En théorie des probabilités et en statistiques, la loi de Poisson est une loi de probabilité discrète qui décrit le comportement du nombre d'événements se produisant dans un intervalle de temps fixé, si ces événements se produisent avec une fréquence moyenne ou espérance connue, et indépendamment du temps écoulé depuis l'événement précédent.
Faits en bref Paramètres, Support ...
Loi de Poisson
Fonction de masse Les fonctions de masse ne sont définies que pour les entiers k.
Fonction de répartition Les fonctions de répartition sont discontinues en chaque entier naturel.
La loi de Poisson est également pertinente pour décrire le nombre d'événements dans d'autres types d'intervalles, spatiaux plutôt que temporels, comme des segments, surfaces ou volumes.
Histoire
La loi de Poisson a été introduite en 1838 par Denis Poisson (1781–1840), dans son ouvrage Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile[2]. Le sujet principal de cet ouvrage consiste en certaines variables aléatoires qui dénombrent, entre autres choses, le nombre d'occurrences (parfois appelées «arrivées») qui prennent place pendant un laps de temps donné.
Définition
Si le nombre moyen d'occurrences dans un intervalle de temps fixé est λ, alors la probabilité qu'il existe exactement k occurrences (k étant un entier naturel, k = 0, 1, 2…) est
où:
k! est la factorielle de k. Il correspond à la valeur étudiée;
λ est un nombre réel strictement positif[1]. Il correspond à la moyenne théorique de l'échantillon.
On dit alors que X suit la loi de Poisson de paramètre λ, noté .
Par exemple, si un certain type d'événements se produit en moyenne 4 fois par minute, pour étudier le nombre d'événements se produisant dans un laps de temps de 10 minutes, on choisit comme modèle une loi de Poisson de paramètre λ=10×4=40.
Calcul de p(k)
Ce calcul peut se faire de manière déductive en travaillant sur une loi binomiale de paramètres . Pour T grand, on démontre que la loi binomiale converge vers la loi de Poisson.
Il peut aussi se faire de manière inductive en étudiant sur l'intervalle [0; T] les fonctions Fk(t), qui donnent la probabilité que l'événement se produise k fois sur l'intervalle de temps [0; t]. En utilisant la récurrence et du calcul différentiel, on parvient à retrouver les formules précédentes[3].
Propriétés
Dans toute cette section X est une variable aléatoire suivant une loi de Poisson de paramètre λ.
Soit X une variable aléatoire suivant une loi de poisson de paramètre λ. On rappelle que par définition .
Espérance
Variance
Fonction génératrice
On rappelle que la fonction génératrice de X est définie par
. Ainsi on obtient:
Fonction génératrice des moments
On rappelle que la fonction génératrice des moments de X est définie par
. Ainsi on obtient:
Moments factoriels
Moments
Les nombres de Stirling de seconde espèce vérifient la relation
.
Ainsi, en utilisant la formule des moments factoriels d'une loi de Poisson ainsi que la linéarité de l'espérance on conclut que
.
Diagramme en bâton
Comme toute loi de probabilité discrète, une loi de Poisson peut être représentée par un diagramme en bâtons. Ci-dessous sont représentés les diagrammes en bâtons des lois de Poisson de paramètres 1, 2 et 5.
Lorsque le paramètre λ de la loi de Poisson devient grand, (pratiquement lorsqu'il est supérieur à 5), son diagramme en bâton est correctement approché par l'histogramme d'une loi normale d'espérance et de variance égales à λ (l'intervalle de classe étant égal à l'unité). Cette convergence était mise à profit, avant que les moyens informatiques ne se généralisent, pour utiliser la loi normale en lieu et place de la loi de Poisson dans certains tests.
Stabilité de la loi de Poisson par la somme
Si les variables {Xi}i=1,...,n sont indépendantes et suivent une loi de Poisson de paramètres respectifs λi, alors leur somme suit une loi de Poisson de paramètre la somme des λi:
Démonstration
On montre le cas n = 2, les cas supérieurs se déduisent par récurrence.
On rappelle que
On a alors
L'indépendance a été utilisée à la 2e égalité. La dernière égalité est obtenue via la formule du binôme de Newton.
Ces bornes peuvent se réécrire de la manière suivante[8]
pour tout x > 0 et
pour tout λ > x > 0
où pour tout . Ces dernières bornes impliquent en particulier la borne suivante[8] (qui est plus faible mais plus agréable à manipuler)
.
La borne supérieure donnée par Chernoff peut être améliorée d'un facteur 2 au moins[9]
pour tout x > 0.
Il est à noter que la fonction h est liée à la divergence de Kullback-Leibler entre une loi de Poisson de paramètre x + λ et une loi de Poisson de paramètre λ. En effet on a la relation
.
Simulation
Un algorithme simple pour simuler la loi de Poisson consiste à utiliser le résultat suivant:
Théorème—Soit (Ei)i ≥ 1 une suite de variables aléatoires indépendantes et de même loi exponentielle de paramètre λ. On pose S1 = E1 et pour n ≥ 2, Sn = E1 + ... + En. On a alors:
La méthode de la transformée inverse permet de donner une façon simple de générer un tirage aléatoire suivant une loi exponentielle:
Si U suit une loi uniforme sur [0; 1], alors E = –1/λln(U) suit une loi exponentielle de paramètre λ.
En générant les par l'intermédiaire de variables aléatoires , On a ainsi et, en notant :
L'algorithme peut ainsi se simplifier en:
k ← 0, p ← 1
tant que p > e–λ
on tire u selon un tirage aléatoire uniforme sur [0; 1]
Si X et Y sont deux variables aléatoires indépendantes qui suivent des lois de Poisson de paramètres respectifs λ et μ, alors X – Y est une variable aléatoire qui suit une loi de Skellam de paramètres (λ,μ).
Si X et Y sont deux variables aléatoires indépendantes qui suivent des lois de Poisson de paramètres λ et μ, alors la loi conditionnelle de X sachant X + Y est une loi binomiale.
Pour de grandes valeurs de λ, on peut approcher la loi de Poisson par la loi normale de moyenne λ et de variance λ.
Le décompte des événements rares se fait souvent au travers d'une somme devariables de Bernoulli, la rareté des événements se traduisant par le fait que les paramètres de ces variables de Bernoulli sont petits (ainsi, la probabilité que chaque événement survienne est faible). Le lien entre la loi de Poisson et les événements rares peut alors s'énoncer ainsi:
Paradigme de Poisson— La somme Sn d'un grand nombre de variables de Bernoulli indépendantes de petit paramètre suit approximativement la loi de Poisson de paramètre
L'inégalité de Le Cam précise le paradigme de Poisson: soit un tableau de variables aléatoires de Bernoulli indépendantes, avec paramètres respectifs pk,n. On note
Le cas particulier an=n, pk,n=λ/n, λn=λ, de l'inégalité de Le Cam, précise la rapidité de convergence de la loi binomiale de paramètres n et λ/n vers la loi de Poisson de paramètre λ.
Domaines d'application
Le domaine d'application de la loi de Poisson a été longtemps limité à celui des événements rares comme les suicides d'enfants, les arrivées de bateaux dans un port ou les accidents dus aux coups de pied de cheval dans les armées (étude de Ladislaus Bortkiewicz[12]).
Mais, depuis la fin du XXesiècle, son champ d'application s'est considérablement élargi. On l'utilise beaucoup dans les télécommunications (pour compter le nombre de communications dans un intervalle de temps donné), le contrôle de qualité statistique (nombre de défauts en SPC), la description de certains phénomènes liés à la désintégration radioactive (la désintégration des noyaux radioactifs suivant, par ailleurs, une loi exponentielle de paramètre noté aussi lambda), la biologie (mutations dans l'expérience de Luria et Delbrück, nombre de potentiels d'actions émis par un neurone en neurosciences), la météorologie, la finance pour modéliser la probabilité de défaut d'un crédit, le Yield Management (American Airlines, Lufthansa et SAS pour estimer la demande de passagers),etc.
La loi de Poisson est également utilisable dans le cadre sportif. Elle peut être utilisée afin d'effectuer des prédictions statistiques sur le nombre de buts inscrits lors d'un match. Les probabilités issues de ce modèle permettent aux bookmakers de définir leurs cotes.
Avec les conventions habituelles 0! = 1 et 00 = 1, la définition de la loi de Poisson s'étend à λ = 0: on trouve alors p(0)=1 et, dès que k>0, p(k)=0. Ainsi une variable aléatoire nulle presque sûrement peut être vue comme suivant la loi de Poisson de paramètre 0. Cette convention est cohérente avec les propriétés essentielles de la loi de Poisson de paramètre strictement positif. Elle est commode, voire indispensable, par exemple lors de l'étude des processus ponctuels de Poisson.
Voir par exemple, Michel Henry, Autour de la modélisation en probabilités, Presses universitaires de Franche-Comté, (présentation en ligne), p.229-231 ou encore ces notes de cours.
(en) Michael Mitzenmacher et Eli Upfal, Probability and Computing: Randomized Algorithms and Probabilistic Analysis, Cambridge UK, Cambridge University Press, (ISBN978-0-521-83540-4, lire en ligne), p. 97
(en) Michael Short, «Improved Inequalities for the Poisson and Binomial Distribution and Upper Tail Quantile Functions», International Scholarly Research Notices, vol.2013, (DOIhttps://doi.org/10.1155/2013/412958, lire en ligne)
(en) L. Le Cam, «An Approximation Theorem for the Poisson Binomial Distribution», Pacific Journal of Mathematics, vol.10, no4, , p.1181–1197 (lire en ligne, consulté le ).