Loading AI tools
affaire criminelle française De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le meurtre de Philippine Le Noir de Carlan, plus connu sous le nom de meurtre de Philippine, est une affaire criminelle française survenue en . Le corps de la victime âgée de 19 ans est découvert dans le bois de Boulogne, à Paris, le . Interpellé en Suisse le , le principal suspect, en séjour irrégulier, est en cours d'extradition pour une éventuelle mise en examen pour viol suivi de meurtre.
L'affaire suscite de nombreuses réactions médiatiques et politiques, notamment avec le questionnement sur le suivi des personnes condamnées pour viol, l'éloignement des personnes faisant l'objet d'une OQTF, les critères juridiques permettant au juge de prolonger la rétention administrative d'un étranger en situation irrégulière et la « double peine ».
Philippine Le Noir de Carlan est née à Clamart le [1] dans une famille de six enfants de confession catholique.
La famille Le Noir de Carlan appartient à la noblesse française subsistante d'Ancien Régime. Elle est originaire de Bretagne (Côtes-d'Armor), elle a été maintenue noble en 1669.
La mère de Philippine est professeure de mathématiques et son père physicien pour le commissariat à l’énergie atomique.
Philippine a effectué sa scolarité dans un lycée catholique privé avant d'entamer une licence d’économie et d’ingénierie financière à l'université Paris Dauphine. Elle était cheftaine scout et engagée dans le mouvement des Scouts et Guides de France depuis son enfance. Catholique, elle fréquentait régulièrement l’église de Saint-Pierre-du-Lac à Montigny-le-Bretonneux. Elle vivait dans le 16e arrondissement de Paris dans un appartement boulevard Lannes[2] à côté de l'université et retournait dans sa famille à Montigny-le-Bretonneux[3].
Après son déjeuner à la cantine de l'université Paris Dauphine le vendredi , Philippine Le Noir de Carlan devait se rendre dans les Yvelines chez ses parents. D’après l’avis de recherche, elle est vue une dernière fois à 14 h. Ne la voyant pas arriver, ses proches tentent de la joindre. Le soir même, vers 23 h, une proche de Philippine se rend au commissariat du 16e arrondissement de Paris. Une procédure pour disparition inquiétante est ouverte. Les proches tentent alors une géolocalisation du téléphone portable qui borne dans la zone du bois de Boulogne[réf. nécessaire].
Une proche de Philippine contacte Priscillia Routier-Trillard, fondatrice de l’application The Sorority, qui active une alarme pour signaler un danger et se charge de relayer un avis de recherche auprès du réseau de l'application. La fondatrice estime auprès du Parisien qu’« entre notre application, nos réseaux sociaux et les e-mails, 300 000 personnes ont reçu l’avis de recherche. Avec les partages, on a touché près d’un million d’internautes »[4],[5].
À l’appel de la famille, une cinquantaine de personnes se mobilisent et organisent une battue au bois de Boulogne le 21 septembre à 15 h 15. Elles retrouvent le téléphone portable de l’étudiante puis à environ 20 mètres du lieu de découverte de l’appareil, derrière un monticule, une participante à la recherche distingue des formes anormales. Le corps de Philippine est retrouvé partiellement enterré. Un périmètre de sécurité est mis en place. Les enquêteurs et les experts scientifiques tentent de relever sur place un maximum d’indices[6].
Les médecins légistes concluent à une mort par asphyxie sans strangulation[7].
Les obsèques sont célébrées le dans la cathédrale Saint-Louis de Versailles[8], par l'abbé Pierre-Hervé Grosjean[9]. Environ 1 800 personnes sont présentes dans la cathédrale et 1 000 sur le parvis[10].
Le , la communauté universitaire dauphinoise se réunit en nombre pour rendre hommage à Philippine Le Noir de Carlan, en observant une minute de silence en sa mémoire. Le président de l'université, El-Mouhoub Mouhoud, exprime tout son soutien à sa famille, ses proches et ses camarades[11].
La députée Union des droites pour la République Hanane Mansouri organise un rassemblement en hommage à Philippine devant le palais de justice de Vienne en Isère. Un rassemblement perturbé par un groupe de militants avec des profils divers (enseignants, candidats à la députation, militants des droits humains, psychologue spécialisé dans l'enfance ou encore assistant parlementaire…)[12] venus dénoncer « la récupération politique » en scandant le slogan « Siamo Tutti Antifascisti »[13]. La polémique relayée par des médias nationaux et sur les réseaux sociaux prend une tournure judiciaire : trois personnes, citoyens ou membre du Nouveau Front populaire, sont la cible de cyberharcèlement et déposent plainte au commissariat[14],[15].
Le , une minute de silence est observée par l'Assemblée nationale française en son hommage[16].
La polémique médiatico-politique suscitée par l'événement éclipse la rapidité d’une enquête qualifiée par une source judiciaire de « chef-d’œuvre de l'investigation ». Sans empreinte génétique sur les lieux du crime, les enquêteurs de la brigade criminelle sont parvenus à isoler plusieurs séquences horaires déterminantes en analysant le trafic téléphonique dans deux zones, le secteur du bois de Boulogne et celle où un retrait d'argent liquide à un distributeur de billets de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a été effectué avec la carte bancaire de la victime. Des milliers de données ont ensuite été croisées pour identifier le profil d’un suspect, notamment grâce à l'exploitation d'images de vidéosurveillance de la banque où il a effectué le retrait[17]. Le suspect, Taha O., 22 ans, de nationalité marocaine, est ensuite interpellé à la gare de Genève-Cornavin à Genève le 24 septembre 2024[18].
Un juge d'instruction est chargé, le 24 septembre, de l'enquête ouverte notamment pour homicide et viol concernant la mort à Paris de la jeune étudiante. L'information judiciaire porte notamment sur les infractions de meurtre précédé, accompagné ou suivi d'un autre crime, viol, vol et escroquerie, le tout en état de récidive légale[19].
La Suisse n’étant pas membre de l’Union européenne, la simplicité du mandat d'arrêt européen ne jouant pas dans ce cas précis, une demande d'extradition qui respecte les exigences du droit suisse doit être formulée[20]. La France et la Suisse sont parties à la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Cette coopération s’est accrue le 10 février 2003 avec l’Accord entre la France et la Suisse relatif à la procédure simplifiée d’extradition. Cet accord, ratifié par la loi du 13 octobre 2005, a renforcé la procédure d’extradition entre les deux États en permettant de recourir à une procédure simplifiée, soumise à l’acceptation de la personne visée par l’extradition. Ainsi, deux procédures d’extradition entre la France et la Suisse coexistent : une procédure normale et une procédure simplifiée[21],[22].
La France dépose ainsi le auprès des autorités suisses une demande d'extradition de Taha O., soupçonné du meurtre de Philippine[23]. Pour que celle-ci soit possible, les infractions doivent être répréhensibles à la fois en France et en Suisse, et en particulier que les faits soient punis dans chacun des pays d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins deux ans, ce qui est le cas ici pour un viol et un meurtre[21]. Mais il ne faut pas également que l'incrimination soit fondée sur un motif politique, ni que la personne soit un ressortissant suisse. Ces conditions réunies, les délais d'extradition peuvent varier, selon Maître Philippe Fontana, avocat au barreau de Paris : « Soit il y a une procédure classique et vu le retentissement médiatique de l'affaire, ça ne prendra que quelques semaines. Soit, il y a une procédure d'extradition simplifiée et là, c'est une question d'un mois seulement. Enfin, si la personne mise en cause conteste son extradition, il faudra compter quelques mois »[24],[25].
Lors d'une audition par un procureur de Genève le , le suspect refuse son extradition par procédure simplifiée[26]. L'office fédéral de la justice (OFJ) suisse va recevoir le contenu de cette audition et rendre une décision sur l'extradition dans les jours qui suivent. Le suspect a alors huit jours pour faire un recours administratif. Dans ce cas, la procédure aurait pu prendre « plusieurs semaines voire plusieurs mois »[27], mais il est finalement remis aux autorités françaises le 6 novembre à Annemasse (Haute-Savoie), à la frontière avec la Suisse[28].
Le suspect, Taha O. est, d’après des informations transmises par le service police de BFMTV, né en 2002 à Oujda, au Maroc, et est entré en France en juin 2019 via l'Espagne, à l’âge de 17 ans, avec un visa de tourisme. Peu de temps après son arrivée, il est pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Val-d'Oise. Quelques mois après son arrivée, en septembre 2019, Taha viole une étudiante de 23 ans à Taverny, dans ce même département. Identifié grâce à son ADN, il est interpellé et placé en détention provisoire[réf. souhaitée]. Deux ans plus tard, en octobre 2021, il est condamné le 5 octobre 2021 par la cour d’assises des mineurs du Val-d’Oise à sept ans d’emprisonnement pour ce viol, bénéficiant de l'excuse de minorité car il était mineur lors des faits. Il est détenu à partir de 2019 et libéré en fin de peine en juin 2024. Le 18 juin 2024, en situation irrégulière en France puisqu'il n'est entré sur le territoire national qu'avec un visa de court séjour de trois mois, il se voit notifier une obligation à quitter le territoire français (OQTF) assortie d’une interdiction de retour de dix ans. Le même jour, l’administration française demande un laissez-passer consulaire (LPC) au Maroc. À sa sortie de prison, il est placé au centre de rétention administrative (CRA) de Metz. Son placement est prolongé à trois reprises. Le , un juge des libertés et de la détention ordonne sa libération du centre de rétention. Avant sa sortie, l'administration lui notifie une assignation à résidence dans un hôtel situé dans l'Yonne, assortie d'obligation de pointage pour qu'il ne tente pas de se soustraire à la surveillance de l'administration et à l'exécution de son éloignement du territoire[29]. Deux semaines plus tard, le , il est inscrit au fichier des personnes recherchées par les services préfectoraux car il ne respecte pas son obligation de pointer. Le meurtre de Philippine Le Noir de Carlan survient le lendemain, le [30].
Ce crime était-il évitable et n'y a-t-il pas eu des dysfonctionnements dans la chaîne pénale et administrative qui a abouti à la libération du suspect et à la commission du crime ? Telles sont les questions que se posent de nombreux politiques, observateurs et citoyens. Dans une interview au Figaro du 2 octobre 2024, Bruno Retailleau déclare qu'il y a eu à l'évidence des dysfonctionnements, qui ne sont pas nouveaux et qui se répètent et qu'il a demandé à l'inspection générale de son administration de faire un point sur cette question[31].
Si certains professionnels du droit comme Stéphane Maugendre (avocat spécialisé dans le droit des étrangers) et Olivier Cahn (professeur de droit pénal) estiment que les outils législatifs en vigueur sont suffisants[32], d'autres comme Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrats estiment qu’en France, il est impossible d'expulser un mineur étranger « quand bien même, il a commis des crimes ». Parallèlement plusieurs responsables politiques, de droite comme de gauche, mettent en cause la chaîne pénale et administrative et certains dysfonctionnements[33]. Cinq phases peuvent poser question : l'exécution de la peine, comment prévenir la récidive, pourquoi le suspect n'avait-il pas été reconduit à la frontière après exécution de la peine, les laissez-passer consulaires et la sortie du centre de rétention. Dans le cas de Taha O., pour certaines phases le droit a simplement été appliqué, pour d'autres il a fait l'objet d'une interprétation stricte qui peut poser question et pour d'autres enfin des dysfonctionnements administratifs ont été relevés.
Les peines exécutées sont presque systématiquement inférieures à celles prononcées lors de la condamnation, en raison de l'existence du crédits de réduction de peine (CRP), définis par l'article 721 du Code de procédure pénale. Pour Taha O., c'était la version en vigueur du 30 décembre 2019 au 24 décembre 2021 de cet article qui s'appliquait, rédigée comme suit « Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes »[34]. Ce dispositif a été allégé avec la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 stipulant qu'une réduction de peine peut être accordée par le juge de l'application des peines, après avis de la commission de l'application des peines, aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté qui ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion. Ces dispositions de la loi de 2021 introduisant l'assujetissement des réductions de peine à une bonne conduite ne sont applicables qu'aux personnes placées sous écrou à compter du [35],[36].
En 2021, 5 % des condamnés pour viol étaient en récidive légale[37]. Dans une lettre du à l’AFP, la précédente victime du suspect exhorte à mieux prévenir la récidive des crimes sexuels en demandant en particulier quelles mesures de prévention de la récidive sont prévues et effectivement mises en place dans les centres de détention ? quel est l'impact de la détention dans la réduction des risques de récidives ? quels programmes d'accompagnement à la réinsertion sont prévus ? et plus globalement quels dispositifs de coopération internationale existent pour prévenir la récidive de crimes sexistes et sexuels de criminels expulsés ? Elle demande in fine « le lancement d’une commission d’enquête sur la prévention de la récidive dans les cas de crimes sexuels et sexistes » [38],[39].
Cécile De Oliveira, avocate, explique sur France Info que la loi prévoit un accès aux soins psychiatriques et parfois psychologiques aux détenus aussi bien avant qu'après leur procès. Mais face à la surpopulation carcérale, la question de « l'effectivité de l'accès aux soins » se pose. Si les détenus sont « plutôt en forte demande », les « moyens de la psychiatrie hospitalière font qu'on doit limiter le nombre de rencontres » avec les soignants. Elle pointe le même problème avec les « services de probation », qui œuvrent à l'insertion des détenus[40].
Dans une circulaire du portant une mention manuscrite de sa main «très signalé » le ministre de l'intérieur donne une instruction précise aux préfets concernant les étrangers démunis d'un titre de séjour[41] : « pour les étrangers en situation irrégulière, durant la durée de la détention, vous vous attacherez à prendre une mesure d'éloignement adaptée : cette mesure aura vocation à être exécutée lors de l'élargissement du détenu. À cet effet, vous prendrez en amont toutes les mesures préparatoires à l'éloignement (identification, routing), l'objectif étant de pouvoir procéder à l'éloignement sans préalable en rétention ». Entretemps, la première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du , s'y oppose, mais le texte motivant cette décision est modifié ultérieurement. Cette circulaire est en outre confortée par l'instruction du [42] et celle du [43], explicitant les nouvelles mesures prises par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration[44]. Or aucune disposition n’a été prise en amont qui aurait permis de reconduire à la frontière après exécution de la peine. L'arrêté portant obligation de quitter le territoire avec interdiction de retour de dix ans n'a été signé par le préfet de l'Yonne que le 17 juin et notifié le lendemain 18 juin, soit deux jours avant la sortie du détenu.
C’est également ce que déplore Olivier Faure, sur BFM TV « Quand on a quelqu’un qui est en détention, qui est un individu dont on peut penser qu’il est une menace pour la société française, on ne devrait pas avoir à le libérer avant même qu’on ait l’assurance qu’il pourra repartir … Le laissez-passer consulaire qu’on devait récupérer auprès des autorités marocaines devait déjà en réalité être récupéré avant même de le libérer ou de le mettre en rétention où les délais, là, sont en fait circonscrits dans le temps »[45].
L’exécution d'une obligation de quitter le territoire français pour un étranger en situation irrégulière non documenté n’est possible qu’après l’obtention d’un laissez-passer consulaire (LPC), délivré par le pays d’origine de l'étranger. En fonction des relations diplomatiques, ce document peut être difficile à obtenir pour l'administration françaises. Concernant le Maroc, pays d'origine du suspect, Emmanuel Macron reconnaît le 30 juillet, dans une lettre adressée au roi du Maroc que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine », un revirement diplomatique majeur car la diplomatie française avait, jusqu’ici, toujours veillé à ménager autant Alger que Rabat dans ce conflit vieux de soixante-dix ans, mais avec en sous-entendu une volonté de faciliter la délivrance des laissez-passer consulaires[46].
Dans le cas de Taha O., le préfet présente une demande de laissez-passer consulaire au consulat du Maroc à Dijon le 18 juin. Le service central du Ministère de l'Intérieur, la DGEF, s'est estimé compétent après sollicitation d'une saisine de sa part par les autorités marocaines et a formulé une nouvelle demande auprès des autorités marocaines le , occasionnant ainsi un mois de retard dans l'instruction. La prise d'empreintes digitales, indispensable à l'identification de l'étranger, n'a été demandé aux gendarmes, par les services de la Préfecture, que le 15 juillet, avec un retour dès le lendemain[44]. Le LPC est finalement délivré trop tard, le 4 septembre, soit le lendemain de la libération de Taha O.
Lors d’une conférence de presse à Rabat le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, affirme que « le Maroc est prêt à rapatrier tout migrant irrégulier dont il est attesté qu’il est Marocain et est parti depuis le territoire marocain ». Il s'interroge aussi :« Le Maroc est prêt, mais est-ce que l’autre partie est capable de le faire ? », estimant que Rabat n’avait « pas à recevoir de leçons » en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Il précise qu'« il y a eu des directives claires pour les autorités marocaines afin de travailler avec la France et l’Espagne pour rapatrier les mineurs non-accompagnés », estimant que « les obstacles n’ont pas émané du Maroc mais des procédures de ces pays ». Il a également critiqué ceux qui, en Europe, « font de l’immigration un fond (sic) de commerce politicien ». Bruno Retailleau indique toutefois qu’en 2023, la France a délivré au Maroc 238 750 visas, mais n’a obtenu « que 725 laissez-passer »[47].
La décision et le maintien de placement en rétention sont définis par les articles L741-1 à L741-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Des dispositions qualifiées d'« absurdes » et qui « facilitent la remise en liberté des clandestins » par Morgane Daury-fauveau, professeur de droit privé, secrétaire générale de l'UNI et présidente du Centre d'études et de recherches universitaires (Ceru)[48].
Après le placement de quatre jours[49], une première autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) est nécessaire pour une prolongation de 26 jours[50]. Au terme de 30 jours de rétention donc, le JLD doit être saisi pour une deuxième autorisation de prolongation d'un délai à nouveau de 30 jours[51]. Puis, une fois ce délai expiré, l'article L. 742-5 du code prévoit une troisième prolongation, dite exceptionnelle, de quinze jours cette fois et assujettie à trois conditions [52], la troisième étant libellé comme suit : « La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public. ». Concernant le cas de Taha O. les trois prolongations sont délivrées respectivement le 23 juin, le 20 juillet et le 19 août[53].
Une quatrième prolongation, encore plus exceptionnelle, de quinze jours, est prévue par le dixième et dernier alinéa du même article L. 742-5 aux termes duquel : « Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours ». L'alinéa sept dont il est question est celui-ci relatif à la menace à l'ordre public. Pour la quatrième prolongation, la menace à l'ordre public doit donc être apparue pendant les quinze derniers jours, selon une interprétation stricte du code. Ainsi Taha O. n’ayant pas montré la moindre menace pendant sa rétention et aucune information n’ayant été reçue concernant les documents de voyage, le juge des libertés et de la détention a remis en liberté Taha O., 15 jours avant la fin légale du délai de 90 jours, tout en reconnaissant la dangerosité de l’individu dans la rédaction de l'ordonnance de refus de la prolongation[53].
Avec cet événement tragique est remise en lumière la question de la sécurité du Bois de Boulogne. Lieu de prostitution, en particulier celle de travailleuses du sexe venues d’Amérique du Sud, cet espace attire une population marginalisée, générant une délinquance où se mêlent vols, agressions et usages de drogue. Les affaires criminelles récentes les plus retentissantes sont la mort de Vanesa Campos en août 2018 et l'arrestation en avril 2024 d'« El Indiano »soupçonné d’une centaine de viols de prostitués[54]. Jérémy Redler, maire (LR) du 16e arrondissement, appelle ainsi à la « création d’une brigade de police municipale dédiée et armée, pour faire face à la dangerosité des individus qui peuvent s’y trouver »[55].
Mais la préfecture de police précise qu'« au-delà de l’action forte des effectifs de l'arrondissement qui y déploient au quotidien des patrouilles pédestres et véhiculées, des unités départementales de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) sont aussi régulièrement engagées ». Des cavaliers de la garde républicaine patrouillent également dans les zones les plus touffues. Enfin le préfet Laurent Nuñez a fait monter en puissance son dispositif. Au lendemain même de la tragédie, le bois de Boulogne est quadrillé jusqu’à 20 h 30 par des unités en tenue de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) avec l’appui de la compagnie d'intervention (CSI) de Paris et des « chasseurs » de la brigade anticriminalité de nuit (Bac-N) chargés d’effectuer une « sécurisation dynamique » du secteur jusqu’à 6 heures du matin. Les effectifs d’arrondissement, quant à eux, sont désormais priés d’assurer une « présence constante en journée au moyen d’équipages en tenue (Brigade territoriale de contact) sur le secteur Muette-Dauphine ainsi que sur la frange concourante du bois de Boulogne »[55].
Selon un bilan porté à la connaissance du Figaro, les atteintes à l'intégrité physique dans le bois de Boulogne ont baissé de 28,3 % sur les huit premiers mois de 2024 par rapport à la même période de l’année précédente. Le nombre des agressions est passé de 53 à 38, sachant qu’elles avaient déjà baissé de 42,39 % en 2023 par rapport à 2022[55].
Les réactions tant au niveau national qu'international, tant au niveau politique que dans les médias et l'opinion sont telles que ce simple fait divers devient un fait politique.
Le , Emmanuel Macron, en déplacement à Montréal au Canada exprime « l’émotion de toute la Nation » tout en dénonçant un « crime odieux et atroce », et estime qu’il faut « chaque jour mieux protéger les Français »[56].
Les députés et membres du gouvernement observent le une minute de silence à l'Assemblée nationale en hommage à la victime, après un soutien à la famille de la part de la présidente de l'assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet « Aucun discours ne saurait combler la perte d’un enfant, mais qu’ils sachent que nous sommes à leurs côtés dans cette terrible épreuve ». Le président du sénat, Gérard Larcher, rend lui-même le même jour un hommage en déclarant « Je crois que la représentation nationale devra tirer toutes les conséquences d’un tel drame afin que plus jamais la vie d’une femme soit ainsi volée »[57].
Alors que la classe politique reste largement muette sur le procès des viols de Mazan, elle s'emballe, droite et extrême droite en tête, à propos du meurtre et du viol de Philippine, commis par un ressortissant marocain en situation irrégulière sur le sol français[58]. La gauche quant à elle dénonce cette récupération mais se saisit également de l'évènement en s'opposant à sa relecture par la droite politique, selon Jean Garrigues, historien spécialiste de la politique[59].
D'après ce dernier, la « récupération politique » consiste pour un camp politique d'utiliser un fait de société pour promouvoir ses thèses, sa lecture du monde et, pourquoi pas, en tirer ensuite un bénéfice électoral. Cette pratique vient historiquement de l'extrême droite, mais elle est aujourd'hui le fait de tous les partis. Il distingue cependant deux types de récupération politique : celle dite de « confirmation » et celle d'« opposition ». Tandis que le RN s'inscrit dans la première qui vise à affirmer que l'immigration illégale constitue un danger pour la France et à justifier un discours généralisant et raciste, Sandrine Rousseau, s'inscrit dans la seconde, en revendiquant son féminisme, dont l'un des combats politiques porte sur la lutte contre les féminicides[59].
Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN), fustige une « justice irresponsable » et dénonce « le laxisme judiciaire [qui] a des conséquences dramatiques sur l’insécurité », donnant rendez-vous le 31 octobre à l'Assemblée nationale pour l’examen d’une proposition de loi issue de son parti proposant de systématiser les expulsions d’étrangers majeurs définitivement condamnés pour un crime ou un délit « puni d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement »[60].
Rompues à ces récupérations, les sphères de l’extrême droite identitaire reprennent quant à elles le terme de « francocide », inventé par le polémiste Éric Zemmour, et organisent des collages d’affiches, usant des mêmes méthodes qu’après le meurtre de Lola, âgée de 12 ans, tuée en 2023 par une ressortissante algérienne également tenue de quitter le territoire français[17]. Le Collectif Némésis, d'extrême droite, appelle ainsi à une manifestation le contre les violences faites aux femmes ainsi que contre l'immigration qu'il juge incontrôlée en France. Le journal de gauche L'Humanité, qui a couvert la manifestation, dénonce le « racisme décomplexé de certains manifestants »[61]. L'avocate de la défense dans cette affaire déplore la récupération politique de l'affaire, notamment par la droite et l'extrême droite[62]. Tandis que l'association NousToutes décomptait alors plus de 100 féminicides depuis le début de l'année 2024[63], les prises de parole de l'extrême droite contre les violences sexistes et sexuelles restent rares.
Quatre jours après la mort de Philippine, le nouveau ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, se dit ainsi, sur le réseau social X, décidé à « faire évoluer notre arsenal juridique pour protéger les Français », en écho sa fameuse diatribe « Rétablir l’ordre » prononcée trois fois lors de sa prise de fonction[64]. Laurent Wauquiez demande quant à lui une mission flash de l’Assemblée[45]. Fin septembre, les députés du groupe Droite républicaine de Laurent Wauquiez déposent une proposition de loi pour allonger la durée de rétention des étrangers clandestins jugés dangereux[65].
Plusieurs associations féministes ainsi que des élus de gauche, notamment Sandrine Rousseau et Maëlle Noir, du collectif féministe #Noustoutes, appellent à « penser ce crime » sous le prisme des féminicides et de la récidive, non sous celui de l’immigration, cette dernière déclarant en outre que c’est le 104e féminicide depuis le début de l’année et qu'elle n'a pas entendu la droite, l’extrême droite ni même le gouvernement sur les 103 autres féminicides[60]. Plus globalement, selon l'Observatoire des violences faites aux femmes, qui précise qu’il s’agit d’une estimation minimale, 217 000 femmes majeures ont été victimes de viols, tentatives de viol et/ou agressions sexuelles en France en 2021[60]. Dans une chronique au vitriol, l’historienne Christelle Taraud, dénonce l’instrumentalisation anti-immigration de ce meurtre et que, si Philippine doit être réduite à une identité, ce n’est certes pas à son statut social, à sa confession religieuse ou encore à sa couleur de peau, comme le clame, de manière attendue, l’extrême droite, mais bien à sa qualité de femme[66].
Le Syndicat de la magistrature, classé à gauche, déclare aussi que ces questions doivent « être envisagées à travers la capacité de la société tout entière à prévenir les féminicides et la récidive, quelle que soit la nationalité des personnes condamnées »[60]. Il dénonce également une « surenchère xénophobe »[67].
Dans une chronique du 28 septembre, l'éditorialiste Philippe Bernard considère toutefois que pour de tels drames ne se reproduisent pas, il conviendrait « qu’une partie de la gauche cesse de réduire paresseusement l’exaspération des Français en pareil cas à du « racisme » ou au résultat d’une manipulation médiatico-politique », un discours peu audible face au discours du ministre de l'Intérieur, inspiré de l'extrême droite[68]. C'est dans cette logique que s'inscrit François Hollande en déclarant que « c’est le problème des OQTF, il faut que ça aille vite », mettant par ailleurs en cause sur France Info la « chaîne pénale et administrative »[45].
Les présentateurs des grandes chaînes de télévision évoquent l'événement, à l'image de Gilles Bouleau déclarant que « le profil du meurtrier a fait réagir les politiques de tous bords », ou une journaliste de France 2 qui commente « la classe politique n’a pas de commentaires assez durs », ou enfin Éric Brunet, sur BFMTV, qui résume : « Ce fait divers tragique est devenu un fait politique. »[58].
Selon Télérama, les chaînes d'information en continu, notamment BFM TV et LCI, auraient participé à l'emballement politico-médiatique en invitant de nombreux représentants de la droite et de l'extrême droite pour évoquer cette affaire[69].
La presse européenne réagit à l’événement en se concentrant principalement sur la question de l’obligation de quitter le territoire français dont le suspect faisait l'objet. C’est notamment le cas du média espagnol El País[70] ou du journal suisse Le Temps[71],[72]. Le media italien Corriere della Sera se concentre sur le volet sécuritaire en citant la priorité répétée trois fois par Bruno Retailleau : « rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre ».
Divers médias arabes constatent que cette affaire cristallise à nouveau la question des « obligations de quitter le territoire français » (OQTF) dans les relations entre la France et le Maghreb[73]. C'est notamment le cas du journal algérien TSA qui liste un grand nombre de déclarations qui mettent en cause les Algériens, alors que le suspect est marocain[74] ou le journal marocain Telquel qui met en avant que le Maroc avait transmis aux autorités françaises un laissez-passer consulaire pour permettre l'éloignement du suspect, quelques jours avant le meurtre[75].
Après avoir martelé en prenant ses fonctions qu’il allait « rétablir l’ordre » et sous la pression politico-médiatique déclenchée par la mauvaise gestion du suspect Taha O., en situation irrégulière et sous OQTF, Bruno Retailleau convoque des préfets le 8 octobre et dévoile son plan pour augmenter le nombre d'éloignements d'étrangers en situation irrégulière faisant l'objet d'une OQTF. Vingt-et-un préfets, représentant 80 % des mesures d’éloignement notifiées à des étrangers, sont ainsi convoqués au ministère de l’Intérieur. Parmi les départements concernés, on retrouve Paris et sa banlieue, le Pas-de-Calais ou les Alpes-Maritimes, mais également le Bas-Rhin et le Rhône[76]. Il leur fixe comme priorité la réduction de l'immigration illégale, mais aussi légale. Pour ce faire, il annonce revenir sur la fameuse circulaire Valls de 2012 qui permet la régularisation d’un peu moins de 30 000 personnes par an, mais ne donne pas de consigne particulière concernant les régularisations dans les métiers en tension prévues dans la dernière loi immigration[77].
Il déclare en outre vouloir permettre d'augmenter la durée maximale en rétention administrative, jusqu'à 210 jours, « pour les crimes les plus graves » commis par des migrants en situation irrégulière, alors qu’elle n’est actuellement possible pour cette durée que dans les cas de terrorisme. Cette piste avait déjà été évoquée par Michel Barnier dans son discours de politique générale quelques jours plus tôt[76].
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.