Son père Alexandre Claus, né en 1794, est décédé depuis un an déjà quand son fils fait son portrait posthume pour sa mère.
Il dirigeait l'auberge et l'épicerie "In het Gildhuis" à Vive-Saint-Éloi et n'appréciait pas beaucoup les qualités artistiques de son fils. Il l'envoie à Lille pour suivre une formation de boulanger, et c'est grâce à une introduction du compositeur Peter Benoit, dont le père était maître éclusier à Saint-Éloois, qu'Emile à vingt ans, put commencer sa formation de peintre à l'académie d'Anvers en 1869[2]. Il décide alors de se consacrer entièrement à la peinture.
À l'académie d'Anvers, il est élève de Jacob Jacobs, Nicaise De Keyser et Joseph Geefs. Après sa formation, il jouit d'abord d'une renommée en tant que portraitiste de la bourgeoisie anversoise[3].
Il expose pour la première fois deux scènes de genre à Bruxelles en 1875 et en 1879 il s'embarque pour l'Afrique du Nord, trois ans avant le peintre Théo van Rysselberghe. À son retour, la lumière sera la vie de ses toiles et sa propre vie: il peint avec des couleurs élémentaires, il décompose le prisme et le réfracte à travers les tons.
Au contact de son ami Théo Verstraete, sa peinture, teintée de réalisme (Le vieux Jardinier de 1885, Les Sarcleuses de Lin de 1887), devient lumineuse et s'éclaircit.
En 1882, il installe sa résidence à Astene, village voisin de Laethem-Saint-Martin et appelle Zonneschijn[4]sa villa sise au bord de la Lys. James Ensor dira à ce propos: «C'est là qu'il tirera le soleil en bouteille». Émile Claus et Carl Nys organisent leur exposition conjointe du 13 au , salle Verlat, à Anvers[5].
En 1886, il épouse Charlotte Dufaux, la nièce d'Édouard Dufaux, notaire à Waregem[6], avec qui il entretenait de longs contacts. Il avait fait son portrait en 1881 quand elle avait dix-neuf ans[7]. Le mariage a eu lieu à Deinze, mais la fête de mariage a été célébrée chez Léon Dufaux à Waregem. Il fait à nouveau son portrait en robe de mariée (Portrait de Mme Claus en robe de mariée, Musée de Deinze et du Pays de la Lys).
Après son mariage, il s'installe définitivement dans un pavillon de chasse sur la Lys à Astene, où il séjourne régulièrement depuis environ quatre ans. Il lui donnera plus tard le nom de Villa Zonneschijn, d'après le livre du critique et poète Pol De Mont Prinses Zonneschijn. La villa deviendra le lieu de rencontre d'un large cercle d'amis, parmi lesquels des poètes, écrivains et sculpteurs tels que Cyriel Buysse, Camille Lemonnier, Henri Le Sidaner et Constantin Meunier. Cette année-là, il participe à de nombreuses expositions à Paris, en Allemagne, à Liverpool et même à la Nouvelle-Orléans[8].
En 1889, il loue à Paris, pendant trois ans, un atelier qu'il occupe l'hiver, après ses étés passés à Astene. Son ami Camille Lemonnier nous parle de sa vie de fièvre et de passion qui l'exalte, en revivant les heures héroïques de l'Art au contact des Maîtres de l'impressionnisme qui triomphe. Il se lie d'amitié avec le peintre intimiste et symboliste Henri-Eugène Le Sidaner, apprécie le naturalisme des peintres Frits Thaulow, Gaston La Touche et rompt avec son ancienne manière conventionnelle de peindre[9].
En 1891 il est un des fondateurs du cercle Les XIII à Anvers[10].
En 1894 il rencontre l'écrivain naturaliste Cyriel Buysse et une amitié se noue entre eux qui durera trente ans. Chaque fois que Buysse séjourne au Molenberg, dans la ville voisine de Deurle, ils se voient, correspondent fréquemment et voyagent ensemble. Claus s'intéresse beaucoup à la littérature et met l'écrivain en contact avec le poète et critique d'art Camille Lemonnier. En 1925, Buysse publie ses souvenirs de son ami dans «Emile Claus, mon frère en Flandre»[11].
Liens avec l'École de Laethem
Paul Haesaerts dira de sa peinture: «Le dogme exige: travail en plein air, clairs orangés et ombres violettes, sujets joyeux, beaucoup de fleurs, des jardins, des prairies parsemées de renoncules, des champs de blés piqués de bleuets et, si possible, de petites paysannes souriantes et des gosses aux cheveux blonds - formes perdues dans un brouillard de lumière et exécutées à petits coups de pinceau capricants. La fidélité à ces quelques points essentiels garantit la qualité de la peinture et en assure le salut.»
Vers 1900, au moment où se forme le premier groupe de l'École de Laethem-Saint-Martin, Émile Claus est un grand monsieur fêté par la critique. Le luminisme leur sert de repoussoir et les aide, par contraste, à définir l'esprit qui sera celui de leur groupe. Environ dix ans plus tard, quand le deuxième groupe de Laethem se mettra à l'œuvre, loin de se détourner de Claus, les nouveaux venus se laisseront inspirer par lui, mais ce ne sera que pour s'en détacher très rapidement et cette fois avec violence. La plupart des peintres de Laethem ne s'accommodent pas de l'impressionnisme; ils lui disent non une première fois —un non indifférent— puis ils se ravisent mais c'est pour le regretter aussitôt et lancer un nouveau non[12].
Les grandes expositions internationales le réclament avec enthousiasme, les musées acquièrent ses œuvres et il fonde, en 1904, le Cercle Vie et Lumière auquel participent Ensor et Georges Lemmen.
En 1905, il expose à Bruxelles, au Cercle artistique, cinquante-deux toiles qui le consacrent comme le peintre qui a fait entrer dans l'art un paysage nouveau; Camille Lemonnier en dira: «Il avait créé une Flandre des peintres que la peinture ignorait encore.»[15].
Il a beaucoup voyagé les années suivantes, entre autres aux États-Unis, en 1907, où il fait partie du jury d’exposition du Carnegie Institute de Pittsburgh. Dans les pas de Claude Monet, il séjournera à deux reprises à Venise, dont une fois, en 1906, en compagnie d'Henri Le Sidaner[16].
Au sommet de sa gloire et financièrement aisé, il se voit forcé, à soixante-cinq ans, de se réfugier, à contre gré, pendant toute la Première Guerre mondiale à Londres où il peint, fortement influencé par Monet, une série de vues de la Tamise, connues comme les "réflexions sur la Tamise".
Les critiques dans les années suivantes ne furent pas toujours tendres, voire sarcastiques:
Gustave Vanzype écrira, en 1929: «Il exécuta une série d'impressions où la clarté lutte vainement contre les brumes et les fumées, toiles que nous vîmes, en 1920, à Bruxelles, qui sont d'un maître, certes, mais qui ne sont pas tout à fait de Claus.»[17]
Paul Haesaerts parlera de «l’impressionnisme banal, vulgarisé par des ouvriers d’art comme Heymans et Claus» et Ensor le traitera de «chatouilleur de rétines bourgeoises (…)»[18]
À la fin de la guerre, en 1918, il revient à Astene.
Fidèle à sa vision de la nature et méritant son nom de Peintre du Soleil, il y meurt le [19]. La toile qu'il travaillait encore la veille, Moissond'or, est restée inachevée sur chevalet[17].
Initialement, Claus sera inhumé au cimetière communal. Mais à la suite des actions de Jenny Montigny, la talentueuse élève de Claus devenue par la suite sa maîtresse, qui ne cessa d'orner sa tombe de fleurs, sa veuve, Charlotte Dufaux, décida de le faire exhumer et l'enterrer dans le jardin devant sa villa à Astene.
Ses portraits, bien qu'appréciés par la bourgeoisie anversoise, ne sont pas très innovants. Ils s'inscrivent dans la lignée de ceux de Jan Verhas, Édouard Agneessenss, Alfred Cluysenaar, Gustave de Jonghe et Jan Van Beers[2].
Il évolue d'un réalisme clair dans le style de Bastien-Lepage, vers une technique impressionniste. Même s'il a toujours gardé des formes parfaitement identifiables, il utilise des couleurs vives pour fixer l'impression vivante de la lumière du soleil dans la nature[20].
date inconnue (entre 1849 et 1924): Portrait de Camille Lemonnier, huile sur toile, dimensions non connues, Musée Camille Lemonnier, Ixelles, Belgique[21].
date inconnue (entre 1849 et 1924): Le marché devant le théâtre à Anvers, huile sur toile, 49 × 96 × 9,5 cm, Musée royal des beaux-arts d'Anvers (Inv. 2831), Belgique[22].
1906: Villa Rayon de soleil (La Maison de l'artiste à Astene), huile sur toile, 73,5 x 93 cm, Musée des Beaux Arts de Gand (Inv. 1954-W), Belgique[54].
vers 1908-1914: Octobre, le vieil arbre, huile sur toile, 183 × 160 cm, Ambassade de France, Vienne, Musée d'Orsay (Inv. LUX 993), Paris, France[56],[57].
Rétrospective Emile Claus: 1849-1924: Musée des Beaux-arts, Gand - Catalogue par Paul EECKHOUT, préface par Gontran VAN SEVEREN, Gand: Musée des Beaux-arts, 1974. 35 p.
Gustave Vanzype, Notice sur Émile Claus, Bruxelles, Académie royale de Belgique, coll.«Annuaire», , 33p. (lire en ligne), p.28:
«1898. La Berge.
- La Grange ensoleillée.
- La Ferme.
- Maison rose ensoleillée.
- Claire journée d'automne.
- La Chapelle à Bordighera.
- Ampélis.
(Musée de Port-Adélaïde.)
- Bordighera.»
Gustave Vanzype, «Notice sur ÉMILE CLAUS, membre de l'Académie,
né à Vive-Saint-Éloi le 27 septembre 1849, décédé à Astene le 5 juin 1924.», Annuaire 1929, Académie royale de Belgique, , p.33 (lire en ligne).
Francis Maere (made for the Christie's Fine Arts Course of 1986-1987), Emile Claus (1849-1924): The London-period (1915-1918) situated in his oeuvre, 1986-1987, 51p.