La poursuite du projet entre la rue d'Anjou et la rue de Laborde fut différé après l'ouverture de ces premiers tronçons.
Le prolongement du boulevard au nord de la rue d'Anjou s’inscrivit dans la politique de grands travaux à Paris menée par le baron Haussmann sous le Second Empire de 1853 à 1870. La partie située entre la rue d'Anjou et la rue de Monceau fut ouverte en 1854 sur un tracé dévié à l'ouest du projet initial au nord de la place Saint-Augustin. Cette modification était liée au lotissement du pourtour du parc Monceau et de la plaine Monceau, le boulevard passant par la place Malesherbes créée à la même époque dans le cadre de cette opération d'urbanisme et non en ligne droite de la place de la Madeleine à la barrière de Monceau (actuelle place Prosper Goubaux) comme prévu à l'origine. La partie entre le boulevard de Courcelles et le boulevard Berthier fut ouverte en 1860, celle entre la rue de Monceau et le boulevard de Courcelles en 1861 par accord entre avec Émile Pereire et la ville de Paris.
L'intervention d'Émile Pereire, important propriétaire foncier et spéculateur immobilier, dans cette opération d'urbanisme est rappelée par Haussmann dans ses mémoires.
«J’obtins des trois propriétaires de la Plaine de Monceau M.M. Pereire, Deguingand, Jadin et d’Offémont, l’abandon gratuit de tous les terrains leur appartenant, dont l’occupation était nécessaire à ces trois voies nouvelles [avenue de Wagram, avenue de Villiers et prolongement du boulevard Malesherbes jusqu'à la porte d'Asnières] [et à d'autres voies et places dans le quartier de la plaine Monceau…].
La contenance totale de ces terrains s’élevait à plus de 8 hectares […]. Les intéressés les cèdèrent sans indemnité, précisément en vue de l’énorme plus-value que la plaine Monceau doit aux percements dont il s’agit et à d’autres que les mêmes propriétaires eurent ensuite l’intelligence d’y faire. […]. Déduction faite des contributions des Communes des Batignolles et de Neuilly, montant à 250 000francs, les trois voies nouvelles qui m’occupent coûtèrent au Département 3 200 000francs environ, pour l’expropriation des parcelles n’appartenant pas aux cinq grands propriétaires ci-dessus nommés et pour les travaux de toutes natures que M. Émile Pereire, le négociateur de cette affaire laborieuse, entreprit à forfait moyennant un million[1].»
Le boulevard Malesherbes fut inauguré par Napoléon III le 13 août 1861.
En octobre 1896, à l'occasion de leur visite en France, le tsar russe Nicolas II et son épouse Alexandra se rendent à l'église de la rue Daru. Situé sur le trajet, le boulevard Malesherbes est décrit comme «noire de monde», pour tenter d'apercevoir le couple impérial[2].
Dans les années 1950, le boulevard Malesherbes a été profondément transformé par l'élargissement de sa chaussée automobile, passée de 14 à 22 mètres de large, au détriment des trottoirs[3]
À partir de 2023, le boulevard est modifié en profondeur: des infrastructures vélo sont installés et un grand parvis remplace le petit parking devant l'église Saint-Augustin.
Sur ce boulevard, le peintre, affichiste Paul Colin avait monté et dirigeait une école de dessin qui fonctionna de 1929 à 1970.
No2: en 1884, le violoniste et compositeur espagnol Pablo de Sarasate (1844-1908) loua un vaste appartement dans cet immeuble et le fit décorer par son ami le peintre Whistler.
No9: Marcel Proust et sa famille y vécurent du à 1900, dans un appartement de sept pièces du bâtiment en fond de cour dont les fenêtres donnaient sur la rue de Surène. «À droite, le cabinet du docteur Proust. À gauche du salon, la chambre de Proust, avec une fenêtre sur cour où l'on voit un arbre. Près du lit, une grande table pleine de livres et de papiers, ainsi que le matériel pour les fumigations d'eucalyptus. […] Vis-à-vis du salon, côté cour, la salle à manger. Au pied de l'immeuble, en face d'une colonne Morris (qui existe toujours devant le 8 sur le trottoir opposé) sur laquelle Marcel court chaque matin voir les spectacles annoncés, se trouvent des boutiques de tailleurs, les maisons Eppler et Sandt et Laborde, où l'on accède depuis la cour, à l'instar de la boutique du tailleur Jupien de la Recherche, dans la cour de l'hôtel des Guermantes où les parents du narrateur ont emménagé. On voit d'ailleurs aujourd'hui encore les emplacements, dans cette cour, des petites boutiques obscures du rez-de-chaussée. C'est dans cette cour que Proust transposera la rencontre de Charlus et de Jupien qui n'est pas encore nommé dans Swann, le giletier de Mme de Villeparisis qui le trouve “l'homme le plus distingué, le mieux fait qu'elle eût jamais vu” […] En face, au 8, se trouve la boulangerie Cerisier, qui n'existe plus[5].»Fernand Gregh évoque «une belle grande maison»: «L'impression que j'en ai gardée, et que je retrouve en fermant les yeux, est celle d'un intérieur assez obscur, bondé de meubles lourds, calfeutré de rideaux, étouffé de tapis, le tout noir et rouge, l'appartement-type d'alors, qui n'était pas si éloigné que nous le croyons du sombre bric-à-brac balzacien[6].»
no10: Julie Peynaud (1834-1884) fut logée là par son amant et futur époux Louis Désiré Mahieu (1800-1884), promoteur immobilier qui a ouvert le boulevard Malesherbes, avant de devenir en 1881 princesse Romolo Ruspoli. Carlotta Invernizzi (dite Lotta Invernizzi) y demeurait en 1910.
Arthur Hugenschmidt (1862-1929), chirurgien-dentiste, fils naturel de Napoléon III, y avait son cabinet et y mourut en 1929.
boutique Betjeman and Barton, marchands de thé à Paris depuis 1919.
No27: en 1925, Edgar Brandt y installe une galerie de ferronnerie d'art[7].
No29: ici était le domicile de Balthazar Bance (1804-1862), graveur et éditeur d'art et d'architecture et de son épouse, née Louise Charlotte Tullié Joyant (1809-1887) qui y mourut. Leur fils, le peintre Albert Bance (1848-1899) y vécut dans sa jeunesse[8].
No32, au croisement avec le 66 rue des Mathurins: immeuble construit vers 1860, remarquable notamment par ses jardins d’hiver à structure métallique[9].
No33: à cette adresse mourut James Combier (1842-1917), premier maire élu de Saumur (49). Très anticlérical, il avait interdit les processions religieuses.
no66: l'acteur Ernest Coquelin, dit Coquelin cadet (1848-1909), y demeurait en 1908[12].
No84: le compositeur autrichien Rodolphe Berger (1864-1916) a été domicilié à cette adresse[13]. Ayant négligé de se faire naturaliser, il est contraint de s'exiler en 1914 au moment de la mobilisation pour la Grande Guerre et se suicidera deux ans plus tard à Barcelone. Le compositeur Jacques Thiérac (1896-1972) a habité cet immeuble de 1936 à sa mort en 1972 (plaque commémorative).
immeuble construit en 1904 par les architectes Le Nevé et D'Hont, à l'emplacement de l'ancien hôtel Valtesse de La Bigne (voir bâtiments détruits, ci-dessous). Alphonse Kahn y a vécu. Henri Goublier, compositeur, a habité dans cet immeuble de 1931 à 1951 (plaque commémorative).
Nos100 et 100 bis: hôtel particulier construit en 1875 par Jules Février (1842-1937), signé et daté sur la façade «J. FEVRIER ARCHTE / 1875». Il fut bâti pour le peintre Eugène Baugnies (1841-1891) qui avait épousé en 1871[15] Marguerite Jourdain, surnommée Meg, mieux connue comme Marguerite de Saint-Marceaux (1850-1930), du nom de son second époux. Madame Baugnies, excellente pianiste et cantatrice lyrique amateure y tenait un salon musical. Veuve en 1891 avec trois fils de sa première union, elle se remaria en 1892 avec le sculpteur René de Saint-Marceaux (1845-1915) qui demeurait au 23, avenue de Villiers dans un hôtel particulier dont le jardin communiquait avec le sien. René de Saint-Marceaux s'installa alors chez son épouse, tout en conservant son atelier de l'avenue de Villiers)[réf.nécessaire].
No104: immeuble de 6 étages, avec mascaron et frise.
No106: hôtel particulier de style Renaissance, construit en 1909 par A. Fiquet architecte, immeuble venant en retour sur le no2 de la place du Général-Catroux, les sculptures sont d'Antoine Margotin.
No108: le Centre Malesherbes a abrité les locaux de HEC de 1881 à 1999 (avec une autre entrée 47-49 rue de Tocqueville), et accueille actuellement les étudiants du premier cycle de la faculté de lettres de Sorbonne Université, à l’angle de la place du Général-Catroux.
No112: le 9 mars 1905, un gros incendie ravage l'immeuble dont l'atelier de l'artiste Francesco Giambaldi[16].
No129: ancien hôtel particulier avec façade en brique avec chaînage en pierre de taille[17] construit en 1874 par l'architecte Émile Boeswillwald (1815-1896) pour le peintre de batailles et de portraits Édouard Detaille (1848-1912) qui y peignit le Rêve en 1889 comme bien d'autres tableaux de peinture militaire. L'intérieur de l'hôtel fut en grande partie restructuré du temps de Détaille[18] qui y mourut en 1912. Il fut le grand ami de ses voisins, les peintres Ernest Meissonier et Alphonse de Neuville, l'écrivain Paul Déroulède et la courtisane Valtesse de La Bigne dont il fut l'amant.
No131: ancien hôtel particulier construit entre 1874 et 1877 par l'architecte Paul Boeswillwald pour le peintre Ernest Meissonier et démoli en 1894.
No190 (angle de la rue Juliette-Lamber): Juliette Adam (1836-1936), écrivaine et salonnière féministe auparavant installée au 23, boulevard Poissonnière, inaugura ici le avec un bal costumé son nouveau logis[20], qui accueillit désormais son salon littéraire, fréquenté par des hommes influents, notamment dans les milieux de la politique et de la littérature.
Frédéric Héran, Le Retour de la bicyclette. Une histoire des déplacements urbains en Europe, de 1817 à 2050, Paris, La Découverte, 2015, 255p.(ISBN9782707186812), p.74.
Pyra Wise, Sur une note de régie elliptique de Proust: les Saint-Marceaux et les nymphéas de Monet, Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM), (en ligne).