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écrivain français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Laurent Angliviel de La Beaumelle, né le à Valleraugue en Cévennes et mort le à Paris, est un homme de lettres français.
Nom de naissance | Angliviel |
---|---|
Naissance |
Valleraugue |
Décès |
(à 47 ans) Paris |
Activité principale |
Homme de lettres |
Langue d’écriture | Français |
---|---|
Mouvement | Lumières, Protestantisme |
Laurent Angliviel fait de brillantes études au collège de l'Enfance de Jésus d'Alès, créé en 1741 par l'évêque Charles de Bannes d'Avéjan pour ramener au catholicisme les enfants huguenots. Il y passe huit années ( – ) sans jamais revenir à Valleraugue, devient un latiniste accompli (c'est à lui que revient l'honneur de haranguer en vers latins l'évêque d'Alès Mgr de Beauteville venu visiter le collège en mai 1742)[1], adhère à la foi catholique mais refuse de devenir jésuite. Le 8 novembre 1742 il part en apprentissage à Lyon chez des cousins négociants, en décembre il abandonne le catholicisme pour le déisme. Le 6 juin 1743 il fugue de chez ses cousins et se retrouve à Valleraugue en novembre. Il traverse une crise mystique au terme de laquelle il revient à la foi protestante et qui l'amène le 28 février 1744 à s'enfuir au « Désert » où il rejoint le pasteur Jacques Boyer. Conscient des risques encourus, son père l'en ramène trois jours après et le retient dix-huit mois à la maison. Cette longue période d'intenses lectures lui permet de mûrir sa résolution de devenir pasteur.
Laurent part clandestinement pour Genève le , et il prend le nom de La Beaumelle pour déjouer la surveillance qu'y exerce le Résident de France sur les protestants réfugiés. Le il s'immatricule en théologie à l'Académie[2] dont il suit régulièrement le cursus : il présente sa première proposition (essai de sermon) le 16 avril 1746 et prêche au temple de l'hôpital les 1er et 16 mai[3]. Il se lie d'amitié avec Paul-Henri Mallet et Jacques-Emmanuel Roques[4]. Il est guidé par Charles de Manoël de Végobre, un cousin de son père installé à Genève. En il est initié en Franc-maçonnerie dans la loge de Saint-Jean des Trois Mortiers.
Le Journal helvétique publie régulièrement ses productions : sa « Lettre sur l'état présent de la religion protestante en France » où il expose les conditions dans lesquelles se déroulent les cultes clandestins au « Désert » (novembre 1745)[5], « L'excellence de la raison. Ode » (décembre), ses essais « sur l'amour de la gloire » et « sur la coquetterie » (janvier 1746), « sur l'amour de la vérité » et « sur la conversation » (février), « sur l'éducation »[6] et « sur la folie des hommes » (mars), « sur l'infini », « sur l'éloquence de la chaire »[7] et sa « Lettre analitique d'un livre nouveau, intitulé Principes de la philosophie morale, ou essai de Mr S[haftesbury] sur le mérite et la vertu » (avril), « sur le bonheur des chrétiens » (mai), « sur l'envie » et « sur le plaisir » (juillet), sa « Lettre à M. Vernet, profeseur en éloquence, sur ces vers du livre III des Georgiques : Quis ilaudati nescit Busiridis aras ? » (août), « A Sa Majesté le roi de Sardaigne. Ode » (mars 1747)[8].
Décidé à se faire un nom dans les belles-lettres, La Beaumelle accepte un poste de précepteur proposé par l'Académie à ses meilleurs étudiants. Le il quitte Genève pour Copenhague.
La Beaumelle arrive à Copenhague le 15 avril comme précepteur[9] du fils aîné du comte Carl Christian Gram, Grand Veneur et favori du roi de Danemark Frédéric V. Il a 21 ans. Il est accueilli par la communauté réformée française, les pasteurs Jean-Ferdinand Mourier et Pierre-Paul Eyraud[10], Mme Mazar fille du pasteur de Bâle Pierre Roques, le comte Gyldenstein, et par les Languedociens Lucas et Lafont[11]. Il deviendra un familier des comtes Samuel Schmettow et Otto Manderup Rantzau, ainsi que de l'envoyé de France, l'abbé Lemaire. En mai il est nommé orateur de la loge Zorobabel et en juillet il y prononce un discours lors de la réception du jeune roi Frédéric. Il publie plusieurs poèmes à la gloire de la maçonnerie comme La vertu maçonne (juin 1748)[12]. Le 30 mars 1748 la cantate qu'il a composée en l'honneur du roi est exécutée à l'Opéra de Copenhague[13]. il prend la défense des calvinistes et des francs-maçons attaqués par Ludvig Holberg[14].
La Beaumelle a plusieurs ouvrages en chantier qu'il reprendra souvent mais ne publiera jamais : un Essai sur l'Esprit (édité en 1802 par ses enfants)[15], une « Réponse à l'Examen de la religion »[16], une « Dissertation sur Zoroastre et la religion des Parsis modernes »[17], les « Mémoires et voyages du comte de *** »[18], les « Mémoires de Babi Sémillon, femme de chambre de la duchesse de *** »[19].
En août 1748 il envoie à l'abbé d'Olivet ses Pensées de Sénèque: des extraits des œuvres du philosophe traduits en français et précédés de sa vie. Cet ouvrage, dédié à l'abbé d'Olivet[20] qui en signe le contrat avec le libraire parisien Le Mercier le 22 mai 1749[21], ne paraîtra qu'en 1752[22] et sera réédité en 1768[23].
Au commencement d'octobre 1748, La Beaumelle envoie au libraire Marc-Michel Rey le manuscrit de L'Asiatique tolérant, ou traité à l'usage de Zeokinizul, roi des Kofirans, surnommé le Chéri[24] qui sera publié à Amsterdam en janvier 1749[25] avec une dédicace à la comtesse Bentinck[26].
Sous couvert d'une fiction orientale inspirée des anagrammes de Crébillon fils – l'auteur se nomme lui-même « le voyageur Bekrinoll » –, ce traité sur la tolérance (l'expression est de La Beaumelle[27]) s'inscrit dans la perspective historiographique ouverte par l'Histoire de l'édit de Nantes du pasteur Élie Benoist et dans la ligne du Commentaire philosophique de Pierre Bayle pour réclamer hautement à Louis XV la tolérance civile en faveur de ses coreligionnaires privés de liberté religieuse depuis la Révocation de l'édit de Nantes. En mai 1751, le Parlement de Grenoble condamnera l'ouvrage à être « lacéré et brûlé par l’exécuteur de la haute justice […] comme scandaleux, séditieux et tendant à renverser la religion catholique, apostolique et romaine, et les puissances établies de Dieu, et à troubler le repos et la tranquillité publique »[28].
En juin 1748 La Beaumelle décide de lancer une feuille périodique, La Spectatrice danoise[29]. L’anonymat d'une jeune danoise nommée Aspasie lui permet d'innover une critique sociale et politique du Danemark et de faire connaître à ses lecteurs les ouvrages français. Le succès de ces feuilles hardies entraîne leur réimpression en volumes[30]. Le 23 janvier 1749 La Beaumelle en présente au roi le premier tome. Le tome 2 paraît en avril 1749. Le 29 avril 1750, lors d'une audience royale il dédie au prince royal Christian le tome 3 intitulé Essais sur divers sujets[31]. Ce volume contient entre autres cinq lettres sur L'Esprit des lois.
Le 30 mars, après de longues sollicitations, La Beaumelle est nommé professeur royal de Langue et Belles Lettres françaises[32]. Il doit se rendre à Paris car cet emploi exige, tout particulièrement pour un huguenot, d'obtenir du roi de France l'autorisation de se mettre au service d'un prince étranger. Il part de Copenhague le 2 mai pour Hambourg et Itzehoe où il est l'hôte du comte Schmettow. Le 27 mai il s'embarque à Altona pour Le Havre où il arrive le 6 juin. Le 13 juin il s'installe à Paris au café Procope[33]. Porteur d'une lettre du comte Schmettow, il rend visite le 17 juin à Voltaire qui lui donne le 22 juin un billet pour voir Rome sauvée au château de Sceaux[34]. Le 8 juillet il dîne avec l'abbé Raynal et rencontre à nouveau l'abbé d'Olivet le 12. Le 31 juillet il fait la connaissance de Montesquieu et lui fait part de plusieurs objections sur L'Esprit des lois[35]. Montesquieu lui rend longuement visite le 7 août et l'invite à dîner le 14 août. Le 16, Saint-Florentin, secrétaire d’État chargé des affaires de la Religion prétendue réformée, lui accorde la permission de partir pour le Danemark[36]. Jean Angliviel rejoint son frère au café Procope le 22 août. Le 6 septembre La Beaumelle dîne chez Montesquieu avec Buffon, l'abbé Sallier, La Condamine et Secondat qui lui rend visite le 26 septembre et chez qui il se rend le 29 avec son frère[37]. Le manuscrit de la Suite de la Défense de l’Esprit des lois est envoyé à M.-M. Rey à la mi-octobre et sera publiée en novembre 1750[38].
Le 10 novembre La Beaumelle fait sa visite d'adieu à Montesquieu avec son frère. Le 11 il rend visite à Louis Racine à qui il achète le surlendemain des lettres de Mme de Maintenon ainsi qu'un mémoire[39]. Le 14 novembre il quitte Paris pour prendre son emploi à Copenhague en passant par la Hollande. À La Haye le 25 novembre il rencontre les libraires Neaulme, de Hondt, Van Duren et Gosse, ainsi que M.-M. Rey le lendemain à Amsterdam. Il arrive à Hambourg le 16 décembre et à Copenhague le 28.
Le 27 janvier 1751, au palais de Charlottenburg où il est logé, La Beaumelle prononce le discours d'ouverture du collège royal sur ce sujet travaillé à Paris avec l'abbé de Méhégan : « Un empire se rend-il plus respectable par les arts qu'il crée que par ceux qu'il adopte ?»[40]. Ce discours sera imprimé à 200 exemplaires, envoyé par la voie officielle aux cours européennes et largement diffusé[41]. Le 28 il donne sa première leçon publique et le 22 février sa première particulière, il les tiendra régulièrement toutes les deux. Début mars en collaboration avec son frère resté à Paris[42] il lance la Gazette de la Cour, de la Ville et du Parnasse. Ces nouvelles à la main prolongent le succès de La Spectatrice danoise. Le 17 mars le ministre Bernstorff approuve le projet de La Beaumelle de réaliser à Copenhague une édition des Classiques français à l’usage du jeune prince héritier de Danemark. De la correspondance qu'il échange avec Voltaire subsiste une lettre du 22 juin dans laquelle il lui recommande d'apporter des corrections à La Henriade[43]. Le 31 août paraît un ouvrage politique dont le sous-titre souligne la volonté de provocation, Mes Pensées ou Le Qu'en dira-t-on ?, qui n'est pas diffusé mais dont des exemplaires circulent[44]. Le 25 septembre La Beaumelle reçoit le conseil de remettre sa démission qui est acceptée le 2 octobre. Il apparaîtra que la raison en est sa conduite avec une grande dame de la cour qui vient s'ajouter à ses polémiques avec le baron Holberg et à la hardiesse de sa plume. Il ne quitte Copenhague que le 20 octobre. Il espérera jusqu'en juin 1752 que cet écart de jeunesse ne l'empêchera pas d'être rappelé.
Au cours de son séjour à Berlin ( - fin ), La Beaumelle se brouille avec Voltaire : reçu à Potsdam le , il refuse de lui communiquer ses lettres de Mme de Maintenon – comme Voltaire son Siècle de Louis XIV –, mais se résout à lui faire passer un exemplaire de Mes Pensées. Le , au cours d'un souper chez le roi, Voltaire dénonce en la caricaturant la pensée XLIX qui, tout en célébrant l'esprit philosophique de Frédéric II, décrit cruellement la situation de l'homme de lettres auprès de lui : « Qu’on parcoure l’histoire ancienne et moderne, on ne trouvera point d’exemple de prince qui ait donné sept mille écus de pension à un homme de lettres, à titre d’homme de lettres. Il y a eu de plus grands poètes que Voltaire. Il n’y en a jamais eu de si bien récompensés, parce que le goût ne mit jamais de bornes à ses récompenses. Le roi de Prusse comble de bienfaits les hommes à talent, précisément par les mêmes raisons qui engagent un petit prince d’Allemagne à combler de bienfaits un bouffon ou un nain. » Voltaire s'efforce d'imposer l'idée selon laquelle cette pensée porte atteinte à la réputation du philosophe de Sanssouci. Le 13 ou le , une rencontre orageuse marque la rupture définitive avec Voltaire, que La Beaumelle tient pour responsable de ses déconvenues et d'une rumeur sur le prétendu vol des lettres de Mme de Maintenon. Ce conflit se noue au moment où s'amorce la querelle entre Voltaire et Maupertuis, président de l'Académie royale des sciences de Prusse à Berlin : c'est ce dernier qui raconte à La Beaumelle la conversation du souper et lui conseille de s'adresser directement au roi.
Après une mésaventure galante qui lui vaut quelques jours d'assignation à résidence à Spandau avant d'être blanchi, La Beaumelle quitte Berlin, décidé à publier une critique du Siècle de Louis XIV. Il séjourne une semaine à Leipzig où il rencontre Baculard d’Arnaud, puis se rend à Gotha où la comtesse Charlotte Sophie Bentinck l'a recommandé. Au cours de son séjour (mai à ), La Beaumelle est invité plusieurs fois à la table du duc de Goths. Malgré les instances de la comtesse Bentinck, il travaille à ses notes sur le Siècle de Louis XIV dont Voltaire a fait paraître la première édition à Berlin fin 1751 (voir ). Il se lie avec la baronne de Norbeck, une mystérieuse aventurière avec laquelle il partira pour Francfort, puis Paris.
À Francfort (juillet à ), La Beaumelle retrouve Jacques Emmanuel Roques, son ancien condisciple de Genève. Il fait imprimer une édition remaniée de Mes Pensées ainsi qu'un volume de la Vie de Madame de Maintenon et deux volumes de ses Lettres. Il vend ses notes critiques au libraire Eslinger qui réimprime l’édition du Siècle de Louis XIV donnée par Neaulme à La Haye en 1752.
Le début du séjour à Paris () est clandestin. Revenu en France avec des ouvrages imprimés à l'étranger et non autorisés, La Beaumelle sait qu'il paraît suspect aux autorités. Il commence à envisager de publier la correspondance de Madame de Maintenon et d'écrire sa vie, comme une sorte de réplique critique au Siècle de Louis XIV.
Bien qu'il ait obtenu des garanties de Berryer, alors lieutenant général de police () et une autorisation tacite de Malesherbes au sujet de la diffusion de ses livres sur Madame de Maintenon, La Beaumelle reste discret. Début 1753, il est invité à Saint-Germain-en-Laye par le maréchal de Noailles, apparenté à la marquise de Maintenon par son mariage, en 1698, avec Françoise-Amable d'Aubigné (1684-1739), sa nièce et héritière. Il entre également en relation avec les dames de Saint-Cyr, dont il se fait apprécier et qui commencent à lui fournir discrètement quelques matériaux. Elles n'ignorent pas que La Beaumelle est protestant, mais voient dans le jeune auteur de la Vie et éditeur des Lettres de Madame de Maintenon, dont elles apprécient la plume, l'historien qui pourrait officialiser le mariage entre Louis XIV et la fondatrice de Saint-Cyr, réhabilitant en quelque sorte la mémoire de cette dernière[45].
En février, La Beaumelle fait la connaissance de La Condamine. Dès cette époque les deux hommes entretiennent une relation de profonde amitié, exigeante et complice, qui durera jusqu'à la mort de La Beaumelle.
Voltaire, qui prend connaissance de l'édition annotée du Siècle de Louis XIV où ses erreurs historiques ont été mises au jour, publie un Mémoire dans lequel il reproche à La Beaumelle son ingratitude et le dénonce comme une créature de son ennemi à Berlin, le président Maupertuis. La Beaumelle annote ce Mémoire et le publie, puis entreprend d'écrire une Lettre sur [ses] démêlés avec M. de Voltaire. Madame Denis se plaint de ces répliques et, en mars, La Beaumelle se fait sermonner par Berryer. Le mois suivant, son domicile est perquisitionné, il est arrêté et incarcéré à la Bastille ( – ). Voltaire n'est pas étranger à cet embastillement : il est parvenu à accréditer l'idée qu'une critique de sa propre méthode historique était en fait une mise en cause du Régent. Entre-temps, l'auteur du Siècle de Louis XIV publie un Supplément dans lequel il repousse les critiques de son jeune et présomptueux antagoniste.
À sa sortie de la Bastille, La Beaumelle est officiellement exilé de Paris, mais il obtient la permission d'y demeurer s'il se tient tranquille. Il subit une nouvelle perquisition au début 1754. Bien que marquée par de graves problèmes de santé, cette période lui permet de rédiger une vigoureuse Réponse au Supplément du Siècle de Louis XIV, dont la diffusion commence à Paris en . Ses relations s'approfondissent avec le maréchal de Noailles et surtout avec les dames de Saint-Cyr, qui lui fournissent de nombreuses copies de lettres de et à la marquise de Maintenon.
Convaincu qu'il ne sera pas autorisé à imprimer en France, La Beaumelle quitte Paris le pour Amsterdam où il séjourne près d'une année. En octobre il est possible qu'il publie l'Éloge de Montesquieu que lui a envoyé Maupertuis. En novembre il diffuse auprès de libraires étrangers et de quelques particuliers une édition subreptice de La Pucelle de Voltaire en 14 chants. Il participe à la rédaction du Mémoire théologique et politique , un texte élaboré dans l'entourage du pasteur Frédéric Charles Baer, aumônier de l'ambassade de Suède à Paris, qui préconise d'accorder aux protestants français le droit de contracter un mariage civil. L'essentiel de son activité est consacré à réunir à travers l'Europe les souscriptions nécessaires à l'impression des Mémoires pour servir à l'histoire de Mme de Maintenon et à celle du siècle passé, suivis des Lettres de la marquise. Les 6 volumes de Mémoires et les 9 volumes de Lettres – dont celui des Lettres de Mgr Godet des Marais, évêque de Chartres (qui avait été le confesseur de Madame de Maintenon) sous le pseudonyme de l’« abbé Berthier » –, sont saisis le à la suite d'une procédure engagée par le libraire Jolly. Ce contentieux ne trouvera une solution amiable que le . Dans l'intervalle, afin de satisfaire au vif engouement que suscite son ouvrage et de contrer l'intention du libraire Gosse d'en publier sans tarder une contrefaçon, La Beaumelle imprime dès le début septembre une seconde édition remaniée. Avant son départ d'Amsterdam le , La Beaumelle organise l'expédition de Maintenon. Arrivé à Paris le , il distribue la première édition aux souscripteurs et il en retire des fonds considérables.
Le , La Beaumelle est à nouveau arrêté et incarcéré à la Bastille : une note où la réputation de la cour de Vienne est indirectement mise en cause a irrité l'impératrice Marie-Thérèse. Voltaire, qui s'emploie à discréditer La Beaumelle en le faisant passer pour séditieux et en écrivant à tous ceux qui pourraient lui nuire, a obtenu gain de cause. Du reste, le prolongement de son incarcération s'explique aussi par la nervosité des autorités après l'attentat perpétré par Damiens sur la personne de Louis XV. La Beaumelle n'est libéré que le . Exilé en Languedoc, il prend presque immédiatement la route, part pour Valleraugue où il a tout juste le temps de faire ses adieux à son père qui meurt le .
Pendant les années suivantes, La Beaumelle partage son temps entre Valleraugue, Montpellier, Nîmes et Uzès. Il envisage à plusieurs reprises de se marier et de s'établir, nourrit différents projets d'édition dont celui de Lettres à Mr de Voltaire qu'il fait imprimer à Avignon (elles ne seront diffusées qu'en 1763, après avoir été remaniées). En , il s'établit à Toulouse. En , il fait la connaissance de Rose-Victoire Lavaysse, dont le père, David Lavaysse, est un avocat protestant réputé, originaire de Castres. À cette époque survient à Toulouse un fait divers qui va défrayer la chronique : la mort par pendaison, au domicile de ses parents, de Marc-Antoine Calas. Son père, Jean Calas, est protestant. Le fils aurait émis l'intention de se convertir au catholicisme. Le capitoul David de Beaudrigue soupçonne l'entourage familial de meurtre et fait emprisonner toute la famille. Un monitoire est lu dans les églises toulousaines pour inciter à la dénonciation des présumés coupables. Une rumeur circule selon laquelle Calvin aurait ordonné aux parents protestants de tuer leurs enfants s'ils voulaient se convertir au « papisme ». Ainsi commence l'affaire Calas, dont Voltaire s'emparera ensuite et qui lui inspirera son fameux Traité sur la tolérance.
Le soir du drame, Gaubert Lavaysse, le jeune frère de la future femme de La Beaumelle, a été invité chez les Calas. Il est emprisonné et inculpé. La Beaumelle va seconder David Lavaysse pour organiser la défense de son fils jusqu'à ce qu'il soit mis hors de cause. La Beaumelle rédige aussi, pour le pasteur Paul Rabaut sous le nom duquel il paraît, un écrit intitulé La Calomnie confondue où est démontré le caractère diffamatoire des allégations lancées dans le monitoire du clergé toulousain. L'écriture de ce petit pamphlet marque la reprise des activités « militantes » de La Beaumelle en faveur de ses coreligionnaires. En 1763 notamment, il rédige une importante Requête des protestants français au roi où, approfondissant sur les plans historique et philosophique ses thèses de L'Asiatique tolérant, il revendique pour eux la « tolérance civile ». Le synode national des Églises réformées de France réuni en 1763 n'ayant pas agréé ce texte, il restera inédit jusqu'en 2012.
La Beaumelle épouse Rose-Victoire Lavaysse à Toulouse le . Ils partagent l'essentiel de leur temps entre Mazères, où Mme de La Beaumelle possède la propriété de la Nogarède, et Toulouse. Le , Rose-Victoire effectue un échange de propriétés avec Marc-Guillaume-Alexis Vadier : il apporte la seigneurie du Carla, patrie de Bayle, et elle lui donne le domaine de Nicol[46]. Leur fille Aglaé naît le .
En 1767, à nouveau attaqué par Voltaire, La Beaumelle a décidé de s'atteler à un projet qu'il mûrit depuis longtemps : une édition critique des œuvres de son adversaire, qui commencera par La Henriade. La dégradation de son état de santé ne lui permettra pas de mener à bien cette entreprise, qui au reste était d'une ambition démesurée. Mais son édition annotée de La Henriade – dont Voltaire obtient la première version, imprimée à Toulouse en 1769 avant qu'elle ne soit interdite – sera finalement éditée par Fréron après sa mort. Le frontispice de l'ouvrage inspire un quatrain sarcastique :
Le Jay vient de mettre Voltaire,
Entre La Beaumelle et Fréron ;
Ce serait vraiment un calvaire,
S’il s’y trouvait un bon larron.
En , l'exil languedocien est levé. Revenu en grâce par l'intermédiaire du milieu toulousain proche de la comtesse Du Barry, La Beaumelle repart pour Paris où il séjourne de à . Au cours de ce séjour, il est nommé bibliothécaire de Mlle Du Barry, belle-sœur de la favorite de Louis XV (), puis homme de lettres attaché à la Bibliothèque du roi ()[47]. Il fréquente à nouveau son ami La Condamine et, en disciple convaincu de celui-ci, fait inoculer sa fille Aglaé contre la variole (mai-)[48]. De retour en Languedoc, il partage son temps entre Mazères et Toulouse, mais son état de santé continue de se dégrader. Son fils Victor-Moïse naît le . La Beaumelle repart pour Paris en : ce dernier séjour dans la capitale est stérile : miné par la maladie, l'écrivain prend de l'opium pour atténuer ses douleurs et n'a guère de forces à consacrer à l'édition de ses travaux. Mort le , il est inhumé au cimetière du Port-au-Plâtre où sont enterrés les protestants parisiens[49].
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