Laure Gauthier écrit des récits, des poèmes et des textes pour des œuvres multimédias. Elle a notamment publié la cité dolente[1] en 2023, les corps caverneux en 2022[2], je neige (entre les mots de villon)[3] en 2018 et kaspar de pierre[4] en 2017.
Depuis 2013, elle publie dans de nombreuses revues en France (TESTE, Remue.net, Po&sie, Place de la Sorbonne, Sarrazine, L’Etrangère, La moitié du fourbi[5], Vacarme[6], COCKPIT voice recorder, etc.), en Italie (Atelier, Insula Europea, etc.), ou encore en Suisse (Cenobio[7]), en Autriche (manuskripte), au Mexique (Ablucionistas[8], Círculo de poesía[9]) et à Taïwan (Asymptote[10]). Elle se produit par ailleurs régulièrement dans des lectures publiques en France et en Europe.
Dans ses livres, Laure Gauthier accorde une place particulière au statut de la voix qui permet de maintenir une tension entre une poésie sans sujet et une poésie incarnée. Dans kaspar de pierre, «l’individualité se néantise, l’écriture du Je laisse place au vide blanc de la page. L’auteur décentre la parole de kaspar vers la nôtre, vers notre écoute, pour créer un espace où vivre communément, où exister ensemble par le fait de parler (…)» (T. U. Comte, La Nouvelle Quinzaine littéraire)[12].
Le travail sur la voix s’accompagne d’un renouvellement du statut de l’image poétique: l’image est une émergence, elle est le point de rencontre entre la sensation et l’idée, ce que Johan Faerber a appelé «l’image-idée»[13] dans Diakritik à propos de je neige (entre les mots de villon)[3]. Cette question du statut de l'image poétique s'incarne aussi dans une pensée du renouvellement de l'ekphrasis[14].
On retrouve dans chacun des textes un poly-perspectivisme: pas de poésie strictement objective ni de focalisation sur le Moi, mais une incarnation éclatée, une polyphonie[15] qui est un espace de vigilance. Si lyrisme il y a, c’est alors un lyrisme transsubjectif[13], qui permet de créer un écart vigilant entre les voix comme dans je neige (entre les mots de villon) où s’entrelacent «trois voix, peut-être quatre, celle de François Villon, des autres, de ses autres»[3].
Prose et poésie
Dans Le Monde, Didier Cahen évoque le travail de Laure Gauthier comme celui d’un «plasticien sonore»[16],[17] où «fusent des pulsations rythmées, un tempo afférent, des sens électrisés»[13].
Le plus souvent, les textes de Laure Gauthier alternent passages en prose, prose poétique et poèmes. Les poèmes émergent comme une blue note, à des moments de respiration du récit qui se structure, devient fluide ou au contraire se suspend en fonction de la menace extérieure.
L'écriture de Laure Gauthier se caractérise par sa mobilité, sa plasticité et sa force cinétique: la langue «sourd, pulse, jaillit, rit, illumine, se révolte pour enfin exister en soi et par soi»[18].
Faits divers et archives
Dans les textes poétiques de Laure Gauthier se pose toujours différemment la question de l’attaque en règle menée de l’extérieur, depuis la société capitaliste tardive, contre l’intime de l’individu et contre sa langue: l’ensevelissement sous les biens matériels, la complaisance envers la violence, le goût pour le sensationnel, ce qu’elle appelle la «fait-diversification»[19] de la langue ou encore l’exotisme[20].
Les archives sont une source d’inspiration importante pour la poète. La cité dolente[1], par exemple, convoque des faits divers avérés; kaspar de pierre[4] est écrit à partir de l’histoire de l’orphelin Kaspar Hauser. Et je neige (entre les mots de villon)[3], dialogue à la fois avec la biographie et l’œuvre de François Villon tout en les maintenant à distance.
Ces livres adoptent une position complexe face à l’archive[12]: les archives sont à la fois «suspectées de vouloir restituer la vie. Comme si elles étaient une affirmation (…) alors que le poème n’entend être que suggestion»[21]. Les récits s’appuient sur des documents, mais Laure Gauthier place le récit poétique en léger hors-champ des traces historiques «afin de laisser apercevoir ce qui sourd sous le document, ce qui est vivant et se cabre à côté des faits actés»[22].
Poésie et musique
À partir de 2018, Laure Gauthier décide de faire un état des lieux des liens entre poésie et musique contemporaines[23] pour la webrevue Remue.net avec la complicité de Sébastien Rongier. Elle plaide pour un dépassement des frontières entre poésie sonore et écrite ainsi que pour un dialogue renouvelé entre poésie et musiques contemporaines[24].
C’est en dialogue avec Philippe Langlois, directeur de la pédagogie et de l’action culturelle à l’Ircam, qu’elle met au point un séminaire «poésie et musique aujourd’hui» (2017-2020)[25],[26]. Après un siècle de crise du lyrisme, elle cherche à réarticuler autrement un dialogue[27] entre compositeurs[28] et poètes[29].
Poésie multi- et transmédia
Son travail poétique sur l’énonciation et la polyphonie se poursuit par une collaboration avec des artistes contemporains, comme Fabien Lévy, Núria Giménez-Comas, ou encore Xu Yi. Laure Gauthier est à la recherche de nouvelles formes poétiques transmédiales où le poète est conçu comme co-auteur. «Nun hab’ ich nichts mehr»[30], par exemple, est une pièce pour soprano coloratura, ensemble et électronique, avec une musique de Fabien Lévy. «Back into Nothingness»[31] est un monodrame essentiellement parlé pour actrice-soprane, chœur et électronique, et musique de Núria Giménez-Comas. Les métamorphoses du serpent blanc[32], est un conte lyrique en six chants, musique de Xu Yi. En 2018, elle collabore avec Pedro García-Velásquez et Augustin Muller à partir de fragments de ses textes et de sa voix enregistrée à une installation sonore 3-D «Études de théâtre acoustique»[33] qui a été présentée au ZKM de Karlsruhe. En 2022, elle conçoit, toujours en collaboration avec Pedro García-Velásquez et Augustin Muller, Remember the future, une installation poétique et sonore qui propose une sieste acoustique et pour laquelle elle écrit les textes et enregistre la voix. Créée le 24 mars 2022 à Cesaré-cncm, cette installation offre un voyage au travers de lieux perdus et d'espaces intimes pour tenter de faire émerger des images ensevelies en l'absence d'image réelle.
Laure Gauthier, D'un lyrisme l'autre, la création entre poésie et musique. Laure Gauthier en dialogue, Paris, MF, 2022[41]
Jean-François Candoni & Laure Gauthier (dir), Les grands centres musicaux du monde germanique (XVIIe-XIXe s.), Paris, PUPS, 2014, 495 p[42].
Laure Gauthier, L’opéra à Hambourg (1648-1728), Naissance d’un genre, essor d’une ville, Paris, PUPS, 2010, 459 p.[43]
Laure Gauthier & Mélanie Traversier, Mélodies urbaines: la musique dans les villes d’Europe (XVIe – XIXesiècles), Paris, PUPS, 2008, 360 p[44].
Textes pour des œuvres multimédias
Œuvres musicales
Les métamorphoses du serpent blanc, musique de Xu Yi, création au CRR de Paris, 2020[32]
Back into nothingness, monodrame essentiellement parlé pour actrice-soprano, chœur et électronique, musique Núria Giménez-Comas (production Grame cncm, coprod. Ircam, Spirito, Festival Archipel-Genève et TNP), créé au TNP les 16 et 17 mars 2018 (Biennale Musiques en scène) et le 24 mars 2018 au Festival Archipel à Genève[31]
Nun hab’ ich nichts mehr, pièce pour soprano coloratura, ensemble et électronique, musique de Fabien Lévy, Berlin, éditions Ricordi[30], création au Teatro Regio di Parma le 13 octobre 2016[45], puis au Festival Eclat de Stuttgart le 5 février 2017[46]
Installations
Remember the future, installation poétique et sonore pour diffusion 3D et instruments automates, conçue par Laure Gauthier, Pedro García-Velásquez et Augustin Muller, création le 24 mars 2022 à Cesaré-cncm[47]
Commanderie (2019), for robotic arms, 3D sound installations and live concerts, Pedro García-Velásquez[48]
Études de théâtre acoustique (2018), installation sonore 3-D de Pedro García-Velásquez et Augustin Muller, textes et voix de Laure Gauthier[33]
La forêt blanche (2019), installation multimédia, texte et voix de Laure Gauthier, dispositif plastique de Sylvie Lobato, machines lumière de Laurent Bolognini, installation du son de Martin Saëz[49]
Adaptations filmiques
"kaspar de pierre" de Laure Gauthier, réalisation de Thierry De Mey, Eroica productions 2018, 25 minutes[50]
Roland Cornthwaite, «Laure Gauthier», Gare Maritime, Anthologie de la Maison de la poésie de Nantes, p. 39-40, sur maisondelapoesie-nantes.com (consulté le ).
Bernard Banoun, «kaspar de pierre», CCP, février 2018, sur cahiercritiquedepoesie.fr (consulté le ).
François Bordes, «kaspar de pierre», Secousses, no23, novembre 2017, sur www.revue-secousse.fr (consulté le ).
Thibault Ulysse Comte, «Ce chemin vers rien de certain. Kaspar de pierre», La Nouvelle Quinzaine littéraire, no1190, du 16 au 31 mars 2018, sur www.nouvelle-quinzaine-litteraire.fr (consulté le ).
Georges Guillain, «kaspar de pierre», Les découvreurs, décembre 2017, sur LES DÉCOUVREURS / éditions LD (consulté le ).
François Huglo, «la cité dolente», note de lecture, sur Sitaudis, (consulté le ).
Yves Boudier, «la cité dolente», note de lecture, sur Poesibao, (consulté le ).
Dominique Boudou, «la cité dolente», note de lecture, sur Jacques Louvain, (consulté le ).
Pascal Boulanger, «la cité dolente», Sitaudis, sur www.sitaudis.fr, (consulté le ).
Laurent Cassagnau, «la cité dolente», Revue Europe (93e année, no1038, octobre 2015), p. 318-320, sur www.europe-revue.net, dl 2015, cop. 20151 (consulté le ).
Thibault Ulysse Comte, «La fraîcheur d’un souffle», Revue Regain, sur www.edtions-sorbonne.fr, (consulté le ).
(it) Elio Grasso, «la città dolente», «La dimora del tempo sospeso», sur La dimora del tempo sospeso, (consulté le ).
(it) Claudio Morandini, «la città dolente», Diacritica, sur diacritica.it, (consulté le ).
(it) Luigia Sorrentino, «la città dolente», Poesia, sur Poesia, di Luigia Sorrentino, (consulté le ).
Johan Faerber, «Laure Gauthier: «Écrire, c’est nécessairement faire fi de l’aimable et du mièvre»», sur DIACRITIK, (consulté le ) : ««Je développe une écriture polyphonique et donc si lyrisme il y a, il n’est pas synonyme d’épanchement du moi, mais d’une musique qui se joue entre les voix, entre les choses, un lyrisme transsubjectif donc.»».
«La seconde partie de cet extrait est écrite sur le mode de l’ekphrasis. Elle nous donne à voir le contrapposto sensuel d’un nu pictural de la Renaissance italienne, nu qui cherche à rivaliser avec la sculpture. On pense au Pérugin, à Mantegna, ou à Botticelli, par exemple. Cette ekphrasis illustre également le titre kaspar de pierre. Dans un «élan pétrifié», la description figure à la fois le mouvement du corps induit par un contrapposto lascif et le caractère architectural propre à la sculpture, déjà évoqué dans la première partie de l’extrait: «Il se tenait droit, froid, […] pas de sang, corps imperturbé». L’ekphrasis suggère également une volonté de mettre en mouvement les affezioni dell’anima du lecteur-spectateur en extase: «on com- / mençait à frissonner en te regardant».»
«PressReader.com - Journaux du Monde Entier», sur www.pressreader.com (consulté le ) : «Ainsi Pascal Boulanger note: «Cette écriture nette, sans scories ni bavardage (…) parvient, magistralement, à refonder des problématiques (celle du corps social, du corps intime, de l’être et du non-être) qu’occulte la poésie tiède. Ecrire pour Laure Gauthier, c’est être dans l’acte-observation, dans le bond hors du rang des meurtriers (Kafka) (…)» (Pascal Boulanger, 11 octobre 2015, Sitaudis); tandis que Claire Tencin évoque dans Art Press (22 janvier 2018) que «la langue poétique de Laure Gauthier, depuis Marie weiss rot (…) creuse la terre» pour évoquer «le corps traumatisé». Thibault Ulysse Comte note dans la Nouvelle Quinzaine littéraire que l’écriture de Laure Gauthier «prend sa place dans l’incertitude du surgissement de la parole et la plongée au sein de nos ténèbres communes" (Thibault Ulysse Comte, «Ce chemin vers rien de certain. Kaspar de pierre», La Nouvelle Quinzaine littéraire, no1190, du 16 au 31 mars 2018)»
Johan Faerber, «Laure Gauthier: «Écrire, c’est nécessairement faire fi de l’aimable et du mièvre»», sur DIACRITIK, (consulté le ) : «Arnaud Merlin souligne le travail que fait Laure Gauthier pour renouer autrement les mondes poésie et musique contemporaine: voir l’émission d’Arnaud Merlin, l’Après-Concert «poésie et musique aujourd’hui», sur France Musique, avec le compositeur Gérard Pesson et la poète Laure Gauthier. C’est aussi ainsi que Bastien Gallet parle du travail de Laure Gauthier dans l’émission «La musique écrite parle encore» (12 déc. 2015) animé par Bastien Gallet avec Laure Gauthier, David Christoffel, Jérôme Combier et Robin Meier à la Fondation Louis Vuitton.».
Bastien Gallet, «La musique écrite parle encore», avec Laure Gauthier, David Christoffel, Jérôme Combier et Robin Meier à la Fondation Louis Vuitton, sur presse.fondationlouisvuitton.fr,
Fabien Lévy, Nun hab' ich nichts mehr: pour soprano, clarinette, guitare électrique, piano et accordéon (ossia accordéon: orgue électrique, son Hammond), 2016, Ricordi, (lire en ligne).
(de) Gauthier, Laure, (1972- ...).,, Jallet, Gilles, (1956- ...)., et Impr. de la Bastide) (trad.de l'allemand), Marie blanc rouge, Sampzon, Delatour France, impr. 2013, cop. 2013 (ISBN978-2-7521-0160-0 et 2-7521-0160-0, OCLC893758555, lire en ligne).
Candoni, Jean-François., Gauthier, Laure, (1972-...). et Charle, Christophe, (1951-...)., Les grands centres musicaux du monde germanique, XVIIe: XIXe siècle, Paris, PUPS, dl 2014, cop. 2014, 349p. (ISBN978-2-84050-936-3 et 2-84050-936-9, OCLC893463191, lire en ligne).