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artiste cubain De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Wifredo Óscar de la Concepción Lam y Castilla, dit Wifredo Lam, est né le à Sagua La Grande (Cuba) et mort le à Boulogne-Billancourt[1]. Peintre cubain, promoteur d’une peinture métissée alliant modernisme occidental et symboles africains et caribéens créant ainsi un langage singulier et contemporain. Proche de Pablo Picasso, des surréalistes qui le reconnaissent comme l’un des leurs, il côtoiera également les Imaginistes, Phases, CoBrA.
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Académie nationale des beaux-arts San Alejandro (en) |
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Lou Laurin-Lam (d) |
« Lam, c’est aussi l’âme de ce temps dans son combat pour la justice, pour la libération des réalités longtemps opprimée[2]. » Lam poursuit le même combat que le poète martiniquais Aimé Césaire, « peindre le drame de son pays, la cause et l’esprit des Noirs. » Il a inventé un langage propre, unique et original, pour « défendre la dignité de la vie[2]. »
Wifredo Oscar de la Concepción Lam y Castilla naquit l'année de la proclamation de la république, après plus de trois siècles de domination espagnole. Le « l » de son prénom ayant disparu quelques années plus tard à la suite d’une erreur administrative, il adopte complètement ce nouveau prénom de Wifredo.
Wifredo est le huitième et dernier enfant[3] d'un couple aux origines fort différentes et d'une grande différence d'âge. Sa mère, Ana Serafina Castilla, née en 1862, est une mulâtresse descendant d’Espagnols et de Noirs du Congo déportés. Son père, Enrique Lam Yam, né vers 1818, est un Chinois originaire de la région de Canton qui a émigré vers les Amériques. Il s'installe en 1860 à San Francisco puis, dix ans plus tard, migre une première fois vers Cuba avant de rejoindre le Mexique en 1880[4]. Il s'installe définitivement à Cuba, dans la ville de Sagua la Grande où il tient commerce et, homme lettré connaissant de nombreux dialectes cantonais, exerce la profession d'écrivain public pour les émigrants chinois[5]. Ce dernier meurt en 1926, âgé de 108 ans[6]. Son épouse lui survit jusqu'en 1944.
Sagua La Grande est une petite ville sur la côte nord, centre sucrier de la Province de Las Villas. C’est là qu’il passe son enfance, dans un environnement mêlant plusieurs civilisations et croyances : le catholicisme cubain auquel appartient sa mère qui le fait baptiser lorsqu'il a 5 ans[7]; le culte des ancêtres pratiqué par son père ; et les traditions africaines, liées à la santeria, que lui apprend sa marraine, Antonica Wilson, dite Mantonica, une prêtresse très renommée de ce rite. Il apprend auprès d’elle les rudiments du culte et de ses mystères, sans jamais être initié. Elle lui ouvre un monde peuplé d’esprits et d’invisibles.
Lam fréquente une école publique dans un quartier populaire de sa ville natale et c'est dès l’âge de sept ans que naît sa vocation d’artiste et qu’il se passionne pour le dessin. Il s’intéresse très tôt aux œuvres de Léonard de Vinci, Velasquez, Goya mais aussi de Paul Gauguin ou Eugène Delacroix.
En 1916, Wifredo et une partie de la famille s'installent à La Havane tandis que son père, déjà très âgé, reste à la campagne. Wifredo s'exerce au dessin et à la peinture dans les jardins botaniques de la ville. Il abandonne des études de droit pour suivre une formation artistique et devenir portraitiste. De 1918 à 1923, Lam est inscrit à l’Academia Nacional de Bellas Artes San Alejandro (es). Il est l’élève des peintres Leopoldo Romañach et Armando Menocal. C'est à l'âge de 21 ans qu'il prend la nationalité cubaine, étant jusqu'alors chinois par sa filiation[7], expliquant peu après qu'il s'est toujours senti avant tout cubain plutôt que chinois[8].
De 1924 à 1926, à Madrid, il rejoint l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando. Les cours sont donnés par le directeur du Musée du Prado, portraitiste et professeur, qui ne jure que par la tradition, Fernando Álvarez de Sotomayor qui avait été le maître de Salvador Dalí.
À partir de 1925, à Madrid, pour échapper à l'enseignement réactionnaire de San Fernando, il fréquente l'Escuela Libre de Paisaje fondée par Julio Moisés, avec l’aide de peintres anticonformistes (Dalí, Francisco Bores, Benjamín Palencia, José Moreno Villa, etc.).
Lam vit en Espagne de 1923 à 1938. Il demeure le plus souvent à Madrid – avec quelques séjours à Cuenca, Léon, puis à Barcelone. C'est pour le peintre une longue période d'apprentissage et de recherches. Malgré un enseignement classique, l'Ancien Monde jouera bien le rôle de révélateur. D'abord par le biais des maîtres anciens. Au musée du Prado, il est attiré par tous ceux qui dénoncent les tyrannies : Jérôme Bosch, Breughel, Albrecht Dürer, Goya, etc. Il se sent proche de ces artistes révoltés et contestataires. Il s'intéresse aussi bien aux origines de l'art - Préhistoire, archaïsme, de l'Occident ou de l'Afrique - qu'aux peintures de Paul Cézanne, de Henri Matisse, et surtout de Picasso — découvert en 1929. C'est une révélation. Dorénavant Lam souhaite faire une peinture qui soit aussi « une proposition générale démocratique [...] pour tous les hommes[2] ». L'Espagne est aussi pour Lam une terre d'expériences tragiques. Aux douleurs personnelles (la perte d’une épouse, Eva Sébastiana Piriz, et de leur fils Wilfredo Víctor en 1931, succombant de la tuberculose)[9] s'ajoutent les drames de l'Histoire (la montée du fascisme et la guerre civile). Il s'engage auprès des Républicains dès le 18 juillet 1936, participe à la défense de Madrid, puis travaille dans une usine d'armement. Peu avant son départ, il rencontre celle qui deviendra sa seconde épouse, Helena Holzer[10].
Lam quitte l’Espagne en mai 1938 pour Paris où il s’installe jusqu’en juin 1940. Ce séjour est d’une importance capitale. Il est accueilli par Pablo Picasso qui sera pour lui un « incitateur à la liberté ». L’Espagnol lui présente Georges Braque, André Breton, Paul Éluard, Fernand Léger, Michel Leiris, Matisse, Joan Miró, Tristan Tzara, Christian Zervos ainsi que les marchands d’art Daniel-Henry Kahnweiler et Pierre Loeb.
Il peint beaucoup et Picasso lui témoigne son approbation et son soutien : « Je ne me suis jamais trompé sur toi. Tu es un peintre. C’est pour cela que j’ai dit la première fois que nous nous sommes vus que tu me rappelais quelqu’un : moi ». Cette affirmation artistique est aussi couronnée par deux expositions qui se déroulent à Paris et à New York en 1939.
Après la défaite de la France en juin 1940, il quitte Paris et rejoint Marseille, en octobre, où sont réfugiés des intellectuels et des artistes hostiles au nazisme dont quelques surréalistes regroupés autour de Breton. « J’ai eu des contacts très profonds avec les surréalistes [...] j’étais impressionné par le côté poétique... un grand combat pour la création[2]... ». En février 1941, l’Emergency Rescue Committee que dirigent Varian Fry et Daniel Bénédite, leur permet de quitter la France. Avec une première escale à la Martinique (avril-mai 1941) : à Fort-de-France, grâce à Breton, ils découvrent la revue Tropiques et rencontrent ses fondateurs Suzanne Césaire et Aimé Césaire. Entre le peintre cubain et le jeune poète martiniquais, c’est le début d’une grande amitié. Lam se sent proche du combat mené contre l’injustice et le despotisme colonial par Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas...
Lam accoste Cuba en août 1941. Il se sent dépaysé dans son propre pays - « ce que je voyais à mon retour ressemblait à l’enfer » - révolté par la misère des Noirs sous le régime de Batista. « Tout le drame colonial de ma jeunesse revivait en moi ». Ce sera le déclic. Ses toiles deviennent des armes qui dénoncent et contestent. « Alors j’ai commencé à fabriquer des tableaux dans la direction africaine », en puisant dans le monde magique de son enfance, en s’inspirant des cérémonies de la santería ou des rites abakuas, qu’il apprend auprès de spécialistes ou de connaisseurs (entre autres l’ethnologue Lydia Cabrera). Mais Lam reste un athée. Il peint le drame de son pays en faisant revivre les mythologies d’une population brimée et asservie. Inspiré et bien entouré, Wifredo travaille avec acharnement. Si La Jungle exposée en 1944 à New York fait scandale, elle est achetée par le MoMA dès 1945. Lam peint désormais dans une liberté absolue.
La fin de la guerre est synonyme de voyages, de rencontres, de nouvelles découvertes. Et son œuvre est l’objet d’une reconnaissance internationale. Rayonnant depuis Cuba, il se rend en Haïti dès la fin 1945 où il se lie avec le poète surréaliste haïtien Clément Magloire-Saint-Aude[11], puis en France et à New York (1946 et 1948) ou – après le coup d’état de Batista le 10 mai 1952 qui réinstalle la dictature dans l’île - depuis Paris, en Suède (1955), au Venezuela (1955, 1956 et en 1957 en compagnie du poète et critique de cinéma Amy Bakaloff Courvoisier), au Mato Grosso (1956), au Mexique (1957), à Cuba (1958), à Chicago (1958 et 1960), sans jamais cesser de créer. Là des toiles monumentales, totémiques ou mythiques, voire ésotériques, là des muraux en céramique, là des gravures... C’est le temps des premières monographies sur son œuvre et, tandis que les expositions s’enchaînent, que les mouvements artistiques se multiplient qui retiennent son attention (CoBrA, Phases, Imaginisterna (en), Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste, Internationale situationniste, etc.), de rencontres décisives : John Cage, Arshile Gorky, René Char, Asger Jorn, Guillaume Corneille, Carlos Franqui, Alain Jouffroy, Gherasim Luca, Carlos Raúl Villanueva, Alexander Calder et Lou Laurin, jeune artiste suédoise, qu'il épouse en 1960[12] (avec qui il aura trois fils[13],[14], dont le conservateur de ses œuvres, Eskil Lam[15]).
Cuba, après la révolution castriste, lui réserve un accueil triomphal en 1963. Lam y fait de fréquents séjours. En 1966, il peint pour le palais présidentiel de La Havane le tableau Le Tiers Monde[16].
À partir de 1957, Lam se rend régulièrement en Italie et séjourne à Albissola Marina, petite ville balnéaire de la côte ligure. Il y retrouve de nombreux artistes : Asger Jorn, Enrico Baj, Fontana, Karel Appel, Corneille, Matta, Tullio Mazzotti, Piero Manzoni, Dangelo, Édouard Jaguer, Roberto Crippa, Guy Debord, Agenore Fabbri... Séduit par ce milieu libre et amical, favorable à la création et à l’émulation artistique, il décide d’y passer plusieurs mois par an. À partir des années 1960, ce sera le point d’ancrage du peintre pour les vingt prochaines années. Jorn tente plusieurs fois de l’initier à la céramique. Il n’y prendra plaisir qu’en 1975. C’est dans l’atelier San Giorgio qu’il se passionne pour cette technique et cette nouvelle « liberté créatrice ».
Lam qui expose beaucoup à travers le monde, est également invité aux principales manifestations d’art contemporain de son époque : Dokumenta II et III de Kassel (1959 et 1964) ; Biennale de Venise (1972). À Paris, il est fidèle au Salon de mai de 1954 à 1982. Lam organise le transfert du Salon de mai de 1967 à Cuba où est réalisé Cuba Colectiva – une œuvre exécutée par tous les artistes invités et leurs homologues cubains.
À partir des années 1960, Lam produit aussi beaucoup de gravures. Une grande partie de son travail est destinée à illustrer des albums de poètes, parmi ses plus proches amis : Aimé Césaire, André Breton, René Char, Édouard Glissant, Alain Jouffroy, Michel Leiris, Gherasim Luca, André Pieyre de Mandiargues, Magloire Saint-Aude, Tristan Tzara.
Lam travaille dans l’atelier milanais de Giorgio Upiglio, en août 1978, lorsqu’il est terrassé par une attaque cérébrale. Il en sort à moitié paralysé et cloué dans un fauteuil roulant. Ce qui ne l’empêche pas de créer – principalement des dessins gravures, céramiques ou sculptures. Mais développe en lui la nostalgie du pays natal. Dès lors, il partage ces années entre Cuba et Albissola. Il meurt dans son appartement du boulevard de Beauséjour à Paris le . Il a droit à des funérailles nationales qui lui sont organisées le 8 décembre 1982 à La Havane[17],[18].
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