Fils d’un maître maçon de condition modeste[1], François Marius Granet apprend le dessin en recopiant les gravures de la collection de son père. Il suit des cours de dessin à l’Académie d’Aix-en-Provence dans l'atelier du peintre aixois Jean-Antoine Constantin qui en est le directeur entre 1786 et 1790. Il y fait la connaissance de Louis Nicolas Philippe Auguste de Forbin, avec qui il se lie d'une amitié profonde[2] qui, selon le docteur Silbert, membre de la commission du musée et de l'école de dessin d'Aix, «a rendu leurs noms inséparables dans l'histoire de l'art[3]». En 1790, un an après la Révolution, l'école de dessin est contrainte de fermer ses portes. Granet se trouve désœuvré et décide de suivre la Société populaire d'Aix qui se lève pour combattre devant Toulon[2].
Le commandant de la troupe dans laquelle se trouve le jeune homme tient en haute estime les talents de Granet et le recommande au général Dutheil qui le présente à Napoléon, alors jeune officier[4]. À l'issue du siège de Toulon, la ville est prise et Granet retourne à Aix où il trouve sa famille dans la misère. Il reprend donc la direction de Toulon pour y vendre des tableaux de navires[2].
En 1796, Granet s’installe à Paris où, sur la recommandation d'Auguste de Forbin[5], il devient l’élève de Jacques-Louis David et gagne sa vie en faisant des peintures murales. Vivant en compagnie des peintres Anne-Louis Girodet et Dominique Ingres dans le couvent désaffecté des Capucins, il réalise du cloître des modèles qui resteront sa spécialité[5]. Cette attirance pour les cloîtres lui vaut le surnom de « moine ». Granet n'hésite en effet pas à se présenter comme un peintre chrétien, même si l'historiographie moderne d'entre les deux guerres, qui en fait un peintre franciscain, exagère sans doute quelque peu la réalité des choses[6].
Séjour à Rome (1802-1824)
En 1802, il se rend à Rome où il dessine les monuments anciens et peint des scènes de la vie des artistes[7]. Il se fait connaître aussi pour ses intérieurs d’églises et de couvents, dans un style hollandais très sombre, à l’opposé de sa formation néoclassique[8]. Il reçoit une médaille d'or au Salon de 1808[9]. En 1809, il pose pour son ami Dominique Ingres sur le toit de son studio à la villa Médicis. Plusieurs de ses tableaux ont été reproduits en lithographie au XIXesiècle[9].
Entre Versailles et Paris (1824-1847)
Après son retour en France en 1824, il devient conservateur au musée du Louvre sur le poste de Charles Paul Landon à la mort de celui-ci en 1826, grâce à l'intervention de son ami Auguste de Forbin, directeur des musées royaux. Il effectue un dernier séjour à Rome en 1829-1830.
Il rentre définitivement d'Italie en 1830 et retrouve sa bastide de Malvalat au lieu dit Les Granettes, ancienne route de Berre, à Aix en Provence[10]. En Juillet il encourage le peintre de paysagesPaul Huet et lui conseille de descendre dans le midi. Ce qu'il fait son carnet d'aquarelles sous le bras[11].
Louis-Philippe Ier, roi des Français et l'un de ses collectionneurs, fait alors appel à lui pour un poste de conservateur au château de Versailles en 1833, dans la perspective de créer un musée d'histoire à la gloire de la France, musée qui sera inauguré en juin 1837 (galerie des Batailles). Partageant sa vie essentiellement entre Paris et Versailles, Granet s'attelle à cette tâche, et dirige la mise en œuvre des collections, restaurations, l'agencement des salles. Il reçoit, également, plusieurs commandes destinées aux salles des Croisades. Il cessera cette activité lors de la Révolution de 1848.
Durant cette période, Granet peint d'exceptionnelles aquarelles en marge de sa peinture officielle. Ayant rencontré Nena di Pietro, dès 1802 semble-t-il, à Rome, il n'épouse l'amour de sa vie qu'en 1843 lorsqu'elle devient veuve. Après la mort de Nena, survenue en janvier 1847, il effectue un séjour au château d'Audour, près de Mâcon, chez la fille de son ami Auguste de Forbin, disparu en 1841. C'est là qu'il rédige ses mémoires.
Les dernières années (1848-1849) et postérité
Il se retire aux Granettes, à Aix, avant la Révolution de 1848. À sa mort en 1849, le contenu de son atelier, ses dessins ainsi que ses collections d’art hollandais et italien du XVIIesiècle sont légués à la ville d’Aix et constituent un fonds essentiel du musée d'Aix qui existait depuis 1825. Ce musée sera renommé en son honneur musée Granet en 1949, à l'occasion du centenaire de sa mort.
Prise d'habit d'une jeune fille d'Albano dans le chœur du couvent sainte-Claire à Rome (vers 1824), huile sur toile, 199 × 151 cm, Paris, musée du Louvre[J 10]
Autoportrait de Granet âgé à la palette (1826-1849), huile sur toile, 88 × 56 cm, Château de Versailles[21].
Scène d'inquisition, Mine de plomb, plume et encre brune, lavis brun et encre de Chine, 19 × 23,5 cm[32]. Beaux-Arts de Paris[33] Condamnation d'un hérétique par le tribunal de l'Inquisition. L’atmosphère gothique et les effets de clair-obscur confèrent à l'ensemble une théâtralité grandiloquente. L'effet spectaculaire repose sur la technique de larges aplats de lavis brun et d'encre de Chine plus ou moins dense et de réserves de papier, les visages masqués ou sommairement indiqués ne traduisant aucune émotion.
Réception de Jacques de Molay dans l'ordre du Temple, graphite, plume, encre brune, lavis brun et aquarelle, 25,9 × 42,1 cm[34]. Paris, Beaux-Arts[35]. Etude préparatoire d'une peinture de 1843 pour les salles des Croisades à Versailles, aujourd'hui conservée au Musée Calvet à Avignon, ce dessin comporte une dédicace à son ami Pierre Delorme.
Rome, Museo Francescano dei fratti minore Cappuccini - Istituto Storico dei Fratti Cappuccini: Coro dei cappuccini in via Veneto in Roma" - Choeur (de l'église) des capucins via Veneto à Rome.
Un autoportrait du peintre est adjugé 140 000€ à Rouen le 22 avril 2018[37].
Il réalisera notamment pendant cette période Intérieur de l'église souterraine de San Martino in Monte à Rome (1802, musée de Montpellier), Vue intérieure du Colisée à Rome (1806, Paris, musée du Louvre), Chœur de l'église des Capucins à Rome (1815, New York, Metropolitan Museum).
Emmanuelle Brugerolles (dir.), Le dessin romantique, de Géricault à Victor Hugo, Carnets d’études 50, Beaux-arts de Paris les éditions, 2021, p 21-25, Cat. 1.
Delphine Letainturier, «À Rouen dimanche 22 avril 2018: estimée entre 200 et 300 €, la toile s’adjuge à 140 000€!», Paris Normandie, (lire en ligne, consulté le )
Alain Jacobs, François-Marius Granet et le peintre belge François-Joseph Navez: correspondance de 1822 à 1849 conservée à la Bibliothèque royale Albert Ier à Bruxelles, Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français, année 1996, Paris, 1997, p.113-141.
Granet et son entourage, Correspondance publiée par Isabelle Néto, Archives de l'art français t. XXXI, Société de l'histoire de l'art français, Librairie des arts et métiers - Editions Jacques Laget, 1995 (ISBN2-85497-051-9).
André Alauzen et Laurent Noet, Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence-Alpes-Côte d'Azur, Marseille, Jeanne Laffitte, (1reéd. 1986), 473p. (ISBN978-2-86276-441-2), p.230-231
Charles Ginoux, «Granet (François-Marius)», dans Peintres sculpteurs, architectes et autres artistes nés à Toulon ou y ayant vécu (1366-1893), Paris, Charavay libraire-éditeur, (lire en ligne), p.66
J. de Séranon, « M. Granet, peintre », in Revue de Marseille et de Provence, 8eannée, Marseille, 1862, p.138-149.
Charles Blanc, Histoire des peintres de toutes les écoles, t.XIII, Biographie de François Marius Granet, Librairie Jules Renouard et Cie