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étude des fossiles d'êtres vivants du passé De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La paléontologie peut être définie comme la science des fossiles[1]. Cette discipline scientifique entretient des liens étroits avec la géologie : la datation des restes d'organismes vivants repose souvent sur des informations issues de la stratigraphie et sur l'analyse des roches qui les contiennent[2]. Située au croisement de la géologie et de la biologie, elle contribue à la connaissance de l'évolution du monde vivant, des relations entre espèces et avec leur environnement (paléoécologie, évolution de la biosphère), de leur répartition spatiale et leurs migrations (paléobiogéographie), de l'extinction des espèces et l'apparition de nouvelles, ainsi que des écosystèmes dans lesquels les espèces anciennes ont vécu. La paléontologie étudie aussi les processus de fossilisation (taphonomie) des êtres vivants disparus. Parmi ses objectifs figurent, outre la reconstruction d'espèces éteintes, l'étude de leur origine, de leurs changements dans le temps (évolution et phylogénie).
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La paléontologie s'est établie à la fin du XVIIIe siècle grâce aux travaux de Georges Cuvier sur l'anatomie comparée et s'est développée rapidement au XIXe siècle. Au fur et à mesure que les connaissances augmentaient, la paléontologie s'est subdivisée en paléobiologie, taphonomie et biostratigraphie. Elle fournit des informations nécessaires à d'autres disciplines (étude de l'évolution des êtres vivants, paléogéographie ou paléoclimatologie, entre autres).
La paléontologie permet de comprendre la biodiversité et la répartition des êtres vivants sur Terre (biogéographie) - avant l'intervention humaine -, elle a fourni des preuves indispensables pour la solution de deux des plus grandes controverses scientifiques du XXe siècle, l'évolution des êtres vivants et la dérive des continents, et, en vue de notre avenir, elle offre des outils pour analyser comment les changements climatiques peuvent affecter la biosphère dans son ensemble.
Le mot « paléontologie » se décompose en trois parties provenant du grec ancien :
Il s'agit donc, littéralement, de la « science étudiant la vie ancienne » et, plus précisément, de la discipline qui étudie les organismes disparus ayant laissé dans les terrains sédimentaires des restes de leur corps ou des traces de leurs activités. Ces restes ou traces sont appelés fossiles.
Ce terme a été créé en 1822 par le zoologiste Henri Ducrotay de Blainville (1777-1850) et diffusé en Europe par le géologue britannique Charles Lyell (1797-1875)[3].
Située au croisement de la géologie et de la biologie[4], la paléontologie décrit les espèces fossiles[5] ainsi que les écosystèmes dans lesquels elles ont vécu[4].
La paléontologie peut être définie comme la science des fossiles[1]. Elle entretient des liens étroits avec la géologie : la datation des restes d'organismes vivants repose souvent sur des informations issues de la stratigraphie et sur l'analyse des roches fossilifères[2]. La reconstitution des plaques tectoniques et des paléocontinents — à laquelle elle contribue en partie — lui permet de connaitre la latitude d'une zone à un moment donné, ce qui donne une indication sur le paléoclimat, et permet d'appréhender l'étendue du biotope disponible d'une espèce et l'existence de connexions terrestres ou maritimes entre zones. En retour, la paléontologie apporte une contribution importante à la compréhension de l'histoire de la Terre[6]. Ainsi, l'échelle des temps géologiques est divisée en unités dont les bornes sont souvent définies par des évènements paléontologiques : ères, périodes, époques, étages.
La paléontologie est une branche de la biologie. La première n'a accès au vivant qu'à travers les fossiles - archives biologiques -, tandis que l'objet de la biologie est le vivant dans son ensemble[7]. Un des principaux fondateurs de la paléontologie, Georges Cuvier, était un spécialiste de l'anatomie comparée, une branche de la biologie ; ce qui conduit certains historiens des sciences à dire que la paléontologie est née de la biologie (plutôt que de la géologie)[8]. Au XXIe siècle, la phylogénétique moléculaire compare l'ADN des espèces actuelles pour reconstruire l'arbre généalogique du vivant. Elle est également utilisée pour estimer les dates des divergences phylogénétiques, bien que cette approche soit discutée en raison de doutes sur la régularité de « l'horloge moléculaire »[9]. Les paléontologues utilisent souvent l'observation de caractères actuels pour comprendre les caractères du passé : c'est le principe de l'actualisme[10].
On distingue trois principales formes de paléontologie :
Le travail paléontologique comporte généralement quatre étapes :
Le travail en paléontologie s'effectue en collaboration avec la recherche en archéologie, lorsque les paléontologues (plus exactement les paléoanthropologues) étudient des fossiles humains. La paléontologie identifie aussi les fossiles d'animaux ou de plantes dans les sites archéologiques (nourriture, animaux d'élevage) et analyse le climat contemporain de l'occupation du site[13].
Pour « faire parler » les fossiles, la paléontologie, science largement pluridisciplinaire, emprunte souvent des techniques à d'autres sciences, dont la chimie, l'écologie, la physique et les mathématiques. Ainsi par exemple les signatures géochimiques des roches aident à dater l'apparition de la vie sur Terre[14], et les analyses des rapports isotopiques du carbone peuvent permettre d'identifier les changements climatiques et d'expliquer des transitions majeures telles que l'extinction Permien-Trias[15]. Des techniques d'ingénierie sont utilisées pour analyser la manière dont les corps d'organismes anciens pouvaient fonctionner, par exemple la vitesse de course de Tyrannosaurus et sa force de morsure[16],[17], ou la mécanique de vol de Microraptor[18]. L'étude des détails internes des fossiles a recours à la technique de la microtomographie à rayon X[19],[20]. La paléontologie, la biologie, l'archéologie et la paléoneurobiologie sont associées à l'occasion de l'étude des moulages endocrâniens (endocastes) d'espèces liées à l'homme afin de clarifier l'évolution du cerveau humain[21].
La paléontologie contribue à l'astrobiologie, la recherche d'une vie possible sur d'autres planètes, en développant des modèles de la manière dont la vie a pu apparaître sur Terre et en fournissant des techniques permettant de détecter les preuves d'existence d'êtres vivants[22].
La paléontologie comporte plusieurs sous-disciplines. La paléontologie des vertébrés étudie les fossiles des premiers poissons, jusqu'à ceux des ancêtres immédiats des mammifères modernes. Bien que l'Homme fasse partie des vertébrés, son étude est considérée comme un champ distinct, la paléoanthropologie, qui couvre l'histoire évolutive de la lignée humaine. La paléontologie des invertébrés traite de fossiles tels que ceux des mollusques, des arthropodes, des vers et les échinodermes. La micropaléontologie se focalise sur les microfossiles[23]. Les microfossiles qui ne sont pas minéralisés, mais organiques, tels que les grains de pollen, les spores, font l'objet d'une sous-discipline séparée, la palynologie (ou paléopalynologie). La paléobotanique, étudiant les plantes fossiles, est très proche de la palynologie, mais s'en distingue par les restes botaniques qu'elle prend pour objet - non pas des "poussières" végétales mais le bois pétrifié, la houille (provenant de la carbonisation de végétaux), des impressions de feuilles dans la roche[24]. La paléoichnologie se consacre aux traces laissées par les animaux (pistes, terriers…), la paléocoprologie à l'étude des excréments.
La paléontologie se diversifie, depuis les années 1960, en participant à des approches fondamentalement pluridisciplinaires qui deviennent autant de disciplines nouvelles et interconnectées : la paléoécologie, la paléoclimatologie, la biostratigraphie, la paléobiogéographie, etc.
Au lieu de se concentrer sur les organismes individuels, la paléoécologie examine les interactions entre différents organismes anciens, tels que leurs chaînes alimentaires, et les interactions avec leur environnement[25].
La paléoclimatologie, bien que parfois considérée comme une sous-discipline de la paléoécologie, se concentre davantage sur l'histoire du climat de la Terre et sur les mécanismes qui l'ont modifié[26]. Ces modifications peuvent être liées à des développements évolutifs, comme l'expansion rapide des plantes terrestres durant le Dévonien qui a éliminé une plus grande quantité de dioxyde de carbone de l'atmosphère, réduisant l'effet de serre et contribuant ainsi à provoquer un âge glaciaire durant le Carbonifère[27].
La biostratigraphie, utilisant les fossiles pour déterminer l'ordre chronologique dans lequel les roches se sont formées, est utile aux paléontologues et aux géologues[28].
La paléobiogéographie étudie la distribution spatiale des organismes ; elle est également liée à la géologie. La répartition géographique des fossiles renvoie en effet à des mouvements de migration et permet de montrer des connexions entre des îles ou des continents[29].
La taphonomie est une branche de la paléontologie qui s'intéresse aux processus de fossilisation, qui font intervenir notamment la biodégradation et, après l'enfouissement de l'organisme, les effets de la diagenèse[30].
Les fossiles des organismes anciens constituent généralement le type de preuve le plus décisif en paléontologie. Les fossiles les plus communs sont les os, les coquillages, le bois[31]. Ils ont généralement un caractère fragmentaire : ce sont par exemple des éléments isolés de squelettes, et parfois de simples traces (empreintes, terriers). La fossilisation étant un phénomène rare, et la plupart des organismes fossilisés ayant été détruits au cours du temps par érosion, ou par métamorphisme, les archives fossiles sont par conséquent très incomplètes. Le paléontologue doit prendre en considération les biais dans les archives fossiles : certains environnements différents sont plus favorables que d'autres à la fossilisation ; et les organismes avec un squelette minéralisé ayant plus de chances d'être conservés, sont donc surreprésentés par rapport aux organismes à corps mou[32]. Ainsi, bien qu'il existe plus de 30 phylums d'animaux vivants, les deux tiers n'ont jamais été trouvés sous forme de fossiles[33].
Parfois, des environnements inhabituels, les Lagerstätten, préservent les tissus mous. Cependant, même les Lagerstätten présentent une image incomplète de la vie au cours des temps géologiques, et la majorité des organismes vivants anciens n'y sont probablement pas représentés, parce que les Lagerstätten sont limités à un type particulier d'environnements, ceux où les organismes à corps mou peuvent être préservés très rapidement par des événements exceptionnels comme des glissements de terrain, qui entraînent un enterrement immédiat[34].
Nommer les groupes d'organismes d'une manière claire est important ; les malentendus sur les noms peuvent conduire à des divergences considérables dans les interprétations scientifiques[35]. La taxonomie linnéenne, couramment utilisée pour classer les organismes vivants, se heurte à des difficultés lorsqu'il s'agit de la classification d'organismes anciens significativement différents des organismes connus. Ainsi, il est parfois difficile de savoir à quel niveau placer un groupe nouvellement découvert, et de dire si ce groupe constitue un genre, une famille ou un ordre ; dans ce mode de classification classique, lorsqu'un groupe est déplacé vers un niveau différent, il doit être renommé[36].
Tétrapodes |
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Les paléontologues utilisent des approches fondées sur la cladistique, une méthode permettant d'élaborer « l'arbre généalogique » évolutif d'un ensemble d'organismes[35]. Selon la théorie cladistique, si les groupes B et C sont plus proches parents entre eux qu'ils ne le sont du groupe A, alors B et C font partie d'un clade auquel A n'appartient pas. Les caractères qui sont comparés peuvent être anatomiques (comme la présence d'une chorde), ou moléculaires (en se fondant notamment sur la confrontation de séquences d'ADN ou de protéines). Le résultat de l'analyse est une hiérarchie de clades — des groupes qui partagent un ancêtre commun. La technique cladistique est faillible, car certaines caractéristiques, telles que les ailes, ont évolué plus d'une fois ; l'analyse doit prendre en compte la possibilité d'apparitions multiples de certains caractères de manière indépendante dans différentes lignées, phénomène appelé convergence évolutive ou homoplasie[37].
L'un des objectifs de la paléontologie est de reconstituer l'histoire de l'évolution. Cependant, les formes qui semblent intermédiaires entre deux groupes sont seulement appelées par Guillaume Lecointre des intermédiaires structuraux, comme par exemple les Archaeopteryx et les oiseaux de l'ère secondaire, ou les poissons à poumons. La probabilité de trouver « les ancêtres réels » des différentes espèces est infime en paléontologie. Les intermédiaires structuraux sont donc positionnés au bout d'une branche indépendante comme toutes les autres espèces.
Quelques exemples d'histoires évolutives :
La paléontologie cherche à retracer l'évolution des êtres vivants, ce qui suppose de les situer chronologiquement. Les paléontologues peuvent prendre appui, pour dater les fossiles, sur la stratigraphie, science du déchiffrement de la succession des couches sédimentaires[38]. Les roches forment habituellement des couches horizontales, chaque couche étant plus récente que celle qu'elle recouvre. Si un fossile apparaît entre deux couches dont les âges sont connus, l'âge du fossile doit se situer entre ces deux âges connus[39]. Cependant, les séquences de roches ne sont pas continues, et peuvent être interrompues par des failles ou des périodes d'érosion. Des fossiles d'espèces ayant vécu pendant un intervalle relativement court peuvent alors être utilisés pour corréler des roches isolées : cette technique est appelée biostratigraphie. Par exemple, le conodonte Eoplacognathus pseudoplanus a vécu dans la période de l'Ordovicien moyen[40]. Si des roches d'âge inconnu présentent des restes d' E. Pseudoplanus, on en déduit qu'elles doivent dater de l'Ordovicien moyen. Un bon fossile stratigraphique doit, pour être utile, être réparti dans plusieurs régions du monde et appartenir à une espèce ayant vécu durant une courte période. La stratigraphie et la biostratigraphie ne peuvent fournir qu'une datation relative (A avant B), ce qui est souvent suffisant pour étudier l'évolution.
Les lits qui conservent des fossiles manquent généralement des éléments radioactifs nécessaires à la datation radiométrique. Cette technique est le seul moyen de déterminer l'âge absolu des roches vieilles de plus de 50 millions d'années ; elle peut être précise à 0,5% ou même davantage[41]. Le principe de la datation radiométrique est simple : les vitesses de désintégration de divers éléments radioactifs sont connus, et ainsi le rapport de l'élément radioactif à l'élément dans lequel il se désintègre montre depuis combien de temps l'élément radioactif a été incorporé dans la roche. Les éléments radioactifs ne sont communs que dans les roches d'origine volcanique ; les seules roches renfermant des fossiles qui peuvent être datées par radiométrie sont donc les couches de cendres volcaniques[41].
Les relations dans l'arbre généalogique peuvent également aider à déterminer la date d'apparition des lignées. Il est possible d'estimer depuis combien de temps deux clades vivants ont divergé - c'est-à-dire approximativement depuis combien de temps leur dernier ancêtre commun a dû vivre - en supposant que les mutations d'ADN s'accumulent à un rythme constant. Ces « horloges moléculaires » sont cependant faillibles et ne fournissent qu'une estimation discutée[42].
La paléontologie retrace l'histoire évolutive du vivant, qui date de 3,4 milliards d'années, peut-être de 3,7 milliards d'années, voire davantage selon certains scientifiques — la Terre, elle, ayant été formée il y a 4,5 milliards d'années. Les fossiles les plus anciens sont souvent controversés, et leur origine biologique mise en cause, mais les milieux scientifiques admettent assez généralement que des stromatolithes australiens, datant de 3,4 milliards d'années, résultant de l'activité métabolique de colonies de bactéries, sont la preuve de vie la plus ancienne. Selon la théorie de la panspermie, la vie sur Terre aurait été "ensemencée" par des météorites[43], mais la plupart des chercheurs actuels pensent que la vie a surgi sur Terre et non par un transfert d'organismes vivants à travers l'espace[44].
Pendant environ deux milliards d'années, des tapis microbiens, colonies multicouches de différentes bactéries, ont constitué la forme dominante de la vie sur Terre[45]. L'évolution de la photosynthèse oxygénée leur a permis de jouer un rôle majeur dans l'oxygénation de l'atmosphère[46] depuis environ 2,4 milliards d'années. Ce changement d'atmosphère a augmenté leur efficacité en tant que pépinières de l'évolution[47]. Si les eucaryotes, cellules avec des structures internes complexes, peuvent avoir été présents plus tôt, leur évolution s'est accélérée quand ils ont acquis la capacité de transformer l'oxygène et d'en faire une source puissante d'énergie métabolique. Cette innovation peut provenir d'eucaryotes primitifs capturant des bactéries alimentées par l'oxygène et les transformant en organites appelées mitochondries[48]. La première preuve de l'existence d'eucaryotes complexes avec des organites (comme les mitochondries) date d'il y a 1,85 milliard d'années[49],[50].
Les premiers fossiles d'organismes multicellulaires (composés de cellules eucaryotes), sont les Gabonionta, datant de 2,1 milliards d'années. La spécialisation des cellules dans l'accomplissement de différentes fonctions apparaît pour la première fois il y a 1,43 milliard d'années avec un possible champignon, et il y a 1,2 milliard d'années, avec probablement une algue rouge.
Les premiers animaux connus sont des cnidaires d'il y a environ 580 millions d'années, mais selon les scientifiques, ils doivent descendre d'animaux antérieurs[51]. Les premiers fossiles d'animaux sont rares parce qu'ils n'avaient pas développé de parties dures minéralisées et facilement fossilisées jusqu'à il y a environ 548 millions d'années[52]. Les premiers animaux bilatériens d'apparence moderne apparaissent au Cambrien inférieur. Il y a un débat de longue date pour savoir si l'explosion cambrienne était vraiment une période très rapide d'expérimentation évolutionnaire ; selon d'autres hypothèses les animaux d'apparence moderne auraient commencé à évoluer plus tôt mais les fossiles de leurs précurseurs n'ont pas encore été découverts[53]. Les vertébrés sont restés un groupe mineur jusqu'à l'Ordovicien supérieur[54],[55].
Les paléontologues reconstituent, à partir des fossiles et par les méthodes de l'anatomie comparée inaugurée par Georges Cuvier, la morphologie des plantes et des animaux disparus. La palynologie leur permet de reconstituer la flore, l'ichnologie - les déplacements, les dentitions et les coprolithes - les régimes alimentaires, divers autres indices - les climats... mais une fois cela établi, des artisans, illustrateurs, ingénieurs du son ou cinéastes doivent « mettre en vie » les reconstitutions. Leur rôle est très important, leurs réalisations ont marqué les imaginations, suscité des vocations, permis le financement d'expéditions. Dès le XIXe siècle, à Londres, les reconstitutions du Crystal Palace ont créé un engouement pour les Dinosaures, et les vues d'artiste d'espèces préhistoriques, polychromes ou non, se dressent souvent à l'entrée des musées à vocation paléontologique (comme devant la galerie de Paléontologie et d'Anatomie comparée du Muséum national d'histoire naturelle, à Paris) ou en illustrent l'intérieur (comme au Musée d'histoire naturelle de Londres)[56].
Généralement, les fossiles ne donnent pas d'indication des couleurs, et celles-ci ne peuvent être qu'imaginées à l'exemple des êtres vivants actuels occupant des milieux homologues et ayant une éthologie comparable. Il en est de même pour les sons : si, exceptionnellement, certains crânes d'hadrosaures dans les crêtes desquels on a insufflé de l'air, ont pu produire une gamme de sonorités, le rythme et l'harmonie en resteront à jamais inconnus : là encore, on les imagine d'après les sons produits par les animaux actuels apparentés (on devrait d'ailleurs représenter les dinosaures plutôt sifflant comme des oiseaux, que rugissant comme des lions ou meuglant comme des bovins). Les reconstitutions (ou « reconstructions ») paléontologiques sont donc par définition, et l'on doit en avertir les publics, en partie conjecturelles, puisque même dans les cas rares de conservation dans l'ambre ou la glace, l'organisme est dégradé notamment au niveau chromatique ; il s'agit par la force des faits, de vues d'artiste, mais des vues qui, pour rester dans les limites de ce qui est admis par les chercheurs au moment où elles sont réalisées, doivent obligatoirement s'inspirer d'autres images déjà scientifiquement validées dans les publications spécialisées. Si l'on ne comprend pas ce processus de « conjecture restitutive », on ne peut que considérer comme « inexactes » ou « violant quelque copyright » la totalité des vues d'artiste, d'images de synthèse, de reconstitutions en volume existantes[57], et l'on amputera la paléontologie de toute son iconographie « grand public » y compris les œuvres de maîtres comme Mauricio Antón, Alain Bénéteau, Dimitri Bogdanov, Zdeněk Burian, Heinrich Harder, Charles R. Knight ou Édouard Riou, seules échappant à ce « grand ménage » les illustrations strictement scientifiques des articles spécialisés.
Tant qu'illustrateurs, artisans ou réalisateurs de films se conforment aux indications des paléontologues, la reconstitution paléontologique est une simple représentation documentaire, cadrée par la démarche scientifique et qui ne vise qu'à une représentation la plus réaliste possible et limite la créativité personnelle. Mais cette représentation peut sortir du cadre documentaire et entrer alors dans le domaine de l'art, le plus souvent dans la science-fiction (tels le livre et le film Jurassic Park) ou dans l'« heroic fantasy » (tels le livre et la série Dinotopia).
Dans leurs conférences et interviews, Guillaume Lecointre et Pascal Tassy soulignent que beaucoup de mythes anciens ont pu apparaître à la suite d'observations paléontologiques ou autres, mais sans analyse scientifique[58] :
En ce sens l’étude de la mythologie en relation avec la paléontologie, peut parfois mener les chercheurs à de nouvelles découvertes de fossiles, parfois même déjà en collection dans un établissement scientifique, comme dans le cas de Léonard Ginsburg qui retrouve en 1984, dans des collections anciennes, une caisse contenant des fossiles de grande dimension, qu'un forain du XVIIIe siècle avait présenté à travers la France comme étant « les ossemens du géant Theutobocus, roy des Teutons, tué par Marius à la bataille d'Aix en Provence » : il en identifie une dent comme étant celle d'un Dinothère, un éléphant disparu. Le mythe du géant Theutobocus, diffusé au XVIe siècle par Mazuyer, chirurgien à Beaurepaire, et par David Bertrand ou Chenevier, notaire, avait déjà été dénoncé au XVIIe siècle par un autre chirurgien, Jean Riolan, et au XIXe siècle par l'anatomiste Blainville[63].
Plus récemment, les paléontologues ont souvent été popularisés comme « chasseurs de fossiles » : une pratique d'amateurs qui est parfois pratiquée illégalement, éventuellement au détriment des archives fossiles et données scientifiques (déterrage sauvage, dégradation du contexte fossilisé, non-déclaration des « trouvailles », vol sur sites de fouille, trafic, etc), et qui doit beaucoup à la médiatisation des expéditions de Cope et Marsh aux États-Unis. L'œuvre cinématographique Jurassic Park a aussi contribué à populariser l'existence de la paléohistologie dans les fictions modernes, concurrençant l'autre principale source de fantasmes à « fossiles vivants » que sont les « mondes perdus » et la « résurrection » d'espèces éteintes.
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