Ossian (ou Oisín, signifiant « petit faon » en irlandais), barde écossais du IIIe siècle, fils de Fingal et Sadhbh (en), serait l’auteur d’une série de poèmes dits « gaéliques » traduits et publiés en anglais entre 1760 et 1763 par le poète James Macpherson, qui eurent un énorme retentissement dans toute l'Europe.

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Le Songe d'Ossian, par Ingres, 1813.
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Le chant du cygne d'Ossian par Nicolai Abildgaard, 1782.
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Ossian évoque les fantômes au son de la harpe sur les bords du Lora, par le baron Gérard, 1801-1802.
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Ossian reçoit les Héros français morts pour la patrie par Anne-Louis Girodet de Roucy, 1805.
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Ossian et Malvina par Johann Peter Krafft, 1810.

Débat sur l’authenticité

Les poèmes, dont le plus connu est Fingal (1762), furent publiés entre 1760 et 1765. Le débat concernant leur authenticité démarra rapidement au Royaume-Uni car les Anglais, majoritaires, préféraient propager une idée d'identité nationale d'origine gréco-romaine et non d'origine celtique. Charles O'Connor rejette la totalité des poèmes en relevant des erreurs techniques dans la chronologie et la formation des noms gaéliques. Macpherson n'a pas été en mesure de justifier ces « erreurs ». Samuel Johnson, qui par ailleurs n’était pas impressionné par la qualité des poèmes, après plusieurs enquêtes locales, affirme[1] que Macpherson a trouvé des fragments d'anciens poèmes et histoires de diverses sources irlandaises, galloises et anglaises[2], laissant croire qu'il pense que Macpherson avait organisé la collection dans une romance de sa propre composition. Hugh Blair, par contre, affirma dans A Critical Dissertation on the Poems of Ossian (1763) l'opinion qu’il s’agissait bien de la traduction de sources en écossais. Ceci eut pour conséquence qu'au débat sur la véracité de la traduction s'ajouta un débat entre ceux qui soutenaient qu'ils appartenaient à la culture écossaise et d'autres qui retenaient l'Irlande comme origine, Fingal étant un héros de cette région.

Au XXe siècle, des recherches entreprises par Derick Thomson (1952) confirmèrent que des originaux de plusieurs poèmes gaéliques se rattachant au cycle ossianique avaient été retrouvés chez Macpherson après sa mort. Le poète les aurait adaptés, parfois en suivant l’original de très près, parfois en prenant beaucoup de libertés, comme il était courant au XVIIIe siècle[3]. Il est donc permis de penser que Macpherson a certainement fait preuve de licence artistique, mais que l'origine de ses œuvres était authentique.

Influence

Les poèmes d’Ossian eurent rapidement une grande audience. C'était l'une des lectures favorites de Napoléon et des « Barbus », groupe de jeunes artistes français issus de l'atelier du peintre Jacques-Louis David, qui cherchaient une alternative au néo-classicisme[4]. Au début du XIXe siècle, le mythe d'Ossian est l'un des principaux thèmes préromantiques où se manifeste une dimension onirique, qui inspire surtout les peintres scandinaves, allemands et français comme Nicolai Abildgaard et, outre la Secte des Barbus, Anne-Louis Girodet, Eugène Isabey, le baron Gérard et même Ingres.

Une véritable « celtomanie » s'empara de nombreux milieux littéraires, couvrant aussi bien les langues et cultures que les monuments mégalithiques, lesquels n'ont pourtant de commun avec les Celtes que d'être situés sur les lieux d'implantation de certaines de leurs tribus.

Napoléon Ier, qui appréciait la poésie d'Ossian, choisit le nom de Dermide, celui d'un de ses héros, comme prénom de son neveu Louis, Napoléon (1798-1808), le fils de sa sœur Pauline et de Leclerc.

Encensés comme un genre de littérature nord-européenne soutenant la comparaison avec l’œuvre d’Homère, ils stimulèrent l’intérêt pour l’histoire ancienne et la mythologie celtique, non seulement au Royaume-Uni, mais également en France, en Allemagne et jusqu’en Hongrie. Ils sont à l'origine de l'ossianisme, mouvement poétique pré-romantique qui prend tout son sens dans le contexte de « l’éveil des nationalités » : les guerres napoléoniennes ont pour conséquence chez les nations vaincues une volonté d’affirmer leur indépendance culturelle et de rechercher leurs racines populaires le plus loin possible. L'ossianisme forge des épopées nationales qui trouvent leur apogée dans le nationalisme romantique[5].

Ainsi, sans les Poèmes d'Ossian, Wagner n'aurait sans doute jamais écrit sa Tétralogie. Walter Scott s’en inspira, J.W. von Goethe inséra une traduction en allemand du poème Les chants de Selma dans une scène des Souffrances du jeune Werther [6]. Johann Gottfried Herder écrivit Extrait d’une correspondance sur Ossian et les chants des peuples anciens au début du mouvement Sturm und Drang. En Hongrie, de nombreux écrivains furent influencés par les poèmes, dont Baróti Szabó, Mihály Csokonai, Sándor Kisfaludy, Ferenc Kazinczy, Ferenc Kölcsey, Ferenc Toldy et Ágost Greguss. János Arany, père de László, composa Homère et Ossian[7]. Les poèmes exercèrent aussi une influence sur la musique romantique. Franz Schubert, en particulier, en reprit plusieurs en lieder. En France, Pierre Baour-Lormian traduisit McPherson, Jean-François Lesueur composa l'opéra Ossian ou Les Bardes créé en 1804, et Étienne-Nicolas Méhul son opéra Uthal en 1806. Chateaubriand et Musset, entre autres, y trouvèrent une inspiration lorsqu'ils introduisirent le modèle du poème en prose en français.

L'historien français Ernest Renan imagina la conversation entre Ossian et saint Patrick[8] :

« Ossian regrette les aventures, les chasses, le son du cor et les vieux rois. « S'ils étaient là, dit-il à saint Patrice, tu ne parcourrais pas les campagnes avec ton troupeau psalmodiant. » Patrice cherche à le calmer par de douces paroles, et quelquefois pousse la condescendance jusqu'à écouter ses longues histoires, qui paraissent médiocrement l'intéresser. « Voilà mon récit, dit le vieux barde en terminant ; quoique ma mémoire s'affaiblisse et que le souci ronge mon être, je veux continuer à chanter les actions du passé et à vivre de l'ancienne gloire. Maintenant je suis vieux ; ma vie se glace et toutes mes joies disparaissent. Ma main ne peut plus tenir l'épée, ni mon bras manier la lance. Parmi les clercs se prolonge ma triste dernière heure, et ce sont des psaumes qui tiennent maintenant la place des chants de victoire. » « Laisse là ces chants, dit Patrice, et n'ose plus comparer ton Finn au Roi des rois, dont la puissance est sans bornes ; courbe devant lui les genoux, et reconnais-le pour ton maître. » Il fallut céder, en effet, et la légende veut que le vieux barde ait fini sa vie dans le cloître, parmi les clercs qu'il avait tant de fois rudoyés, au milieu de ces chants qu'il ne connaissait pas. »

Œuvres musicales françaises inspirées de l'ossianisme

Notes et références

Annexes

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