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juriste allemand De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Daniel Paul Schreber, né le à Leipzig et mort le , est un juriste allemand.
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Il est connu pour l'étude de cas de Freud qui s'inspire de l'autobiographie, Mémoires d’un névropathe, publiée sous le titre Le Président Schreber. Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa (Dementia paranoides) décrit sous forme autobiographique (1911).
Remarques psychanalytiques sur l'autobiographie d'un cas de paranoïa (Dementia paranoides) | |
Auteur | Sigmund Freud |
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Genre | Psychanalyse |
Version originale | |
Langue | Allemand |
Titre | Psychoanalytische Bemerkungen über einen autobiographisch beschriebenen Fall von Paranoia (Dementia paranoides), |
Lieu de parution | Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen, 3 (1), p. 9-68 |
Date de parution | 1911 |
Version française | |
Traducteur | Marie Bonaparte, Rudolph Loewenstein (Première traduction) |
Éditeur | PUF |
Collection | Revue française de psychanalyse, 5 (1), p. 2-70 |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1932 |
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Daniel Paul Schreber est le fils de Moritz Schreber, médecin, et le troisième d’une fratrie de cinq enfants.
Il entreprend une carrière dans la magistrature. En , il est nommé président de chambre à la cour d’appel de Dresde. Victime d’insomnies qu’il attribue dans un premier temps à un surmenage, il est rapidement contraint d’entrer en maison de santé. Quelques mois plus tard, en proie à de nombreuses hallucinations, il est suspendu de ses fonctions, mis sous tutelle et placé dans une clinique spécialisée pour malades mentaux.
En 1900, après un procès, il obtient de pouvoir sortir librement de l’asile et de publier son autobiographie, Mémoires d’un névropathe, qui expose en détail sa perception de son délire. Toutefois, certains passages sont censurés par l'éditeur, en particulier le chapitre III, traitant des membres de sa famille d'après les premières lignes écrites qui seules ont été imprimées.
Il meurt à 68 ans en 1911, à la clinique de Dösen, près de Leipzig[1].
Le délire de Schreber s’articule autour d’un système complexe de relations des êtres à Dieu ; celui-ci est censé pouvoir examiner à tout moment les « nerfs » des individus, métonymies de l’être humain. Schreber est persuadé qu’on le persécute parce que ses propres nerfs attirent Dieu.
Après son premier internement (pour cause d'hypocondrie), le président Schreber est reconnaissant envers son médecin, le professeur Paul Flechsig. Ces sentiments sont, selon Freud, mûs par un processus de transfert, dans lequel Schreber prend le médecin comme succédané de personnes significatives successives aimées de lui. Lors d'une absence prolongée de sa femme, partie en voyage sur les conseils de ce médecin, Schreber fait un rêve, accompagné de pollutions nocturnes, dans lequel, selon Freud, il éprouve une forme de désir homosexuel pour ce médecin. Par la suite, quand son épouse rentre de voyage, Schreber l'imagine morte et croit se trouver en présence de son âme qui revient de parmi les morts. Avant que l'humanité n'apparaisse comme détruite aux yeux de Schreber, son épouse est la première à se trouver dans ce cas.
Traditionnellement, le souhait de Schreber de devenir une femme a été reporté à son seul désir, refoulé, pour son médecin, le Pr Flechsig, qui devient alors son persécuteur : « l'être désiré devint maintenant le persécuteur, le contenu de la fantaisie de souhait devint le contenu de la persécution » (Freud, Cinq psychanalyses, p. 444). Par la suite, le délire de persécution de Schreber évolue, et Dieu devient son nouveau persécuteur. C'est là une aggravation du conflit, mais aussi selon Freud, le début d'une résolution de ce conflit, car il accepte alors ses désirs homosexuels, trouvant plus facile à accepter de s'offrir à Dieu. Prend place alors un délire de grandeur pour « rationaliser » ses désirs : s'il est digne d'être persécuté, c'est parce que lui-même est une personnalité puissante. D'ailleurs, même le soleil pâlit devant lui. Il devient alors la femme de Dieu, et sa fantaisie de devenir une femme devient une idée morbide : il rêve de devenir une femme soumise à la copulation car il n'a jamais réussi à avoir d'enfants avec la sienne. Ainsi, le but de Schreber, dans sa paranoïa, est de « repeupler le monde de nouveau-nés à l'esprit schrébérien ». Cette dernière formation délirante indiquerait une puissante identification à sa propre femme : comme s'il devait la remplacer, après l'avoir fantasmée comme morte.
En 1949, Katan, psychanalyste hollandais immigré aux États-Unis, reprend les interprétations sur Schreber, inaugurant ainsi un débat qui durera jusqu'à 1973, avec Niederland, psychanalyste allemand, lui aussi immigré aux États-Unis.
Ils ne sont pas les seuls à participer à ce débat. En 1955, paraît une traduction anglaise des Mémoires, ce qui contribue beaucoup à la diffusion de ce débat[2].
En 1962, un colloque consacré à Schreber a lieu à Atlantic City[3].
En 1981, à New York, outre de nouvelles interprétations psychanalytiques présentées lors d'un nouveau colloque, ce sont un opéra, un ballet, une pièce de théâtre et un film inspirés du cas Schreber, qui sont présentés, ce qui donne lieu à un recueil[4].
Nombre de ces débats, particulièrement à partir des années 1980 sont inspirés par les thèses de Jacques Lacan, Jacques Derrida, Michel Foucault ou Gilles Deleuze.
Lacan a soutenu sa thèse de médecine sur la paranoïa en 1932[5], suivant ensuite l'exemple de Freud dans le cadre de l'élaboration dans les années 1955-1956 de sa théorie des psychoses.
Dans les années 1970, en France, le philosophe Gilles Deleuze et le psychanalyste Félix Guattari en parlent à leur tour, dans le cadre de leur travaux sur le capitalisme et la schizophrénie (L'Anti-Œdipe, 1972).
Une traduction française des Mémoires de Schreber paraît en 1975[6].
En 1979 et en 1981, Han Israëls et Daniel Devreese présentent de nouvelles découvertes sur Schreber. Le premier étudie très précisément les livres de pédagogie du père de Schreber et établit la généalogie de la famille Schreber[1]. Le second resitue le "meurtre d'âme" dans l'histoire allemande et, du coup, montre ses enjeux pour Schreber[7]. Ces deux auteurs, auxquels s'adjoint le Professeur Quackelbeen, découvrent et publient des poèmes de Schreber, écrits après la levée de sa tutelle, ainsi que l'intégralité du dossier de son hospitalisation, ce qui permet de mieux connaître l'évolution de sa psychose[8].
Un important colloque international sur Schreber est organisé à Cerisy-la-Salle en 1993[9].
Les travaux, tant en anglais qu'en français, sur le sujet sont encore aujourd'hui nombreux.
Parmi eux, il importe de mentionner particulièrement ceux de M. Chatel et de C. Azouri, parmi d'autres réunis dans un numéro spécial de la Revue du Littoral[10].
La lecture que fait Lacan des Mémoires d'un névropathe se déploie en deux temps : d'abord, son séminaire sur les psychoses, tenu entre 1955 et 1956[11], dont une partie paraît cette même année 1956 dans la revue La Psychanalyse, ensuite, son article "D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose", paru dans ses Écrits, de 1966[12]. Les enjeux dont chacun est porteur ne sont pas identiques, même si le dénominateur commun d'une approche des psychoses parcourt l'œuvre de Lacan depuis sa thèse de médecine, en 1932. Au cours de son séminaire, Lacan lit attentivement le livre de Schreber. De cette lecture, il dégage l'importance du signifiant, ("le signifiant comme tel ne signifie rien"), de la métaphore et de la métonymie. Ce n'est qu'à la dernière des leçons de ce séminaire, tenue le 4 juillet 1956, que Lacan mentionne ses concepts de forclusion et de Nom-du-Père. Tout autre sont les enjeux de son article de 1966, où il présente le noyau de sa théorie, dit schéma R, ou encore schéma RSI (RSI pour réel, symbolique et imaginaire, dit aussi, encore, son carré magique, où se déploient ses conceptions de la réalité psychique, partant du schéma L ("L'inconscient est le discours de l'Autre") et aboutissant au schéma I, censé expliquer la psychose de Schreber.
Selon Lacan, les hypothèses de Freud quant à l'homosexualité de Schreber seraient fausses, car il n'y a pas de refoulement dans la psychose[réf. souhaitée][13]. L'homosexualité à l'époque de Freud étant considérée comme une perversion, Freud aurait essayé d'expliquer un cas psychotique par les processus de la névrose car c'étaient les seules bases théoriques sur lesquelles il pouvait s'appuyer[réf. souhaitée]. Néanmoins, Lacan accepta le rôle central du médecin Flechsig dans la formation du délire de Schreber et n'y reconnut jamais la contribution de ses fantasmes relatifs à Mme Schreber et à ses six fausses-couches.
L'interprétation que fait Jacques Lacan des Mémoires d'un névropathe constitue son prototype de l'analyse des psychoses. Schreber est à ses yeux le modèle de la structuration psychotique. Lacan pose comme paradigmatique toute une phénoménologie des psychoses qu'il analysera pas à pas[réf. souhaitée]. On connaît déjà son intérêt pour la paranoïa qui, dès 1931, est l'objet d'étude de sa thèse "De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité". L’anecdote dit qu'il envoya cette thèse à Freud lui-même, qui lui répondit seulement : « Merci pour l'envoi de votre travail ».[réf. souhaitée]
Schreber est présent en filigrane dans l’œuvre de Lacan, mais plus particulièrement dans le Séminaire III de 1954-1955 qui a pour titre "Les psychoses"[14]. Le but étant dans ce séminaire d'ouvrir sa théorie du signifiant vers la phénoménologie des psychoses.
C'est précisément à ce moment que Lacan fonde son concept majeur de Forclusion du nom du père comme mécanisme psychique opérant de la psychose. Chez Freud, là où le névrotique « refoule » (Verdrängung) ), le psychotique « rejette » (Verwerfung). Forclusion est un terme puisé par Lacan dans le champ lexical du droit: par l’effet de la forclusion, le titulaire d’un droit perd la faculté de l’invoquer en raison de l'expiration d'un délai d'exercice de ce droit[15]. Ce n'est pas exactement la traduction de la Verwerfung freudienne. Ce n'est pas non plus celle de la Verleugnung freudienne, cette dernière proche du « déni » dans le domaine des perversions[13].
Lacan théorise cette notion et l'explique à partir de l'étude du cas Schreber. La forclusion est le rejet d'un signifiant primordial organisant l'ordre symbolique, qui reparaît dans le Réel sous forme de délire hallucinatoire.
Seront abordés dans le séminaire de 1954 pléthore de thèmes qui visent non pas à l'explication des psychoses mais à leur approche. Lacan théorise le rapport entre la psychose et le grand Autre, l'entrée dans la psychose, l'hallucination verbale, la métonymie et la métaphore, le "point de capiton", la "grand route" et d'autres thèmes qui feront que cette étude marquera un tournant dans l'épistémologie psychiatrique et psychanalytique.
En 1957, Lacan écrit le texte "D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose" (in Les Écrits). Ici sa théorisation se veut plus tranchée et plus complexe; il commence avec l'étude des hallucinations verbales qui selon lui ont été abordées par les scolastiques. Il en critique la tendance idéaliste[réf. souhaitée]. Pour lui le perceptum (monde perçu) ne renvoie pas à une univocité d'un percipiens (sujet percevant) qui aurait fonction de synthèse. Non, ici chez Lacan, l'hallucination n'est pas le défaut d'une demande raison au percipiens d'unifier un perceptum déjà univoque. Lacan poursuit alors toute sa théorisation des psychoses grâce notamment au Schéma I, qui est au fond l'explicitation des rapports entre l'imaginaire, le réel et le symbolique pour le psychotique.[pas clair]
Pour en revenir à la forclusion du Nom-du-père, ce concept lacanien serait donc ce qu'il y a d'opérant dans la psychose, et Schreber serait le modèle clinique de Lacan pour sa théorie de la psychose, tout comme le petit Hans, pour Freud, serait le modèle du complexe d'Œdipe.
L'ouvrage Témoin Schreber, publié par l’École lacanienne de psychanalyse se situe dans le sillage de l'interprétation lacanienne[16].
Gilles Deleuze, dans un article publié en 1968, évoque son intérêt pour Schreber, lors d'un débat avec Félix Guattari et un collectif étudiant : « Je prends un exemple : qu’est-ce que c’est que Schreber, le Président Schreber, le fameux Président Schreber ? Alors on l’avait étudié de très très près, ça nous avait tenus très longtemps. Si vous prenez ce délire, c’est quoi, vous voyez quoi ? C’est tout simple, vous voyez : un type qui ne cesse de, de délirer quoi ? L’Alsace et la Lorraine. Il est une jeune Alsacienne - Schreber est allemand - il est une jeune Alsacienne qui défend l’Alsace et la Lorraine contre l’Armée française. Il y a tout un délire des races. Le racisme du Président Schreber est effréné, son antisémitisme est effréné, c’est terrible. Toutes sortes d’autres choses en ce sens. C’est vrai que Schreber a un père. Ce père, qu’est-ce qu’il fait le père ? C’est pas rien. Le père, c’est un homme très, très connu en Allemagne. Et c’est un homme très connu pour avoir inventé de véritables petites machines à torture, des machines sadiques qui étaient très à la mode au XIXe siècle, et qui ont pour origine Schreber [...] Alors bon, le père, il est inventeur de ces machines. Quand il délire, le Président Schreber, il délire aussi tout un système d’éducation [...] »[17].
Schreber échappe aux seuls domaines de la psychanalyse, de la psychiatrie et de la psychologie par la postérité des œuvres auxquelles a pu donner lieu la richesse de son délire, et dans la mesure où un tel délire s'enracine en amont dans l'héritage culturel dont dispose l'homme cultivé qu'était Daniel Paul Schreber en son temps.
Lorsqu'en 1997, dans son ouvrage Freud et Schreber, les sources écrites du délire, entre psychose et culture, L. E. P. de Oliveira résume nombre d'études anglo-saxonnes sur Schreber, chacune des figures du délire de Schreber y apparaît comme reliée à des éléments culturels précis de l'époque de leur auteur, y compris leurs éléments religieux, liés à Swedenborg.
Schreber Président est un ouvrage collectif de Fabrice Petitjean, Pacôme Thiellement et Adrian Smith (2006), qui fait une large part aux œuvres d'art et à la théologie dans l'approche de Schreber.
En France, Jean Gillibert produit au théâtre son Schreber, et en Italie, Roberto Calasso son Fou impur.
Lors de ses études de lettres, l'écrivaine québécoise Nelly Arcan a produit une recherche sur l'œuvre de Schreber qui a influencé son œuvre de fiction dans laquelle « le thème du suicide est souvent associé aux pathologies des personnages »[26].
Par ailleurs, d'après le réalisateur Alex Proyas, le personnage « D. P. Schreber », dans le film Dark City (1998) s'inspire des mémoires de Daniel Paul Schreber.
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