étude des références mythologiques aux évènements géologiques De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La géomythologie est une discipline historico-scientifique formalisée au début des années 1970 par la géologue américaine Dorothy Vitaliano, qui cherche à expliquer l'origine des mythes recelant la trace d'événements géologiques, d'éléments paléontologiques ou géomorphologiques. Ces traces sont reprises, remaniées, transformées et englobées dans des récits mythologiques qui font intervenir des forces et des êtres surnaturels, et dont la connaissance est préservée et transmise au travers des générations dans le contexte spécifique de chaque communauté.
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Le terme géomythologie est créé en 1966 par la géologue Dorothy Vitaliano de l'université de l'Indiana[6]. Il est popularisé à la suite d'une intervention en mai 1967 au colloque de géologie de cette université sur le sujet «Geomythology - The Impact of Geology on History and Legend, with Special Reference to Atlantis», au cours de laquelle Vitaliano relie le mythe de l'Atlantide à l'éruption du Santorin qu'elle a étudiée avec son mari Charles, également géologue. Le professeur de folkloristiqueRichard Dorson(en) qui fait partie du public lui conseille d'écrire un livre sur ce sujet. Elle publie d'abord en 1968 un article qui résume le colloque, «Atlantis: a review essay»[7] dans lequel elle invente le terme de géomythologie, puis écrit en 1973 le livre «Legends of the Earth. Their Geologic Origins», qui relie les légendes à la géologie[8].
Au XXIesiècle, la géomythologie compte parmi les champs d'étude interdisciplinaires en grand développement comme le confirment les publications sur cette thématique dans des journaux académiques les plus prestigieux tels que Science[6]. Discipline historico-scientifique, elle mobilise géologues, géographes et anthropologues qui croisent les dossiers documentaires avec les données géo-archéologiques pour étudier dans les sociétés à transmission orale les mythes qui, sous un habillage fictif et divertissant, laissent la trace d'éléments géologiques[9],[10],[11].
Une autre preuve de reconnaissance de cette discipline peut être vue dans le processus de valorisation et d'offre géotouristique destinées à des non-spécialistes: le recours aux géomythes locaux peut jouer un rôle important pour attirer les touristes, notamment les géotouristes dont l'imaginaire sur
le patrimoine géologique est amplement forgé par des médias stéréotypés ou une culture de légendes[12].
Les géomythes étiologiques chargés de faire connaître l'origine des êtres et des choses (récits originels) et les géomythes eschatologiques qui prédisent la ruine, la destruction et la fin du monde (récits légendaires sur les continents ou les cités englouties, mythes sur le déluge) comprennent des récits associés notamment à des événements géologiques inquiétants ou dangereux tels que les éruptions volcaniques[13],[14], les séismes[15], les tsunamis, les glissements de terrain[16], la remontée du niveau marin, les inondations ou les fossiles[17]. Les géomythes peuvent être universels (transmis selon un centre unique —théorie de la monogenèse et de la diffusion— ou selon plusieurs endroits éloignés géographiquement et à différentes époques —théorie de la polygenèse)[18] ou régionaux[19].
Dès l'Antiquité, de nombreuses traces issues d'empreintes fossilesd'espèces de vertébrés disparues sont associées à des dieux, des géants ou des héros. Au Moyen-Âge, elles sont associées à des créatures fantastiques (notamment des dragons), au diable ou des personnages saints[20].
Les fosses nasales confluentes qui initient le démarrage de la trompe de l'éléphant nain ont pu inspirer le géomythe des cyclopes avec leur œil au milieu du front[24].
Fossiles de gryphées, autrefois appelés «griffes du diable»[25].
Plusieurs gaz sont évoqués: le CO2 et H2S selon (en) Luigi Piccardi, «Active faulting at Delphi: seismotectonic remarks and a hypothesis for the geological environment of a myth.», Geology, vol.28, no7, , p.651-654 (DOI:10.1130/0091-7613(2000)28<651:AFADGS>2.0.CO;2), et (en) Luigi Piccardi, Monti Cassandra, Vaselli Orlando, Tassi Franco, Gaki-Papanastassiou Kalliope et Papanastassiou Dimitrios, «Scent of a myth: tectonics, geochemistry and geomythology at Delphi (Greece)», Journal of the Geological Society, London, vol.165, , p.5-18 (DOI:10.1144/0016-76492007-055); l'éthylène selon John Hale, Jelle Zeilinga de Boer, Jeffrey Chanton et Henry Spiller, «Les secrets de la Pythie», Pour la science, no311, , p.70-75, (en) J.Z. de Boer, J.R. Hale, J. Chanton, «New evidence for the geological origins of the ancient Delphic oracle (Greece)», Geology, vol.29, no8, , p.707–710 (DOI10.1130/0091-7613(2001)029<0707:NEFTGO>2.0.CO;2); méthane et éthane qui réagissent avec l'oxygène présent dans le temple de Delphes pour produit du CO2, selon (en) G. Etiope, G. Papatheodorou, D. Christodoulou, M. Geraga, P. Favali, «The geological links of the ancient Delphic Oracle (Greece): A reappraisal of natural gas occurrence and origin», Geology, vol.34, no10, , p.821-824 (DOI10.1130/G22824.1, lire en ligne).
(en) W. Bruce Masse, Elizabeth Wayland Barber, Luigi Piccardi, Paul T. Barber, «Exploring the nature of myth and its role in science», Geological Society London Special Publications, vol.273, no1, , p.9-28 (DOI10.1144/GSL.SP.2007.273.01.02).
(en) Patrick D. Nunn, «Geohazards and myths: ancient memories of rapid coastal change in the Asia-Pacific region and their value to future adaptation», Geoscience Letters, vol.1, no3, (DOI10.1186/2196-4092-1-3).
(en) Katharine V. Cashman, Shane J. Cronin, «Welcoming a monster to the world: Myths, oral tradition, and modern societal response to volcanic disasters», Journal of Volcanology and Geothermal Research, vol.176, no3, , p.407-418 (DOI10.1016/j.jvolgeores.2008.01.040).
(en) Loredana Lancini, «Echoes of Ancient Volcanic Representations: A Geo-Mythological Approach», Rivista Internazionale di Storia della Scienza, vol.55, , p.49-70
Loredana Lancini, «Façonné par le feu ou comment les phénomènes volcaniques construisent les récits mythologiques», dans Rita Compatangelo-Soussignan, Francesca Diosono, Frédéric Le Blay, Living with Seismic Phenomena in the Mediterranean and Beyond between Antiquity and the Middle Ages, Archaeopress, (lire en ligne), p.43-54
Par exemple les séismes produits dans la zone de subduction des Cascades (notamment le séisme de 1700). Cf (en) Alan D. McMillan, Ian Hutchinson, «When the Mountain Dwarfs Danced: Aboriginal Traditions of Paleoseismic Events along the Cascadia Subduction Zone of Western North America», Ethnohistory, vol.49, no1, , p.41–68 (DOI10.1215/00141801-49-1-41), (en) Coll Thrush, R. S. Ludwin, «Finding Fault: Indigenous Seismology, Colonial Science, and the Rediscovery of Earthquakes and Tsunamis in Cascadia», American Indian culture and research journal, vol.31, no4, , p.1-24 (DOI10.17953/aicr.31.4.3374595624774617).
(en) Adrienne Mayor & William A.S. Sarjeant, «The folklore of footprints in stone: From classical antiquity to the present», Ichnos. An International Journal for Plant and Animal Traces, vol.8, no2, , p.143-163 (DOI10.1080/10420940109380182, lire en ligne).
Cette association s'explique par la taille impressionnante des épaisses coquilles, par leur forme arquée qui évoque celle d'une griffe, par leur surface ornée de stries de croissance qui rappellent en plus grossier les stries d'un ongle. La croyance populaire les considérait comme les ongles de pied du diable, arrachés lorsqu'il pourchassait les âmes en perdition. cf. Bruno David, Guillaume Lecointre, Le monde vivant, Grasset, , p.283.
Une tradition chrétienne attribue aux tests de différentes espèces de renfermer la vie et la mort du Christ, au point que les évangélistes les utilisent pour illustrer leurs cours de catéchisme. Au centre de la face arrière du test, le dessin des cinq pétales symboliserait le poinsettia d'hiver ou étoile de Bethléem. Les 5 perforations allongées représenteraient les cinq plaies du Christ. Lorsqu'on brise le test en deux, il libère cinq petits éléments calcaires (correspondant aux 5 dents de l'appareil masticatoire qui ressembleraient étrangement à des oiseaux blancs aux ailes déployées, les colombes du Saint-Esprit, symbole de résurrection. cf. Marc Taquet, Coralie Taquet, Les étoiles de mer et leurs cousins. 80 clés pour comprendre, éditions Quæ, , p.58.
(en) Donald A. Swanson, «Hawaiian oral tradition describes 400 years of volcanic activity at Kīlauea», Journal of Volcanology and Geothermal Research, vol.176, no3, , p.427-431 (DOI10.1016/j.jvolgeores.2008.01.033, lire en ligne).
Bibliographie
(en) L. Sprague de Camp, «Geomythology», Nature, vol.362, no6421, , p.1476-4687 (DOI10.1038/362665a0)
(en) Timothy J. Burbery, Geomythology. How Common Stories Reflect Earth Events, Taylor & Francis, , 118p.