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samouraï sans maître De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Un rōnin (浪人, 牢人 ) était, dans le Japon médiéval, un samouraï sans maître.
Rōnin signifie littéralement « homme vague » ou « homme prison ». Le terme daterait de l’époque de Nara (710-794) et aurait alors désigné ceux qui désertaient leurs maîtres, qu'il s'agisse de guerriers ou de serfs.
Les rōnin sont d'anciens samouraïs exclus de la société japonaise féodale ; il y avait plusieurs raisons : la mort de leur seigneur, leurs propres fautes ou leur défaite au combat. Ils devenaient donc en quelque sorte des « parias », n'ayant pas de classe propre dans une société extrêmement hiérarchisée et basée sur les relations de loyauté envers un seigneur. La plupart d'entre eux se tournaient alors vers des métiers plus humbles après la perte de leur fief, en devenant fermiers ou même prêtres bouddhistes errants (虚無僧, komusō), vivant d'aumônes. Mais certains, ayant des difficultés à accepter leur nouvelle position sociale, tentaient de se rebeller, parfois même en se tournant vers le banditisme.
Après la période Sengoku (1467-1568), l'image des samouraïs se dégrada, et ils furent considérés comme des mercenaires à la solde de leurs maîtres. C'est à cette époque que le nombre de rōnin augmenta. Les rōnin combattaient pour leurs idéaux. On leur associait souvent l'image du « preux chevalier ».
C’est surtout lors de l’ère Edo (1600-1868) que le nombre de rōnin alla en croissant (environ 400 000 dans les années 1650) : le shogunat avait en effet mis en place un système rigide qui interdisait aux samouraïs de changer de maître, de se marier hors de leur « clan », ou d’avoir des occupations extérieures au clan sans la permission de leur ancien maître alors que les règles étaient beaucoup plus flexibles sous les régimes précédents. De fait, la mort ou la ruine de son maître rendait presque impossible au samouraï d’en trouver un autre et le forçait à devenir rōnin.
Le rōnin avait une mauvaise réputation, contrebalancée pourtant par de nombreux récits à sa gloire. Si le statut de rōnin était peu enviable en raison du mépris et de la honte liée à cette situation, il était pourtant recherché par certains samouraïs qui considéraient qu’il s’agissait d’une expérience que tout bon samouraï se devait de vivre dans sa vie, fidèle au proverbe nana korobi ya oki (七転八起 — « tomber sept fois et se relever huit »). Ce proverbe symbolise la persévérance face à des situations difficiles ou aux vicissitudes de l'existence. Au cours de sa vie le samouraï pouvait partir sept fois pendant une mission de « vagabondage » d’un an pendant lequel il vivait comme un rōnin avant de revenir servir son maître. Néanmoins, un samouraï devenait plus souvent rōnin en raison de circonstances indépendantes de sa volonté que parce qu’il aspirait véritablement à cette situation.
Les rōnin étaient méprisés et discriminés par les samouraïs qui jalousaient probablement leur grande liberté personnelle. Pourtant, ils étaient respectés par les basses classes, malgré la méfiance qu'ils leur inspiraient : de nombreux récits content l’histoire d’un rōnin châtiant d’arrogants samouraïs qui tyrannisaient un village. Dans d’autres histoires, les villageois louent leurs services pour se défendre contre des bandits (comme dans le film Les Sept Samouraïs). Souvent leur sont associées toutes les vertus du samouraï, comme en témoigne l’histoire des 47 rōnin.
Malgré ces histoires épiques, être rōnin était une grande honte. Lord Redesdale, un Britannique attaché au Japon peu après la restauration de l’ère Meiji (1868), raconta que lors de son séjour un rōnin s’était suicidé sur les tombes des 47 rōnin (Lord Redesdale habitait non loin de cet endroit). Il laissa un mot derrière lui disant qu’il avait demandé à entrer au service du daimyō de Chōsū mais s’était vu rejeté. N’ayant voulu servir d’autre maître et ne supportant plus la honte associée à la condition abominable de rōnin, il voulait en finir avec sa vie et ne trouvait pas d’endroit plus adapté pour le faire. Lord Redesdale précisa qu’il vit de ses propres yeux l’endroit une heure ou deux après le suicide et que du sang se trouvait encore par terre.
Pourtant, certains rōnin se forgèrent une réputation et s'attirèrent le respect de tous. C'est notamment le cas de Musashi Miyamoto qui est devenu la personnification du mythe du samouraï errant qui va de ville en ville pour affûter sa technique.
Après la disparition de la classe des samouraïs, la dénomination de « rōnin » est élargie aux étudiants qui échouent à leur examen d'entrée à l'université, et passent une ou plusieurs années supplémentaires à étudier pour le repasser, le plus souvent en intégrant une école préparatoire privée (une « boîte à concours pour rōnin[1] »)[2],[3]. Ce terme s'applique aussi à ceux n'ayant pas trouvé d'emploi à la fin de leur cursus[4],[5].
Par extension, on appelle également rōnin une personne au chômage[6]. En effet, dans le Japon de la fin du XXe siècle, « le salaryman dévoué corps et âme à son entreprise est comme le samouraï d'antan et l'apparition récente du chômage est considérée comme l'équivalent de la dissolution du clan qui transformait naguère le soldat en rōnin, c'est-à-dire en guerrier perdu ou en mercenaire sans idéal[7] ». Selon le japanologue Jean-François Sabouret, « exister, être au Japon, c'est être quelque part, dans un lycée, une université, une entreprise, un ministère », d'où l'analogie entre l'étudiant sans université, la personne sans travail, et le « samuraï errant de l'époque féodale[1] ».
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