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récit retraçant les aventures de l’explorateur marchand vénitien Marco Polo au XIIIe siècle De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le Livre de Marco Polo (aussi connu en français sous les titres Le Devisement du monde et Le Livre des merveilles, en italien sous celui d'Il Milione, et en anglais comme The Travels of Marco Polo) décrit l'empire sino-mongol de Khubilai Khaan, pour lequel Marco Polo a été « messager » ou émissaire impérial de 1275 à 1290. Ce livre est considéré comme ayant fait faire un pas de géant à la géographie pour avoir décrit l'Asie et, en mer de Chine et océan Indien, depuis le Japon jusqu'à Madagascar.
Le Livre de Marco Polo | |
Une page d'un manuscrit du Livre de Marco Polo racontant la bataille contre les éléphants du roi de Birmanie (ms. A2, BnF fr. 2810, en ligne). | |
Auteur | Marco Polo et Rusticien de Pise |
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Pays | Italie (écrit en ancien français) |
Genre | Description de l'Asie et de l'empire sino-mongol de Khubilai Khaan |
Lieu de parution | Gênes |
Date de parution | 1298 |
Type de média | Manuscrit |
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Faire connaître différents peuples et les particularités de diverses régions du monde est le but fixé par les premiers mots du Livre. Au long de ses itinéraires, il rapporte une multitude d'historiettes, historiques ou piquantes ou miraculeuses, et surtout raconte l'histoire des Mongols de Gengis Khan, les institutions de la Chine de Khubilai Khaan, avec ses fastes durant ses chasses et ses fêtes dans sa ville de Pékin (Khanbalik).
Rédigé d'abord en 1298 dans un français parsemé d'italianismes, puis corrigé à partir de 1307, ce livre comporte un prologue relatant le premier voyage en Chine du père et de l'oncle de Marco Polo, et leur second voyage avec Marco. Ce prologue est suivi de quatre itinéraires : depuis Acre vers la Chine – depuis Pékin vers le Yunnan et les États au sud de la Chine – depuis Pékin vers Hangzhou et le port de Quanzhou – enfin l'espace entre le Japon et Madagascar en passant par Sumatra et l'Inde.
Ce livre a donné lieu à de nombreuses éditions et traductions sous divers titres, et à d'innombrables études qui confirment la véracité de la plupart des nombreux faits consignés.
Le livre qui a rendu Marco Polo mondialement célèbre est la première description européenne de l'ensemble de l'Orient : Perse, Asie centrale, Extrême-Orient, Inde et océan Indien. Antérieurement Jean de Plan Carpin (1182-1252) et Guillaume de Rubrouck avaient décrit leur voyage au pays des Mongols, mais ils l'avaient écrit en latin et ils n'avaient pas pénétré aussi loin en Extrême-Asie[1]. Le Livre de Marco Polo est aussi le plus ancien des livres en langue européenne moderne, non en latin, qui soit resté populaire[n 1].
Ce livre décrit les immenses possessions de l'empire sino-mongol qui fut le plus vaste empire continental de l'histoire du monde, ainsi que le Grand Khan et empereur de Chine Khubilai, qui fut l'un des hommes les plus puissants de l'Histoire – sinon le plus puissant de tous[2] – avec le faste de ses fêtes et son mode de gouvernement.
Ce n'est pas à proprement parler un récit de voyage, car il n'évoque que de façon discrète l'expérience vécue par son auteur[3] – sauf peut-être quand il s'agit du charme des courtisanes de Hangzhou[4].
À la fois récit de belles histoires comportant parfois des éléments légendaires présentés comme tels, description de villes et d'institutions de pays lointains, relation de mœurs étranges, parfois cocasses ou piquantes[5] , ce livre fut aussi un guide utile pour les marchands en route vers l'Asie, quoique son auteur n'ait pas été lui-même en Chine un commerçant[6],[7], mais un officiel employé par le palais impérial[8]. Il a aussi beaucoup contribuer aux progrès de la géographie.
« Et si dans la longue série des siècles on cherche quels sont les trois hommes qui ont le plus contribué aux progrès de la connaissance du globe, le modeste nom du voyageur vénitien vient se placer sur la même ligne que ceux d’Alexandre-le-Grand et de Christophe Colomb. »
— Walckenaer, Histoire générale des voyages[9].
Le Livre de Marco Polo est actuellement connu par quatre sources.
À cause de l'intérêt exceptionnel du Livre de Marco Polo, chacun des manuscrits parvenus jusqu'à nous a donné lieu à un examen philologique minutieux. Il en est résulté une classification en six familles, avec sous-classes. Principalement initié par L. F. Benedetto en 1928, l'effort d'analyse et de classification des manuscrits a été poursuivi par de nombreux philologues italiens (dont l'édition digitale Ca'Foscari représente un des achèvements) et français (dont Ph. Ménard et son équipe).
Quatre familles principales de manuscrits sont retenues :
La rédaction de Ramusio (R) n'est pas un manuscrit mais un imprimé, pourtant elle est la meilleure rédaction en italien et elle inclut de nombreuses additions[n 7].
Le grand succès de ce Livre depuis sa première compilation en 1298 l'a rendu particulièrement recherché pour les bibliothèques des rois et des seigneurs. Le roi de France Charles V en avait cinq dans sa bibliothèque et son frère, le duc de Berry en possédait trois[51]. Voici les manuscrits encore conservés qui sont les plus importants pour l'édition contemporaine.
Pour la compilation initiale, un seul manuscrit :
Pour le texte issu de Cepoy, mis en français correct avec des corrections de l'auteur :
Pour les additions ultérieures émanant de M. Polo :
Pour les enluminures, parfois très belles (quoique le pinceau des enlumineurs illustrait ce qu'ils n'avaient jamais vu et qu'ils avaient peine à imaginer[51]) : les manuscrits français issus de Cepoy sont pratiquement les seuls à en avoir[54].
Toutes les sources ne sont pas d'égale valeur, et les manuscrits en dialectes italiens et en latin sont notoirement abrégés par rapport à la compilation initiale qui est leur source commune. En ne retenant que les trois premières parties, puisque la quatrième est souvent omise, le décompte des mots des diverses rédactions publiées par l'édition digitale de Ca' Foscari montre que, par rapport au nombre de mots de la compilation initiale : sa rédaction "L" en comporte environ 39 % – "P", 44 % – "Z", 53 % – "VA" et "VB", 60 % – "V", 71 %. – "TA2" de Lanza[48] en comporte 55 %.
Ces chiffres sont plutôt surévalués, car ces éditions fusionnent le texte de plusieurs manuscrits (6 mss. pour "L").
La rédaction corrigée dite française, outre ses améliorations de la forme (orthographe, syntaxe, etc.), comporte des modifications du texte voulues par M. Polo. Elle « porte sur beaucoup de points des traces évidentes d'une révision de Marc Pol, et de modifications que lui seul pouvait opérer[60] », elle contient « un assez grand nombre de passages d'authenticité non douteuse, c'est-à-dire dont la substance ne peut avoir été fournie que par Marco Polo lui-même, qui font absolument défaut dans la première rédaction. Il y a ainsi preuve certaine qu'une révision, une au moins, fut opérée, par Marco en personne, de 1298 à 1307[61] ». — Les modifications les plus saillantes sont les premiers mots (« Pour savoir la pure vérité... ») et la suppression du prénom Marco au ch. 145, mais il y en a beaucoup d'autres[62].
Une partie des améliorations voulues par M. Polo ne se trouve pas dans la série B des copies, ce qui les fait paraître plus proches de la compilation initiale, ou suggère que la série A a bénéficié d'une révision supplémentaire par l'auteur.
Cependant la compilation initiale, le ms. F BnF 1116 reste une référence car il comporte des passages ou détails omis ensuite. Ainsi, dans la rédaction corrigée, disparaît toute une partie d'un chapitre qui raconte l'histoire de Sakyamuni Bouddha.
Le Livre de Marco Polo est présenté sous différents titres, qui sont repris des premiers mots (incipit) des manuscrits[n 16].
Des divers titres extraits des incipits des manuscrits, à vrai dire seuls conviennent : Le Livre de Marco Polo, ou Le Livre du Grand Khan puisque Khubilai Khaan en est le sujet central.
Le Livre a d'abord été rédigé en prison à Gênes en 1298 par Marco Polo avec Rusticien de Pise, un écrivain Pisan écrivant en français[65], célèbre pour sa compilation vers 1271 des romans de la Table ronde[66]. Cette première rédaction en français a rapidement été traduite dans les dialectes de l'Italie du Centre (florentin, pisan) et du Nord (vénitien, émilien, lombard), et de là en latin.
Le fait que la compilation initiale a été rédigée en français peut s'expliquer ainsi :
« La rédaction française du Voyage de Marco Polo et les autres ouvrages composés en français par des Italiens, montrent qu'à cette époque où toutes les langues néo-latines étaient encore presque confondues, où l'influence provençale venait de ranimer la poésie italienne, où plusieurs poètes italiens écrivaient en provençal, la langue italienne n'avait pas encore prévalu dans toute l'Italie. Alors, les nations n'avaient fixé ni leur langage ni leurs limites. »
— Guglielmo Libri[67].
Rusticien de Pise a donné une compilation initiale dont le français est fautif quant à l'orthographe et à la syntaxe[11]. Le texte comporte des italianismes[68],[69] morphologiques et lexicaux[70], mais il dit explicitement être en français[65]. Ce que Jean le Long d'Ypres confirme en 1350 : « ce livre a été écrit en français (librum in vulgari gallico composuit)[71] ». Jean Lebeuf le répète en 1741 : « Un nommé Marc, qui avait été envoyé en Tartarie et aux Indes, fit en français un livre des merveilles de ce pays-là[72] ».
La preuve que la langue initiale était le français a été apportée en 1827 par le comte Baldelli Boni[73]. Étudiant les plus anciens manuscrits en dialectes italiens, dont l'un est antérieur à 1310, il trouvait de nombreux gallicismes prouvant que « ce document est traduit du français (la presente opera è versione dal francese)[74] ». Son avis a été aussitôt partagé[75],[76].
Les nombreuses erreurs de syntaxe et d'orthographe de la compilation initiale ont été amendées à partir de 1307, donnant naissance à la rédaction corrigée dédiée à Charles de Valois[n 6]. Sa langue est intermédiaire entre l'ancien français et le moyen français[77] (et pour le ms. B1 « avec, ici et là, une coloration dialectale picarde, surtout sensible dans les faits de graphie et de phonétique[78] »). Le texte pour cette rédaction corrigée a été remis par M. Polo à Thibaut de Cepoy qui était en Italie entre 1306 et 1308[79] — avant de partir sur des bateaux vénitiens pour tenter de reconquérir l'empire de Constantinople[n 19].
Les deux exemples suivants montrent comment les copistes de Cepoy ont corrigé et mis en français plus correct la langue approximative de la compilation initiale :
Ou, avec les poules noires du chapitre 154, qui se calque sur l'italien :
Que la compilation initiale du Livre de Marco Polo avait été écrite en français devint l'opinion générale après les travaux du comte Baldelli Boni :
« Le comte Baldelli Boni constata que son texte italien n'était qu'une traduction du texte français, encore plus ancien qu'elle. Les arguments qu'il fournissait étaient décisifs : les fautes trop visibles de la traduction italienne laissaient apercevoir la leçon originale … Tous ceux qui, depuis Baldelli Boni, ont pris part à la discussion ont été unanimement de cet avis, qu'ils fussent eux-mêmes Français, ou Italiens ou Anglais. MM. Paulin Paris [1833, 1850] et d'Avezac [1841] sont d'accord avec MM. Hugh Murray [1844], Thomas Wright [1854] et Vicenzo Lazari [1847] »
— Barthélemy Saint-Hilaire (1867)[81].
La locution « franco-italien » pour désigner le manuscrit F BnF 1116 qui représente la rédaction initiale est apparue à peu près à la même époque[82], et cette expression « franco-italien » est couramment employée depuis l'édition par L. F. Benedetto en 1928 de ce même manuscrit[83]. Cette formulation est excellente pour rappeler que l'œuvre est toute italienne, mais paraît mal adaptée pour désignée la langue, car le texte de F n'est pas écrit en italien parsemée de traits français, mais au contraire en langue française d'oïl[84] avec des formes, expressions et mots italiens plus ou moins francisés.
C'est ainsi qu'Alvise Andreose, qui a étudié ce manuscrit afin d'analyser ses expressions et graphies pouvant être caractérisées comme italiennes (vénitiennes ou lombardes, florentines ou pisanes), a conclu que « En tout cas, ce qu'on peut dire avec certitude est que le label ‘franco-italien’ apparaît inappropriée (unfit)[85] ». Simon Gaunt en 2013 paraît du même avis : « a misleading designation[86] ». Quant à L. F. Benedetto, il disait du ms. F qu'il « n'est pas possible de (le) rapprocher ni confondre avec aucune des autres productions franco-italiennes de l'époque[87] », parce qu'en dépit de ses « traces d'italianité », il démontre une connaissance considérable de la langue française.
Au début du XXIe siècle, prenant l'expression comme désignant la langue et non le manuscrit seulement, une école a tenté d'introduire l'idée que la compilation initiale avait été écrite, non en « franco-italien » mais « en franco-vénitien »[88]. Il est pourtant établi que la compilation initiale représentée par le ms. F BnF no 1116 italianise son français avec nettement moins de formes vénitiennes ou d'Italie du Nord que de formes toscanes de Pise ou de Florence[89]. En outre Chiara Concina, qui dans une première étude avait adopté l'expression “franco-vénitien” pour caractériser la langue de deux folios d'un fragment dit f
de la compilation initiale, a par la suite cosigné avec Alvise Andreose un article qui conclut au contraire que ce fragment révèle « une base graphico-linguistique essentiellement toscane », sur laquelle ne se greffent que quelques éléments d'Italie du Nord[90]. Ce que confirme Ph. Ménard[91].
Deux théories sont en concurrence pour expliquer les circonstances des premières rédactions du Livre de Marco Polo.
La première théorie a été exposée par Paulin Paris en 1850 dans un célèbre discours devant les cinq chambres réunies de l'Institut de France[92]. C'est la théorie du work in progress. Elle repose sur l'avant-propos du ms. F Bnf no 1116, et sur le certificat d'origine[n 6] attaché aux mss. B3, B4, B5 de la rédaction corrigée. Son explication est la suivante : il y eut une compilation en français rapide faite dans la prison de Gênes en 1298, suivie d'une recopie effectuée par des mains françaises (les copistes de Thibault et Jean de Cepoy), qui ont corrigé la langue et intégré des corrections de fond apportées par l'auteur à partir de 1307[93]. Les différences entre les sous-classes A et B des manuscrits de cette famille suggèrent qu'il y eut au moins deux sessions de corrections à partir de 1307. En tout cas, ces corrections n'ont pas pu être effectuées loin de l'auteur, car beaucoup comportent des précisions que lui seul pouvait connaître. La conception work in progress a été prouvée par plusieurs notes de G. Pauthier dans l'édition par Firmin Didot en 1865 du Livre de Marco Polo, lesquelles montrent que la série B n'a pas bénéficié d'autant de corrections d'auteur que la série A[94],[95],[42].
La seconde théorie est due à L. F. Benedetto en 1928. Elle est exposée en italien dans la première partie de son édition du ms. F (p. xxxi), et en anglais dans l'introduction à son édition anglaise par Denison Ross[96]. Son explication est la suivante : il y aurait eu un manuscrit premier, dit l'original perdu, réputé complet, qui aurait contenu tous les récits, même ceux qui apparaissent tardivement[97],[n 12]. De ce supposé original auraient découlé deux manuscrits différents, également perdus, d'où proviendraient d'une part les mss. ressemblants au ms. F BnF n° 1116, et d'autre part les mss. comportant des innovations apparentées à la rédaction de Ramusio publiées en 1559. Cette théorie a été acceptée par beaucoup de commentateurs depuis 1928, quoiqu'elle tire argument de sources inexistantes.
Du point de vue de cette théorie de l'original complet mais perdu, le ms. F Bnf no 1116 est réputé meilleur, car “plus proche” du supposé original perdu. Au contraire, du point de vue de la théorie work in progress, la rédaction issue de Thibault de Cepoy est réputée meilleure (à l'exception des passages reconnus plus corrects dans F et de ses ch. supplémentaires), car mieux écrite, intégrant des corrections d'auteur, et qu'étant dédiée à un prince de France, elle bénéficie d'une authentification formelle. De même, la rédaction de Ramusio est meilleure que les traductions initiales en dialectes italiens et en latin, parce qu'elle standardise la langue et qu'elle contient des informations ajoutées après 1310 par M. Polo.
En 2019, une découverte[98] donne un nouvel essor à la conception work in progress. En établissant la proximité de M. Polo avec les dominicains de Saint-Jean-et-Saint-Paul à Venise, elle suggère qu'il a travaillé avec eux pour étoffer la traduction succincte en latin de Pipino ; de là viendrait les additions trouvées dans Ramusio ; le codex Z en serait un produit[98] ; il y aurait donc eu tentative de révision en langue latine sous les auspices des dominicains, faisant pendant à la révision en langue française sous les auspices des Cepoy.
La compilation initiale a été fréquemment traduite et recopiée au début du XIVe siècle (Ramusio dit qu'en peu de mois toute l'Italie en fut pleine[99]) et ce succès a été durable. En 1430, un voyageur raconte que la ville de Venise en avait attaché un exemplaire avec une chaîne dans un lieu public pour que chacun puisse le lire[100].
Beaucoup de commentateurs ont affirmé que M. Polo n'avait pas été cru de son vivant. Mais deux spécialistes, C. Dutschke et C. Gadrat, ont étudié la réception du livre aux Modèle:Sp2- et démentent cette supposée incrédulité de ses contemporains. Dutschke donne de nombreuses citations positives[101] et Gadrat a cette conclusion : « Loin d'avoir été rejeté ou d'avoir suscité la méfiance, le récit de Marco Polo a au contraire été considéré non seulement comme fiable, mais encore comme une source remarquablement riche d'informations. Il acquiert même rapidement, aux yeux de nombreux auteurs, un statut d'autorité[102] ».
En 1375, l'Atlas catalan inclut une carte de la Chine avec une trentaine de toponymes du Livre de Marco Polo. En 1450, le cartographe Fra Mauro inclut tous ses toponymes dans sa carte du monde qui a servi de référence durant trois siècles.
Au XIVe siècle, le Livre ouvre la voie à des marchands voyageurs italiens. Ainsi Pegolotti dont le livre La mercatura consigne les règles du commerce en Asie (et dont le vrai titre : Libro di divisamenti di paesi, ressemble à l'un des titres du Livre de M. Polo). Ainsi Andalò da Savignone qui effectue plusieurs voyages en Asie (dont une ambassade d'un Grand Khan vers le pape en 1336, comme les frères Polo en 1266)[103]. Ainsi Galeotto Adorno[104] et Gabriele Basso[105]. Sans compter aux XVe et XVIe siècles Christophe Colomb[25] et Vasco de Gama.
Des contemporains de M. Polo louent sa véracité. Ainsi le frère Pipino se porte garant de la vérité du Livre dans sa préface : « que tous ceux qui le liront sachent que le susdit messire Marco, le narrateur de ces choses extraordinaires, est un homme prudent, fidèle et pieux, et que sa relation est digne de confiance. Son père, messire Nicolo, homme prudent, raconte toutes ces choses de la même manière. Son oncle messire Matteo ... à l'article de la mort confirma fermement à son confesseur que le livre contient la vérité[106] ». Pipino n'aurait pas pu écrire cela sans l'accord de sa hiérarchie, et les dominicains étaient des spécialistes de l'Orient.
Pietro d'Abano, l'un des plus grands esprits de son temps, a laissé ce fort compliment : « Marc le Vénitien est de tous ceux que j'ai connus, celui qui a le plus parcouru le globe et a été l'observateur le plus attentif[107] ». Peu de temps après, le premier légat du pape envoyé à Pékin en 1343, Jean de Marignolli est catégorique en parlant de M. Polo et d'Odoric : « Ces auteurs ne mentent pas ».
Le livre comporte un avant-propos, un prologue et quatre parties, avec un nombre de chapitres variable selon les manuscrits : entre 192 et 232[n 20].
Le Livre se présente comme un recueil de « merveilles » (au sens ancien : étonnant, surprenant, voire effrayant[n 18]) et de belles histoires. Mais sa trame est une base continue d'informations plus précises, nombreuses et exactes que la légèreté des récits et la simplicité de la langue ne laissent supposer.
De nombreux chercheurs ont depuis le XVIIe siècle confirmé un nombre incommensurable d'informations contenues dans le Livre de Marco Polo, mais trois chapitres cristallisent un soupçon d'exagération :
Quant au premier, le texte ne dit pas qu'il fut ‘gouverneur’ à Yangzhou, mais qu'il y « eut seigneurie durant trois ans par le commandement du Grand Khan[122] », ce qui n'est pas incompatible avec son emploi de « messager[123] », c'est-à-dire émissaire impérial chargé de transmettre des ordres et de faire rapport sur leur mise en œuvre, sans se mêler de l'exécution laissée à l'administration locale, laquelle devait impérativement obéir aux ordres de l'Empereur transmis par ses messagers[124],[125].
Quant au second, les meilleures rédactions (A, C et Ramusio) ont supprimé la mention “et messire Marc” ajoutée fautivement par un copiste. Le récit concerne le père et l'oncle de Marco durant leur premier voyage. Dès lors le récit devient crédible puisqu'il ne dit que ceci : qu'il « proposèrent » et « firent faire » des perrières, tandis que ces armes étaient très connues à l'arsenal de Venise dont elles étaient une spécialité.
Quant au troisième, Guillaume Pauthier[126] et Hans Ulrich Vogel[127] ont démontré que le montant énoncé par M. Polo, quoiqu'énorme, est compatible avec une statistique chinoise qui a été retrouvée. À cause du caractère mathématique de cette démonstration, Pauthier disait qu'« aucune preuve plus frappante de la véracité scrupuleuse de Marc Pol ne pouvait être fournie[128] ».
Du fait que le Livre ne parle pas explicitement de diverses réalités chinoises (sinogrammes, Grande Muraille, thé, pieds bandés, pêche au cormoran...), quelques commentateurs ont tenté d'en tirer argument contre les récits de Marco Polo[129], quoiqu'une absence ne saurait constituer une preuve : « l'argument ex silentio est au plan de la méthode un faux argument[130] ».
À ces critiques, M. Polo oppose ses ultimes paroles, sur son lit de mort, à ceux qui lui demandaient de rétracter ce qui dans son Livre allait au-delà des faits : « Je n'ai pas écrit la moitié de ce que j'ai vu[131] ».
Marco Polo est souvent représenté comme un ‘voyageur’ et un ‘explorateur’. Cependant son Livre nous le montre parcourant beaucoup de « journées » de cheval, mais à titre officiel : attaché d'ambassade à l'aller, messager de l'empereur en Chine, enfin chargé de « messagerie » à son retour[132]. Il n'était pas un ‘voyageur’ qui voyage pour son agrément ou pour ses propres recherches, mais un « messager » portant tablette de commandement en or, logé dans les relais impériaux luxueux[133].
D'autre part, le Livre décrit des lieux où M. Polo n'est pas allé. Les itinéraires sont littéraires, reconstruits, « il est même impossible de fixer exactement sa route[134] ».
« Vouloir, par habitude, faire du Devisement un récit de voyage est manifestement une erreur... (Il y a des) pays hors itinéraires et pourtant décrits, réintroduits d’une façon artificielle dans le cours du discours... Marco, dans son livre, ne suit pas son itinéraire... il s’agit d’une narration, pour faire connaitre les pays et non l'aventure personnelle d’un seul homme.[135] »
Aux trajets effectivement parcourus se greffent des pays adjacents, qu'il ne prétend pas avoir visités, mais qui, soit appartenaient à l'empire mongol (ch. 21-28[n 11] : Bakou, Géorgie, Irak – ch. 51 : Samarcande – ch. 58-70 : Dzoungarie, Mongolie, Sibérie), soit étaient plus ou moins inféodés (ch. 120-127 : Birmanie, nord de la Thaïlande et du Vietnam), soit étaient en relations commerciales pouvant déboucher sur leur soumission (ch. 47-48 : Cachemire – ch. 158, 162 : Japon, Java – ch. 183-190 : Ouest de l'océan Indien).
— Le sujet du Livre n'est pas le ‘voyageur’ Marco Polo mais l'empire de son maître, l'empereur sino-mongol qui a réunifié la Chine : Khubilai Khaan. J. Heers le résume : « Le livre écrit par Marco Polo et Rusticello n’est pas le récit des voyages des Vénitiens. C’est un traité encyclopédique qui s’inscrit dans une très longue et vivante tradition[136].
Quant à ‘explorateur’, cela ne saurait être au sens du XIXe siècle. M. Polo ne découvre pas des pays inconnus, mais son Livre révèle à l'Europe des mœurs, des histoires, des pays connus des Chinois. Cependant lui-même s'avère être un chercheur et un bon observateur, ne serait-ce que pour satisfaire son maître, le Grand Khan, qui désirait connaître comment vivaient ses peuples. Le Livre le dit explicitement : Marco Polo « toujours allant et venant de çà et de là en messagerie par diverses contrées, là où le seigneur l'envoyait ... peinait moult pour savoir et pour entendre toute chose qu'il croyait plaire au Grand Kaan ... il mettait beaucoup d'attention à savoir et à espier et à s'enquérir de tout pour le raconter au grand seigneur[137] ».
Ses qualités d'observateur ont été reconnues par son contemporain Pietro d'Abano, l'un des plus grands esprits de son temps, qui a laissé ce fort compliment : « Marc le Vénitien est de tous ceux que j'ai connus, celui qui a le plus parcouru le globe et a été l'observateur le plus attentif[138] ». Dans son Livre, on note particulièrement son attention pour les plantes et les animaux, que les précédents voyageurs avaient rarement mentionnés[139]. Par exemple, sa description de cinq variétés de grues (ch. 73) fait dire à S. Haw que « seul un excellent observateur et bon connaisseur des oiseaux peut donner une information si juste et si précise[140] ».
Enfin il ne faisait pas qu'observer par lui-même : il questionnait, notamment les fonctionnaires locaux, et il prit vraisemblablement beaucoup d'informations dans des livres et documents chinois[141].
Les principales informations sur Le Livre de Marco Polo sont à trouver dans le commentaire des éditeurs ci-dessus, principalement chez Pauthier et Yule.
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