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résultat d'une analyse génétique, rendant possible l'identification d'une personne De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Une empreinte génétique, ou profil génétique, est le résultat d'une analyse génétique de l'ADN, rendant possible l'identification d'une personne à partir d'une petite quantité de ses tissus biologiques (bulbe de cheveu, sang, salive, sécrétion vaginale, sperme).
L'empreinte génétique repose sur le fait suivant : bien que deux humains aient une large majorité de leur patrimoine génétique identique, un certain ensemble de séquences dans leur ADN reste spécifique à chaque individu (en raison du polymorphisme). Ce sont ces séquences spécifiques d'un individu que l'analyse d'empreinte génétique permet de comparer. Si un échantillon de cellules présente la même empreinte génétique qu'un individu, on peut soutenir que ces cellules proviennent de cet individu, ou de son éventuel jumeau monozygote.
Dans son acception initiale, l'expression empreinte génétique, de l'anglais « genetic fingerprint », est formée par analogie avec les empreintes digitales utilisées dans le cadre de l'identification des criminels, qui sont réputées propres à chaque individu.
Les empreintes génétiques sont utilisées en médecine légale pour identifier ou innocenter des suspects grâce à leur sang, leur salive, leurs poils, leur sécrétion vaginale ou leur sperme. Elles permettent également d'identifier des restes humains, de faire des tests de paternité, d'organiser le don d'organe, d'étudier des populations d'animaux sauvages ou même de générer des hypothèses sur la diaspora humaine lors de la Préhistoire (Bryan Sykes, Les Sept Filles d'Ève).
En raison du caractère sensible de cette information, les tests sont soumis à des contraintes légales. En France, le Comité consultatif national d'éthique a indiqué : « En matière civile et familiale, l'indisponibilité de l'identité civile et de la filiation, dont l'établissement ne requiert pas de preuve biologique en dehors d'un procès, la sécurité du lien parental dans l'intérêt primordial de l'enfant, l'équilibre et la paix des familles, justifient que la preuve biologique ne puisse être rapportée que sous le contrôle du juge, dans le cadre d'une action en justice relative à la filiation et juridiquement recevable[1]. »
Le protocole de test est également soumis à des contraintes techniques rigoureuses avec notamment l’isolement de la personne au moins une heure avant le prélèvement salivaire pour éviter toute contamination de la salive par une autre, notamment à la suite d'un baiser[2].
En 1983, une jeune britannique âgée de quinze ans fut retrouvée morte. On crut tout d'abord à un meurtre par asphyxie, puis on décela sur son corps des marques de tortures et de viol. En 1986, tout près du lieu du premier meurtre, fut retrouvé un autre corps. Le mode opératoire était le même.
En 1985, Lord Alec Jeffreys (9 janvier 1950 - ), docteur britannique en génétique, découvrit la méthode d'identification par l'ADN[3]. La technique fut commercialisée en 1987, et en 1988, la méthode d'identification par l'ADN fut démocratisée. Elle permit de disculper le suspect (premier homme soumis à une disculpation dans l'histoire de la justice et de la criminalistique) et de retrouver le vrai coupable.
L'ADN est constitué de séquences de nucléotides parmi les quatre suivants : A (adénine), C (cytosine), T (thymine), G (guanine).
Les gènes permettent la fabrication des protéines, mais il existe sur l'ADN des portions qui ne codent aucune protéine. Ce sont certaines d'entre elles, appelées les microsatellites et minisatellites, qui sont très variables selon les individus et permettent donc d'établir les empreintes génétiques.
Les microsatellites et minisatellites sont des séquences de nucléotides composées de répétitions de séquences plus petites. Il y a :
CTGG CTGG CTGG CTGG CTGG CTGG |
Ces régions de l'ADN sont très polymorphes : en effet, le nombre de répétitions est variable pour chaque individu. Parce que les gens n'ont pas le même nombre de répétitions, ces régions de l'ADN permettent d'identifier les individus.
Les régions des chromosomes où se situent ces séquences (leurs locus) doivent être repérées, puis amplifiées par PCR : il s'agit de fabriquer de nombreuses copies de cet ADN pour que celui-ci soit « visible » à la fin de l'analyse. Les fragments d'ADN obtenus sont séparés et identifiés par électrophorèse. Ceci permet de connaître leur longueur et donc d'en déduire le nombre de répétitions.
Les deux méthodes de séparation les plus communes sont l'électrophorèse capillaire et l'électrophorèse sur gel.
La grande force des systèmes d'identification basés sur les microsatellites est la fiabilité statistique de l'identification.
Le polymorphisme de chaque microsatellite est par lui-même très variable. Une version d'un même locus (et non allèle puisque la séquence est dans une zone non codante de l'ADN) peut avoir une fréquence comprise entre 5 et 20 % des individus. Un seul locus ne permet donc pas de désigner un individu précis. Il faut utiliser plusieurs locus.
En France[4] et aux États-Unis, on utilise couramment treize locus (régions de séquence répétée) pour une identification. Et comme chaque locus est composé d'une certaine séquence de répétition (microsatellite) et que le nombre de répétitions est parfaitement indépendant[réf. nécessaire] des répétitions sur les autres locus, les règles de statistiques peuvent être appliquées.
Par exemple, pour trois locus A, B et C, indépendants, et pour lesquels il existe plusieurs versions (A1, A2, A3, et B1, B2, etc.), on peut dire que Probabilité (A1, B2, C1) = Probabilité (A1) × Probabilité (B2) × Probabilité (C1). Ainsi, pour 13 locus, la probabilité d'avoir deux séquences identiques pour deux individus différents non apparentés est estimée à 1 chance sur 1018, ce qui est quasiment négligeable (très proche de zéro). Par conséquent, plus le nombre de microsatellites analysés est important, plus l'identification est fiable. Toutefois, dans le cas général, si on ne sait pas si les deux individus sont apparentés, la probabilité monte à 1 chance sur 3 × 1012 (parce que 0,2 % de la population mondiale est constituée de jumeaux monozygotes).
Selon les pays, différents systèmes d'identification de l'ADN basés sur la répétition des microsatellites sont utilisés. En Amérique du Nord (États-Unis, Canada), la norme CODIS est la plus utilisée, alors qu'en Angleterre, c'est le SGM+ (Second Generation Multiplex Plus). Mais, de toute manière, plusieurs zones de microsatellites sont communes aux différentes normes utilisées, ce qui permet la compatibilité entre elles.
En France, les empreintes génétiques sont rassemblées dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), destiné à l'origine à recueillir les empreintes des personnes condamnées pour infractions à caractère sexuel, mais dont l'usage s'est rapidement étendu à toutes sortes de délit, contenant en 2008 plus de 700 000 profils (soit près de 1 % de la population française)[5].
Il faut d'abord extraire l'ADN des échantillons de cellules. Ces échantillons peuvent être de sang, de salive, de sperme ou tout autre fluide ou tissu corporel adéquat.
Il faut ensuite cibler et analyser les séquences répétées.
La PCR (Polymerase Chain Reaction ou réaction de polymérase en chaîne) est une technique
d'amplification d'ADN in vitro. Elle permet d'obtenir un très grand nombre de copies d'une séquence
d'ADN choisie.chaque cycle de PCR est constitué de 3 étapes:
1-Dénaturation: une première étape de chauffage à 95 °C permet de séparer les deux brins d’ADN
2-hybridation (56−64 °C): les amorces s’apparient spécifiquement avec leur brin
complémentaire d’ADN dénaturé.
3-élongation (72 °C): l’ADN polymérase synthétise le brin complémentaire de chaque brin d’ADN matrice à partir des désoxyribonucléotides (dNTP) libres présents dans le milieu réactionnel.
La méthode par PCR est la plus utilisée car elle présente plusieurs avantages[6] :
Avec l’invention de la réaction en chaîne par polymérase (appelée PCR en anglais), les tests d'ADN ont fait un bond en avant dans la précision et les possibilités d’analyse à partir d’un tout petit échantillon de départ.
La réaction en chaîne par polymérase permet de multiplier des séquences spécifiques d'ADN en jouant sur les propriétés d’hybridation et de dénaturation des brins complémentaires d'ADN en fonction de la température. Ces éléments permettent de contrôler l’activité enzymatique grâce à des transitions de température répétées de manière cyclique (grâce à un thermocycleur) qui conduisent à une chaine de réplications cycliques.
L’un des principaux reproches fait à la méthode RFLP était la grande quantité et la qualité de l’échantillon d'ADN nécessaire.
Le développement de méthodes d’amplification permet l’analyse d’échantillons plus petits ou dégradés.
Des méthodes comme le HLA-DQ alpha reverse sont devenues très populaires par leur facilité et la rapidité d’obtention des résultats, bien qu’elles soient moins précises que le RFLP. Par exemple, elles étaient inappropriées pour identifier différents ADN mélangés dans l’échantillon de départ comme pour ceux des fluides vaginaux des victimes de viols.
Le polymorphisme de longueur des fragments de restriction (restriction fragment length polymorphism en anglais, RFLP) est une méthode longue et laborieuse (1 semaine) qui nécessite une grande quantité d'ADN de bonne qualité pour être utilisée. Elle a été supplantée par la méthode PCR.
L’analyse du polymorphisme de longueur des fragments de restriction est une des toutes premières techniques d'analyse d'ADN. Elle a été depuis complètement remplacée par des techniques plus récentes comme le Séquençage de l'ADN.
L’analyse RFLP utilise une enzyme de restriction pour découper l'ADN en fragments qui sont ensuite séparés en bandes par électrophorèse en gel d'agarose[7].
Ensuite, les bandes d'ADN sont transférées du gel d’électrophorèse sur une membrane nylon par une technique appelée Southern blot.
La membrane nylon recouverte des bandes de fragment d'ADN subit une irradiation qui fixe des séquences d'ADN spécifiques sur la membrane. l'ADN non fixé par les radiations est éliminé en lavant la membrane.
La membrane nylon avec les séquences d'ADN irradiés est alors placée sur un film sensible aux rayons X. Ce film est alors développé pour obtenir une image des bandes. L’image obtenue est appelé carte génétique ou « carte de restriction » d'une molécule d'ADN.
La carte de restriction donne l'ordre des sites de restriction le long de cette molécule, et la taille des fragments produits.
En faisant plusieurs analyses sur différents morphismes, on arrive à un niveau de discrimination exploitable.
L'inconvénient principal de la méthode RFLP est que les tailles exactes des bandes sont inconnues et la comparaison à une échelle de poids moléculaire est purement qualitative.
Beaucoup de laboratoires ont développé des modèles décrivant ce qu'ils considéraient comme carte de restriction de référence, mais ils n'ont pas été standardisés et la prise des empreintes par RFLP a subi des attaques judiciaires (USA :Partie Civile vs. Castro 545 N.Y.S. 2e. 985 (Sup. Ct. 1989)).
Une autre technique, AFLP ou amplified fragment-length polymorphism a été utilisée au début des années 1990. Cette technique est plus rapide que l’analyse RFLP et utilise la technique de la réaction en chaîne par polymérase pour répliquer les échantillons d'ADN.
On distingue les différents allèles par le polymorphisme des Répétition en Tandem Polymorphe (variable number tandem repeat -VNTR- en anglais) séparés par électrophorèse sur gel polyacrylamide utilisant une échelle de mesure d’allèles (par opposition aux échelles de poids moléculaires).
Les bandes de migrations peuvent être visualisées en colorant le gel à l’argent. L’un des fragments d'ADN les plus utilisés pour l’analyse AFLP est le locus D1S80. Comme toutes méthodes basées sur la réaction en chaîne par polymérase, les ADN sévèrement dégradés ou en très petites quantités, peuvent produire des allèles marginaux répliqués en quantité insuffisante qui peuvent causer des erreurs. Par exemple, on pourrait conclure à tort à un ADN homozygote alors qu’il serait hétérozygote. De plus, comme l’analyse est réalisée sur gel, les Répétitions en Tandem Polymorphe de grands numéros peuvent s’accumuler en haut du gel rendant l’interprétation difficile.
L’AFLP est une méthode facilement automatisable qui permet la création de Classification phylogénétique sur la comparaison d'ADN individuel
À cause de son coût relativement modeste et de sa facilité de mise en place et d’exploitation, l’analyse AFLP reste répandue dans les laboratoires ayant peu de moyens ou peu d’exigences.
La MLPA, développée dans les années 2000, permet la détection et la quantification simultanées de plusieurs cibles d'ADN. Elle utilise des sondes spécifiques qui se lient à l'ADN, suivies d'une ligation par une enzyme et d'une amplification par PCR.
Les fragments amplifiés sont séparés par électrophorèse, permettant d'identifier des variations du nombre de copies (CNVs) et des anomalies génétiques. Cette technique est couramment utilisée pour le diagnostic des maladies génétiques et en recherche.
Parmi ses avantages, la MLPA offre une analyse multiplex, une haute sensibilité, et une mise en œuvre relativement simple. Cependant, elle nécessite une conception précise des sondes et peut présenter des défis d'interprétation. Grâce à son coût modéré, elle est largement adoptée dans les laboratoires, même avec des ressources limitées[8],[9]
L'analyse de l'ADN mitochondrial (ADNmt) ne permet pas d'identifier à 100 % un individu, mais permet d'exclure une hypothèse, car cet ADN ne présente pas assez de variabilité dans les populations. En clair, comme plusieurs personnes peuvent présenter un même ADNmt, on ne pourra pas déterminer à laquelle de ces personnes appartient un échantillon d'ADNmt. On a environ 1 chance sur 2000 que deux personnes non apparentées présentent le même ADNmt.
Les médecins légistes étudient les sites HV1 et HV2 de l'ADNmt. Ce sont des séquences hypervariables (HV) dont les différentes versions sont nombreuses et avec des fréquences relativement faibles (quelques % de la population générale). Par conséquent ces marqueurs ne peuvent pas déterminer si un échantillon provient d'une unique personne. On pourra toujours proposer une probabilité que l'échantillon provienne d'un individu précis, mais cela ne constitue pas une preuve certaine. En revanche, si on obtient 2 ADNmt différents on peut être sûr qu'il ne s'agit pas de la même personne.
Pour des échantillons fortement dégradés ou sur un cheveu sans bulbe, il est parfois impossible d'obtenir un profil complet de tous les microsatellites. Dans ce cas, on peut utiliser l'ADN mitochondrial car il y en a de nombreuses copies dans une cellule, tandis qu'il y a rarement plus de 1 ou 2 copies de l'ADN nucléaire.
Les médecins légistes amplifient les sites HV1 et HV2 de l'ADN mitochondrial (ADNmt) ; ils séquencent ensuite chaque région et comparent chaque nucléotide. On considère généralement que l'ADNmt testé n’est pas similaire à celui de référence lorsqu'une différence de plus de deux nucléotides est constatée.
Comme l'ADNmt est transmis uniquement par la mère, cette référence est l'ADNmt d'une des personnes de la lignée maternelle.
L’analyste doit faire preuve d’un peu de discernement car l’hétéroroplasmie et des différences poly-C peut brouiller des comparaisons de séquences.
L'ADNmt est utile dans la détermination d'identités peu claires, comme ceux de disparus si un parent maternellement lié peut être retrouvé.
L’analyse de l'ADNmt a été utilisé pour prouver l’imposture d’Anna Anderson qui se prétendait être la princesse russe Anastasia Romanova.
Le gène SRY (région déterminant le sexe du chromosome Y) détermine le phénotype masculin.
Il existe sur le Chromosome Y des régions hypervariables, nommées STRY.
Le chromosome Y n'est présent que chez les individus génétiquement mâles. Ce chromosome est d’une grande importance dans la détermination du sexe humain et le développement des gamètes mâles (spermatogenèse).
L'analyse du chromosome Y ne peut s'effectuer que sur un individu en possédant un (personnes intersexes incluses).
Le chromosome Y est transmis par le père, et l’analyse de ce chromosome permet de faire les tests de paternité, lorsque le père n'est plus vivant. Par exemple, on a pu éclaircir la controverse sur Sally Hemings en déterminant qu'un homme de la lignée masculine de Thomas Jefferson aurait bien eu un fils avec cette esclave.
Les empreintes génétiques constituent un indice dont les implications en matière d'enquêtes criminelles et d'expertises légistes sont nombreuses. Elles peuvent ainsi confirmer la culpabilité d'un individu suspecté d'avoir commis un crime, si son empreinte génétique correspond à celle obtenue à partir de traces laissées sur les lieux du crime. À l'inverse, elles permettent également d'innocenter un suspect.
Généralement, les tribunaux reconnaissent la fiabilité des empreintes génétiques et acceptent les résultats de ces tests comme preuves lors des procès.
En France, ils alimentent le FNAEG, qui recensait fin 2021 plus de 5 200 000 personnes, soit plus de 7,5 % de la population française. Aux États-Unis, la base Codis du FBI comportait en 2009 le profil de 6.6 millions de personnes[10], soit environ 2,1 % de la population. Certaines polices (telle celle du Comté de Montgomery (Maryland)) veulent l'étendre à toutes les affaires de vol ou cambriolage, tandis que l'acceptation, par un référendum de 2004, de la Proposition 69 en Californie a étendu le recueil d'échantillons d'ADN (qui sont conservés par l'État tel quel) aux personnes non seulement condamnées, mais aussi simplement arrêtées sur la base d'une suspicion d'avoir commis un crime (felony), qui peut aller du vol au meurtre en passant par le piratage informatique ou l'émission de faux chèques[11]. La Californie a depuis été imitée par plus d'une dizaine d'États[10].
La recherche ADN en parentèle ou « family search » (recherche familiale) est expérimentée pour la première fois en Pays de Galles où des enquêteurs identifient en 2001 le meurtrier, Joseph Kappen (en), qui a tué trois jeunes filles en 1975 Le prélèvement d'un ADN sur la scène du crime ou sur le corps de la victime permet aux enquêteurs d'identifier un ADN proche (celui de la parentèle) de personnes déjà fichées et de remonter ainsi au meurtrier[12]. Ce type de recherche soulève des questions sur les dérives vers un fichage génétique de masse et les atteintes à la vie privée de personnes[13].
Au début des tests d'ADN comme preuves légales, certains avocats ont pu mettre en évidence ce qu'on a appelé le « sophisme du procureur », aussi appelé sophisme de la conditionnelle transposée (en). Les tribunaux prenaient (et prennent encore) souvent à tort la probabilité dite de Random match possibility (RMP) pour l'équivalente de la probabilité d'innocence du sujet. La RMP est en effet une probabilité, calculée par le FBI, qui permet de donner le taux de probabilité, sur une population donnée, que les résultats d'une analyse d'ADN correspondent à une personne. Ainsi, si le RMP est de 1 sur 5 millions, cela veut dire qu'une personne sur cinq millions présente un profil ADN correspondant. On ne peut donc pas dire que cela signifie que l'individu inculpé a 1 chance sur 5 millions d'être innocent s'il correspond à cet échantillon: au contraire, cette probabilité-ci doit être estimée par rapport à la population totale. Si la population est de 60 millions d'individus, il y a donc 12 personnes ayant ce même profil, et donc l'individu inculpé n'a - hors éléments extérieurs à l'ADN - qu'une chance sur 12 d'être le suspect. Ceci explique la nécessité de complémenter l'enquête par d'autres éléments de preuve (bien que ce soit souvent précisément le seul élément utilisé dans certaines affaires anciennes, dites cold cases, où l'on compare un échantillon recueilli sur une scène de crime à un fichier ADN).
Il est important de noter que la probabilité RMP peut elle-même être très fortement discutée: dans l'affaire R v Adams (en), en 1996 au Royaume-Uni, les estimations oscillaient entre une RMP de 1 à 200 millions et une autre de 1 à 2 millions… De plus, le taux d’erreur de manipulation (faux positifs, contamination d'échantillons) conduit à abaisser encore cette probabilité, faisant de la preuve ADN une preuve bien moins certaine qu'elle n'est le plus souvent présentée.
Par exemple, la probabilité de coïncidence est fondée sur la probabilité que 2 marqueurs dans 2 échantillons provoquent une bande « exactement » au même endroit. Mais un laborantin pourrait conclure qu’un réseau de bandes similaires, mais pas totalement identiques, est en fait le même échantillon parce que ces différences sont dues à des imperfections de manipulation, comme une différence dans le gel d’agarose.
Dans ce cas, le laborantin augmente le risque d’erreur en dérogeant aux critères de reconnaissance. Des études récentes ont évalué le risque à un niveau suffisamment élevé pour être source de contestations[14]. À cause de cela, des plafonds de probabilité arbitraires, supérieurs à ceux calculés, ont été mis sur les analyses RFLP. Aujourd’hui, les analyses RFLP sont largement inutilisées à cause de ces difficultés d’interprétations.
Les analyses STR permettent une bien meilleure précision de distinction d'ADN (de l’ordre de 1 sur 1013 avec une empreinte complète). Comme deux jumeaux monozygotes ont le même ADN, et que la probabilité d'avoir un tel jumeau pour un individu donné est de 1 sur 500, la précision de distinction d'individu n'est que de 1 sur 103.
De toute manière, les analyses d'ADN doivent être prises en compte dans le cadre d’un contexte surtout si d’autres éléments le rendent moins fiables. Ainsi, les contaminations d’échantillon par d’autres preuves (transfert secondaire) sont une source d'erreur souvent évoquée par les avocats de la défense. Plus rarement, les cas de chimère génétique sont l’une des possibilités où la non concordance génétique disculpe à tort un suspect. Si le test d'ADN est positif, on doit se poser les questions suivantes :
L'affaire Diana Sylvester est un cold case datant de 1972 : une infirmière californienne est violée et tuée par un homme inconnu dont le signalement trop vague (blanc, barbu et moustachu, cheveux bruns, costaud et grassouillet) ne permet pas l'identification[15]. Des échantillons de sperme de l'assassin sont récupérés mais ne peuvent à l'époque pas être exploités. Celui-ci est finalement comparé en 2003 à une liste de 380 000 profils de délinquants sexuels californiens connus des services de police correspond à celui d'un homme de 65 ans non soupçonné à l'époque des faits : John Puckett[15]. L'échantillon prélevé en 1972 étant dégradé, seuls 5 locus et demi sur 13 sont préservés, ce qui donne à la probabilité qu'une personne prise au hasard ait un profil qui corresponde de 1 sur 1,1 million[15].
De nombreuses erreurs de raisonnement peuvent alors survenir[15]. La probabilité de 1 sur 1,1 million n'est pas une probabilité de culpabilité, au contraire : puisqu'il y a 300 millions d'habitants aux États-Unis, 300 environ ont un profil ADN compatible avec celui du coupable et la probabilité que l'un d'eux prix au hasard soit l'assassin est donc d'environ seulement 1 sur 300[15]. De plus il a été avancé que puisque la base de données fouillée contenait un peu moins de 400 000 profils ADN, la probabilité d'en trouver un qui corresponde à celui de l'assassin par simple hasard était d'un tiers : la défense a donc affirmé que la probabilité que Puckett soit innocent est d'une chance sur trois[15]. Ce raisonnement est cependant erroné car il ne tient pas compte de ce que Puckett soit blanc (), ait correspondu à la description de l'assassin à l'époque des faits, soit californien (), ait un âge compatible avec celui de l'assassin et ait un passé de délinquant sexuel ()[15]. En utilisant le théorème de Bayes on peut grâce à ces informations supplémentaires et indépendantes estimer grossièrement la probabilité de trouver par hasard aux États-Unis un individu ayant toutes ces caractéristiques sans pour autant être le coupable à approximativement 1 sur 70 ; cette estimation n'a pas été donnée lors des procès de Puckett[15].
En considérant la liste de questions fournie à la section précédente pour évaluer la fiabilité d'un test d'ADN positif, on obtient donc :
On peut voir la pertinence des analyses d'ADN comme preuves légales à la lumière d’affaires récentes, où les criminels ont laissé des échantillons de « faux » ADN sur les scènes de crimes.
Dans une affaire, un coupable a même dissimulé le faux ADN dans son propre corps : en 1992, le docteur John Schneeberger au Canada a violé une de ses patientes en la droguant auparavant. La Police a fait une prise de sang à Schneeberger et l’a comparé à l'ADN trouvé sur la scène du crime. À trois reprises sans jamais constater une concordance entre les deux ADN (celui du sperme et celui du sang). Il s’avère que le docteur s’était chirurgicalement implanté dans le bras un drain Penrose rempli d’un mélange d’anticoagulants et du sang de quelqu’un d’autre[16].
La question n'est donc pas celle d'une erreur technique (qui reste certes possible) mais bien du contournement des nouveaux moyens d'investigation par les criminels. C'est là que se situe la principale limite de la preuve génétique dans l'avenir : « la génétique ne devrait représenter dans l'esprit de tous qu'un élément, tout à fait nécessaire, mais non suffisant, pour le raisonnement. (…) le test d'ADN ne doit pas se substituer à l'enquête. Mais il faut aller plus loin. L'enquêteur doit impérativement, dans le cadre de son analyse et de ses réflexions, faire la critique de cette preuve génétique et imaginer les hypothèses où elle peut fausser l'interprétation des faits »[17].
L'analyse des mêmes échantillons par différents laboratoires montre que les résultats peuvent varier au point d'aboutir à des conclusions contradictoires[18],[19].
Dans les années 1920, Anna Anderson déclarait qu’elle était la grande-duchesse Anatasia Romanova de Russie. Dans les années 1980, un prélèvement de tissu conservé dans un hôpital a été testé et a montré qu'elle n’avait aucun lien de parenté avec les membres restants de la lignée des Romanov[20],[21].
La technique des empreintes génétiques mise au point par Alec Jeffreys a été utilisée pour la première fois en 1986 dans une affaire jugée par un tribunal de Pennsylvanie[1].
En 1987, le boulanger britannique Colin Pitchfork fut le premier criminel confondu par une analyse d'ADN à Leicester, la ville où furent mises au point les techniques d'analyse d'ADN.
Le en Floride, le violeur Tommie Lee Andrews a été la première personne aux États-Unis à être condamnée à 22 ans de prison sur la base d'une analyse d'ADN pour le viol d’une femme au cours d’un cambriolage[22],[23].
En 1989 à Chicago, Gary Dotson a été le premier suspect innocenté par un test d'ADN.
En 1992, le crash aérien du Mont Sainte-Odile (France) est la première catastrophe civile dans laquelle la technique des empreintes génétiques a été mise en oeuvre pour l'identification des victimes[24].
En 1992, un test d'ADN prouva que le médecin nazi Josef Mengele avait été enterré au Brésil sous le nom de Wolfgang Gerhard.
En 1994, O. J. Simpson fut acquitté alors que l’accusation était persuadée avoir présenté un dossier solide et attendait une condamnation. Notamment, les expertises d'ADN furent durement critiquées par la défense qui dénonça les procédures désordonnées ayant contaminé les échantillons.
En 1994, des tests d'ADN sur des poils de chat permirent de condamner un homme pour le meurtre de sa femme. Ce fut une première dans l’histoire de la médecine légale, de l’utilisation d'un ADN non humain pour identifier un criminel.
En 1998, le docteur Richards J. Schmidt a été déclaré coupable de tentative de meurtre quand il fut montré un lien entre l’ADN de la souche virale VIH qu’il a été accusé d’avoir inoculé à sa compagne et celle d’un de ses patients atteint du Sida. Ce fut la première fois qu’un ADN viral a été utilisé comme pièce à conviction.
En 2003, le Gallois Jeffrey Gafoor a été convaincu du meurtre de Lynette White quinze ans plus tôt. En réexaminant les éléments de la scène du crime collectés et archivés en 2000, des tests d'ADN utilisant les nouvelles techniques Mlva, permirent de confondre le neveu de la victime[25]. Il s'agit du premier exemple connu d’identification d’un criminel par la « proximité de l'ADN familial ».
En , Josiah Sutton a été relâché après avoir purgé 4 années de prison sur 12 pour sa condamnation pour agression sexuelle. Les échantillons d'ADN douteux furent retestés, ainsi que beaucoup d’autres, après la découverte de graves négligences au laboratoire de la police de Houston.
En , grâce à une analyse d'ADN, Dennis Halstead, John Kogut et John Restivo ont gagné la révision de leur procès après leur condamnation pour meurtre. Les trois hommes avaient déjà purgé dix-huit des trente années de leur peine de prison.
Le procès Robert Pickton est remarquable car les analyses d'ADN ont été utilisées principalement pour identifier « les victimes » et dans de nombreux cas pour prouver leur existence.
Earl Washington est libéré le après neuf années passées dans le couloir de la mort : il avait avoué en 1982 le viol et le meurtre d'une jeune femme et avait été condamné à la peine capitale bien qu'aucune preuve matérielle n'ait pu être retenue contre lui[26].
En , Robert Clark a été innocenté pour une agression sur une femme en 1981 à Atlanta après 24 ans de détention. Il est la 164e personne aux États-Unis, la 5e dans l'État de Géorgie à être libéré après condamnation par un test d'ADN.
En , la Cour suprême a refusé de faire du test d'ADN après condamnation un droit constitutionnel (District Attorney's Office v. Osborne).
En 2007, en France, où une loi de bioéthique encadre les tests d'ADN, une polémique est soulevée lorsqu'un député propose d'utiliser les tests d'ADN pour prouver la filiation des étrangers souhaitant immigrer légalement dans le cadre du regroupement familial et de prouver par un test biologique, plutôt que par des documents parfois inexistants ou douteux.
Des parlementaires et intellectuels se sont opposés à cet amendement proposé par le député Thierry Mariani[27].
Une pétition lancée par l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et l'association SOS Racisme a rassemblé des dizaines de milliers de signatures[28], tandis que le chanteur Romeo Praly soutenait la pétition en mettant en musique un texte d'SOS-Racisme, du nom de « Touche pas à mon ADN ». Au sein du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et Fadela Amara, la Secrétaire d'État chargée de la politique de la Ville, se sont opposés à cette loi ; Fadela Amara a déclaré, « y en a marre qu'on instrumentalise à chaque fois l'immigration, pour des raisons très précises. Je trouve ça dégueulasse ! ». Le philosophe et essayiste Pascal Bruckner l'a soutenue dans un plaidoyer condamnant cet amendement[29].
Les tests d'ADN sont utilisés dans onze pays européens, dont l'Allemagne, l'Italie, et le Royaume-Uni[30].
La proposition de loi fut remaniée pour n'autoriser les tests de filiation qu'à partir de l'ADN de la mère et ainsi éviter les révélations inadéquates d'adultères, et uniquement dans certains pays où l'état civil est défaillant.
Les dispositions qui prévoient les tests d'ADN mentionnés à l'article L.111-6 du CESEDA lorsque le décret d'application des conditions, mentionné au même article, sera paru, sont autorisées par l'article 226-28 du code pénal.
Les tests ADN restent toujours encadrés, ils ne peuvent être utilisés que dans un cadre de santé et juridique émanant d'un juge.
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