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compositeur français (1904-1946) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Émile Goué, né le à Châteauroux (Indre) et mort le à Neufmoutiers-en-Brie (Seine-et-Marne), est un compositeur français.
Naissance |
Châteauroux, France |
---|---|
Décès |
Neufmoutiers-en-Brie, France |
Activité principale | Compositeur |
Style | Musique moderne |
Années d'activité | 1925-1946 |
Avec un père inspecteur de l’enseignement primaire, une mère directrice d’école normale de jeunes filles à Guéret (Creuse) et quatre sœurs qui toutes devinrent enseignantes, la voie du jeune Émile Goué était toute tracée : il se destina naturellement au professorat. D'une intelligence aiguë, il obtint en 1921 les deux baccalauréats existant alors : celui de mathématiques élémentaires et celui de philosophie. Licencié des sciences à 20 ans, il fut nommé professeur à Boulogne-sur-Mer trois ans plus tard. Muté à Agen en 1924, il réussit l’agrégation de physique-chimie. En 1927, il épousa Yvonne Burg, qui lui donna trois enfants : Michel, Bernard et Françoise. Puis il enseigna successivement aux lycées Montaigne à Bordeaux et Buffon à Paris. Il professa en classes dites de « mathématiques spéciales » (préparation aux concours des grandes écoles) et termina sa carrière universitaire dans une des chaires les plus réputées de l'enseignement supérieur, au lycée Louis-le-Grand.
À l'instar de Borodine, sa carrière scientifique et universitaire se doubla d'une pratique régulière de la musique. Déjà à Toulouse en 1924, il dirigea une symphonie juvénile avec un petit orchestre universitaire. Il approfondit ses études musicales qu'il acheva sous la direction de Charles Koechlin. Albert Roussel l'encouragea lui aussi à la composition. À partir de 1936 débuta une intense production que la guerre n'interrompit qu'à peine. Goué se révéla surtout avec le magnifique Psaume XIII (1938) et le Trio (1937). Vivant en permanence dans un rêve intérieur, il pouvait paraître très étourdi : ainsi était-il parti un jour donner son cours au lycée avec des chaussures de deux paires différentes. D’une très grande conscience morale, ses réactions personnelles étaient toujours guidées par un point de vue idéaliste.
La Seconde Guerre mondiale éclate alors que les orchestres et ensembles commençaient à prêter attention à sa production. Mobilisé en 1939 comme lieutenant d'artillerie, fait prisonnier en , il passa cinq ans à l'Oflag X-B situé près de Nienburg/Weser. Son besoin viscéral d’enseigner se manifesta dès les premiers jours de captivité par un cours de physique dispensé à ses jeunes camarades afin de les aider à préparer leurs futurs examens. Parallèlement, il organisa des conférences d’initiation sur l’histoire de la musique des origines à nos jours auxquelles vinrent s’ajouter au fil des mois un cours d’harmonie et de contrepoint, un cours de fugue, vingt leçons d’esthétique musicale et d’histoire de la symphonie.
Faisant preuve d'une abnégation passionnée, il tient à compléter cet enseignement théorique et à insuffler à ses compagnons d'infortune l’amour de la musique en dirigeant et en commentant dix-huit concerts symphoniques dont les programmes allaient des polyphonistes franco-flamands à Arthur Honegger. Les musiciens de l’orchestre comme les chanteurs de la chorale étaient amateurs, disposant d’instruments dont la qualité laissait fortement à désirer, mais l'enthousiasme d'Émile Goué les conquit tous.
« La captivité – confiait-il en 1942, année de désespoir et d'angoisse – supprime presque tout contact avec la vie réelle, donc presque toute vie intérieure […] Une solitude fréquente est nécessaire pour enrichir sa vie intérieure, et toute solitude fait défaut […] Le plus dur, ce n’est pas d’avoir faim ; c’est de sentir son niveau spirituel s’abaisser ».Très vite il se remit à composer, difficilement d’abord, puis un peu plus sereinement. La période de la guerre vit l'éclosion de chefs-d'œuvre, révélant une maîtrise et une maturité artistique incomparables : Psaume CXXIII (1942), Prélude, Choral et Fugue (1943), Préhistoires (1943), Quintette pour piano et cordes (1943), Prélude, Aria et Final (1944), Thème et Variations (1945), IIIe Quatuor à cordes (1945), etc.
Rapatrié en , Émile Goué ne put mener de front sa double activité de musicien et de professeur. Très affaibli, il participa au jury des examens d'agrégation, acheva l'orchestration de sa grandiose Inscription sur une stèle et succomba le au sanatorium universitaire de Neufmoutiers-en-Brie. En 1948, Émile Goué fut officiellement déclaré « mort pour la France des suites de maladie contractée en captivité ». Il repose au cimetière de Guéret, dans la Creuse, dont le conservatoire de musique porte le nom depuis 2007.
S'inscrivant dans la lignée de l'école franckiste, opposé à l'esprit romantique, Émile Goué nourrissait une prédilection pour Bach et les musiciens de la Renaissance. Parti des modes anciens, Émile Goué estimait nécessaire au tempérament français, par tradition, l'affirmation de la tonalité, mais une tonalité élargie allant sans complexe jusqu'à la polytonalité. Compositeur de son temps, Goué appréhende parfaitement les évolutions du langage musical et développe sa propre technique qu’il nomme « simultanéité chromatique », variante de la polymodalité sur une même tonique. Son tempérament de constructeur soucieux d'unité lui fit préférer l'utilisation d'un seul thème engendrant toute l'œuvre. Ses préoccupations architecturales se firent de plus en plus impérieuses dans ses derniers opus (Quintette, IIIe Quatuor, Prélude, Aria et Final…) sans étouffer toutefois le lyrisme et le sens épique. Parce qu'« il ne faut pas cacher le vide de la pensée sous des efflorescences de contrepoint » son style, par dépouillements successifs, parvint à son aboutissement en captivité.
Charles Koechlin le caractérisait avec justesse : « C'est avant tout un sensible, un lyrique. Cependant il garde un constant besoin d'ordre : cartésien dont l'art ne s'abandonne pas à la fantaisie de l'improvisation. La forme monothématique que souvent il affectionne, s'affirme chez lui extrêmement volontaire. C'est infiniment sérieux, âpre souvent, étrange même, parfois assez austère, tragique aussi. Mais à l'occasion il atteint une réelle beauté (ainsi dans l'andante de sa Sonate pour piano et violon). J'ai déjà parlé de l'émotion qui se dégage d'un Psaume écrit en captivité. Nul doute qu'une pareille émotion ne se dégage également de plusieurs autres de ses œuvres. Ce n'est pas un amuseur. Ce n'est pas, même, un adroit charmeur. Il y a souvent chez lui quelque chose de fruste. Mais c'est un être vivant, qui aime, qui souffre, qui a pitié. [...] Ce qu’il laisse est assez significatif pour mériter d’échapper à l’oubli »[1].
« J'ai compris que se résigner aux humbles besognes journalières me met en contact avec les préoccupations les plus essentielles de la Vie, et développe en moi ce don de générosité qu'il faut à tout prix cultiver ». Goué restait tourmenté au plus haut point par le problème métaphysique. Sa noble et inquiète spiritualité confère à ses œuvres une profondeur sincère et pose les questions essentielles. Exacerbée par l'expérience des camps, cette intériorité confère au message d'Émile Goué son accent d'authentique originalité. Univers rude où l'homme cherche sa voie à tâtons, angoissé par son destin, mais qu'illumine parfois un rayon d'espérance. Ces préoccupations rejoignent notre triste actualité : il y a du Rouault dans cette musique, des faces exsangues, cernées de noir, qui crient leur désespoir dans un monde incendié.
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