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réformes économiques et sociales menées par Mikhaïl Gorbatchev en URSS De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La perestroïka [peʁɛstʁɔjka][alpha 1] (en russe : перестройка [pʲɪrʲɪˈstrojkə][alpha 2] Écouter), littéralement « la reconstruction », est le nom donné aux réformes économiques et sociales menées par le président de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev en Union soviétique d' à , selon trois axes prioritaires : économique, social et éthique : l'accélération, la démocratisation et la transparence (Glasnost)[1].
Après la Seconde Guerre mondiale, et dans un contexte de guerre froide, Joseph Staline considère comme un objectif diplomatique majeur de pouvoir traiter d’égal à égal avec les États-Unis. Cette égalité à atteindre n’est cependant qu’économique et militaire, car dans la politique de Staline, ni dans celle de ses successeurs jusqu’à Gorbatchev, il n’est à aucun moment question des droits et des libertés ou de la qualité de vie du citoyen. La parité nucléaire est rapidement atteinte dans le domaine militaire (1949-1953), et, dans la conquête de l’espace, l’Union soviétique prend initialement (1957-1965) une longueur d’avance.
La première déconvenue arrive avec la course à la Lune, où les Américains prennent l’avantage en . Les Soviétiques font croire dans un premier temps que leur priorité budgétaire est ailleurs, alors qu’en réalité ils ne maîtrisent pas les systèmes informatiques indispensables à ce type d’opérations. Dans les années 1970, toujours à la recherche de la parité, les Soviétiques obtiennent des américains un vol commun Apollo-Soyouz (1975). À cette occasion, le retard soviétique en informatique devient patent. Pour tenter de se maintenir dans cette compétition, les Soviétiques arrivent à poser par deux fois des robots télécommandés (Lunokhod 1 et 2), puis se lancent dans la construction de bases spatiales habitées, domaines dans lesquels ils ont pris l’avantage par rapport aux États-Unis.
Ainsi, le gouvernement soviétique, en voulant à tout prix être considéré par les États-Unis comme son égal, met en évidence ses faiblesses technologiques ; sur le plan médiatique, la multiplication des témoignages sur son système répressif (dans le sillage de celui, solidement étayé de l'Archipel du Goulag, d’Alexandre Soljenitsyne[2]) finit par discréditer la propagande officielle dépeignant un « paradis des travailleurs » : le prestige du pays en pâtit. À la fin du XXe siècle, l’Union soviétique apparaît de plus en plus comme un « dinosaure politique » et perd la compétition face à l’Occident dans trois domaines-clés : l’informatique, l’espace et la biochimie. De plus, le système agricole soviétique depuis la collectivisation sous Staline dans les années 1930, se révèle incapable de répondre aux besoins de la population entrainant rationnement et de très importantes importations de céréales à partir de 1972 jusqu'à 40 millions de tonnes / an[2].
L’accident nucléaire de Tchernobyl de 1986, qui coûte 18 milliards de roubles[3] (25 milliards de dollars[4]) au pays est l’un des effets les plus apparents de cet échec[2].
Si la nomenklatura (bureaucratie), très minoritaire, peut rivaliser en termes de pouvoir d'achat avec la petite bourgeoisie américaine blanche, la majorité de la population, elle, n’a guère plus de droits et de pouvoir d’achat que les Afro-américains soumis à la ségrégation[5],[6]:
Les auteurs trotskystes comme Boris Souvarine ou David Rousset furent parmi les premiers à décrire ces dérives, également dénoncées par divers témoignages comme ceux d’André Gide dans Retour de l'U.R.S.S., Panaït Istrati dans Vers l'autre flamme, ou Victor Kravtchenko dans J'ai choisi la liberté, tous combattus avec véhémence par la propagande soviétique et ses supporters, généralement efficaces comme en témoignent de nombreux visiteurs occidentaux, certains prestigieux, qui reviennent d’URSS sans avoir rien vu d’inquiétant durant les années 50 et 60 mais plus difficilement à partir des années 70 et 80 ou la transmission des informations à l'échelle mondiale et l'ouverture des frontières s'accélèrent[2].
Durant les années 1960, l’économiste soviétique Evseï Liberman met en garde contre des problèmes qu’engendrent les excès de la centralisation bureaucratique de l’économie et propose d’accorder l’autonomie aux entreprises, en leur permettant notamment de fixer elles-mêmes leurs objectifs de production en fonction des commandes reçues, et non en se référant aux objectifs du plan soviétique.
Alexis Kossyguine, élu président du conseil des ministres en 1964, devait mettre cette réforme en application. Mais, sous prétexte qu’elle risquait de provoquer le déclin accéléré de l’URSS, elle est abandonnée dans les années 1970 ; mise en application, elle aurait privé les oligarques de leurs pouvoirs, au profit des gestionnaires et des techniciens.
À la fin des années 1970, devant ces déconvenues, le KGB, dirigé par Iouri Andropov, diligente une enquête confidentielle pour évaluer le PNB soviétique, selon les critères qualitatifs occidentaux, c’est-à-dire en y intégrant le concept de « valeur ajoutée », et non plus seulement en se fiant à la production en volume (en nombre d’unités produites), comme le voulait la tradition communiste. Le résultat est très défavorable et apporte la preuve du déclin de l’Union soviétique, qui voit son économie dépassée par celles du Japon et de la RFA.
Andropov décida donc de créer une institution, l’Institut de l'Économie Mondiale et des Relations Internationales de Moscou dit Imemo. Sa vocation était de forger une nouvelle élite, sur le modèle des énarques français et des diplômés de Harvard, où l’étude des économistes occidentaux (Keynes, Milton Friedman, Hayek) serait permise. Diplomate et journaliste, spécialiste du monde arabe, Ievgueni Primakov en prit la direction[7].
Sur la scène internationale, vers le début des années 1980, l’URSS est confrontée à une situation géopolitique nouvelle[8] :
N’étant pas en mesure de soutenir financièrement le rythme de la compétition économique internationale et de la course aux armements, et dans un contexte de stagnation économique et d’une baisse des cours du pétrole, l’URSS, dont l'économie similaire à un pays en développement est basée sur l'exportation de ressources énergétiques et surtout durant la seconde moitié des années 1970 dont la crise du café en Allemagne de l'Est en 1976-1977, n’a pas d’autre choix que de songer à une nouvelle détente et au désarmement[2].
Le , Mikhaïl Gorbatchev accède au pouvoir. Le représentant d'une nouvelle génération de dirigeants, réputé « pur produit » de l’ère soviétique, a alors 54 ans.
Soutenu par des instituts de recherche tel l’Institut d'études des États-Unis et du Canada, le nouveau secrétaire général du Parti communiste s’efforce de sauver le système par d’importantes réformes structurelles, qui reprennent partiellement les idées du socialisme à visage humain et du professeur Evseï Liberman formulées vingt-cinq ans auparavant, et rompent dans une certaine mesure avec les principes léninistes tels qu’ils avaient été appliqués jusqu’alors :
Avec ces réformes, Gorbatchev a comme but de transformer l’économie, inefficace et stagnante, de l’URSS en une « économie socialiste de marché » où il n’y aurait toujours pas eu de propriété privée, mais une autonomie de gestion de la propriété collective (décentralisation sous l’égide du Parti communiste), mais avec acceptation et valorisation des initiatives venues des citoyens.
Combinée avec la glasnost (transparence, liberté de parole) dans les médias, cette politique de réformes socio-économiques n’a aucunement en vue de remettre en question, mais bien de sauver le système communiste, affaibli par l’immobilisme de la gérontocratie des dernières décennies (Léonid Brejnev, Youri Andropov, Konstantin Tchernenko) tout en relançant la croissance et en augmentant la productivité. Pour Gorbatchev, cette politique doit permettre de donner un second souffle au système soviétique, de parvenir à un véritable socialisme scientifique, adapté aux aspirations de la société soviétique et aux évolutions du monde en général[2].
Cependant, ces réformes suscitent la méfiance de la plupart des rouages de la société soviétique, adaptés au système antérieur dont ils palliaient les manques par une économie informelle fort profitable pour eux ; ces rouages, grands ou petits, craignaient d’y perdre leurs avantages, et aussi d’être sanctionnés s’ils s’y engageaient et qu’ensuite le Parti les renie et les traite de « déviationnistes », comme cela est arrivé tout au long de l'histoire de l'URSS. L’échec des tentatives précédentes est encore dans toutes les mémoires, en URSS comme dans tout le bloc de l'Est : l’écrasement vingt ans plus tôt du « printemps de Prague » étouffé par les chars du Pacte de Varsovie et la Roumanie de Ceaușescu où les propositions d'Evseï Liberman avaient aussi reçu un début d’application à la fin des années 1960, avant un brutal retour à un centralisme de plus en plus coercitif à partir de 1972[9]. De plus, ces réformes ne s’accompagnent pas de l’instauration d’un véritable État de droit : l’arbitraire reste omniprésent et les cadres conservateurs du PCUS font tout pour entraver le processus pour ne pas perdre leurs privilèges et leurs pouvoirs.
Le manque d’un climat de confiance, garanti par une législation précise respectée par l’État, indispensable pour la réussite des réformes, est le principal obstacle politique, et la toute-puissance des dirigeants du parti et du KGB sur l’État et la société demeure intacte. D’autre part, le système de planification économique centralisée est démantelé sans qu’une autre structure de régulation du marché ne soit mise en place, ce qui de fait revient à officialiser l’économie parallèle. Contrairement à la Chine, l’élaboration d’une législation clairement libérale (droit de l’entreprise, droit des faillites, droit des contrats, droit bancaire, droit de la propriété foncière, droit du travail, etc.) n’est pas voulue par le régime de Gorbatchev, attaché aux bases du communisme, ce qui le fait paraître hésitant. Cette réforme bute sur le même obstacle : l’autonomie des entreprises et des travailleurs entre en conflit avec l’appareil du Parti et de la police politique.
Classe sociale privilégiée caractérisée par l’immobilisme et la corruption, la nomenklatura, environ un dixième de la société soviétique, comprend les structures dirigeantes du Parti, de l’État, de la police politique, de l’armée et des entreprises (toutes publiques). À travers ses propres circuits, cette minorité privilégiée dispose d’un accès aisé et qui lui est réservé, aux services, logements, fournitures, biens de consommation, études, loisirs, informations ou soins, hors de portée des citoyens ordinaires : en général son niveau de vie n’est pas supérieur à celui des classes moyennes des pays capitalistes, mais paraît luxueux en regard de celui des travailleurs ordinaires, qui cependant ne lui sont dans leur majorité pas hostiles, mais aspirent à s’y intégrer[10].
Parfois, mais rarement, la corruption des plus puissants de ces oligarques émerge par des fuites jusque dans la sphère médiatique internationale, comme dans le cas de l’affaire du coton ouzbek dans les années 1960-1980, impliquant le général Iouri Tchourbanov, gendre du secrétaire général du PCUS de l’époque Léonid Brejnev, et le premier secrétaire du Parti communiste de la RSS d’Ouzbékistan Charaf Rachidov. Cette « dérive mafieuse » des structures dirigeantes permet l’émergence de nouveaux « hommes d’affaires » oligarchiques profitant des lacunes du droit des affaires pour accaparer les richesses du pays, tandis que l’inflation galopante réduit à néant le pouvoir d’achat et les économies des simples citoyens[11].
Gorbatchev entre en conflit avec Boris Eltsine, ancien secrétaire du Parti pour la région de Moscou, qui exige la fin du monopole du Parti communiste sur le pouvoir et le pluripartisme dans les élections. À la fin de la décennie 1980 et à la faveur de la transparence, les identités nationales des pays non-russes de l’Union, jusque-là étouffées et victimes de la russification, s’organisent contre le pouvoir central en mouvements autonomistes, puis indépendantistes, et finissent par l’emporter d’abord dans les pays baltes, puis en Ukraine, en Moldavie, dans le Caucase et dans certaines républiques d’Asie centrale comme le Tadjikistan. Les autres soutiennent la nouvelle fédération promue par Gorbatchev. Le mouvement centrifuge n’est pas unanime : dans les républiques indépendantistes, des régions pro-russes exigent de rester soviétiques (Crimée en Ukraine, Transnistrie et Gagaouzie en Moldavie, Abkhazie et Ossétie du Sud en Géorgie) : pour y parvenir, elles font sécession contre leur République.
Cette situation chaotique provoque la rupture entre Gorbatchev et l’opinion publique russe : le tout nouveau président de l’Union soviétique doit affronter les conservateurs, dirigés par Egor Ligatchev, secrétaire du Comité Central et membre du Politburo, et les partisans de la liquidation du régime, dirigés par Boris Eltsine. La dynamique centrifuge ne peut plus être arrêtée. Le résultat est l’effondrement de toute l’économie soviétique dans une pénurie aggravée, le déclenchement de plusieurs conflits armés notamment dans le Caucase, un coup d’état raté des conservateurs en août 1991, et la dislocation de l'URSS ce même mois de décembre 1991, Gorbatchev démissionnera lui le 25 décembre 1991[12].
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