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écrivain et dramaturge autrichien (1931-1989) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Thomas Bernhard, né le à Heerlen et mort le à Gmunden, est un écrivain et dramaturge autrichien.
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Nicolaas Thomas Bernhard |
Pseudonyme |
Thomas Fabian |
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Alois Zuckerstätter (d) |
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Herta Fabjan (d) |
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Genres artistiques | |
Site web |
(de) thomasbernhard.at |
Distinctions |
Prix Georg-Büchner () Liste détaillée Prix littéraire de la ville de Brême () Prix Anton-Wildgans () Prix autrichien pour la promotion de la littérature (d) () Prix Georg-Büchner () Prix Franz Grillparzer (en) () Prix Adolf-Grimme () Prix Antonio-Feltrinelli () Prix Médicis étranger () |
L'enfance de Thomas Bernhard est marquée par de multiples déménagements et par une maladie pulmonaire dont il souffre jusqu'à sa mort. Au cours de sa vie, l'écrivain a plusieurs fois « pris la direction opposée », le contre-pied de ce qu'on attendait de lui, ou s'est mis à détester ses goûts et ses relations antérieures. Pur Autrichien, Thomas Bernhard n'a jamais eu de mots trop durs envers son pays, tout en enracinant une partie de sa vie dans la campagne autrichienne la plus profonde.
Thomas Bernhard est le fils de Herta Bernhard et d'Alois Zuckerstätter. Sa mère travaille comme bonne à tout faire pour subvenir aux besoins de ses propres parents[1]; son père, menuisier, est un homme instable qui change fréquemment de lieu de résidence et de profession[2],[1]. Ils se rencontrent au printemps 1930 à Henndorf, dans la région de Salzbourg, et Herta Bernhard tombe enceinte quelques mois plus tard, sans que la situation du couple ne soit régularisée[3]. Alois Zuckerstätter refuse de reconnaître son fils, qu’il ne rencontrera jamais : Herta devra plus tard avoir recours à la justice pour que la paternité soit reconnue[2],[1].
Enceinte, Herta part à la mi-juin 1930 pour les Pays-Bas; car les chances d’y trouver du travail y sont plus élevées que dans une Autriche frappée par la crise; et pour s’épargner l’opprobre réservé habituellement aux filles-mères[4],[1]. C’est donc dans ce pays que naît Thomas Bernhard, le 9 février 1931, au Moederschapszorg de Heerlen, foyer catholique d’assistance postnatale accueillant des mères célibataires, et école de sages-femmes[4],[1].
Cette « préhistoire » néerlandaise est triste. Herta Bernhard, une lettre à son père, raconte la sévérité de la maternité où elle sert d’objet d’étude aux élèves, et dont elle voudrait partir le plus vite possible[1],[2]. À partir du 7 mai la mère et le nourrisson quittent la maternité et sont séparés[5] : Herta, pressée de retrouver du travail, se fait dès qu’elle le peut embaucher comme fille de cuisine[5]. Elle doit laisser son enfant en garde chez des amis, des connaissances, puis dans un foyer pour enfants où elle ne peut le visiter que deux fois par mois, durant une vingtaine de minutes, sans le sortir de son lit[5]. Le biographe de Bernhard Hans Höller note que c’est dans ces blessures primitives de la première année de vie de l’écrivain que l’on peut trouver la source de « la méfiance vis à vis du monde, le froid et les ténèbres, la séparation, la solitude et la fragilité des relations humaines » qui parsèment l’œuvre de Bernhard[6].
À l’automne 1931, Herta revient à Vienne pour laisser Thomas à la garde de ses grands-parents, et repart tout de suite pour Rotterdam où elle est mieux payée[2]. Elle ne revient définitivement en Autriche qu’en mai 1932, où elle s’établit à nouveau comme employée de maison[7]. Elle loge chez ses divers employeurs, et, quand elle le peut, avec ses parents et son fils, Wernhardtstraße, 6, dans le 16e arrondissement de Vienne[6].
Le grand-père de Bernhard, Johannes Freumbilcher[notes 1], est un écrivain sans succès, qui a délaissé toute forme de travail pour se consacrer à l’écriture, se faisant entretenir par sa femme Anna Bernhard, et par sa fille[9]. Les deux femmes lui sont tout entières dévouées, malgré l’état de misère dans lequel la famille vit[9]. En 1935, le manque d’agent est si fort que les grands-parents sont forcés de quitter Vienne pour la campagne[10]. Ils s’installent dans leur région natale, à Seekirchen, près de Salzbourg[10]. Anna se fait embaucher par les paysans des environs pour subvenir aux besoins de la maisonnée[10]. Pour le jeune Thomas Bernhard, cette période de vie chez les grands-parents est un temps heureux, qu'il décrit comme un « paradis »; et qui marque le début de l’influence profonde du grand-père sur son petit-fils[10]. Bernhard raconte dans plusieurs œuvres la formation qu’il reçoit de son grand-père. Cette formation, majeure dans la construction de l’écrivain, passe par la transmission d’une vision du monde, d’une certaine spiritualité; et par la présentation de l’enfant à d’autre artistes[10]. Bernhard accompagne notamment son grand-père durant ses visites à Carl Zuckmayer, écrivain installé non loin de chez eux[10]. Zuckmayer et sa femme Alice réunissent la fine fleur de l’intelligentsia et du monde artistique autrichien : on peut croiser chez eux Stefan Zweig, Max Reinhardt, Fédor Chaliapine, Thomas Mann, Gerhardt Hauptmann…[11] Bernhard a pour la première fois de sa vie l’occasion d’observer les cercles mondains et intellectuels[12] qu’il fréquentera plus tard, et sur lesquels il écrira.
L'événement le plus important de la carrière du grand-père est dû au soutien indéfectible de sa femme Anna et des Zuckmayer[13]. Anna fait parvenir, à l’insu de son mari, le manuscrit de son roman Philomena Ellehub à Alice Zuckmayer, qui entame un gigantesque travail de correction et de remaniements, coupant 400 pages de texte[14],[13]. Recommandée par Carl, cette version épurée est publiée par l’éditeur viennois Zsolnay le 11 février 1937[15], et vaut à Freumbilcher de recevoir le Prix d'État de littérature [16], que Thomas recevra également plus tard[13]. C’est, à 56 ans, l'unique succès public du grand-père[17].
Johannes Freumbilcher n’aura de cesse de préparer son petit-fils à une carrière artistique, de scruter et encourager le moindre don qu’il croit déceler; comme s'il projetait ses espérances déçues sur Thomas[18]. Alors que Thomas n’a que 5 ans, il écrit dans une lettre :
« La passion de Thomas c’est d’écrire. On lui donne un sou, il disparaît et que rapporte-t-il? Une plume pour écrire… Hier soir il nous a posé une couronne de papier sur la tête, une traîne à l’arrière et il s’est fait une vraie mise en scène de théâtre. Il adore ça. Peut être a-t-il un talent d’acteur. Il est d’une agilité intellectuelle surprenante. Il suffirait de peu de choses pour en faire quelqu’un de fabuleux. Dès que je gagnerai un sou, je lui achèterai un violon. S’il commence maintenant, il pourra être virtuose à vingt ans.[19] »
En 1937 se clôt la parenthèse idyllique de la vie chez les grands-parents[20]. Herta épouse Emil Fabjan, garçon coiffeur, qui devient le beau-père de Thomas[21]. Le chômage qui sévit en Autriche pousse le couple à quitter le pays et, emmenant Thomas avec eux, ils emménagent dans à Traunstein en Allemagne, petite ville bavaroise, dans les montagnes au bord du Chiemsee[20]. L’enfant, âgé de 7 ans, vit mal le déménagement, l’éloignement de son grand-père; sa scolarité devient catastrophique[22]. Il tente de se suicider par pendaison, mais la corde se rompt[22]. Cette première tentative est suivie d’autres durant l’enfance et l’adolescence[23], connues par les rapports qu’en fait le grand-père dans son journal, et les récits autobiographiques de Bernhard. La venue du grand-père, qui s’installe à Ettendorf, près de Traunstein, ne suffit pas à améliorer la situation scolaire et psychologique de l’enfant[23].
En 1938, l'Allemagne nazie annexe l'Autriche lors de l’Anschluss. Ces bouleversements étouffent la suite de la carrière littéraire du grand-père : juifs, les Zuckmayer se réfugient aux États-unis; tandis que des textes de Freumbilcher se heurtent à la censure nationale socialiste[13],[20].
L'enfance et l'adolescence de Bernhard sont marquées par les violence subies de la part de différentes institutions éducatives étatiques. Ces mauvais traitements reçus par l'écolier durant sa scolarité sont le sujet de certains textes de l'écrivain, notamment de L'Origine. Bien que les biographes s'accordent sur le peu de fiabilité de ces récits au niveau factuel, ils sont néanmoins des témoignages significatifs de la blessure reçue par Bernhard durant cette période de sa vie[24].
La première source de ces violences vient du système d'éducation nazi. Bernhard y est confronté une première fois en 1941, lorsqu'il est envoyé par une infirmière de l'aide sociale en séjour dans un foyer pour enfants difficiles en Thuringe[25]. En 1942, il est contraint d'entrer au Jungvolk, subdivision des Jeunesses hitlériennes pour les enfants de 10 à 14 ans. Même s'il n'y est pas favorable lui-même, son grand-père le presse de surmonter sa répulsion : en effet, la participation à l'organisation est obligatoire et les familles réfractaires peuvent être sanctionnées[26].
Placé dans un internat nazi à Salzbourg en 1943, il revient en Bavière en 1944 à cause des bombardements alliés, puis retourne au même internat salzbourgeois en 1945. Il raconte dans L'Origine comment l'éducation après-guerre y est la même que sous le nazisme. En 1947, Thomas Bernhard arrête ses études au lycée. Il décide « de prendre la direction opposée » et commence un apprentissage dans une épicerie. Quand, début 1949, il est hospitalisé pour une grave pleurésie purulente, son état est si désespéré que les médecins le considèrent comme condamné[27]. Son grand-père meurt brusquement en 1949, sa mère l'année suivante, et il apprend ces deux décès par hasard dans le journal. Il ne quitte l'hôpital qu'en 1951, mais reste malade.
La période 1949-1952 marque un tournant dans la vie de Bernhard. Il profite de ses hospitalisations pour écrire de la poésie. Il tente aussi de devenir chanteur professionnel. En 1950, il rencontre au sanatorium Hedwig Stavianicek, de 35 ans son aînée, qui devient sa compagne et amie, son être vital, dont il partage désormais la tombe. Hedwig est, jusqu'à sa mort en 1984, son soutien moral et financier. Elle est la première lectrice de ses manuscrits et sans doute la seule se permettant une vive critique du travail de Bernhard.
De 1952 à 1954, Bernhard travaille comme collaborateur indépendant au journal Demokratisches Volksblatt, y écrivant surtout des chroniques judiciaires et culturelles. Il y publie ses premiers poèmes. Parallèlement, il étudie au conservatoire de musique et d'art dramatique de Vienne ainsi qu'au Mozarteum de Salzbourg. Il se lie à la société intellectuelle de Vienne, dont il fait plus tard un portrait féroce dans Des arbres à abattre. Jusqu'en 1961, il écrit essentiellement de la poésie. Il publie, en 1963, son premier roman, Gel. Il rencontre en 1964 l'éditeur Siegfried Unseld, qui dirige les éditions Suhrkamp, où la quasi-totalité de ses textes sont publiés (à l'exception notable des cinq volumes autobiographiques).
En 1965, il achète, grâce en partie au succès de Gel, une ferme à Ohlsdorf en Haute-Autriche qu'il s'attache à remettre en état. Il fait l'acquisition de deux autres maisons dans la même région en 1971 et 1972. Jusque dans les années 1980, il partage son temps entre Ohlsdorf, Vienne, et des voyages, avec une prédilection pour les pays méditerranéens (Italie, Espagne, Yougoslavie, Turquie, ainsi que le Portugal)[28]. Opéré des poumons en 1967, il séjourne de nouveau à l'hôpital en 1978, et apprend que son état est incurable. Thomas Bernhard est toute sa vie un personnage exigeant, presque maniaque. Il demande à son entourage des soins constants et, s'il est un bon vivant et d'une compagnie cordiale quand il se sent en sécurité, il suffit d'un mot pour qu'il se ferme complètement et définitivement.
La première grande pièce de Bernhard, Une fête pour Boris, est créée à Hambourg en 1970. En 1971, le téléfilm L'Italien (Der Italiener, de Ferry Radax), dont le scénario est de Bernhard, est tourné au château de Wolfsegg. Ce château est le décor de son grand roman Extinction, publié en 1986.
En 1988, la création de sa pièce Place des Héros, au Burgtheater de Vienne, dans une mise en scène de Claus Peymann, déclenche le dernier et plus grand scandale politique de sa carrière. Dans le contexte de l'affaire Waldheim (dont les premières révélations — concernant le passé nazi du président Kurt Waldheim — datent de 1986), le texte, critique acerbe de la société autrichienne et de son antisémitisme latent (« Il y a aujourd'hui à Vienne plus de nazis qu'en 1938 »[29]), fait l'effet d'une bombe. Durant les mois qui précèdent, des extraits sont diffusés hors contexte dans les journaux pour édifier l'opinion publique sur le caractère sulfureux de l'œuvre, tandis qu'une partie de la classe politique, dont le président Waldeim, attaque publiquement la pièce. Le 4 novembre, avec trois semaines de retard sur la date prévue, la première a lieu dans une atmosphère extrêmement tendue. Plusieurs manifestations et contre-manifestations se déroulent avant une représentation à guichets fermés sous surveillance policière[30]. A la fin de la représentation, ponctuée de huées et d'applaudissements, Bernhard vient saluer avec Peymann, c'est l'une de ses dernières apparitions publiques[31]. La pièce, représentée cent fois, reçoit un grand succès.
Thomas Bernhard meurt des suites de sa maladie pulmonaire en . Dans son testament il demande que rien de son travail ne soit représenté ou publié en Autriche durant la durée légale.
Après avoir écrit des poèmes (la plupart inédits), Thomas Bernhard publie son premier roman, Gel, en 1962, un livre qui est récompensé par de nombreux prix. Il se consacre dès lors à l'écriture, alternant récits en prose et pièces de théâtre. Il développe graduellement un style de prose propre, fondé sur la juxtaposition de longues phrases répétitives et obsédantes[32]. À l'opposé de la phrase proustienne[33], Thomas Bernhard opère comme une scie circulaire, creusant un unique sillon jusqu'à l'obsession[34],[35]. La scène typique de Bernhard, aussi bien au théâtre qu'en prose, est un monologue ininterrompu livré par un personnage solitaire et misanthrope, critiquant souvent l'Autriche et les Autrichiens. Le lecteur — comme le narrateur de Gel — est fasciné, pris entre frayeur et éclats de rire.
Le style se précise avec Amras (1964) et encore plus avec Perturbation en 1967, décrivant le voyage d'un médecin de campagne à travers les pathologies des habitants de Haute-Autriche. Suivent une série de textes dans les années 1970, en particulier Corrections en 1975. Les récits perdent graduellement leurs paragraphes pour n'être plus qu'un seul bloc de prose. Thomas Bernhard publie de 1975 à 1982 cinq courts volumes autobiographiques. L'Origine (1975) est un récit puissant et horrifiant des années d'internat à Salzbourg, où Bernhard met en parallèle l'éducation reçue dans une institution nazie à la fin de la guerre et l'éducation catholique reçue immédiatement après dans le même établissement. Suivent La Cave (1976), Le Souffle (1978), Le Froid (1981) sur sa rupture avec le lycée et la maladie, et enfin L'Enfant en 1982. Oui est un récit tournant autour de l'achat d'une maison en Haute-Autriche, achat qui semble être le vecteur d'une dépression et de tendances suicidaires[36]. Il paraît en 1978, après que Bernhard eut appris que sa maladie pulmonaire était incurable, et il est marqué par une relation nouvelle, non métaphorique, à la maladie[37].
S'enchaînent dans les années 1980 les textes les plus importants de Bernhard. Béton (1982), Le Neveu de Wittgenstein (1982), Le Naufragé (1983), hallucination sur l'œuvre musicale de Glenn Gould, Des arbres à abattre (1984), règlement de comptes terrible et hilarant avec les mentors qu'avait Bernhard dans les années 1950. Puis vient Maîtres anciens (1985), la quintessence du style bernhardien, dans lequel le narrateur observe son ami Reger assis sur une banquette du Musée d'art ancien de Vienne, tout en se souvenant des multiples monologues écoutés les jours précédents, qui reviennent comme une antienne avec l'expression « dit Reger ». L’œuvre s'achève sur le grand roman Extinction, un effondrement (1986) où le narrateur, revenant en Autriche pour assister à l'enterrement de ses parents, développe en deux longs monologues la haine qu'il éprouve pour sa famille et son pays[38]. Cette critique de l'Autriche et des Autrichiens, qui prend place dans le grandiose château de Wolfsegg, s'achève par une ultime vengeance[39].
Thomas Bernhard poursuit parallèlement une riche carrière de dramaturge. La plupart de ses textes sont mis en scène par Claus Peymann, et joués par Bernhard Minetti, un acteur qui semble destiné à incarner le théâtre de Bernhard sur scène, au point qu'une œuvre portant son nom, Minetti, est créée en 1976[40]. Comme sa prose, le théâtre de Bernhard est composé de monologues et répétitions, avec un minimum de dramaturgie et de personnages. En 1970, Ein Fest für Boris est un grand succès au théâtre allemand de Hambourg. Suivent une série de pièces, certaines scandaleuses, dont on notera L'Ignorant et le fou (1972), Le Président (1975), Avant la retraite (1979), Le Réformateur (1980).
Déjeuner chez Wittgenstein est une pièce parue sous le titre original Ritter, Dene, Voss[41], du nom de trois acteurs fétiches de Thomas Bernhard ayant contribué à la création de ses pièces. Cette pièce, notamment inspirée par des liens de Thomas Bernhard avec Paul Wittgenstein (frère du philosophe Ludwig Wittgenstein)[42],[43],[44] met en scène le retour de l'hôpital psychiatrique de Ludwig chez ses deux sœurs, au cours d'un déjeuner dégénérant en bataille de profiteroles. Le personnage principal y vilipende le théâtre et les mécènes[45],[46]. La pièce a remporté un succès populaire. Thomas Bernhard crée Place des Héros en 1988 pour la célébration des cent ans du Burgtheater. Elle est donnée l'année du cinquantième anniversaire de l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne. La pièce attaque l'hypocrisie autrichienne. Cette place des Héros (Heldenplatz), au centre de Vienne, a été le lieu en 1938 d'un discours d'Adolf Hitler qui fut acclamé par une foule immense. Un des personnages vit toujours dans la hantise de ces clameurs, cinquante ans après.
Thomas Bernhard a écrit 250 articles, 5 recueils de poésie, 31 grands textes en prose et nouvelles, 20 pièces de théâtre[47].
En France, les pièces de Thomas Bernhard ont notamment été interprétées par Michel Piccoli, Jean-Paul Roussillon, Bernard Freyd, André Marcon, Serge Merlin, Denise Gence (Molière de la comédienne 1990 pour Avant la retraite), Catherine Ferran[48], Bulle Ogier[49], Denis Lavant, Nicolas Bouchaud[50]... Place des Héros est entré au répertoire de la Comédie-Française le , dans une mise en scène d'Arthur Nauzyciel[51].
Le principal spécialiste et premier traducteur en France de Thomas Bernhard est le germaniste Claude Porcell[52], traducteur d'une vingtaine de ses ouvrages et auteur de sa biographie dans l'Encyclopædia Universalis[53].
La carrière de Thomas Bernhard est émaillée de scandales, certains délibérément provoqués par l'auteur, et parfois liés aux nombreux prix littéraires que l'Allemagne et l'Autriche s'acharnaient à lui remettre.
Un article sur le théâtre de Salzbourg lui vaut un procès en diffamation en 1955[54].
En 1968, lors de la remise du petit prix d'État autrichien pour la littérature, le ministre de l'Éducation et tous les responsables quittent la salle lorsque Thomas Bernhard tient un court discours attaquant l'État, la culture autrichienne et les Autrichiens. Le texte, qui est semble-t-il involontairement provocateur[55], dit notamment :
« Nous Autrichiens sommes apathiques ; nous sommes la vie en tant que désintérêt général pour la vie. »
Le ministre quitte la salle en lui lançant :
« Nous sommes fiers d'être Autrichiens. »
En 1972, la création de L'Ignorant et le Fou au festival de Salzbourg entraîne une violente polémique. Le texte prévoit l'extinction complète des lumières à la fin de la pièce, y compris celles signalant les sorties de secours. L'administration du théâtre refuse. Cette première a tout de même lieu et la critique est excellente. Mais Bernhard interdit toute nouvelle représentation[56].
En 1975, la pièce Der Präsident (Le Président) a sa première en Allemagne à Stuttgart, quatre jours après celle en Autriche, soit le , c'est-à-dire le même jour et dans la même ville que là où se déroule le premier procès de la Fraction armée rouge. On peut ainsi entendre les personnages dire :
« On en finira rapidement avec les anarchistes, sans autre forme de procès. »
La pièce Vor dem Ruhestand (Avant la retraite) (1979) décrit un juge allemand célébrant en cachette l'anniversaire de Himmler. C'est une attaque contre le ministre-président du Bade-Wurtemberg, qui, les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, était un juge de la Marine condamnant encore à mort et ayant réussi à cacher son passé par la suite.
Le récit L'Origine est attaqué en diffamation en 1976 par un prêtre de Salzbourg qui se reconnaît dans le personnage de l'oncle Franz. Certains passages seront rectifiés dans les éditions ultérieures[57].Les critiques s'indignent en général de la vision que donne l'auteur de la ville de Salzbourg.
Le roman Des arbres à abattre (1984) est immédiatement confisqué à la suite d'une plainte en diffamation du compositeur Gerhard Lampersberg, qui se reconnaît dans un des personnages principaux. Une fois l'interdiction levée, Bernhard riposte en demandant que ses œuvres soient retirées des librairies autrichiennes. La plainte est retirée en 1985[58].
En 1982, l'ÖRF (la radio publique autrichienne) décide de ne plus diffuser d'enregistrements des pièces de Bernhard, estimant qu'il insulte la nation tout entière[58].
À l'Assemblée des auteurs de Graz, qui lui propose de la rejoindre en 1986, il donne une réponse typique de son ton polémique :
« Depuis plus de dix ans, je n'accepte ni prix, ni titres, et surtout pas, bien entendu, votre grotesque titre de professeur. L'Assemblée des auteurs de Graz est une assemblée de connards sans talents[59]. »
Il publie plusieurs lettres ouvertes clairement agressives et provocatrices (en 1976 dans Die Zeit au sujet de Elias Canetti, en 1979 pour annoncer son retrait de l'Académie des lettres allemandes, en 1979 encore au Chancelier autrichien Bruno Kreisky, en 1985 en s'adressant au ministre des Finances, etc.)[60].
Place des Héros (Heldenplatz), la pièce conçue pour les cent ans du Burgtheater, est donnée l'année du cinquantième anniversaire de l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne. Elle provoque un véritable scandale politique. On y entend :
« il y a aujourd'hui plus de nazis à Vienne qu'en 1938. »
Le dramaturge fustige tous les rois, petits ou grands, ainsi que leurs partisans et chroniqueurs, ce qui fait dire à Nicolas Bouchaud : « Bernhard, c'est un poseur de bombes, un provocateur, un terroriste de l'art[61] ».
Thomas Bernhard fait une ultime provocation dans son testament. Comme une « émigration littéraire posthume »[62], il interdit dans des termes d'une extrême agressivité la diffusion et la représentation de ses œuvres en Autriche[63]. Ses héritiers ne respecteront pas cette clause testamentaire, et lèveront cette interdiction à la fin des années 1990[64].
Thomas Bernhard a obtenu de nombreux prix durant sa carrière. Parmi ceux-ci, le prix Julius Campe en 1964 et le prix de Littérature de la ville de Brême en 1965, tous deux pour Gel, le prix Georg-Büchner de l'Académie allemande de langue (1970), le prix Grillparzer pour Une fête pour Boris en 1972, le prix des Dramaturges de Hanovre en 1974. Mes prix littéraires (2009) évoque certaines remises de prix décernés à Bernhard et les discours, souvent sarcastiques ou désabusés, prononcés par le lauréat. Thomas Bernhard obtient aussi le prix Médicis étranger pour Maîtres anciens en 1988.
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