Catastrophe du mont Sainte-Odile
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Vol Air Inter 148
Catastrophe du mont Saint-Odile | |||
F-GGED, l'Airbus A320 d'Air Inter impliqué dans l'accident, photographié en janvier 1991 | |||
Caractéristiques de l'accident | |||
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Date | |||
Type | Impact sans perte de contrôle | ||
Causes | Erreur de pilotage due à la confusion entre l'altitude et la vitesse, absence de l'avertisseur de proximité du sol (GPWS) à bord | ||
Site | Près du mont Sainte-Odile, en Alsace | ||
Coordonnées | 48° 25′ 31″ nord, 7° 24′ 18″ est | ||
Caractéristiques de l'appareil | |||
Type d'appareil | Airbus A320-111 | ||
Compagnie | Air Inter | ||
No d'identification | F-GGED | ||
Lieu d'origine | Aéroport de Lyon-Saint Exupéry, en France | ||
Lieu de destination | Aéroport de Strasbourg, en France | ||
Phase | Approche | ||
Passagers | 90 | ||
Équipage | 6 | ||
Morts | 87 | ||
Blessés | 9 | ||
Survivants | 9 | ||
Géolocalisation sur la carte : France
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La catastrophe du mont Sainte-Odile est un accident aérien survenu le , lorsque le vol 148, un Airbus A320 d'Air Inter en provenance de Lyon Satolas s'écrase lors de son approche vers Strasbourg sur les hauteurs boisées de La Bloss, sur le territoire de la commune de Barr, près du mont Sainte-Odile, en Alsace. L'accident cause la mort de 87 passagers et membres d'équipage, seuls neuf ayant survécu.
La cause du crash est une confusion entre les pilotes et la machine. La désactivation des systèmes d'alerte de proximité du sol a aussi contribué à l'accident.
Le , 14 ans après les faits, le procès de l'accident s'ouvrait devant le tribunal correctionnel de Colmar. Six personnes — dirigeants d'Air Inter, d'Airbus, de l'Aviation civile et un contrôleur aérien — comparaissaient pour « homicides et blessures involontaires ». Le , le tribunal relaxait les accusés, au motif qu'« ils n'ont pas commis de faute pénale », c'est-à-dire qu'ils n'ont pas commis de faute caractérisée au sens de la loi Fauchon[1]. Néanmoins, la responsabilité civile d'Airbus pour une faute civile liée à la conception du cockpit de l'A320, et celle d'Air France, qui avait absorbé Air Inter, en sa qualité de transporteur, a été reconnue[1].
Il s’agit d’un Airbus A320-111 immatriculé F-GGED, livré à Air Inter en 1988[a 1]. Il est doté de moteurs CFM56-5-A1 construits en coopération par General Electric et la Snecma, et commercialisés par leur société commune CFMI[a 2]. L'Airbus A320 est issu de la volonté de la société Airbus d'offrir une gamme d'appareils diversifiée[2]. Mis en route en 1982, le projet met en place un avion fortement informatisé, technologiquement en avance sur l'industrie aéronautique américaine alors dominante. Pour assurer sa commercialisation, Airbus met en avant la facilité d'utilisation de cet appareil, ainsi que sa fiabilité. De plus, l'ordinateur est considéré comme plus sûr que l'esprit des pilotes, amenant ainsi à privilégier l'action de l'informatique de bord sur celle de l'équipage[3].
L'accident survient après les accidents d'Habsheim en 1988 (faute de pilotage majeure, non-respect de l'altitude minimale règlementaire, non prise en compte du spool up time) et de Bangalore en 1990 (trajectoire non stabilisée à l'atterrissage, hésitation puis retard dans la prise de décision de remise des gaz).
Le commandant de bord, Christian Hecquet, âgé de 42 ans, a accumulé 8 806 heures de vol. Sur un Airbus A320, son expérience est de 162 heures[a 3]. Le copilote, Joël Cherubin, âgé de 37 ans, a derrière lui 3 615 heures de vol. Sur Airbus A320, il a volé 61 heures[a 4].
L’avion assurait une liaison entre l’aéroport de Lyon-Satolas (nommé aujourd'hui Lyon-Saint-Exupéry) et celui de Strasbourg-Entzheim. Le rapport final du BEA reconstitue le vol en se basant sur les communications avec les contrôleurs, les enregistrements des paramètres de vol et des conversations dans le cockpit, les données radar enregistrées au sol.
L’avion décolle de Lyon-Satolas le vers 17 h 20 UTC avec à bord 90 passagers, six membres d'équipage dont les deux pilotes et quatre personnels navigants commerciaux. L'avion passe au-dessus du VOR de Luxeuil-les-Bains et doit se diriger vers le point repère ANDLO près de Barr. Son cap est de 50° environ c'est-à-dire directement sur l'axe de la piste 05 de l'aéroport de Strasbourg Entzheim. L'avion passe sous le contrôle de la TMA Strasbourg puis sous celui de la CTR Strasbourg. Ce dernier s'apprête à faire atterrir l'A320 directement en piste 05 avec une approche de type VOR DME. L'équipage n'a pas l'habitude de faire ce type d'approche. Le ciel est nuageux et il fait nuit[4].
Le commandant de bord, qui est le pilote en fonction pour ce vol, préfère atterrir indirectement, en faisant un tour de piste à vue après s'être aligné au-dessus de la piste au cap 051° grâce au dispositif ILS de la piste 23 (sens opposé de la 05). N'ayant pas prévu de descendre directement en piste 05, les pilotes ont mis du temps pour réduire leur vitesse et leur altitude. Ceci ne leur permet donc pas d'effectuer l'atterrissage direct prévu par le contrôleur ; ils demandent donc à faire leur tour de piste à vue. Mais comme plusieurs avions attendent pour décoller, le contrôleur leur demande de faire la procédure complète VOR DME sur la 05, plus longue mais qui donnera le temps aux avions au sol pour décoller. Cette procédure va obliger l'avion à faire un demi-tour puis s'éloigner de 11 NM passer au-dessus des collines du mont Saint-Odile à une altitude de 5 000 pieds, puis à nouveau faire demi-tour pour s'aligner dans l'axe de la piste 05 (en s'alignant grâce au VOR de Strasbourg), passer à nouveau au-dessus du point ANDLO et commencer à descendre. C'est à la fin de ce dernier virage que l'avion va s'écraser à une altitude d'environ 800 mètres dans les collines vosgiennes.
Cette procédure VOR DME pour la 05 n'enchante pas les pilotes car cela retarde leur arrivée. Pour leur faire gagner un peu de temps, le contrôleur leur propose d'effectuer cette procédure mais avec un guidage radar directement vers ANDLO : il leur indique les moments pour virer et les caps à prendre. En effet, cela permet de virer plus tôt et de raccourcir le circuit d'approche. Ainsi, au lieu de faire un large dernier virage, l'avion va faire un virage plus serré et récupérer l'axe de piste plus directement.
L'avion vire vers le sud-ouest et s'éloigne. Puis le contrôleur leur demande de virer à gauche au cap 90°. Puis il leur demande de continuer le virage pour s'établir sur la radiale 051° du VOR STR.
Le problème est que le pilote a affiché 051° dans le pilote automatique ce qui a pour conséquence un virage trop serré. Cette manipulation place l'avion au cap 051°, il ne positionne pas l'avion dans l'axe de la piste à 051° par rapport au VOR ; l'avion se retrouve à gauche de l'axe de piste et du point ANDLO, comme on doit le lire sur le VOR. C'est au point ANDLO que devait commencer la descente. L'équipage va donc commencer la descente alors qu'ils n'ont pas capturé l'axe de piste en fait. Ils pilotent sans visibilité extérieure car ils sont dans la couche nuageuse, c'est du pilotage aux instruments. C'est le copilote qui s'aperçoit en premier, semble-t-il, de l'erreur de trajectoire et qui suggère la correction de cap. Le commandant de bord exécute cette correction « avec une impression de réserve » selon le BEA.
C'est à ce moment-là (45 secondes avant l'écrasement) que la descente est amorcée avec un taux beaucoup trop élevé.
Vingt secondes avant le crash, le commandant fait une remarque sur la descente : « faut faire attention qu'il descende pas… ». Il est interrompu par le copilote qui annonce « sur l'axe ! ». Il est évident qu'à ce moment-là, les deux pilotes ne s'occupent que de la trajectoire latérale et pas de la descente. Le copilote rajoute : « On arrive sur l'axe ! … un demi point de l'axe. Là voilà, il a été au soixante c'est bon tu vois ici ».
À 18h20:33 en heure universelle (19 h 20 min 33 secondes en heure locale), incliné à gauche de 12° pour interception de l'axe d'approche finale, l'avion percute le mont La Bloss à la vitesse de 190 nœuds (345 km/h), sur une trajectoire de descente d'environ 11°. L'écrasement s'est produit à une altitude proche de 800 mètres (2620 pieds)[5], à environ 0,8 mille nautique (1 500 m) à gauche de l'axe d'approche et à 10,5 milles nautiques (19,5 km) du seuil de piste[a 5].
Les coordonnées de l'accident sont 48° 25′ 31,61″ N, 7° 24′ 18,99″ E.
Les heures sont en TU. Pour l’heure française, ajouter une heure[6].
De nombreuses critiques ont été formulées quant au retard des secours. Il apparaît que la définition d’un périmètre de recherche trop large, à 19 h 30, est en partie en cause : nécessitant un grand nombre d’hommes pour les recherches, il a obligé les autorités à attendre la concentration d’effectifs suffisants pour partir sur le terrain. Les secours, une fois mis en route, sont retardés par une route encombrée de badauds[8]. 4 h 30 s’écoulent entre l'écrasement et leur arrivée, ce qui est énorme. Durant ce laps de temps, plusieurs rescapés mourront.
Plusieurs facteurs ont contribué à la survenue de la catastrophe, à des degrés divers. Pour la justice française qui n'a condamné personne à la suite des différents procès, c'est l'erreur de pilotage qui a été déterminante.
L'airbus A320 était, à sa sortie, un avion résolument nouveau et présentait de très fortes différences avec les avions de ligne de générations précédentes tant dans la philosophie du cockpit que dans la gestion du vol et des automatismes. Un élément nouveau et particulièrement important est le FMA (Flight Mode Annonciator) qui annonce les modes engagés au pilote automatique et figure en face de chaque pilote sur l'écran PFD (Primary Flight DIsplay). La lecture par les pilotes de chaque nouveau mode affiché au FMA est obligatoire et permet une bonne compréhension des modes engagés et donc, un bon contrôle de la trajectoire.
Un taux de descente très élevé a été enregistré au moment de l'impact : 3 300 pieds par minute (16,7 m/s) au lieu d'environ 800 pieds par minute. Selon le BEA, l'hypothèse la plus probable est une erreur de programmation du pilotage automatique par l'équipage qui aurait affiché un taux de descente de 3 300 pieds par minute au lieu d'un angle de descente de 3,3°[a 8]. Cela serait dû à une confusion liée à l'affichage du taux de descente en pieds par minute (« 33 » pour 3 300 pieds par minute) qui se fait sur le même cadran que l'angle de descente (« 3.3 » pour 3.3°). La différence de lecture se fait selon le mode sélectionné : angle de descente (mode FPA - Flight Path Angle) ou vitesse verticale (mode VS - Vertical Speed). Le pilote a enregistré sur l’ordinateur de bord la valeur « 33 », croyant être en mode FPA alors qu’il était en mode VS.
Au delà du manque de clarté de l'affichage qui a conduit à cette confusion, une vérification rigoureuse du FMA aurait certainement permis de comprendre l'erreur. De fait, le BEA a souligné le manque de rigueur des pilotes notamment dans l'utilisation d'automatismes sans vérification.
D'autres facteurs mis en évidence par le BEA ont amené la justice à mettre en examen Airbus, Air France ou le contrôleur, mais ils ont été relaxés :
À la suite de cet accident :
À la suite de la difficulté d'identifier les victimes, l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale se dote en d'une Unité de Gendarmerie d'Identification de Victime de Catastrophe (UGIVC)[13]pour le recueil des renseignements ante mortem et post mortem[14].
Six mois après l'accident, prenant en compte les premières expertises, plusieurs systèmes dans l'A320 ont été améliorés ou ajoutés : installation d'un GPWS (alarme de proximité du sol), transformation de l'ergonomie du tableau de bord (cadrans de descente, boutons poussoirs du FPA, Flight Path Angle et du taux de descente VS, Vertical Speed), modification du système VOR et de l'emplacement des radio balise de détresse à bord des avions pour que leur probabilité de fonctionnement soit améliorée en cas d'écrasement[29].
Six personnes poursuivies pour homicides et blessures involontaires et encourant deux ans de prison et 4 500 euros d'amende, sont concernées :
Le premier procès s'ouvre devant le tribunal correctionnel de Colmar le et s'achève le de la même année[20]. Il aboutit le à la relaxe de tous les prévenus, toutefois une faute civile est retenue à l'encontre du concepteur de l'avion, Bernard Ziegler, et Airbus est déclaré responsable, solidairement avec Air France, venant aux droits d'Air Inter, du préjudice subi par les victimes, l'association ECHO, l'association de défense des familles de victimes, se voit attribuer 500 000 euros d'indemnités et certaines familles devant pour leur part toucher des sommes de 10 000 à 50 000 euros[20]. Mais le le parquet fait appel de cette décision[20].
Le débute le procès en appel à Colmar[20]. Les six prévenus sont à nouveau relaxés le , et cette fois aucune faute n'est retenue contre Bernard Ziegler ni contre Airbus aucune indemnité n'est accordée pour ECHO[20]. Celle-ci dépose un pourvoi en cassation le , mais est déboutée le de la même année[20].
En , l'association ECHO entame une procédure contre l'État français pour « durée excessive » de la procédure pénale[30],[20]. Le , le procureur de Strasbourg sollicite le renvoi du procès intenté par l'association contre l'État français à une date ultérieure pour prendre des réquisitions. La juge accède à sa requête. L’audience ne dure que trois minutes. Le même jour, les membres de l’association ECHO, en colère après cette péripétie, déposent la déclaration de principe d’une requête à la Cour européenne des droits de l'homme[31],[20]. La requête est effectivement déposée le [32],[33]. Le les familles de victimes voient rejetée par le tribunal de grande instance de Colmar leur demande de condamnation de l'État[20].
Le , l'association ECHO est déboutée par la cour d'appel de Colmar de son action en appel contre l'État[34]. L'association décide d'aller en cassation et, en cas d'échec, de porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)[34]. Le pourvoi est rejeté le . En , elle manifeste son mécontentement et son sentiment d'avoir été flouée et en prend la décision de tout abandonner, notamment le projet d'une requête devant la CEDH[35],[36],[20].
Contrairement à des informations ayant circulé en 2014[37], date à laquelle l'ancien président quitte ses fonctions, l'association ECHO continue d'exister. En 2022, trente ans plus tard, elle perpétue encore la mémoire des victimes de la catastrophe[38].
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