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genre de fiction qui repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification du passé De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Dans la fiction, l’uchronie est un genre qui repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification du passé. « Uchronie » est un néologisme du XIXe siècle créé par Charles Renouvier avec pour modèle l’utopie, un « u » {pour οὐ (oú), préfixe de négation} et χρόνος (chronos), le temps : étymologiquement, le mot désigne donc un « non-temps », un temps qui n’existe pas. On utilise également abusivement l’anglicisme « histoire alternative » (alternate history) [note 1].
L’auteur d’une uchronie prend comme point de départ une situation historique existante, modifie un évènement ayant eu lieu pour ensuite imaginer les différentes conséquences possibles. Cette volonté de changer le cours de l’Histoire pour imaginer ce qu’elle aurait pu être rappelle la phrase de Blaise Pascal : « Le nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé » (Pensées, édition Brunschvicg, fragment 162).
Le mot a été inventé par Charles Renouvier, qui intitule Uchronie, l’utopie dans l’histoire. L’« Uchronie » est donc un néologisme du XIXe siècle fondé sur le modèle d’utopie (mot créé en 1516 par Thomas More pour servir de titre à son célèbre livre, Utopia), avec un « u » privatif et, à la place de « topos » (lieu), « chronos » (temps). Étymologiquement, le mot désigne donc un « non-temps », un temps qui n’existe pas.
Selon l'inventeur du terme en 1876, Charles Renouvier, l'auteur d'une uchronie « écrit l'histoire, non telle qu'elle fut, mais telle qu'elle aurait pu être, à ce qu'il croit »[2].
Le dictionnaire Larousse du XIXe siècle donne la définition suivante : « UCHRONIE (n.f.) : utopie appliquée à l’histoire ; histoire refaite logiquement telle qu’elle aurait pu être »[3].
Le mot « uchronie » est présent dans le Petit Larousse illustré de 1913 mais également dans le Nouveau Larousse Universel de 1948.
Régis Messac donne en 1936, dans sa revue Les Primaires, cette définition de l’uchronie : « Terre inconnue, située à côté ou en dehors du temps, découverte par le philosophe Renouvier et où sont relégués, comme des vieilles lunes, les événements qui auraient pu arriver, mais ne sont pas arrivés »[4].
Une définition assez proche, « Histoire refaite en pensée telle qu'elle aurait pu être et qu'elle n'a pas été » par Georges Thines et Agnès Lempereur, dans le Dictionnaire général des sciences humaines, Paris, Éditions universitaires, 1975, est citée comme point de philosophie sur le site du CNRTL[5].
Cette définition écarte, sans totalement les exclure, les récits de voyages dans le temps et de mondes parallèles, malgré des liens étroits avec l’uchronie qui n'ont pas à réellement parler[pas clair]d'« Évènement divergent en uchronie » mais d'un faisceau étroitement relié d'évènements avec l'Univers parallèle romancé[note 1],[note 2].
On y trouve aussi par ce biais son sens ordinaire « Époque fictive; évocation imaginaire dans le temps », adoptée notamment par le critique littéraire-historien Raymond Trousson[réf. nécessaire]. Ce sens trop large de l'uchronie, qui peut inclure toute la littérature d'anticipation, est critiqué (par exemple, par Hinrich Hudde[6]).
Le plus ancien exemple connu d'uchronie apparaît dans Histoire de Rome depuis sa fondation de Tite-Live (Livre IX, sections 17-19). Il évoque l'hypothèse qu’Alexandre le Grand ait lancé sa conquête à l'Ouest plutôt qu’à l'Est ; il aurait attaqué Rome au IVe siècle av. J.-C.
En 1659, Michel de Pure publie Épigone, histoire du siècle futur[7].
La première œuvre entièrement uchronique semble avoir été le roman de Louis Napoléon Geoffroy-Château, juge au tribunal civil de Paris, Napoléon et la conquête du monde (1836)[8] (appelé aussi Napoléon apocryphe). Dans ce livre, Geoffroy-Château postule que Napoléon aurait fui Moscou avant le désastreux hiver 1812. Pour l'auteur, l'empereur aurait eu assez de forces militaires pour conquérir le monde.
En langue anglaise, la première uchronie littéraire connue est une nouvelle de l'Américain Nathaniel Hawthorne, P.'s Correspondence (1846) (« La correspondance de P. », traduction d'Alexandra Lefebvre, dans le recueil « Le Hall de l'Imagination », Éditions Allia, Paris, 2006), qui passe pour fou, raconte ses rencontres avec des personnalités littéraires et politiques anglaises d'un 1845 différent de notre 1845 (années 1840), où toutes ces figures sont déjà mortes. Lord Byron n'est pas disparu en héros de la lutte pour l'indépendance grecque, mais est devenu un vieux nobliau obèse, conservateur farouche faisant expurger et censurer sa propre poésie, et abandonnant Moore à la misère et à la mort. Robert Burns vit toujours, mais un peu gâteux. Walter Scott est paralysé et sénile, William Wordsworth vient de mourir. Percy Bysshe Shelley, rescapé de la noyade au large de La Spezia, est devenu un anglican dévot : il écrit de la littérature pieuse et prépare l'édition d'une Preuve philosophico-religieuse du christianisme. John Keats se consacre à la composition d'une épopée de l'avenir de l'humanité. Napoléon Bonaparte, âgé de 70 ans, revenu de Sainte-Hélène où le climat l'a irrémédiablement diminué, erre seul dans les rues de Londres, déchu, oublié de tous. Edmund Kean, le fameux acteur shakespearien, mort même dans cet univers, se produit néanmoins encore à Drury Lane, mais seulement dans le rôle du fantôme de Hamlet…
En 1876, Charles Renouvier publie son Uchronie (l'utopie dans l'histoire) : esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu'il n'a pas été, tel qu'il aurait pu être. Ce récit uchronique est censé être l'œuvre d'un hérétique de « notre » XVIIe siècle, condamné au bûcher par l'Inquisition ; il est encadré par des textes présentant cet auteur imaginaire et de documents associés, dans une structure emboîtée :
« Il s'agit de l'histoire d'un certain Moyen Âge occidental que l'auteur fait commencer vers le premier siècle de notre ère et finir dès le quatrième, puis d'une certaine histoire moderne occidentale qui s'étend du cinquième au neuvième. Mais cette histoire, mêlée de faits réels et d'événements imaginaires, est en somme de pure fantaise, et la conclusion de ce livre singulier s'éloigne on ne peut plus de la triste vérité. L'écrivain compose une uchronie, utopie des temps passés. Il écrit l'histoire, non telle qu'elle fut, mais telle qu'elle aurait pu être, à ce qu'il croit, et il ne nous avertit ni de ses erreurs volontaires, ni de son but.
Uchronie (l'utopie dans l'histoire) : esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu'il n'a pas été, tel qu'il aurait pu être[9]… »
Dans cette œuvre, la divergence avec notre histoire se produit au IIe siècle, à Rome, sous Marc Aurèle ; l'issue différente d'une intrigue de cour incite l'empereur stoïcien à radicaliser sa politique anti-chrétienne et à exclure les chrétiens de la citoyenneté. Le christianisme ne devient pas religion d'État conquérante et agressive sous Constantin Ier mais se développe chez les Barbares, sous une forme plus douce et plus évangélique. Au XVIe siècle, l'Europe hérite d'une histoire pacifiée, où l'Église a paisiblement infiltré un empire plus stable et durable ; la Réforme protestante violente et les Guerres de religion n'ont pas eu lieu.
Le mot est inventé recouvrant un concept déjà existant.
Le premier roman anglais uchronique-utopique est Aristopia de Castello Holford (1895). Holford imagine que les premiers colons de Virginie ont découvert une montagne d'or qui leur aurait permis de bâtir une société utopique en Amérique du Nord.
Plusieurs autres œuvres uchroniques paraissent ponctuellement à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.
Cependant, le travail majeur suivant fut certainement, en 1931, la parution d'une anthologie d'« histoires alternatives » (selon la dénomination anglaise) par l'historien britannique, Sir John Collings Squire (en) et titrée If It Had Happened Otherwise (Si ça s'était passé autrement). C'est un recueil de textes écrits par de grands professeurs d'histoire des universités d'Oxford et de Cambridge. On y trouve par exemple :
L'uchronie devint populaire petit à petit grâce aux magazines américains publiant des nouvelles de science-fiction. En , Astounding Stories publie Ancestral Voices (Les voix ancestrales) de Nat Schachner, puis Sidewise in Time de Murray Leinster. Leinster complexifie les changements historiques : dans son univers, les pays commercent avec leurs analogues du passé et du futur. Le point de vue est celui du héros, un professeur d’université, qui voyage de monde en monde pour découvrir ce qui serait advenu du monde si tel événement avait été différent. Dans la même période des années 1930 se développent les histoires de voyage dans le temps.
Le genre de l'uchronie connaît un essor commercial depuis la fin des années 1980 avec plusieurs auteurs prolifiques (Harry Turtledove, Harry Harrison et Kim Stanley Robinson) et deux auteurs qui éditent des anthologies de récits uchroniques (Gregory Benford et Mike Resnick).
Turtledove a développé plusieurs séries de romans :
En 1995 est créé le Sidewise Award for Alternate History, du nom de l'histoire de Murray Leinster et des mondes parallèles.
L'uchronie est un variant de l'utopie pour Daniel S. Larangé, qui l'étudie dans le cadre de la théorie des mondes possibles dans les années 2000. L'uchronie permettrait de passer à une théorie des mondes multiples au regard du principe de l'effet domino. Elle conforterait la théologie de l'histoire qui suppose la présence d'une raison dans la destinée des événements et des actions humaines qu'ils impliquent. Une pareille représentation prouverait à quel point l'homme est devenu un être de récits, qui se nourrit d'histoires et produit constamment autour de lui un environnement « historique ». Il en vient donc à identifier selon lui les récits uchroniques qui reconstruisent l'histoire, qui sont des discours spirituels qui expriment les craintes et les espérances d'une société à un moment donné[10]. En ce sens, l'homme est bien un-être-pour-le-livre (zum Buch sein), selon l'expression formée par Emmanuel Levinas et repris par Edmond Jabès.
Enfin, Bernard Deloche utilise également le terme d'uchronie pour déterminer le rapport au temps des musées. À travers les processus de sélection du patrimoine (et donc des œuvres), forcément partiaux et subjectifs, les musées ré-écrivent l'histoire à travers le prisme de l'exceptionnel et d'objets témoins de cultures passées et parfois éloignées. L'uchronie est ici vue comme une forme de rapport à l'histoire[11].
Le moment où l’histoire réelle et l’histoire uchronique divergent est appelé « point de divergence » ou "point de scission" selon l'expression de Charles Renouvier[12]. Ces points de divergence sont souvent liés à des événements symboliques d'une période de l'histoire.
Par exemple, dans Le Maître du Haut Château de Dick, c’est l’assassinat de Franklin Roosevelt à Miami en 1933 par Giuseppe Zangara qui fait basculer l’intrigue dans la fiction. Les États-Unis ne parviennent pas à sortir de la grande dépression et restent figés dans leur neutralité face à Hitler. Le Royaume-Uni, puis la Côte Est sont conquis, les Japonais s'emparant de la Côte Ouest. Dans La Brèche le Brigadier-général Norman Cota, qui a historiquement initié la sortie de la plage d'Omaha le , est tué sur celle-ci à la suite d'une interférence avec des voyageurs temporels, ce qui brise l'élan.
La théorie du multivers postule que des points de divergence surviennent à chaque instant, créant sans cesse des univers parallèles (exemple : si les dinosaures n’avaient pas disparu, si l’Empire romain n’avait pas disparu, etc.).
Le compositeur Thomas Lacôte intéressé par la « cristallisation du Temps » a mis en lumière les possibilités de l'uchronie de l'interprétation en musique dans son œuvre en deux volets Uchronies[17] pour deux pianos.
Il constate que l'auditeur n'a de toutes façons pas accès à « cette forme ouverte de composition à interpréter librement...que Ligeti (entre autres) avait mise en place dans les années 1960...mais qui fut terminée dans les années 1980 ». Il cite sa démarche personnelle dans son article « Uchronies musicales »[18], traitant d'œuvres du XVIIIe siècle à nos jours, de Mozart, Beethoven, Frédéric Chopin, Gabriel Fauré, Philippe Hurel, etc.
De nombreux artistes retravaillent les toiles de maître de la peinture sur base d'interprétations uchroniques par exemple écologiques comme dans la série des Uchronies éoliennes de l'artiste Claude Biche (images) et textes associés (Jennifer Lavallé)[19].
Pour varier les intrigues de leur série, certains scénaristes imaginent des variations de type uchronique à l’intérieur de l’univers fictif qu’ils animent.
L'uchronie est étrangement rare dans le jeu de rôle. Cela tient sans doute au fait qu'elle occupe une place mixte entre l'historique, qui a ses charmes, et le fantastique débridé, qui attire la plupart des joueurs. Bien que de nombreux jeux de rôle occultes contemporains soient basés sur une « histoire secrète », ce ne sont pas des uchronies.
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