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linguiste américain De Wikipédia, l'encyclopédie libre
William Labov, né le à Rutherford, New Jersey et mort le [1], est un linguiste américain, considéré comme un des fondateurs de la sociolinguistique moderne, particulièrement dans son volet quantitatif.
Naissance |
Rutherford (New Jersey, États-Unis) |
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Décès | (à 97 ans) |
Nationalité | Américaine |
Conjoint | Gillian Sankoff (en) et Teresa Gnasso Labov (d) |
Formation | Harvard College et université Columbia |
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Profession | Linguiste, sociolinguiste (d), dialectologue (d), professeur d'université (d) et sociologue |
Employeur | Université Columbia et université de Pennsylvanie |
Intérêts |
Sociolinguistique Dialectologie Démographie linguistique |
Idées remarquables | Fondateur de la sociolinguistique quantitative |
Œuvres principales |
The Social stratification of English in New York City (1966) Sociolinguistic patterns (1972) Principles of linguistic change • I. Internal factors (1994) • II. Social factors (2001) • III. Cognitive and Cultural factors (2010) The atlas of North American English (2006) |
Adjectifs dérivés | labovien, labovienne |
Distinctions | Bourse Guggenheim, médaille Benjamin-Franklin, CSS Fellow (d), membre de l'AAAS (en), membre de l'Académie américaine des arts et des sciences (d), docteur honoris causa de l'université Pompeu Fabra (d), docteur honoris causa de l'université d'Uppsala (d), doctorat honoris causa de l'université de Liège (d) et doctorat honoris causa de l'université Paris-Nanterre (d) |
Membre de | Académie américaine des sciences, Académie américaine des arts et des sciences et Association américaine pour l'avancement des sciences |
Influencé par |
Uriel Weinreich Basil Bernstein Dell Hymes |
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Partisans (A influencé) |
Gregory Guy (en) |
Son apport considérable permet une redéfinition et une meilleure description de la variation linguistique, et prend plusieurs orientations majeures.
Premièrement, il est, avec Uriel Weinreich et Marvin Herzog (en), un père de la linguistique variationniste, qui étudie le langage en le considérant comme sujet d'une inhérente variabilité, tout en étant ordonné dans son hétérogénéité. William Labov a également porté un éclairage social à l'évolution du langage au cours du temps, en expliquant la relation dynamique entre variation et changement. Il a par la suite introduit une nouvelle approche de la langue vernaculaire par le biais de l'analyse du texte narratif oral. Corollairement à son travail sur la variation linguistique, William Labov a enfin porté d'importantes contributions à la méthodologie de l'analyse de corpus en linguistique. Professeur à l'université de Pennsylvanie, il y poursuit actuellement des recherches en sociolinguistique et en dialectologie.
William Labov naît à Rutherford[2], une ville de l'agglomération new-yorkaise située à 30 minutes de Manhattan ; il y passe les 12 premières années de son enfance[2]. Le déménagement qui s'ensuit n'entachera pas, par la suite, son sentiment d'appartenance à la communauté linguistique rutherfordienne[N 1],[2].
À 12 ans, en effet, William Labov s'installe avec sa famille à Fort Lee, une autre agglomération n'étant plus qu'à quelque 15 minutes de Manhattan et y étant relié directement par le pont George-Washington. Fort Lee est peuplé par une classe ouvrière essentiellement allemande et italienne[3],[2]. En termes d'habitudes de prononciation, elle se trouve directement sous l'influence de la ville de New York. Le jeune William vit avec une certaine peine ce changement de pratique, ce qui le mène, durant le lycée, à devoir endurer brimades et conflits[2]. Il noue toutefois, dans le même temps, des amitiés profondes[3], et cette période exercera une influence forte sur la structuration de son identité[3].
William Labov déclare[4] être entré en relation dès son adolescence avec des linguistes, qui, par après, inspireront certaines de ses théories. Il est ainsi mis indirectement en contact avec Henry Sweet, ancien philologue et phonéticien britannique de renom, lorsque ce dernier inspire le rôle de professeur de prononciation qu'incarne Leslie Howard dans le film Pygmalion (1938)[N 2],[4].
Entre 1944 et 1948, le jeune William délaisse la communauté dans laquelle il avait grandi, à Fort Lee, pour se rendre au Harvard College, dans le Massachusetts[3]. Il y suit un plan d'études en anglais et en philosophie, en complétant son programme par une option en chimie. Il décrira plus tard ce dernier choix comme alors mû par une « idolâtrie de la science »[N 3],[5], qui dès lors ne le quittera plus[6].
Après avoir terminé des études de chimie industrielle à Harvard, William Labov commence sa carrière professionnelle en s'adonnant à l'écriture [7]. Il perd et reprend dans une succession rapide plusieurs emplois, allant de la rédaction de résumés littéraires à la collecte d'informations pour des études de marché[7].
Ce n'est qu'après quelques années, en 1949, qu'il parvient à un emploi fixe, en travaillant pour une entreprise familiale de production d'encre pour la sérigraphie[7]. Il y valorise ainsi ses connaissances en chimie en concevant de nouvelles formules et en participant à la réalisation d'encres complexes. Il nourrira durant ces années talent et passion sur le plan professionnel[8], tout autant qu'il en retirera une expérience positive sur les plans humain et personnel[7],[8],[3].
Plus tard dans sa carrière, Labov reconnaîtra que ce travail concret dans l'industrie lui aura permis de développer certaines qualités, dont profiteront ses recherches en linguistique[3]. Premièrement, la conviction que la réalité est en mesure de mettre un raisonnement à l'épreuve[3],[8]. Ensuite, que c'est par un enregistrement rigoureux et méthodique, qu'il est possible de prendre conscience des erreurs encourues[3]. Enfin, en raison de la camaraderie qu'il vécut avec les travailleurs de l'usine, il retirera une certaine proximité avec la classe ouvrière qui l'amènera bientôt à porter un nouveau regard sur les parlers vernaculaires[3].
Après onze ans d'activité dans l'entreprise, William Labov quitte cependant son travail de concepteur d'encres sérigraphiques pour entreprendre de nouvelles études. C'est la nécessaire limitation de la communication intellectuelle prévalant dans le milieu industriel qui justifiera son abandon[9], un contexte de concurrence commerciale restreignant en effet fortement la diffusion des découvertes[9],[3].
William Labov reprend des études en linguistique anglaise en 1961[9],[3], en se présentant comme doctorant à l'université Columbia[3]. L'anglais était une partie de sa formation initiale, et la linguistique, en tant que discipline alors relativement jeune, attisait sa curiosité[10]. Si les débats et les échanges d'idées sur l'origine et la structure du langage lui paraissent d'un grand intérêt[10], il peut également bien vite poser un regard critique sur certaines démarches scientifiques auxquelles les linguistes avaient alors fréquemment recours[10].
L'ancien chimiste industriel prend ainsi rapidement conscience qu'il pourrait tirer profit de son expérience professionnelle pour proposer une alternative à l'introspection des données[10],[3], qui prévalait jusqu'alors[3],[N 4]. Ce tournant méthodologique, qu'il commence déjà à envisager dans le cadre de ses études, ne s'accompagne alors pas encore des deux autres mutations que, dans le même élan, il insufflera plus tard à la linguistique : d'une part, une revalorisation du parler des classes populaires, et d'autre part un rejet des jugements a priori sur la qualité des données collectées[10].
Les années passées par William Labov à l'université Columbia se font en compagnie d'Uriel Weinreich, spécialiste du yiddish, qui y est alors responsable du département de linguistique[11],[12]. C'est sous la tutelle de celui-ci que Labov présente, en 1963, sa thèse de doctorat[13], « The social stratification of English in New York City Department Stores », qu'il publiera trois années plus tard sous forme d'ouvrage, avec quelques modifications légères[13].
Uriel Weinreich, fils du linguiste Max Weinreich[14], est issu d'une famille de juifs laïques émigrée de Lituanie aux États-Unis avant l'occupation russe[11],[14]. À peine un an plus âgé que William Labov, Uriel Weinreich entretient avec lui une relation particulière. Labov lui reconnaîtra une influence importante sur le développement de ses idées en sociolinguistique [10], à tel point qu'il avoue ne pas savoir « combien d'idées il a apportées de lui-même à la sociolinguistique, et combien il a héritées de Weinreich[11],[N 5]. » Cette influence de Weinreich sera d'autant plus forte sur Labov qu'il décédera précocement d'un cancer, à l'âge de 41 ans, laissant à Labov des idées qu'il n'avait pas encore pu concrétiser[11],[15].
Après la présentation de son doctorat, Labov obtient un poste de professeur à l'université Columbia, dans laquelle il enseigne entre 1964 et 1970.
Ensuite, il devient professeur de linguistique à l'université de Pennsylvanie (1971). Il en devient le directeur du Laboratoire de Linguistique en 1977.
La variation liée à la classe sociale dans la prononciation constitue un centre d'intérêt majeur pour Labov. Une étude fondatrice en la matière est celle qu’il a réalisée à propos de la prononciation du /r/ à New York, dans le cadre de sa thèse de doctorat, « The Social Stratification of English in New York City Department Stores » (1963, republié en ouvrage en 1966 sous le titre « The Social Stratification of English in New York City »). Il s’est rendu, pour la réaliser, dans trois chaînes de magasins de vêtements ciblant des clientèles socialement différentes : Saks Fifth Avenue, dont l’offre était catégorisée comme de luxueuse; Macy's adressée aux classes moyennes ; et S. Klein (en) ciblant les classes populaires. Ayant choisi les magasins de telle sorte qu’à chaque fois, les chaussures pour femmes soient vendues au quatrième étage (« fourth floor »), sa démarche d'investigation consistait à feindre de demander aux employés où se trouvaient ceux-ci. De là, il avait pour objectif d’étudier la variation de prononciation de cette même séquence, des classes supérieures aux classes populaires.
Le résultat de cette enquête a montré que la chaîne la plus luxueuse, Saks Fifth Avenue, est celle dans laquelle le plus de /r/ étaient prononcés. Cependant, la classe moyennes montre une hypercorrection en augmentant sa production de la variante prestigieuse et en surpassant la classe supérieure. En revanche, chez S. Klein, l’insistance sur la prononciation des /r/ est dans bien des contextes presque inexistante.
William Labov, lors de vacances touristiques, se rend sur une petite île au large du Massachusetts, Martha's Vineyard. Durant son séjour dans cette île où le tourisme se développe depuis peu, il constate que l'enthousiasme des autochtones à recevoir les vacanciers fortunés varie considérablement d'une personne à l'autre. En outre, il note une variation typique de l’île (dans les diphtongues /a͜ʊ/ et /a͜ɪ/, présentes par exemple dans « mouse » et « mice »), qui est pratiquée d'une manière plus ou moins exagérée, ou plus ou moins modérée, selon les habitants.
Il fera l’objet de sa première recherche post-doctorale d’étudier une corrélation existant a priori entre ces deux phénomènes : les habitants favorables aux touristes semblent prononcer les deux diphtongues de la même manière que ceux-ci, dans un américain plus standard. Tandis que ceux qui leur sont plus défavorables, parmi lesquels les derniers marins de l’île dont l'activité de pêche au gros est à terme menacée par l'arrivée des touristes, auront tendance à conserver, voire à exagérer l’accent local.
William Labov conserve une influence de premier plan, particulièrement pour les études sociolinguistiques se réclamant de l'école anglo-saxonne. La méthodologie initiée par William Labov demeure également une référence pour tout travail en sociolinguistique quantitative ou de corpus.
William Labov est considéré comme le père de la sociolinguistique moderne. Il sera le premier à développer une étude de la variation dotée d’un arsenal descriptif véritablement performant (description quantitative, modèles théoriques,…). On lui doit de nombreuses études dans lesquelles il insiste sur des paramètres de variation linguistique jusqu'alors délaissés dans le cadre des études linguistiques. En dehors des variations géographiques (études des dialectes) et temporelles (histoire de la langue), Labov met en effet l'accent sur les variations diastratiques et diaphasiques, autant d'« axes » de la variation qui jusque-là avaient été délaissés par les linguistes. Les premières correspondent à des variations de la langue de nature sociale (liées au sexe, à l'âge, à la profession, à la position sociale, au niveau d'études...). Les secondes correspondent aux variations qui affectent le même locuteur en fonction de situations données (expression écrite ou orale, niveau de langue en fonction d'interlocuteurs différents)[16].
Selon Labov, la sociolinguistique doit être en mesure d’expliquer et de décrire les variations dans l’usage de la langue, tant à l’échelle microsociale (au niveau de l’individu et des relations interindividuelles) qu’à l’échelle macrosociale (au niveau d’une communauté entière). Il s’agit de décrire et d’expliquer les variations tant chez des individus pris séparément que dans un groupe plus large. On constate que le langage est le reflet des relations sociales, et qu'il joue un rôle de marqueur identitaire, ce dont la sociolinguistique doit être en mesure de rendre compte.
La sociolinguistique constitue une réaction à la position générativiste, selon lequel tout linguiste devait se placer au niveau de la compétence et non de la performance, et donc étudier uniquement la norme linguistique sans tenir compte de l'usage, perçu comme fuyant. La sociolinguistique a pour mission de montrer que contrairement à la vision générativiste du langage, la performance n’est pas aléatoire. La variation qui la conditionne en effet n’est pas libre, mais structurée par des règles sous-jacentes.
La question que pose alors Labov est de savoir si on peut réellement qualifier l'usage linguistique non standard d'appauvri, ou d'économe. Les précédentes études sur bande sonore qui avaient été menées aux États-Unis sur les locuteurs de variantes non standard semblaient en effet montrer que ces personnes maîtrisaient la langue à un degré moindre, et commettaient un certain nombre d'hésitations et d'erreurs même dans leur propre variante linguistique. C'est à ce qui fut dès lors observé comme une déformation linguistique que furent dès lors imputées des déficits cognitifs, plus spécifiquement pour les noirs américains dont on avait constaté des difficultés de scolarisation notoires dans le système américain.
William Labov a invalidé ce constat en soulignant qu'il résultait d'un artefact expérimental : les personnes enregistrées n’étaient en effet pas accoutumées aux conditions d'expérience qui leur étaient imposées. De fait, pour certains locuteurs, et particulièrement ceux de basse extraction sociale, le fait d'être enregistré et interrogé sur ses pratiques linguistiques par un individu s'exprimant dans une langue savante pouvait s'avérer psychologiquement déstabilisant, et conséquemment altérer les données recueillies. L’expérience avait, en réalité, toutes les chances d’être biaisée par les conditions de l’observation. Ce phénomène peut être rapproché de l'effet Hawthorne.
Labov va alors réaliser la même expérience, en en changeant les conditions. Il va se présenter aux jeunes noirs américains de manière informelle, autour d'un verre offert ou d'un paquet de chips, en évitant de piloter trop directement la conversation. En somme, l’observateur essaie de se fondre dans la communauté linguistique et de s’adapter à la personne interrogée. L’enquête ainsi réalisée par Labov va produire de tous autres résultats. On se rend compte que la compétence linguistique des personnes interrogées était élaborée, mais que leur problème est principalement une question de registre et de cadrage de l’interaction. Leur code est bien fonctionnel, et adapté à l’intérieur de la communauté utilisant une pratique uniforme, avec ses propres fonctionnements, et ce indépendamment du fait qu'il s'agisse d'une variante « non standard ».
En réalisant cette expérience, Labov a mis en évidence le problème méthodologique du paradoxe de l’observateur (en) : les données doivent refléter la manière dont la personne interagit dans un contexte réel de production. Avant lui, on négligeait le contexte en pensant qu’il suffisait de prendre un tiers informateur et de l’enregistrer. La contestation faite par Labov de cette approche a conduit à une reconsidération méthodologique et à un regard nouveau sur les variétés non standard.
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