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langue créée par une ou plusieurs personnes dans un temps relativement bref De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Une langue construite ou planifiée (ou idéolangue, parfois dénommée langue artificielle, ou conlang pour constructed language en anglais) est une langue créée par une ou plusieurs personnes dans un temps relativement bref, contrairement aux langues naturelles dont l'élaboration est en grande partie spontanée et sans plan d'ensemble. Il est donc parfois difficile de cloisonner les langues dans ces deux catégories. Généralement, on trouve une grande part d'arbitraire et d'exceptions dans les langues naturelles, ce qui est plus rare parmi les langues construites, puisqu'elles sont généralement consciemment faites pour être accessibles, et donc exemptes d'exceptions.
Contrairement à une représentation fort répandue, toutes les langues naturelles écrites sont dans une certaine mesure des langues mixtes, à la fois naturelles et artificielles — créées avec art — puisqu'elles ont connu des interférences au cours de leur développement. Rabelais écrit au XVIe siècle : « C'est erreur de dire que nous ayons langage naturel : les langues sont par institution arbitraire et convention des peuples ».
Certaines langues naturelles actuelles ont subi des processus de planification et sont donc en partie artificielles. C'est le cas de l'indonésien, du serbo-croate, de l'hébreu moderne, du norvégien (nynorsk), de l'allemand, du mandarin. Ces langues ne sont pourtant pas considérées aujourd'hui comme des langues artificielles : le terme qui leur est appliqué en sociolinguistique est celui de « langue ausbau ». C'est aussi le cas des langues construites visant à l'intercommunicabilité entre des formes dialectales non mutuellement intelligibles, souvent à cause de la distance, sont qualifiées de « langue-toit » (ou lingua franca) : cas de l'arabe littéraire, du français (principalement formé à partir de la langue d'oïl) ou du romanche.
La différence tient donc davantage à un facteur d'échelle :
On peut distinguer plusieurs sortes de motivations et des degrés extrêmement différents d'utilisation pratique pour les langues construites.
La volonté de créer une langue internationale est avant tout un acte politique :
L'espéranto occupe une place à part. Avec des locuteurs réguliers disséminés dans 120 pays du monde, c'est une des langues utilisées comme langue de communication internationale de manière auxiliaire, mais, sauf exception rare, sans soutien étatique, médiatique, scolaire, elle est loin derrière bien sûr des langues dominantes comme l'anglais, le français, l'espagnol ou l'arabe. Cependant, contrairement aux langues plurinationales de communication internationale, l'espéranto est la seule langue qui est utilisée exclusivement comme langue véhiculaire. Conçu dès le départ comme langue internationale, l'espéranto bénéficie d'une grammaire et d'un vocabulaire réguliers qui en font l'une des langues les plus rapides à apprendre et à maîtriser. En 1922, 13 pays incluant environ la moitié de la population mondiale, dont la Chine, les Indes et le Japon, recommandent d'utiliser l'espéranto comme langue de travail additionnelle de la Société des Nations, mais une grande puissance (la France de la chambre "bleu-horizon") met son véto[1]. Les régimes totalitaires des années 1930, puis la guerre froide bloquent ensuite son essor diplomatique et scolaire. Internet, le monde de plus en plus multipolaire, l'Europe et l'urgence écologique autorisent un essor de nouveau plus rapide.
Le patrimoine littéraire espérantophone est l’un des plus riches et divers parmi les littératures en langues construites : il existe plus de 25 000 livres en espéranto (œuvres originales et traductions) ainsi que plus de cent revues qui paraissent régulièrement, malgré le fait que l’espéranto n’existe que depuis 1887. En comparaison, l’intégralité de la littérature d’Islande, pays créé au ixe siècle et dénombrant environ 330 000 habitants, est formée par moins de 50 000 livres[2].
La plupart des projets de « langues » construites ne sont jamais devenus des langues parlées et n'ont jamais authentiquement fonctionné[3].
Certaines langues construites, comme le loglan ou le lojban, ont été créées pour illustrer des théories linguistiques telles que l'hypothèse Sapir-Whorf, selon laquelle le langage contribue largement à créer une représentation du monde. Le lojban, par exemple, est une langue pensée pour être le plus logique et précise possible, sans ambigüité. Autre exemple, le láadan, langue qui place le féminin avant le masculin, contrairement à de nombreuses langues naturelles pluriséculaires, comme le français par exemple.
Deux cas de figure se présentent :
La création d'une langue imaginaire (comme celle d'une mythologie ou d'une histoire) permet de donner une profondeur à une civilisation. Plusieurs auteurs ont ainsi créé des langues pour les héros de leur œuvre (par exemple les langues elfiques de J. R. R. Tolkien qui avait appris l'espéranto, ou le klingon de Star Trek). Dans le domaine de la BD, les Schtroumpfs ont leur manière de parler, mais il s'agit plus d'un code appliqué à la langue de la bande dessinée que d'une vraie langue (d'autant que dans certains cas, le parler schtroumpf ne véhicule pas assez d'informations pour que les personnages se comprennent).
Le groupe de musique Magma (musique progressive, groupe fondé en 1969) ne chante qu'en kobaïen, langue créée pour l'occasion, ou encore Sigur Rós chante en vonlenska. Adriano Celentano chante en 1973 Prisencolinensinainciusol dans une langue inventée, le titre voulant dire « amour universel ». Un autre exemple de langue créée pour les besoins d'une œuvre musicale est le klokobetz, un idiome inventé par le chanteur et guitariste Nosfell dans son premier album Pomaïe Klokochazia balek. Le groupe de black metal ou blackgaze Trhä[7] chante toute son œuvre dans des langues inventées qui ont la caractéristique d'être féériques et stridentes. Ces langues font référence à des mondes de fiction et non au monde réel[8],[9]. Dans ce cas où les références du système linguistique sont elles-mêmes fictives, le sens de l’œuvre d'art est purement autonome et internaliste.
Une langue peut être créée par des passionnés au même titre que n'importe quelle œuvre d'art. Ainsi, il existe des communautés virtuelles d'idéolinguistes (ou « conlangers » en anglais) qui partagent leur passion de la création.
Lorsque deux camps sont engagés dans une guerre longue, une meilleure compréhension est indispensable, et la création d'une langue locale commune, basée sur les deux cultures en jeu uniquement, permettrait de limiter les influences étrangères. Le russenorsk est un exemple de ce cas de figure.
En 1702 un dénommé George Psalmanazar fut présenté comme prince de Formose à la haute société anglaise. Il suscita beaucoup d'intérêt pour sa présentation de la langue et des coutumes de son pays. Il publia une Description historique et géographique de l'île de Formose qui se révéla être totalement sortie de son imagination.
En 1882 le séminariste Jean Parisot (1861-1923) publia une Grammaire et Vocabulaire de la Langue Taensa[10] à partir, affirme-t-il, de notes retrouvées dans les archives de son grand-père Jean-Dominique Haumonté. Il parvint à obtenir la cosignature de Lucien Adam (1833-1918), un linguiste réputé, et le Congrès des américanistes consacra plusieurs séances à cette langue. Ce ne sera qu'en 1885 que l'anthropologue Daniel Garrison Brinton démontra que cette prétendue langue des Indiens Taensas était une invention[11].
Le premier essai vaguement connu de création d'un langage universel nous ramène au IIe siècle. Précurseur dans le domaine de l'expérimentation médicale, Galien construit un système de signes dont il ne reste pour traces que quelques notes historiques. Dix siècles s'écoulent ensuite sans événement notable dans ce domaine jusqu'à ce que l'abbesse Hildegarde de Bingen élabore un système de langue écrite (a-t-elle été parlée ?) par elle seule, Lingua Ignota.
Francis Bacon (1561-1626), savant et philosophe anglais, chancelier d'Angleterre sous Jacques Ier, élabora le schéma d'une langue universelle.
René Descartes (1596-1650), philosophe et savant français, écrivit le une lettre à son ami le Père Marin Mersenne :
« Il faudra que l'humanité crée une langue internationale ; sa grammaire sera si simple qu'on pourra l'apprendre en quelques heures ; il y aura une seule déclinaison et une seule conjugaison ; il n'y aura point d'exceptions ni irrégularités et les mots dériveront les uns des autres au moyen d'affixes. »
Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), philosophe, mathématicien et savant allemand, élabora le projet d'une caractéristique universelle.
Comenius (1592-1670), humaniste tchèque, auteur de Porte ouverte sur les langues (1631), est un précurseur de la pédagogie moderne. Une langue commune est nécessaire pour le monde. Elle doit être « entièrement nouvelle » et « plus facile que toutes les langues ».
John Wilkins (1614-1672), évêque et scientifique anglais, reprit l'idée de Descartes et élabora une langue analytique que Jorge Luis Borges mentionne à plusieurs reprises.
André-Marie Ampère (1775-1836), physicien et mathématicien français, a inventé à 18 ans, « une langue universelle au service de la paix et du rapprochement des peuples. »[12]
Louis-Lazare Zamenhof (1859-1917), médecin ophtalmologiste et linguiste polonais, initiateur (en 1887) de l’espéranto.
Léon Tolstoï (1828-1910), un des plus grands écrivains russes : « J'ai trouvé le volapük très compliqué et, au contraire, l'espéranto très simple. Il est si facile qu'ayant reçu, il y a déjà six ans, une grammaire, un dictionnaire et des articles en cette langue, j'ai pu arriver, au bout de deux petites heures, sinon à l'écrire, du moins à la lire couramment. Les sacrifices que fera tout homme de notre monde européen en consacrant quelque temps à l'étude de l'espéranto sont tellement petits, et les résultats qui peuvent en découler tellement immenses, qu'on ne peut pas se refuser à faire cet essai. » — Lettre aux Éditions Posrednik, .
Jules Verne (1828-1905), écrivain français. Son livre inédit jusqu'en 1993 traite en 50 pages de l'Espéranto dans le récit Voyages d'études.
« La clé d'une langue commune, perdue dans la Tour de Babel, peut être seulement construite par l'usage de l'Espéranto. »
Mohandas Karamchand Gandhi (1869-1948), avocat, philosophe, ascète et homme politique indien. Il fut le principal artisan de l'indépendance de l'Inde, qu'il entreprit d'obtenir du Royaume-Uni par la non-violence active. « Je suis pour un même calendrier pour le monde entier, comme je suis pour une même monnaie pour tous les peuples et pour une langue auxiliaire mondiale comme l'espéranto pour tous les peuples. »
Ferdinand de Saussure, fondateur de la linguistique, Cours de linguistique générale : « L'homme qui prétendrait composer une langue immuable, que la postérité devrait accepter comme telle, ressemblerait à la poule qui a couvé un œuf de canard : la langue créée par lui serait exportée bon gré mal gré par le courant qui emporte toutes les langues. »
Antonio Gramsci (1891-1937), le penseur révolutionnaire italien, décrivit l'espéranto comme un « cadavre qui empeste, qui agresse la vie dans son devenir » : « La réussite et la diffusion d'une langue donnée dépend strictement de la complexité et de l'activité sociale du peuple qui la parle. […] L'espéranto, la langue unique, n'est rien d'autre qu'une superstition, l'illusion de mentalités cosmopolites, humanitaires, démocratiques, qui n'ont pas encore été rendues fertiles, pas encore démystifiées par le criticisme historique. ». L'utilisation du terme « langue unique » pour l'espéranto, alors que les tenants de cette langue internationale auxiliaire veulent une langue commune et refusent totalement cette notion de langue unique, indique que ce grand intellectuel marxiste, dirigeant du Parti communiste italien, ne connaissait pas l'espéranto.
Inazo Nitobe (1862-1933) scientifique, membre de l'Académie impériale du Japon. Esperanto as an International Language (1922), rapport réalisé en tant que sous-secrétaire général de la Société des Nations) : « On peut affirmer avec une certitude absolue que l'espéranto est de huit à dix fois plus facile que n'importe quelle langue étrangère et qu'il est possible d'acquérir une parfaite élocution sans quitter son propre pays. Ceci est en soi un résultat très appréciable ».
En 1997, le japonais Mizuta Sentarō (水田 扇太郎), crée le noxilo ou noxiro (ノシロ語 (Noxiro go ), noɕiɽoɡo), comme langage international auxiliaire, prétextant que l’espéranto est trop orienté vers les langues européennes. Il crée un site web pour le promouvoir. Cette langue construite ne semble pourtant pas avoir eu l'effet escompté. En effet les grandes langues asiatiques (chinois, japonais, indonésien, hindi, arabe) sont très différentes les unes des autres et appartiennent à des familles linguistiques totalement distinctes. De plus la langue plurinationale dominante est aujourd'hui l'anglais, y compris en Asie.
Fondamentalement, une langue se construit autour de ces piliers :
On distingue trois types de langues construites, selon que leur vocabulaire et leur grammaire s'inspirent ou non des langues naturelles : dans le premier cas on parle de langue construite a posteriori, dans le second cas de langue construite a priori. Les cas intermédiaires, plus difficiles à analyser, sont ceux des langues dites mixtes.
La tendance d'une langue à se rapprocher des langues naturelles se nomme le naturalisme. La tendance inverse est qualifiée de schématisme.
Il va de soi que cette classification n'est qu'un outil commode mais sommaire. Dans un même type, différentes langues construites peuvent présenter un plus ou moins haut degré de naturalisme ou de schématisme.
Ainsi, dans la catégorie des langues a posteriori, l'interlingua représente un cas extrême de naturalisme, comme la lingua franca nova (lfn, elefen) ; le novial, l'occidental ou l'ido présentant cette tendance à des degrés moindres.
Une langue construite a posteriori peut souvent se reconnaître par l'utilisation qu'elle fait de mots provenant d'une ou plusieurs langues naturelles (ainsi en espéranto, terre = tero, ciel = ĉielo, eau = akvo, feu = fajro), encore que cette utilisation ne soit pas toujours immédiatement transparente (algorithme du lojban…).
La langue des oiseaux ou langue des anges est un type de langue secrète créée à partir des correspondances phonétiques et analogiques des mots.
Sans qu'il soit possible d'en faire une généralité, les langues construites a posteriori sont majoritaires et ont vocation à servir de langues auxiliaires internationales, pour des raisons évidentes d'aspect pratique d'apprentissage et d'enrichissement du vocabulaire courant (espéranto, afrihili...). Toutes les langues a posteriori n'ont pas pour autant cette prétention et certaines tiennent simplement de l'exercice théorique ou philosophique (brithenig, novlangue…).
Selon leurs objectifs, les langues construites a priori sont surtout des projets de langues, sans communauté permanente de locuteurs, souvent plus théoriques ou à vocation artistique et fictionnelle — sans exclure cependant la communication internationale (cas par exemple du kotava). Elles possèdent un vocabulaire qui a son ton propre (klingon, langues d'Arda…), et utilisent même parfois des chiffres, des symboles (langage Bliss, pasigraphies…), des notes de musique (Solresol).
Les langues construites mixtes représentent pour leur part une catégorie plus vague et de multiples raisons peuvent conduire à y classer une langue. On citera tout d'abord le volapük procédant d'un mélange entre d'une part, une grammaire extrêmement schématique aux éléments souvent a priori (pronoms, conjonctions, terminaisons, etc.) et d'autre part des racines naturelles majoritairement germaniques considérablement déformées par les idées et la fantaisie du créateur de la langue. Un cas apparemment très différent est celui du bolak qui associe une grammaire relativement naturaliste à des règles phonétiques arbitraires générant mécaniquement des mots tout aussi arbitraires.
Ces deux démarches presque inverses donnent naissance à deux langues présentant finalement plus de points communs qu'il peut y sembler dès l'abord.
Pour des besoins pratiques et transversalement à la classification présentée ci-dessus, on distingue différentes autres catégories de langues, bâties sur des critères variés. On distingue ainsi des langues flexionnelles (interlingua), isolantes (glosa), logiques (loglan), fictionnelles (klingon), simplifiées (latino sine flexione), philosophiques (projet de Delormel), etc.
Les anglophones distinguent :
La liste qui suit est volontairement limitée à quelques exemples significatifs. Davantage d'esquisses de langues construites imaginaires sont présentes dans la liste de langues construites (classées en nombre de locuteurs, par but, etc.) ainsi que dans la page catégorie des langues construites.
Contrairement à une croyance assez répandue, y compris chez des linguistes, l'indonésien, langue nationale de la république d'Indonésie, n'est pas une langue construite. C'est une des formes du malais, qui a rapidement évolué depuis l'indépendance (1945), suivant l'évolution de la société indonésienne elle-même. Elle s'est enrichie de mots provenant de différentes langues régionales, notamment du javanais, qui compte le plus grand nombre de locuteurs. Depuis le XVe siècle, du fait de l'essor de la cité de Malacca qui devient le principal port d'Asie du Sud-Est, le malais est en effet la langue véhiculaire dans tout l'archipel. L'importance qu'a prise le malais remonte sans doute plus loin dans le temps, puisqu'on trouve à Java des inscriptions en malais datant du Xe siècle.
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