalère[17] Démocrite, passionné de connaissances, s’enferma dans une cabane au fond de son jardin pour étudier. Il possédait une vaste culture générale en connaissant l'éthique, les mathématiques et la physique, la cosmologie et l'astrologie, la médecine, la botanique et la zoologie. Outre ses traités scientifiques, il est l'auteur de traités sur des sujets techniques : agriculture, peinture, techniques militaires. Autant de textes aujourd'hui perdus, dont il ne reste que les titres et de rares fragments.
Il semble avoir été partisan des pythagoriciens, et il admirait Pythagore (un des ouvrages qu'on lui attribue a pour titre Pythagore, ou de l’état de la sagesse). Peut-être même fut-il en rapport avec Philolaos de Crotone. Le savoir de Démocrite était donc immense. Cette polymathie le fit surnommer, par les abdéritains[18], le philosophe (sophia).
Ses dons d’observation, qui vont grossir l'image légendaire d'un Démocrite capable de déductions subtiles, fondées sur des observations qui échappent aux autres mortels et relevant plus ou moins de la magie, étonnaient ses contemporains, et plusieurs anecdotes sont rapportées à ce propos :
« On dit qu’une jeune fille accompagnait Hippocrate, et que le premier jour Démocrite lui dit : « Bonjour, vierge », et le lendemain, « Bonjour, femme ». Et en effet, la jeune fille avait perdu sa virginité pendant la nuit. »
— Diogène Laërce, Vies, IX, 42.
Sa popularité ne rendit pas Démocrite plus sociable. Il s'appliqua au contraire davantage à l'étude ; et afin de n'être point détourné par les visites importunes et les conversations de parade, si ordinaires entre les savants, il rechercha la solitude et les ténèbres. « Rarement, dit Cicéron, quittait-il son cabinet : il vivait parmi les hommes, comme s'il n'y avait point d'hommes au monde. » Une nouvelle retraite l'attira encore, et il crut qu'il y serait mieux caché. C'étaient des sépulcres sombres, et éloignés de la ville.
Lucien de Samosate[19] dit que Démocrite était fortement persuadé que l'âme mourait avec le corps, et que tout ce qu'on raconte des spectres, des fantômes et du retour des esprits, était par conséquent une chimère. Dans ces tombeaux, Démocrite passait des semaines entières pour étudier plus tranquillement : là il ne se livrait qu'à de profondes méditations. Des jeunes gens essayèrent de lui faire peur ; ils se déguisèrent en spectres, ils prirent les masques les plus affreux, et vinrent le trouver dans sa retraite avec ce qu'ils crurent le plus capable de lui inspirer de l'effroi. Mais Démocrite ne daigna pas les regarder, et se contenta de leur dire tout en écrivant : « Cessez donc de faire les fous ».
Son caractère rieur devint légendaire et on l'opposa au caractère irritable d'Héraclite :
« Toute rencontre avec les hommes fournissait à Démocrite matière à rire. »
— Juvénal, Satires X vers 47.
Ainsi, Rabelais, dans le 20e chapitre du Gargantua, décrit les deux personnages Eudémon et Ponocrates en train de pleurer de rire à la suite du discours captieux du sophiste Janotus de Bragmardo : « De ce fait, ils se trouvraient représenter Démocrite héraclitisant, et Héraclite démocritisant. »
Dans l'iconographie, Démocrite est souvent représenté en train de rire car sa propension à rire de tout et à vivre isolé du monde le fit considérer comme un fou par ses compatriotes (le rire de Démocrite est cité à plusieurs reprises dans l’Éloge de la folie d’Érasme) à tel point qu'on fit venir le médecin Hippocrate pour le traiter. Au lieu d'un malade qui avait besoin de secours prévenants, il trouva un philosophe judicieux et appliqué, assis tranquillement à l'ombre sur un vert gazon. Le philosophe avait une tablette d'écriture sur ses genoux : plusieurs autres étaient répandus à sa droite et à sa gauche et comme à son habitude, il rit beaucoup en discutant avec le médecin.
« Quelle est la cause de cette joie ? Mes discours ont-ils quelque chose qui vous choque ? »
Après quelques moments de silence, le philosophe commença un discours merveilleux sur les bizarreries et les disparités du genre humain. Il fit voir que rien n'est plus comique ni plus risible que toute la vie ; qu'elle s'emploie à chercher des biens imaginaires, à former des projets qui demanderaient plusieurs vies ajoutées l'une à l'autre ; qu'elle échappe au moment même où l'on ose le plus compter sur ses forces, où l'on s'appuie davantage sur la durée, qu'elle n'est enfin qu'une illusion perpétuelle qui séduit d'autant plus vite, qui séduit d'autant plus aisément, qu'on porte avec soi-même le principe de la séduction.
« Je voudrais, continua Démocrite, que l'Univers entier se dévoilât tout d'un coup à nos yeux. Qu'y verrions-nous, que des hommes faibles, légers, inquiets, passionnés pour des bagatelles, pour des grains de sable ; que des inclinations basses et ridicules, qu'on masque du nom de vertu ; que de petits intérêts, des démêlés de famille, des négociations pleines de tromperie, dont on se félicite en secret et qu'on n'oserait produire au grand jour ; que des liaisons formées par hasard, des ressemblances de goût qui passent pour une suite de réflexions ; que des choses que notre faiblesse, notre extrême ignorance nous portent à regarder comme belles, héroïques, éclatantes, quoiqu'au fond elles ne soient dignes que de mépris ! Et après cela, nous cesserions de rire des hommes, de nous moquer de leur prétendue sagesse et de tout ce qu'ils vantent si fort. »
« Ce discours que j'ai abrégé exprès, remplit Hippocrate de surprise et d'admiration. II s'aperçut que, pour être véritablement philosophe, il fallait se convaincre en détail qu'il n'y a presque dans le monde, que des fous et des enfants. Des fous plus dignes de pitié que de colère ; des enfants qu'on doit plaindre et contre lesquels il n'est jamais permis de s'aigrir, ni de se fâcher[20]. »
Après examen, Hippocrate déclara Démocrite « sage entre les sages, seul capable d’assagir les hommes ».
On oppose souvent le rire de Démocrite aux pleurs d'Héraclite.
« Quant aux sages, Héraclite et Démocrite, ils combattaient la colère, l'un en pleurant, l'autre en riant. »
— Stobée, Florilège, III, XX, 53.
Le rire de Démocrite était un rire triste et satirique, une forme de résistance. Il rit de la folie, du ridicule et plus généralement de la bêtise des hommes. Le monde est comique pour Démocrite, tragique pour Héraclite. Démocrite se contente du monde tel qu'il est et préfère rire des défauts de la société plutôt que d'en pleurer. Il considère que le spectacle du monde est immuable et que la seule alternative à la mélancolie est l'hédonisme.
Il devint aveugle, sans que l’on connaisse la cause exacte de sa cécité qui a pris, elle aussi, un tour légendaire :
« [...] Démocrite s’est volontairement privé de la lumière des yeux, parce qu’il estimait qu’en méditant sur les causes naturelles, ses pensées et ses réflexions auraient plus de vigueur et de justesse s’il les délivrait des entraves apportées par les charmes séducteurs de la vue. »
— Aulu-Gelle, Nuits attiques [détail des éditions] (lire en ligne), X, 17.
Tertullien précise qu'il se serait aveuglé pour échapper aux simulacres des séductions féminines. Mais ce point est nié par Plutarque[21].
Il mourut vers l’âge de 90 ans, et fut enterré aux frais de l’État. Il semble s’être laissé mourir[22], en mangeant de moins en moins, pour quitter la vieillesse qui affaiblissait sa mémoire, et mourut d’épuisement. Voici une anecdote :
« On raconte que Démocrite d'Abdère prit lui-même la décision de mettre fin à ses jours en raison de sa vieillesse, et se priva de nourriture quotidienne ; c'était l'époque où avaient lieu les Thesmophories. Mais les femmes de sa maison le prièrent de ne pas mourir pendant la fête, afin de pouvoir se consacrer entièrement à sa célébration ; et après s'être laissé convaincre, il leur ordonna de lui apporter un pot rempli de miel ; il survécut ainsi un nombre de jours suffisant en se contentant de humer le miel ; après quoi, il fit enlever le miel et mourut. Démocrite aima toujours beaucoup le miel ; et à un curieux qui lui demandait comment se maintenir en bonne santé, il répondit : « Humecte de miel l'intérieur, et l'extérieur d'huile ». »
— Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] (lire en ligne), II, 46e.
Sa renommée était immense et suscita la jalousie. Timon de Phlionte, très critique à l’égard de presque tous les philosophes, le célèbre ainsi :
« Ô le très sage Démocrite, maître du discours,
Parleur avisé, parmi les meilleurs que j’ai lus. »
Timon dit également de lui :
« Quel sage, ce Démocrite, pasteur des paroles !
J’ai lu avant tous autres ses entretiens pleins d’esprit[23]. »
Démocrite a étudié des domaines très variés au point qu'on le considère parfois comme un des premiers encyclopédistes.
Pour Démocrite, comme pour Leucippe, la nature est composée dans son ensemble de deux principes : les atomes, ἂτομα, (littéralement : « insécables », ce qui est plein) et le vide (ou néant). L’existence des atomes peut être déduite de ce principe : « Rien ne vient du néant, et rien, après avoir été détruit, n’y retourne. » Il y a ainsi toujours du plein, c'est-à-dire de l’être, et le non-être est le vide. Pour Démocrite, seuls les atomes et le vide sont réels, le reste qui apparaît aux sens n’est qu’apparence[24]. D'après Théophraste, les atomistes distinguaient deux catégories de perceptions : l'une est conforme à la réalité extérieure, l'autre lui est infidèle. À la première catégorie appartiennent les perceptions du lourd, du dur et du dense. À la deuxième appartiennent les perceptions de couleur, de son, de saveur, d'odeur et les températures.
Il existe une quantité infinie d’atomes, c’est-à-dire de réalités individuelles et irréductibles, qui circulent au hasard dans le vide et se combinent en formations plus ou moins complexes. Les atomes sont ainsi des corpuscules solides et indivisibles, séparés par des intervalles vides, et dont la taille fait qu’ils échappent à nos sens. Décrits comme lisses ou rudes, crochus, recourbés ou ronds (ils sont définis par leur forme, figure et grandeur), ils ne peuvent être affectés ou modifiés à cause de leur dureté.
Les atomes se déplacent de manière tourbillonnaire dans tout l'univers, et sont à l'origine de tous les composés (du soleil à l'âme), ce qui comprend également tous les éléments (feu, eau, air et terre). Les atomes se meuvent éternellement dans le vide infini. Ils entrent parfois en collision et rebondissent au hasard ou s'associent selon leurs formes, mais ne se confondent jamais. La génération est alors une réunion d’atomes, et la destruction, une séparation, les atomes se maintenant ensemble jusqu’à ce qu’une force plus forte vienne les disperser de l’extérieur. C’est sous l’action des atomes et du vide que les choses s’accroissent ou se désagrègent : ces mouvements constituent les modifications des choses sensibles. Ces agglomérations et ces enchevêtrements d’atomes constituent ainsi le devenir. L’être n’est donc pas un, mais est composé de corpuscules[réf. nécessaire].
Le vide est le non-être dans lequel se meuvent les atomes : il y a du vide non seulement dans le monde (intervalle entre les atomes), mais en dehors de lui. Ainsi, l’être et le non-être sont tout autant réels.
Les choses formées par les atomes présentent trois sortes de différences qui les constituent :
Cependant, ces trois caractéristiques de l’atomisme de Démocrite nous sont parvenues par l’intermédiaire de son principal détracteur, Aristote. Dans son ouvrage Métaphysique[25], Aristote substitue aux termes initiaux de Démocrite « rhythmos, diathigè[26] et tropè »[27] les termes de « morphè, taxis et thésis » c’est-à-dire forme, ordre et position. C'est grâce à ce changement de vocabulaire donc de sens qu'Aristote peut ainsi réfuter ensuite la thèse atomiste[28] Si les atomes ont des formes différentes en restant physiquement indivisibles, ils sont divisibles au moins par la pensée, c'est-à-dire mathématiquement divisibles. Aristote objecte donc que les atomistes ne savent pas distinguer l'indivisibilité, la physique et la mathématique[29].
Anaxarque qui professait les théories de Démocrite, croyait notamment en la pluralité des Mondes. La cosmologie du philosophe abdéritain admettait en effet une infinité de mondes. Les mondes existent dans le vide et sont en nombre infini, de différentes grandeurs et disposés de différentes manières dans l'espace : ils sont plus ou moins rapprochés, et, dans certains endroits, il y a plus ou moins de mondes. Certains de ces univers sont entièrement identiques. Ils sont engendrés et périssables, chacun étant soumis à l'évolution qui les fait naître, atteindre une acmé, puis mourir. Quand un monde meurt, d’autres se constituent autour des noyaux créés par la rencontre fortuite d'atomes voyageurs[30]. Certains sont dans des phases d'accroissement, d'autres disparaissent, ou bien encore ils entrent en collision les uns avec les autres et se détruisent. Les mondes sont ainsi gouvernés par des forces créatrices aveugles, et il n'y a pas de providence[31].
Les causes du vieillissement, du déclin et de la disparition des mondes anciens nous sont connues par trois textes de la doxographie de Démocrite. C'est d'abord saint Hippolyte qui dit que « les mondes périssent les uns par les autres en tombant les uns sur les autres »[32]. Ensuite deux textes d'Aétius affirment que dans le système de Démocrite, certains atomes ont les dimensions de tout un cosmos[33], et que les mondes périssent du fait que les plus grands sont vainqueurs des plus petits[34]. Comme tous les corps composés dans la physique de Démocrite, les mondes rayonnent des nuages d'atomes qui peuvent rencontrer d'autres mondes plus petits et les faire périr ; il s'ensuit une pluie d'atomes hétérogènes et étrangers qui se déverse alors sur notre cosmos, et qui frappe les organismes de notre monde. C'est ce qu'on pourrait appeler la pathologie du cosmos selon Démocrite. Hostile au mythe et au merveilleux, ce philosophe a en effet émis l'hypothèse d'un agent pathogène d'origine extra-terrestre[35] pour expliquer certaines maladies rares. Car la structure des tissus organiques dans la biologie de Démocrite rend les êtres vivants très vulnérables à la projection de corpuscules supérieurs de taille à ceux dont ils sont composés[36]. C'est ainsi que les êtres vivants de notre monde finissent par être affectés des maladies étranges auxquelles Plutarque fait allusion[37] quand il prête à Démocrite ou à ses partisans une menace sous la forme de particules de provenance extra-cosmique. Par la suite, Platon, voulant éviter à son univers unique de périr, déclara son intention d'écarter de sa physique les causes qui ruinent les mondes de Démocrite[38].
Comme chez Diogène d'Apollonie, pour Démocrite l'âme est composée d'atomes d'air, d'où la nécessité de respirer pour régénérer l’âme en permanence et se maintenir en vie.
Les écrits sont perdus mais plusieurs auteurs ont témoigné de l'intérêt de Démocrite pour l'histoire naturelle ou les substances sympathiques : Pline (plus de 20 citations dans l'Histoire naturelle), Solin, Ammien Marcellin, Palladius, Anatolios, et les scholies d'Épictète[39].
Démocrite expose une hypothèse de génération spontanée des espèces vivantes. Sa vision de la nature fut reprise par Épicure et inspira Lucrèce pour son ouvrage De rerum natura (De la nature).
Sur le problème de la semence (comment un individu adulte composé de diverses substances peut-il naître d'une substance apparemment homogène ?), Démocrite est probablement le premier à avancer l'idée que la semence étant extraite de toutes les parties du corps, les contient déjà toutes[40] (théorie de la préformation). Cette doctrine est admise et adoptée dans le Corpus Hippocratique[40].
Le concept d'atome de Démocrite, écrit en grec ancien « ἡ ἂτομος ἰδέα »[réf. nécessaire], « E atomos idea », est composé de « idée » et de « insécable » ou « indivisible ». Mais « ἂτομος », adjectif accordé en genre et en nombre, peut être traduit par « non-coupé » ou « non-sécable »[41], plutôt que par « atome » en tant que substantif du genre neutre au sens moderne. Le substantif « atome » est apparu plus tard avec le sens de « partie de matière indivisible », chez Aristote, dans le Nouveau Testament, etc. Ce sont les physiciens modernes qui ont conçu « un atome » petit, corpusculaire, et nommé ainsi parce qu'initialement supposé par erreur « insécable ». En grec moderne, le mot « το άτομο » (to atomo), substantif neutre, signifie surtout, très communément « individu, personne ».
La théorie atomiste de la matière est nommément attribuée à Démocrite par Aristote dans son traité De la Génération et de la corruption[42],[43]. À en croire Aristote, on peut, en substance, résumer son argumentation comme suit :
« Si tout corps est divisible à l'infini, de deux choses l'une : ou il ne restera rien, ou il restera quelque chose. Dans le premier cas, la division ne saurait aboutir à un néant pur et simple, car alors la matière n'aurait qu'une existence virtuelle, dans le second cas on se pose la question : que reste-t-il ? La réponse la plus logique, c'est l'existence d'éléments réels, indivisibles et insécables appelés donc atomes. »
Puisqu’il n’y a dans la nature que des atomes et du vide, les qualités sensibles sont des conventions. Les choses visibles, tout ce qui est perceptible par les sens, sont constitués de corpuscules. Par cette vision du monde, Démocrite fait figure de père de la science moderne[réf. nécessaire]. Il ne s'est pas lancé dans un programme de recherches, mais dans des discussions d'un niveau d'abstraction élevé, où ce qui comptait, ce n'était pas tant les données empiriques en faveur d'une théorie, que l'économie et la cohérence des arguments qui la fondent[44]. Selon G. Lloyd, « En donner une appréciation équitable est cependant un problème, dont la difficulté est aggravée par la tentation d'assimiler l'atomisme ancien aux théories modernes qui portent le même nom en dépit des différences fondamentales qui les séparent »[45].
Démocrite distingue deux formes de connaissance : la connaissance par les sens, qu'il critique et appelle bâtarde et obscure, et la connaissance par l'intellect, qu'il appelle légitime et véritable. C'est la raison qui est le critère de la connaissance légitime.
Toutes nos sensations sont des conventions c'est-à-dire des choses déterminées par nos opinions et nos affections. Sont donc vrais et intelligibles les seuls éléments dont est composée toute la nature, les atomes et le vide, i.e. quelque chose qui n’est pas sensible. La position, la forme et l’ordre ne sont alors que des accidents[réf. nécessaire].
Mais il faut ajouter plusieurs considérations sur nos capacités de connaître au moyen des sens :
La physique atomiste n'accepte que le vide et le plein, les hommes n'ont donc plus à craindre ni la nature ni la mort ; le matérialisme mécaniste des philosophes atomistes aurait dû, théoriquement, éliminer toute référence au divin ; exemplaire par son athéisme aux yeux du grand nombre, Démocrite a pourtant admis l’existence objective des dieux ; il est vrai que ces dieux, entités matérielles mécaniquement créées, n’ont place ni dans sa cosmologie, ni dans son anthropologie, ni dans son éthique, qui demeure conformiste et traditionnelle. Le jugement de ces dieux n’est donc plus à craindre : ils ne sont plus tout-puissants puisque matériels, ne sont pas immortels et n’exercent aucune action dans le monde[46]. Les hommes peuvent donc agir pour changer le cours des choses. Il s'ensuit un ensemble de sentences morales appelées γνῶμαι, gnômai, destinées à permettre au sage d’atteindre une existence sereine en se débarrassant des craintes (de la mort par exemple), des angoisses et autres fictions qui empêchent la tranquillité de l'âme. Dans la pensée éthique de Démocrite, en effet, une vie bonne se définit à partir d’un bien intérieur au sujet, un état d’esprit désigné en grec par la notion d’euthymie (εὐθυμία), bonne humeur, parfois traduit par tranquillité (littéralement "bon thumos") . Ce bien intérieur a son siège dans l’âme, la raison est apte à le préserver, et sa possession est le principe d’actions bonnes. L’éthique socratique semble ainsi préfigurée[47]. S'il existe une philosophie hédoniste chez Démocrite, elle réside dans la joie comme finalité de la morale, à quoi s'ajoute l'utilité comme critère du bien.
Démocrite élabora aussi une anthropologie sociale marquée par l’optimisme du progrès. Comme le sophiste Protagoras[48], il admit l’idée qu’il ne saurait y avoir de société si certains de ses membres étaient incapables d’observer la loi commune du respect et de la justice. Mais cette anthropologie sociale est, chez Démocrite, dépourvue de tout principe transcendantal et conçue en termes strictement humains : le juste et l’injuste y sont des valeurs purement utilitaires. La société serait donc fondée à se défendre contre toute agression externe ou interne au groupe, et à mettre à mort le méchant, comme on tue un animal nuisible[49]. C’est dans ce même esprit d’équilibre social et de cohésion du groupe que Démocrite a condamné la thésaurisation et préconisé les prêts entre particuliers : « Lorsque ceux qui possèdent osent prêter de l’argent à ceux qui n’ont pas, les aider et leur rendre service, en cela se manifestent déjà la compassion, la fin de la solitude, la constitution d’amis, la défense réciproque et la concorde entre les citoyens[50]. »
Selon Diogène Laërce, Thrasylle de Mendès avait composé des Prolégomènes à la lecture des livres de Démocrite[51] et avait classé l'œuvre sous la forme de treize tétralogies, de la même manière qu'avec Platon, soit 52 ouvrages. Mais, ceux-ci se sont perdus ou ont été détruits, notamment au IIIe siècle apr. J.-C. Ses pensées ainsi que quelques fragments de son œuvre nous ont été transmis par de nombreux doxographes dont Simplicius, Aristote, Diogène Laërce ou Plutarque. Les Anciens nous disent que Démocrite « avait écrit sur tout » : sur les mathématiques, il avait composé des traités remarquables, selon le témoignage d'Archimède qui donne des exemples des découvertes mathématiques de Démocrite. Il avait aussi écrit sur la biologie, en savant qui avait pratiqué la dissection, sur la physique, sur la philologie, l'histoire littéraire et la musique, et formulé son système de la nature[52]. Son œuvre sur la morale se trouve dans deux collections qui comptent plus de deux cents maximes et courts textes, citations ou extraits d’anthologies publiées après sa mort[47]. Concernant son œuvre, par recoupement de divers témoignages anciens, Démocrite était notoirement connu pour avoir écrit :
Aristote, et son école possédait cet ouvrage. Théophraste l'attribuait d'ailleurs à Leucippe. Toute la volumineuse doxographie aristotélicienne provient ainsi d'une connaissance directe de l'ouvrage de Démocrite.
Cependant le Philosophe Stagirique quand il décrit les théories atomistes, mentionne la plupart du temps Leucippe et Démocrite conjointement, ou alternativement.
Comment comprendre cette incertitude ? Cela pourrait s'expliquer par la présence des deux noms d'auteurs dans l'ouvrage du Grand Système du Monde.
On pourrait ainsi imaginer un ouvrage collectif, initié par Leucippe de Milet, compagnon de Démocrite qui aurait disparu prématurément avant d'avoir pu achever la rédaction de cet ouvrage.
Démocrite, son ami ou disciple, se chargeant de mettre la dernière main à l'ouvrage, et citant son ami et maître a l'initiative de ces théories.
Une mort prématurée de Leucippe pourrait aussi expliquer pourquoi les commentateurs anciens ne possédaient quasiment aucun élément biographique à son égard.
Un autre élément indirect peut aussi être pris en compte :
On apprend que Démocrite avait écrit le Petit système du Monde, quand il était en encore jeune, ce qui suppose que l'ouvrage le Grand système du Monde a été conçu antérieurement.
Cela s'accorderait bien pour une théorie atomiste novatrice, et aboutie qui proviendrait à l'origine d'une personne plus avancée dans la spéculation philosophique, alors que Démocrite était encore jeune.
Cette personne à l'origine de cette théorie atomistique, peut raisonnablement être Leucippe " maître " de Démocrite.
Cependant d'autres auteurs ont relaté cet écrit. Tel Basile de Césarée, écrivain chrétien, qui a transmis une synthèse doxographique épurée, dans son homélie I - sur l'Hexameron[53] :
« Recourant à des causes matérielles, les uns ont attribué l'origine du monde aux éléments du monde même; les autres ont cru que les choses visibles sont composées de corps simples, d'atomes plus ou moins rapprochés, que de leur réunion ou de leur séparation résulte la génération ou la dissolution des êtres, que l'adhésion plus ferme et plus durable de ces mêmes atomes forme ce qu'on appelle les corps durs. »
Cet ouvrage, assez célèbre dans l'Antiquité (au moins jusqu'au IIe siècle apr. J.-C.), semble avoir été une vaste synthèse décrivant la formation de la Terre, et des astres proches (soleil, lune), puis la naissance de la vie, et enfin un vaste récit du début de la civilisation humaine.
7 sources antiques nous renseignent sur ce livre :
La création de la Terre et des astres proches suit un récit proche d'Anaxagore, comme semble être la description fournie par Diodore de Sicile.
Il est possible que sur le début du récit du monde, la version de Démocrite soit proche d'Anaxagore sur certains points. Nous savons que dans son livre Démocrite contestait certains principes philosophiques de son aîné, notamment sur la création première du monde, ainsi que sa théorie des éclipses lunaires (Diogène Laërce sur Démocrite). Création du Monde
Création du Monde
Au commencement il y eut séparation des corps physiques, puis la matière ignée plus légère fut entraînée sur la partie supérieure des Cieux lors du tourbillon universel primordial.
Un résumé de la création du Monde tiré de l'ouvrage de doxographie (stromates) du pseudo Plutarque (repris par Eusèbe de Césarée) mentionne une description mécaniste et atomique "frappante" :
"Le Monde, avec sa forme convexe, s'est formé de la façon suivante. Comme les corps insécables avaient un mouvement imprévisible et fortuit [le tourbillon atomique], qu'ils se mouvaient sans cesse et très rapidement, beaucoup de corps s'agglomérèrent, variés, de ce fait même, en forme et en grandeur. Dans ces assemblages d’atomes, les plus grands et les plus pesants de tous, occupaient le rang inférieur; tandis que ceux qui étaient petits, sphériques, polis et glissants, étant pressurés dans le conflit [mutuels] des corps, se portèrent vers les hauteurs. Lorsque la force de frappe eut cessé de les soulever, que le choc ne les conduisit plus vers le haut, et qu'ils se trouvèrent empêchés de se porter en bas, ils furent [dès lors] contraints de se diriger vers les lieux capables de les recevoir; or c'étaient ceux du pourtour [de l'espace]. [dans le même temps], le grand nombre des corps se broyaient en s'entrelaçant les uns aux autres dans ce mélange [amas], ils engendrèrent le ciel.
Faits d'une même nature, les atomes, qui, on l'a dit [ petits, polis], étaient de toute sorte [ de formes], furent repoussés vers le haut et produisirent enfin les astres. [Cependant] la quantité des corps en exhalaison frappait l'air et l'épuisait (?); devenu fluide aériforme dans son mouvement, il [cette quantité d'atomes] a enveloppé les astres, les a entraînés dans sa ronde et a maintenu dans les hauteurs leur révolution.
Après quoi [ en conclusion], les atomes du bas donnèrent naissance à la terre; ceux qui s'élevaient, au ciel, au feu, à l’air".
La matière terreuse et humide se reporta ainsi vers le bas et fut a l'origine de la création de la Terre. la chaleur fournie sur cette Terre originelle par le soleil, permit a la surface de la Terre de produire la différenciation de la matière en océan, terre et montagne. (voir les témoignages de Pseudo Plutarque, Hermippe, Diodore de Sicile)
Selon Aristote : pour Empédocle, par l'action du ciel, la Terre reste tranquille par l'effet d'un tourbillon qui l'entoure ; pour Anaximène, Anaxagore et Démocrite, elle est une vaste et plate huche[54].
Naissance de la Vie
Le traité des chairs hippocratique fournit des renseignements complémentaires sur ce passage du livre de Démocrite concernant la création de la Terre et de la vie :
les atomes lors du grand tourbillon s'assemblent par affinités : les plus légers et de feu s'agrègent en hauteur pour former les astres, tandis que les plus lourds tels les atomes de terre et d'eau, mélangés s'assemblent en bas et finissent par créer notre monde. Puis progressivement en raison des rayonnements du Soleil, ces atomes regroupés sur terre, çà et là en sortes de « membranes » s'assèchent, et alors s'opère une sorte de putréfaction grasse des atomes terreux.
Dès lors la vie provient d'endroits marécageux, où ces membranes humides et boueuses sous l'action du soleil se divisèrent en laissant échapper les premiers plantes et animaux.
De ses membranes par une sorte d'incubation émergent des êtres vivants dont pour certains les atomes gras terreux forment les os, les autres amas de matière qui ne se sont pas complètement durcis par la chaleur; forment les chairs, et les organes.
Démocrite pour explique la première origine de la vie présuppose alors un principe de génération spontanée unique (ensuite selon son explication la Terre étant plus mure " et fatiguée" seul le principe de reproduction entre espèces put générer la pérennité de la Vie. À ce moment tardif la Terre ne peut plus générer spontanément que certaines plantes (Hermippe Astronomie 10). Lors de la génération originelle les principes matériels vont établir les différents règnes animaux : quand l'élément igné prédomine dans ces premiers êtres, ils génèrent les espèces volantes, ou terrestres mobiles (tel l'Homme très mobile car prédomine en lui une âme ignée rapide, ou d'autres animaux rapides comme le lion). Quand l'élément terreux et humide prédomine il y a formation des reptiles, Quand l'élément humide prédomine, il y a création des poissons et autres créatures marines (Voir Diodore de Sicile Histoire I,7). toute cette différenciation permet aux animaux de se rassembler selon leur nature.
Les début de la survie et société des Hommes
Cette partie de l'ouvrage de Démocrite concernant l'Homme semble avoir été plus détaillée, précise.
les premiers Hommes étaient naïfs sans expérience (ni de la mort, ni des techniques) , ne connaissant même pas très bien le monde, ni comment conserver leur nourriture difficilement trouvée. La seule relation sociale primitive pratiquée était l'entraide en raison de la nécessité face à une vie difficile et dangereuse. Ils se prêtaient main-forte dans leur combat pour survivre face aux bêtes féroces. Ils étaient nus et luttaient ensemble pour survivre.
Subissant les orages et intempéries, les hommes eurent l'idée de se protéger le corps avec des feuilles ou des peaux, puis se réfugier dans des abris (Diogène d'Oenoanda).
Progressivement instruits par la nécessité, ils prirent l'habitude de dormir dans ces abris et grottes, et ils apprirent aussi à conserver leurs aliments. Grace à l'observation des arbres prenant feu sous l'impact de la foudre, et autres phénomènes les hommes apprirent enfin a générer le feu (voir Vitruve Livre II,1). Ils purent ensuite cuire, et mieux conserver leurs aliments. L'observation des animaux leur permit de créer des habitats plus ingénieux (en observant les hirondelles faisant leur nids dans divers recoins)
Ils conçurent eux-mêmes avec le temps diverses inventions dont les métiers à tisser. Toutes ces techniques ont été engendrées par les besoins et circonstances, aucune intervention des Dieux n'a été nécessaire ( Diogène d'Oenoanda ).
La création du langage fut progressive, et différemment sur tous les points du Globe (expliquant la multiplicité des langues humaines). Le langage permit alors la circulation des idées, inventions ou expériences, et développa en conséquence la civilisation humaine. Selon le témoignage de Diogène d'Oenoanda; les mots ne se sont pas imposés par la seule instruction (ou comment un seul homme pourrait instruire une multitude de foules diverses)
Leurs vies était encore des plus simples, ignorant les rois, les magistrats, les guerres. Au départ seuls de modestes pillages entre hommes pouvaient survenir, motivés par l'entraide.
Puis progressivement plus avancés dans la réflexion, ils commencèrent à construire des outils plus élaborés, et des maisons plus sophistiquées passant de simples huttes de branchages et feuilles, en abris de terre, ou de pierre. (voir témoignage de Vitruve déjà cité)
Démocrite attribuait à la nécessité un puissant moteur pour développer les sociétés humaines (voir Diodore I,8). Par ailleurs il attribuait à l'observation des animaux un autre moteur pour les idées ingénieuses humaines.
Grâce au témoignage de Proclus (commentaire de le République de Platon II,113-6) on sait que cet ouvrage traitait de la mort sous l'angle de le recherche. Quelques fragments conservés décrivent aussi l'attitude psychologique des Hommes face à la mort (dans le deuxième livre ?).
Démocrite avait établi une enquête sur les gens que l'ont a cru mort, et qui ont ressuscités :
Il tenta d'expliquer ce phénomène étonnant; en décrivant une extinction de vie parfois comme un simple évanouissement, au cours duquel les liens de l’âme demeurent encore enracinés dans la région de la moelle, et dans lequel "le cœur gardait encore dans sa profondeur comme un tison de vie qui couvait", et en raison de la subsistance de ces liens [de vie profonde], le corps prêt au retour à la vie, en venait à se réanimer.
" Les insensés qui prétendent détester la vie, n'en veulent pas moins vivre par crainte de l'Hadès" (Stobée, florilège III, IV 74)
" En fuyant la mort, les Hommes se lancent à sa poursuite" (Stobée florilège III, Iv 77).
" Ensuite lorsque la vision de la mort s'impose a eux avec évidence, [elle les frappent par surprise] (..) ils se laissent cerner complètement et se condamnent nécessairement à faire feu de tout bois" (Philodème De la mort XXXIX,9)
" la putréfaction entraîne une forte émotion, parce qu'on se représente l'image défigurée de ce qui dégage de telles odeurs, car c'est la putréfaction qui attend les ombres de ceux qui meurent avec une mine saine et florissante" (Philodème De la Mort XXIX,27)
Il s'agissait vraisemblablement d'un Ouvrage de géographie Physique. Diodore de Sicile dans sa Bibliothèque Historique (livre a conservé un précieux fragment de cette œuvre dans la Bibliothèque Historique (Livre I, XXXIX)
« la masse de neige dans la région nordique persiste, gelée lors du solstice d'hiver, et en été les glaces fondant sous l'effet de la chaleur, il se produit une forte liquéfaction, ce qui entraîne la naissance de nombreux nuages épais dans la région supérieure de l'atmosphère, car la vapeur est entraînée vers le haut en grande quantité.Ces nuages sont poussés par les vents étésiens jusqu'à ce qu'ils heurtent des hautes montagnes en Ethiopie, et brisés avec violence par ces montagnes élevées, ils produisent de très fortes pluies qui font ensuite monter le niveau du Nil, surtout pendant la saison des vents étésiens. »
De plus le Papyrus d'Hibeb - un fragment probable du traité de l'Eau de Théophraste - détaillent les arguments utilisés par Démocrite pour expliquer la salinité de la Mer.
À la lecture de ce texte, on voit que Démocrite avait écrit un livre de savant, plus que de philosophe. Il avait recherché à comprendre la crue du Nil par des éléments matériels, et physique sur la circulation de l'eau a la surface de la Terre.
De cette œuvre extrêmement vaste, il ne nous reste pas un seul ouvrage entier, nous avons conservé une liste des titres de ses ouvrages :
Les livres suivant selon Diogène sont donnés hors de la liste ordonnée[57].
Démocrite était réputé dans plusieurs domaines mathématiques, y compris l'astronomie. Il écrivit des ouvrages traitant des nombres, des lignes continues et des solides, tous disparus et dont seuls les titres nous sont connus[60]. Ses travaux géométriques ont pu marquer significativement leur époque, avant la parution des Éléments d'Euclide. Selon Archimède, c'est Démocrite qui a découvert que le volume d'un cône ou d'une pyramide est le tiers du volume du cylindre ou du prisme ayant la même base et la même hauteur, en considérant le cône comme un empilement de fines tranches. Eudoxe en a ensuite apporté la preuve[61].
Selon Diogène, ces extraits sont parfois édités séparément[59].
À cause de son matérialisme, Démocrite fut l’un des savants les plus vilipendés de l'antiquité. Sa philosophie de l’atomisme lançait un défi fondamental à la conception téléologique du monde esquissée par Anaxagore puis développée par Platon dans le Timée et au Livre X des Lois. À court terme, cette philosophie rencontra donc l’opposition déterminée de Platon mais aussi celle d’Aristote et de leurs successeurs. À l’époque romaine, elle heurta les Stoïciens. Plus tard, du VIe au VIIIe siècle, la tradition atomiste entra en conflit avec les intérêts des lettrés chrétiens, qui la condamnèrent et firent le choix de nous transmettre l’héritage intégral des œuvres de Platon mais rien de l’œuvre non moins vaste de Démocrite[63],[64]. La Fontaine a évoqué les railleries que la doctrine atomiste valut à Démocrite auprès du peuple, chez les Abdéritains, qui le tenaient pour fou[65]. Le peintre Camille Corot représente Démocrite et les Abdéritains dans un paysage présenté au Salon de 1841, conservé au musée des Beaux-Arts de Nantes[66].
Cependant, Démocrite fut admiré par les plus grands philosophes. Cicéron disait de lui : « Il n’est rien dont il ne traite ». Sénèque le considérait comme « le plus subtil de tous les Anciens ». Aristote, Théophraste, Tertullien, Épicure puis son compagnon Métrodore de Chio, les stoïciens Cléanthe et Sphæros du Bosphore ont tous consacré des traités entiers à discuter de son système. Ramus et plus tard Spinoza considéraient qu'on avait sous-estimé l'importance de son œuvre qui serait, selon Jean-Paul Dumont, à l'origine de l'« atomisme dogmatique des épicuriens », du « nihilisme radical » d'un Métrodore de Chio et du relativisme phénoméniste de Protagoras et Pyrrhon. À l’époque moderne, la contribution de Démocrite au développement du rationalisme en éthique fut remarquable ; selon Nietzsche, « Démocrite est le père de toutes les tendances de l'Aufklärung et du rationalisme ». Marx choisit comme sujet de sa thèse de doctorat en 1841 : Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure. Un savant moderne, le physicien J.-C. Feinberg, a établi un parallélisme élogieux entre Albert Einstein prévoyant la fission de l’atome, et Démocrite imaginant la théorie atomiste comme réalité primordiale de la matière. Car la gloire de Démocrite tient à ce que, le premier, il a utilisé le mot d’atome, et conçu la matière comme corpusculaire plutôt que continue.
Parmi les fragments attribués à Démocrite, certains appartiennent à un autre auteur, que les savants croient identifier avec Bolos de Mendès (200 av. J.-C.), en particulier celui qui a écrit De l’Agriculture ou le Géorgique. Ce Bolos a laissé divers écrits sur l'alchimie (et les teintures), la magie, les propriétés occultes.
« Bolos de Mendès, pythagoricien [spécialiste en sciences occultes]. Œuvres : Des questions tirées de la lecture des enquêtes qui attirent notre attention, Des prodiges et Les Drogues naturelles. Ce dernier ouvrage comprend le Traité des pierres sympathiques et antipathiques et le Traité des signes tirés du Soleil, de la Lune, de l'Ourse, de la lampe et de l'arc-en-ciel. Bolos, philosophe démocritéen. »
— Suidas, article « Bolos ».
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