compositeur franco-flamand De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jacob Clemens non Papa (Jacques Clément ou Jacobus Clemens non Papa), né vers 1510-1515 et mort en 1555 ou en 1556, est un compositeur prolifique, pratiquant différents styles et genres, issu de l'école franco-flamande[1] et surtout célèbre par des harmonisations polyphoniques des psaumes néerlandais (Souterliedekens)[2].
Surnom | non Papa |
---|---|
Naissance | vers 1510-1515 |
Décès | 1555 ou 1556 |
Activité principale | compositeur |
Style | école des polyphonistes néerlandais |
Lieux d'activité |
Pays-Bas des Habsbourg Pays-Bas espagnols |
Éditeurs |
Pierre Attaingnant (Paris) Jacob Baethen (Maastricht) Petrus Phalesius (Louvain) Tielman Susato (Anvers) |
Élèves |
Gerardus Mes ( ? ) Jacobus Vaet ( ? ) |
Œuvres principales
On ne sait presque rien de sa jeunesse et les données sur les années de sa maturité artistique sont incertaines. Il naquit quelque part en Belgique ou aux Pays-Bas actuels. Une épigramme dans Sacræ aliquot cantiones (1575) de Jacob Meiland se réfère à Belgica terra comme à la patrie natale de Clemens, mais Sweertius, dans Athenæ Belgicæ (1626), décrit le compositeur comme un Batavus ; peut-être voulait-il désigner par là la province actuelle de Hollande-Méridionale, mais certains historiens, dont Jacobus Eyndius en 1600, considéraient la Zélande aussi comme une partie intégrante de la région batave[2]. La première mention certaine de son nom et de ses activités date toutefois de la fin des années 1530, lorsqu'à Paris, Attaingnant publia de ce compositeur quelques chansons.
Entre mars 1544 et juin 1545, il fut attaché comme succentor (ou maître de chant) à la future cathédrale Saint-Donatien de Bruges. Le , les actes du chapitre de l'église mentionnent Jacobus Clement Pbro (pbro = presbyter = prêtre), et, le 26 mars, il fut nommé « per modum probæ » ; le fait qu'il dut passer un examen d'aptitude indique qu'il était à peine connu. Il honora le saint patron de cette église par la Missa ‘Gaude lux Donatiane’. Peu après, en 1545, Clemens établit des relations d'affaires avec l'imprimeur anversois Susato, l'un de ses principaux éditeurs ; cette collaboration se poursuivit jusqu'à la mort du compositeur[2].
Il est possible qu'en 1545, Clemens ait été nommé maître de chapelle de la cour de Philippe de Croÿ, duc d'Aerschot et général de Charles Quint, car il existe une référence au compositeur dans la Généalogie [...] de la maison de Croy de Jean Scohier (Douai, 1589[3]), et le motet O quam mœsta dies de Clemens célèbre la mémoire du duc, décédé en 1549. Trois motets politiques - ou « d'État » - (Caesar habet naves validas, Quis te victorem dicat et Carole, magnus eras) permettent de présumer qu'il fréquenta la cour de Charles Quint de 1544 à 1549[2].
En 1550, du 1er octobre jusqu'au 24 décembre, Clemens fut employé comme chanteur et compositeur (« sanger ende componist ») à la confrérie mariale de Bois-le-Duc. Le motet en l'honneur de Notre Dame (« ter eeren onser liever vrouwen ») qu'il offrit à la confrérie à son départ est sans aucun doute l'Ego flos campi à sept voix, sur un texte du Cantique des Cantiques[2]. Les mots « sicut lilium inter spinas », qui avaient subi un traitement homophone considérable, formaient la devise de la confrérie mariale, et l'utilisation de sept voix – à peu près unique dans l'œuvre de Clemens - incarne le nombre symbolique et marial sept. Selon Joannis Baptista Gramaye (Ipretum, i, Bruxelles, 1611), Clemens serait aussi passé par Ypres ; quatre motets en l'honneur de saint Martin, le saint patron de la ville, semblent confirmer cette assertion.
Bien que la chanson Congié je prens de vous se termine par le vers « adieu Dordrecht, jusque [sic] au revoir », jusqu'à présent, on ne dispose d'aucun autre élément qui puisse confirmer que Clemens ait séjourné à Dordrecht. Selon toute vraisemblance, le compositeur aurait eu un lien avec la ville de Leyde car les six livres de chœur de l'église Saint-Pierre datant du milieu du XVIe siècle (conservés dans les archives municipales) contiennent des œuvres de Clemens : deux messes (dont la Missa ‘Or combien’ avec une attribution à Crecquillon), un cycle de huit mises en musique du Magnificat et 34 motets ; il s'agit de l'unique source de l'un de ses motets et du cycle des magnificats. Il est toutefois presque certain que Clemens n'a jamais été maître de chapelle de l'église Saint-Pierre. Il se peut même qu'il n'ait jamais résidé à Leyde[2].
L'année de la mort de Clemens a constitué un sujet de controverse. Il existe plusieurs raisons de croire qu'il mourut en 1555 ou en 1556[2]. Bien qu'il soit toujours répertorié comme un compositeur vivant dans la Practica musica (1556) de Hermann Finck, un manuscrit copié à Anvers en 1564-1566, contient son motet Hic est vere martyr avec l'annotation latine « Ultimum opus Clementis non Papæ anno 1555 21 aprilis »[2] (« Dernière œuvre de Clemens qui n'est pas le Pape[4], du »). Des 159 Souterliedekens, imprimés en 1556-1557 en quatre volumes, dix sont en effet de Susato ; les autres harmonisations sont de Clemens. En 1556, la première des messes de Clemens fut publiée avec une dédicace écrite par l'éditeur, Phalèse[2].
Les circonstances de la mort du compositeur sont inconnues. En 1558, Jacobus Vaet publia à Nuremberg une déploration sur la mort de Clemens, Continuo lacrimas, dont le texte suggère que ce compositeur aurait trouvé une mort violente (« inclemens vis et violentia fati ») sans parler des circonstances où celle-ci serait survenue. Selon Sanderus (Flandria subalterna, ii, Cologne, 1644), Clemens aurait été enterré à Dixmude, près d'Ypres, en Belgique actuelle[2].
Son seul élève connu est l'énigmatique Gerardus Mes, qui déclare dans ses propres Souterliedekens, publiés à Anvers en 1561, qu'il est un disciple de Clemens (« discipel van Jacobus non Papa »)[2].
Sur la base des textes choisis par Clemens et de ses harmonisations des psaumes en néerlandais, Edward Lowinsky a avancé que le compositeur était un sympathisant du protestantisme, mais les liens supposés avec la famille profondément catholique de Croÿ et les nombreux textes liturgiques qu'il mettait en musique, semblent plutôt contredire cette assertion. Il est à noter que les psaumes en néerlandais de Clemens échappèrent à l'interdiction de 1569, lorsque le gouvernement du duc d'Albe s'occupait à censurer tous les livres réputés hérétiques[2].
Le sobriquet apparaît pour la première fois en 1542, date à laquelle fut achevé le chansonnier, composé de livrets à parties séparées, du marchand flamand Zeghere van Male, où figure une chanson de Clemens, Je prens en gre (publiée anonymement en 1539)[2]. Dès 1546, le sobriquet apparaît dans des ouvrages imprimés, notamment dans un recueil de motets publié par Susato, et dans les Souterliedekens, publiés par Susato en 1556-1557, le compositeur est appelé « Jacobus Clement non papa » (« Jacques Clément, mais pas le Pape ! »), reliant le sobriquet avec ce qui aurait été son nom d'origine, Jacob Clement[2]. Des variantes de ce nom (Clemente nono Papa, Clemens haud papa), figurant dans d'autres sources, viennent soutenir la thèse que le surnom aurait été plaisamment ajouté par son éditeur, Susato, pour le distinguer d'un contemporain, le pape Clément VII, qui était cependant mort depuis 1534, donc avant que le nom du compositeur ait été confié au papier imprimé. Plusieurs théories circulent sur l'origine de l'épithète « non Papa », et selon l'une d'entre elles, on aurait voulu éviter toute confusion avec le poète Jacobus Papa, originaire d'Ypres, mais les patronymes semblent trop différents[2].
Pour autant que l'on sache, à l'inverse de la plupart de ses contemporains, Clemens n'a jamais fait le voyage d'Italie, ce qui explique l'absence dans sa musique de traces d'un éventuel passage par ce pays[5].
Clemens compte parmi les meilleurs représentants du style franco-flamand. Il serait l'un des plus grands compositeurs de la génération entre Josquin et Lassus. Sur ce dernier, il a par ailleurs exercé une influence considérable[6]. La renommée de Clemens a conduit à la publication, sous son nom, d'œuvres douteuses, dont plusieurs chansons dont l'attribution est sujette à caution. En fait, pour environ 80 %, sa production musicale comprend des pièces sacrées soit composées à des fins liturgiques, soit à usage privé. De quelque 233 motets, seuls trois contiennent des textes profanes sous la forme d'hymnes de louange à la musique. Cependant, il a composé tout de même plus de cent œuvres profanes englobant toute la variété des genres poétiques mis en musique par les compositeurs de sa génération. Compte tenu du fait que sa carrière de compositeur a duré à peine deux décennies, Clemens s'est avéré un compositeur particulièrement fécond[2].
Comme dans le travail de la plupart des successeurs franco-flamands de Josquin, l'œuvre complète comprend très peu de pièces où il utilise la technique du cantus firmus.
Il a écrit, entre autres :
Dans toute la musique de Clemens, mais surtout dans les messes et les motets, Clemens utilise un style de composition constant. Le contrepoint est largement écrit note contre note et les textures sont denses et fréquentes ; le plus couramment, le mouvement se fait par des blanches et des rondes. L'imitation généralisée est la règle, mais le canon stricte est peu utilisé, sauf dans des œuvres telles que les deux derniers mouvements du Missa 'Ecce quam bonum', où le canon sert à souligner le sens des mots du modèle, « habitare fratres in unum ». Bien que la texture habituelle de Clemens soit uniformément dense, des changements subtils dans la texture sont utilisés pour souligner la forme syntaxique et rhétorique du texte et, dans certains cas, comme les refrains finals de la mise en musique à six voix du motet O magnum mysterium, pour créer des contrastes frappants au sein d'un passage. Lorsqu'il met des textes en musique, Clemens fait souvent éclater la progression syllabique, tout en employant une déclamation intelligible qui n'est pas toujours correctement accentuée, mais dans de nombreux passages, en particulier ceux impliquant des notes répétées, on rencontre le curieux phénomène de la « note de trop » ou de la « note de peu » dans les rapports entre texte et musique. La forme motivique de la musique l'emporte souvent sur la mise en musique du texte, qui reste pourtant généralement intelligible. Certains passages avec texte que l'on trouve dans sa musique, qui est particulièrement dissonante à des fins expressives, ont conduit Lowinsky à proposer l'hypothèse d'un « art chromatique secret », qui rencontre toutefois peu d'acceptation auprès d'autres chercheurs. Une partie des dissonances qui se produisent dans la musique de Clemens découle de son traitement plutôt rigide de la transposition motivique, avec une apparente négligence des tritons – certains mélodiques et d'autres harmoniques – qui en émanent. Ces particularités sont fréquentes dans la musique de deux de ses contemporains les plus importants : Gombert et Morales. Dans le cas de Morales, un contemporain témoigne que le compositeur envisage délibérément de tels affrontements.
Étant donné que la vie créatrice du compositeur a duré à peine deux décennies, Clemens s'est avéré un compositeur extrêmement prolifique. Après la mort du compositeur, ses œuvres, sa musique sacrée en particulier, ont été divulguées en Allemagne, en France, en Espagne et même parmi différentes communautés – les milieux catholiques réfractaires – en Angleterre. Clemens avait particulièrement marqué l'Allemagne par son influence et son empreinte ; il avait surtout influencé le style des motets de Lassus, qui connaissait bien sa musique et qui avait incorporé des éléments de son style dans ses pièces[2]. Une étude détaillée de son influence sur des compositeurs ultérieurs, en particulier sur la genèse du style contrapuntique de la musique de la fin de la Renaissance allemande, reste une des tâches inachevées de l'érudition moderne[2].
À l'exception de la messe de requiem, toutes les messes sont des messes-parodies. Clemens choisit ses modèles polyphoniques (huit motets et six chansons) parmi ses propres œuvres et celles de ses contemporains. En règle générale, il utilise un nombre assez large de motifs à partir des modèles, tout en les adaptant avec une certaine liberté dans les différents mouvements de chaque messe. Dans la plupart des messes, il augmente le nombre de voix par une ou deux dans l'Agnus Dei, mais dans la Missa 'Ecce quam bonum', l'expansion par une voix supplémentaire commence dans le Sanctus. Toutefois, dans la Missa defunctorum, la texture à quatre voix est maintenue tout au long de la composition musicale, et la polyphonie paraphrase le chant grégorien approprié. Le trait est Absolve domine plutôt que Sicut cervus, que l'on trouve dans les requiems polyphoniques antérieurs d'Ockeghem et de De La Rue[2].
Des quelque 233 motets de Clemens, seulement trois sont pourvus de paroles indubitablement profanes (hymnes à la gloire de la musique). Tous les autres ont des textes sacrés sinon strictement liturgiques : surtout des psaumes, des cantiques, des leçons, des antiennes et des répons. Les pièces mariales constituent un groupe relativement large. Les antiennes se composent souvent de plusieurs antiennes enchaînées, ce qui représente une pratique courante à la fin du XVIe siècle. En mettant en musique non seulement des répons mais aussi de nombreux autres textes, Clemens (comme la plupart de ses contemporains) suit la forme du répons du plain-chant : il divise la musique en deux parties, répétant exactement les mots et la musique de la fin de la première section à la fin de la seconde. Les motets se composant de plus de deux parties ont souvent une notation réduite dans les sections internes. Deux motets, Circumdederunt me et Si diligis me, sont construits sur un cantus firmus et quelques autres sont construits sur un ostinato avec un propre texte[2].
Les Souterliedekens, publiés par Symon Cock à Anvers, sont des psaumes homophones en langue néerlandaise[10] dont les airs proviennent de danses et de chansons profanes connues de l'époque. De 1540 date la première impression de la versification métrique des psaumes, attribuée à Van Zuylen van Nijevelt ; elle est pourvue des airs de chansons populaires sur lesquels les psaumes peuvent se chanter.
Les harmonisations polyphoniques de Clemens, écrites pour être à la portée de tous, sont par conséquent plus simples que d'autres compositions polyphoniques de Clemens. De toutes ses œuvres, ces Souterliedekens ont sans doute acquis la plus grande renommée ; aussi ont-ils exercé une influence considérable. Ils avaient été publiés en 1556-1557 par Tielman Susato dans les volumes quatre à sept de la série de musyck boexkens (« livres de musique »)[11] et sont constitués de l'ensemble du psautier dans une traduction néerlandaise autorisée par l'église catholique[12]. Les souterliedekens (psaumes) et lofzangen (cantiques) de Clemens sont les premières mises en musique polyphoniques de tous les psaumes néerlandais, c'est-à-dire la première harmonisation du psautier complet en néerlandais[11]. Clemens emploie les mélodies d'origine profane de l'édition de Cock comme cantus firmus soit dans le ténor, soit dans la voix de superius. La diversité des chansons choisies est assez impressionnante, comme dans la tradition chorale allemande, et comprend des chants sacrés, des ballades, des chansons d'amour, des chansons de danse et des chansons à boire et autres « tubes » de l'époque. Clemens les destine à trois voix et invente vingt-six différentes combinaisons de ces voix[10]. Les mises en musique sont pour la plupart de texture polyphonique, utilisant parfois l'imitation, même si certaines, basées sur des chansons de danse, tendent en conséquence à être homophones et homorythmiques avec des textes syllabiques dans les trois parties, tandis que d'autres utilisent l'imitation.
Nonobstant leur popularité éphémère auprès des communautés protestantes, en particulier celle des mennonites[13], ces psaumes ont résisté au ban de 1569, promulgué sous le gouvernement du duc d'Albe, qui soumet à la censure tous les livres jugés hérétiques. Les mises en musique simples et directes sont probablement destinées à être exécutées à la maison. Malgré l'appel élégant de ces œuvres de Clemens, elles n'ont apparemment pas été réimprimées. En revanche, trente éditions différentes des versions homophones de Cock parurent avant 1618[2].
L'œuvre profane de Clemens se compose de quelque quatre-vingt-dix chansons, entre autres neuf chansons sur des paroles néerlandaises, huit autres conservées sans le texte, deux en tablature et un canon instrumental en tablature qui lui est attribué[2].
Les textes des chansons couvrent toute la gamme des genres poétiques cultivés par les compositeurs de sa génération. Les chansons à quatre voix tendent généralement à être plus homophones et plus proches du style de l'école parisienne de Claudin de Sermisy, tandis que celles à cinq et six voix sont plus contrapuntiques et se rapprochent du style des chansons de Gombert, mais l'extraordinaire Amour au cueur me poingt à huit voix est, comme les pièces à quatre voix, presque entièrement homophone. Dans les chansons néerlandaises, qui manifestent un caractère plus rétrospectif, le compositeur fait usage de textures musicales voisines de celles des chansons françaises qui ont une nature plus polyphonique ; Een Venus schoon fait même écho au style de la génération de Josquin[2].
La numérotation se réfère à celle établie pour le Répertoire international des sources musicales. Les quatre premiers chiffres donnent la date de publication de l'ouvrage où une œuvre figure.
Le code de langue, indiqué avant chaque œuvre, fait référence à la langue du titre de chaque œuvre, même si celle-ci ne contient aucun texte hormis l'incipit.
Les œuvres complètes de Clemens non Papa ont été réunies par Karel Philippus Bernet Kempers dans l'ouvrage Opera omnia, CMM, iv/1-21, 1951-1976, [K i-xxi], auquel il est fait référence dans la liste qui suit.
Tous à quatre voix
Tous à trois voix ; les pages indiquées se réfèrent à K ii ; la numérotation des psaumes se réfère à la Vulgate (comme dans l'édition originale)
Souterliedekens I [-IV] : het vierde [-sevenste] musyck boexken, à trois voix (Anvers, 1556-1557), K ii:
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