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La pression de rayonnement ou pression radiative est la pression mécanique exercée sur une surface quelconque par l'échange de quantité de mouvement entre l'objet et le champ électromagnétique. Cela comprend l'impulsion de la lumière ou du rayonnement électromagnétique de toute longueur d'onde qui est absorbée, réfléchie ou émise d'une autre manière (par exemple, le rayonnement du corps noir) par la matière à toute échelle (des objets macroscopiques aux particules de poussière en passant par les molécules de gaz)[1],[2],[3].
Cette pression est l'analogue pour le rayonnement de la pression gazeuse et, comme elle, associée au transfert de quantité de mouvement volumique dans une direction de propagation donnée, plus précisément au flux de cette quantité. Son unité est le pascal (Pa).
Il s'agit donc d'une quantité thermodynamique, même si elle est intimement liée à la description donnée par l'électromagnétisme. C'est à cause de ce lien que l'on parle par extension de pression exercée sur une particule de faible dimension (du même ordre de grandeur que la longueur d'onde), phénomène accessible seulement à l'électromagnétisme.
Cette notion est utilisée dans de nombreux domaines liés à la physique des plasmas, l'astrophysique et la physique stellaire[4]. L'aspect électromagnétique est présent dans la manipulation de particules.
Les forces générées par la pression de rayonnement sont généralement trop faibles pour être remarquées dans les circonstances quotidiennes ; cependant, elles sont importantes dans certains processus physiques. C'est le cas notamment des objets situés dans l'espace où, outre la gravité, c'est généralement la principale force agissant sur les objets et où l'effet net d'une force minuscule peut avoir un effet cumulatif important sur de longues périodes. Par exemple, si les effets de la pression de radiation du soleil sur le vaisseau spatial du programme Viking avaient été ignorés, le vaisseau spatial aurait manqué l'orbite de Mars d'environ 15 000 km[5]. La pression de radiation de la lumière des étoiles est également cruciale dans un certain nombre de processus astrophysiques. L'importance de la pression de rayonnement augmente rapidement à des températures extrêmement élevées, et peut parfois éclipser l'habituelle pression de gaz, par exemple dans les intérieurs stellaires et armes thermonucléaires.
Le premier à avancer un effet dynamique du rayonnement a été Johannes Kepler qui expliqua l'orientation des queues cométaires par le flux du rayonnement solaire (1619)[6].
Les efforts engendrés par une onde électromagnétique sur une paroi furent expliqués théoriquement par James Maxwell en 1873[7]. Par la suite les efforts ont porté sur le lien entre approche électromagnétique et thermodynamique ou physique statistique. Les premières tentatives de mesure de pression par une approche thermodynamique sont dues à Adolfo Bartoli en 1884[8] et Pyotr Lebedev en 1900[9]. Les expériences importantes ont été faites par Ernest Nichols et Gordon Hull (en) qui ont montré le lien entre énergie et quantité de mouvement incident sur une surface en mesurant simultanément l'énergie par bolométrie et quantité de mouvement grâce à un radiomètre développé à cet effet (radiomètre de Nichols) en 1901[10] et 1903[11].
La pression gazeuse ou radiative est classiquement définie comme une force générée par le phénomène, rapportée à la surface sur laquelle elle s'exerce. Ceci n'est pas physiquement et logiquement correct :
Par souci de rigueur on va donc donner une définition formelle basée sur la nature du phénomène, à savoir le flux de quantité de mouvement volumique d'un ensemble de photons.
Bien entendu l'aspect électromagnétique est sous-jacent et on peut (dans certains cas on doit) calculer la force exercée sur une paroi ou une particule à partir des équations de Maxwell. On parle encore dans ce cas de pression de rayonnement bien que cela ne corresponde pas à une variable physique naturelle.
La notion de pression fait appel à la physique statistique et à la thermodynamique. Ceci est vrai pour un gaz formé d'atomes ou de molécules mais aussi pour un gaz de photons.
Le rayonnement est caractérisé par le nombre de photons par unité de volume de fréquence comprise entre ν et ν + d ν se déplaçant dans le cône dΩ autour de la direction Ω. Il s'agit donc d'une distribution angulaire fν (Ω). 0n utilise la luminance spectrale définie par[12],[n 1]
où c est la vitesse de la lumière et h la constante de Planck. Cette quantité est la fonction de base dans l'étude du transfert radiatif.
On peut écrire fν sous la forme
où nν est la densité particulaire et gν la distribution angulaire normalisée par intégration sur la sphère unité
Les luminances sont donc sommables comme le nombre de photons car il n'y a pas d'interaction photon-photon.
La quantité de mouvement d'un photon est
Elle est donc reliée à la luminance par
pν est une pression radiative spectrale, le flux sur la surface normale à Ω de la densité volumique de quantité de mouvement . Les pressions sont donc sommables.
On généralise ci-dessous cette notion.
La pression radiative est le tenseur des contraintes radiatives, d'ordre 2, symétrique, obtenu à partir du produit tensoriel (l'unité de mesure normalisée est le Pa s, puisque c'est une pression définie dans un intervalle spectral)[13].
La trace de ce tenseur est l'énergie volumique spectrale
Deux exemples peuvent illustrer ceci :
Bien entendu, toutes ces quantités peuvent être intégrées sur tout ou partie du spectre : on obtient alors une pression totale exprimée en Pa.
Deux exemples peuvent illustrer ces calculs :
La pression de radiation solaire est la source dominante de perturbation dans l'espace interplanétaire[14].
Cette pression de radiation est à distinguer de celle exercée par le vent solaire, qui est un flux de particules de matière[15].
La surface est définie par son absorptivité et sa réflectivité . Celle-ci peut être généralement décrite comme la somme d'une réflexion spéculaire en part s et d'une réflexion diffuse isotrope. Il s'agit d'une approximation raisonnable dans la plupart des cas. Dans le cas le plus général, on doit utiliser un modèle de réflectivité bidirectionnelle et dans ce cas les calculs deviennent numériques.
Il faut ajouter l'émission propre, généralement (mais non nécessairement) thermique.
On suppose que le système paroi (exposant S) + photon avant réflexion (exposant 1) et après (exposant 2) conserve la quantité de mouvement. L'indice ν est omis.
Cette relation est projetée sur les axes parallèle (indice //) et perpendiculaire (indice ⊥). Le photon a une incidence θ par rapport à la normale à la surface.
Au total, pour le rayonnement incident
Le rayonnement propre est généralement isotrope. Dans ce cas
L'approche en pression est l'analogue de ce qui précède. En effet, les tenseurs de pression se somment car l'opérateur d'intégration est linéaire. Donc au voisinage de la paroi
où est le tenseur du rayonnement incident et celui du rayonnement quittant la surface.
où est l'énergie incidente dans le demi-espace tourné vers la paroi. Donc
Comme pour un seul photon, il ne reste plus qu'à pondérer par les fractions r et s pour obtenir le tenseur de pression résultant (spectral ou total).
Cette méthode a l'avantage de permettre d'effectuer systématiquement des calculs formels ou numériques.
Elle est analogue à la mécanique des fluides, permettant d'obtenir les contributions normale et parallèle des efforts à la paroi (la « pression » et le « cisaillement »).
où x est le vecteur unitaire normal à la surface et F la force (spectrale ou totale) exercée par unité de surface.
Une onde électromagnétique incidente interagit par son champ électrique avec le matériau par l'intermédiaire de particules ou quasi-particules du solide au voisinage de la paroi. Il s'agit d'électrons d'une bande de valence pour un métal ou d'un phonon pour un diélectrique. Les oscillations induites provoquent l'émission d'une onde de même fréquence, plus ou moins déphasée, qui interfère avec l'onde incidente. Dans le cas de l'émission, c'est l'agitation thermique qui crée l'onde.
On utilise les équations de Maxwell pour calculer les propriétés des surfaces dont on parle plus haut : réflectivité, absorptivité et émissivité à partir des propriétés intrinsèques du solide[16] ou son état de surface[17]. On ne s'en sert que rarement pour évaluer directement des efforts induits.
Considérons un faisceau laser éclairant un milieu gazeux. Lorsque la longueur d'onde correspond à une raie d'absorption, l'atome acquiert la quantité de mouvement q dans la direction de propagation et passe sur un état d'énergie supérieur. Lors de la désexcitation, l'atome émet un photon de même énergie. L'émission se fait dans une direction quelconque. Donc en moyenne, la quantité de mouvement due à la désexcitation est nulle. Le faisceau accélère le mouvement de chaque atome de la même quantité, là aussi en moyenne. C'est donc la vitesse moyenne (macroscopique) du gaz qui est affectée. La distribution statistique des vitesses microscopiques ne l'est pas.
Pour obtenir un effet de diminution des vitesses microscopiques (donc une baisse de la température du gaz), il faut utiliser une absorption sélective angulairement. Ce phénomène n'est donc pas directement lié à la notion de pression radiative.
Le cas de particules de taille voisine de la longueur d'onde est différent puisque l'approximation particulaire n'est pas utilisable. Le phénomène d'interaction onde-particule est complexe : il dépend de la taille relative de la particule par rapport à la longueur d'onde mais aussi des propriétés diélectriques du matériau constitutif[18].
Cet effet peut être utilisé pour manipuler des particules en piégeant celle-ci grâce à un gradient de luminance : c'est le principe de la pince optique.
Les applications en astrophysique et physique stellaire sont nombreux :
Dans un domaine voisin on retrouve des problèmes analogues (sauf la gravité bien sûr) en physique des plasmas (fusion nucléaire).
Dans les années 1970, on apprend à manipuler des particules au moyen de la force d'origine radiative[19], y compris pour faire léviter des particules[20].
Dans les années 1980, on apprend à capturer des atomes[21], avant de notamment développer des pièges optiques[22] et manipuler des bactéries et des virus[23].
Depuis le milieu des années 1980, on utilise — de plus en plus couramment — la pression radiative d’un laser focalisé pour manipuler, déplacer, trier des objets très petits, particules, protéines, cellules, par exemple pour construire des moteurs moléculaires, des nanoconstituants ou manipuler des cellules au moyen de pinces optiques.
Parmi les usages envisagés par la science-fiction et les techniques d'exploration spatiale, les voiles solaires sont une méthode possible de propulsion spatiale qui utilise comme force motrice la pression radiative exercée par le rayonnement solaire sur une grande voile.
Depuis début 2016, le projet Breakthrough Starshot ambitionne d'utiliser la pression de radiation couplée à une voile optique pour propulser des sondes à une vitesse de 0,2 c à l'aide d'un laser situé sur la terre.
À travers la pression de rayonnement d'un laser, il est possible de générer des ions ou protons ayant des énergies élevées (pouvant aller à plus de 2 GeV selon les paramètres) à l'aide de très fines couches de plasma[24]. Ceci peut également être utilisé dans le domaine médical (par exemple dans le traitement de tumeurs par faisceau d'ions[25]).
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