Louis Figuier est le vulgarisateur scientifique le plus prolifique du XIXesiècle, célèbre par le nombre et la qualité des articles de revues et des ouvrages qu'il a publiés de 1848 à 1894. Ayant débuté par une prometteuse carrière scientifique en pharmacie, chimie, physique, celle-ci s'achève par son affrontement avec Claude Bernard en 1854. Après cet échec, il se consacre entièrement à la vulgarisation, inventant même un théâtre scientifique qui n'aura pas le succès escompté[1],[2].
Louis Figuier est issu d'une famille de scientifiques. Son père, Jean Figuier, était pharmacien à Montpellier, et son oncle Pierre-Oscar Figuier avait découvert et appliqué le pouvoir de décoloration des os calcinés. Figuier est diplômé de pharmacie, puis docteur en médecine en 1841[3]:128. En 1844, il entre au laboratoire de chimie de la Sorbonne, dirigé par Antoine Balard, montpelliérain comme lui[2]:165.
En 1846, il est nommé professeur adjoint à l'école de pharmacie de Montpellier, où il présente une thèse de chimie (dosage du brome), et une thèse de physique (action de la lumière sur quelques substances impressionnables). Après son agrégation à l’École de pharmacie de Paris, en 1853, il enseigne la chimie dans cette école[4]. C’est là qu'il entreprend une série d’expériences physiologiques en vue de démontrer que le rôle du foie, dans l'organisme, est de condenser le sucre qui existe dans le sang, contrairement aux travaux de Claude Bernard, qui niait, lui, la présence spontanée du sucre[2].
Cette lutte scientifique tourne au désavantage de Figuier. Sur les conseils de François Arago[2], il abandonne sa carrière scientifique pour se consacrer à son œuvre de vulgarisation scientifique, déjà largement amorcée les années précédentes.
Déjà connu des savants par de nombreux mémoires publiés de 1847 à 1854 dans les Annales des sciences et le Journal de pharmacie, ainsi que par ses articles à la Revue des deux Mondes, à la Revue scientifique ou encore aux Annales des sciences, Figuier remplace Victor Meunier comme rédacteur du feuilleton scientifique du quotidien La Presse, en 1855. Ses articles sont publiés chaque semaine jusqu'en 1878. Dès 1856, l'auteur utilise une partie de cette chronique pour publier l'Année scientifique et industrielle ou Exposé annuel des travaux. Cet inventaire exact des productions scientifiques de l'année, qui sera publié chaque année jusqu'à la mort de Figuier, aura beaucoup de succès et inspirera plusieurs revues équivalentes.
Vers le mois de , il est, aux côtés d'Augustin Barral, d’Henri Lecouturier et Félix Roubaud, au nombre des fondateurs d'une association de vulgarisateurs, le Cercle de la presse scientifique[2]:201.
Figuier est ainsi devenu un vulgarisateur populaire, publiant de nombreux ouvrages de science et d'histoire vulgarisées[5] : La Vie des savants illustres, La Terre avant le déluge, et des collections de 4 ou 5 livres, Tableau de la nature, Les Merveilles de la science, Les Mystères de la science, Les Merveilles de l’industrie ou L'homme primitif, ouvrage qui, avec la collaboration de l'illustrateur Bayard, véhicule chez les Français des stéréotypes immémoriaux sur l'homme et la femme préhistorique, et ce jusqu'au XXesiècle[6]
Son œuvre suscite beaucoup d’engouement (même si ses livres sont loin d’atteindre le succès de ceux de Jules Verne), mais aussi des critiques, de la part notamment d’Émile Zola[7]. Il en vient à incarner, dans les années 1870-1880, la figure par excellence du vulgarisateur scientifique en France[8].
Avec son épouse Juliette Figuier, qui publie des nouvelles et des romans languedociens dans la Revue des deux Mondes[2]:261, Figuier tente aussi de créer un genre nouveau, et finance le «théâtre scientifique», une série de pièces ayant pour héros les grands inventeurs ou les grands savants (Denis Papin, 1882 ; Keppler ou l’Astrologue et l’Astronomie, 1889), qui se fixe pour but de « régénérer le théâtre en le rendant instructif, en faire un instrument de moralisation et de progrès[9] ». Cette tentative a peu de succès et lui attire de nombreuses critiques acerbes[9]. Sur la fin de sa vie, il publie quelques livres philosophico-scientifiques sur la vie après la mort[2]:259. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise[10].
Histoire des principales découvertes scientifiques modernes (5 vol.), Delevigne et Callewaert (Bruxelles), 1851-1857. Texte en ligne disponible sur IRIS: tome 1, tome 2, tome 3, tome 4, tome 5.
Exposition et histoire des principales découvertes scientifiques modernes (3 vol.), V. Masson: Langlois et Leclercq (Paris), 1855. Texte en ligne disponible sur IRIS: tome 1, tome 2, tome 3.
Les Applications nouvelles de la science à l'industrie et aux arts en 1855. Machine à vapeur, bateaux à vapeur, locomotives, locomobiles, moteurs électriques, horloges électriques, tissage électrique, l'électricité et les chemins de fer, inflammation des mines, photographie, gravure photographique, galvanoplastie, lampes, bougies stéariques, éclairage électrique, chauffage par le gaz, conservation des viandes et des légumes, aluminium. (1856) Texte en ligne
Histoire du merveilleux dans les temps modernes (4 vol., 1859-1862) Texte en ligne 1234
Tableau de la nature: La vie et les mœurs des animaux: Les poissons, les reptiles et les oiseaux (1888) Texte en ligne
La Science au théâtre, 2 vol., 1889.
Drames: Gutenberg; Denis Papin.— Kepler, ou l'Astrologie et l'Astronomie.—Les Six parties du monde, Tresse et Stock, 1889. Texte en ligne
Comédies: Le Mariage de Franklin.— Le Jardin de Trianon.— Miss Télégraph.— Le Premier voyage aérien.— La République des abeilles.— La Femme avant le déluge.— Le Sang du Turco.— Cherchez la fraise, Tresse et Stock. Texte en ligne
Autres comédies: La Forge de Saint-Clair.— Les Manies de M. Lédredon.
Le Lendemain de la mort ou La vie future selon la science (1889) Texte en ligne
Bruno Bréguet (dir), La Science pour tous: sur la vulgarisation scientifique en France de 1850 à 1914, Paris, Bibliothèque du Conservatoire des Arts et Métiers, , 168p., 26 cm (ISBN978-2-906967-03-8, lire en ligne), p.93
Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains contenant toutes les personnes notables de la France et des pays étrangers, Paris, Hachette et Cie, , 4eéd., 1888p. (lire en ligne), p.673.
Bernadette Bensaude-Vincent et Anne Rasmussen, La Science populaire dans la presse et l'édition, 19e et 20e siècle, CNRS Histoire, , 304p. (ISBN978-2-271-10843-2, lire en ligne)
Jacques Michon et Jean-Yves Mollier, Les Mutations du livre et de l’édition dans le monde du XVIIIesiècle à l’an 2000: actes du colloque international, Sherbrooke, [9-13 mai], 2000, Saint-Nicolas, Presses de l’Univ. Laval, , 597p. (ISBN978-2-7475-0813-1, lire en ligne), p.491.
Patrick Cabanel, «FIGUIER Louis», dans Société de l'histoire du protestantisme français, Patrick Cabanel, André Encrevé (dir.), Dictionnaire biographiques des protestants français de 1787 à nos jours: Tome 2: D-G, Paris, Les Éditions de Paris, , 1050p. (ISBN978-2-84621-288-5), p.560-562