Seuls de rares documents permettent de reconstituer la vie du peintre. La date de naissance de l'artiste (1459 ou 1460) n'est pas établie, mais déduite des registres de Conegliano de 1473, qui mentionnent un cimator (ouvrier drapier) nommé Joannes, mais est-ce lui, ou bien un ouvrier de son frère Antonio? Joannes est un prénom courant. Si c'est bien le peintre, il devait avoir à ce moment quatorze ans, puisque c'est l'âge où il a commencé à payer des impôts, selon les lois de la ville.
On ne sait rien sur sa formation en peinture avant 1489, année de sa première œuvre, Vierge à l'enfant entre saint Jérôme et saint Jacques, destinée à l'église San Bartolomeo de Vicence. Un rouleau figurant au pied du trône de la Vierge porte la signature et la date précise du premier : «Joannes baptista de Coneglano fecit/ 1489. A dì primo Mazo». Cette œuvre montre une influence de Bartolomeo Montagna, tant par la rigueur du trait que par une riche gamme de tons chauds[1]. Elle révèle néanmoins un style propre, qui se distingue par une lumière claire et une impression de douceur, loin de l'austérité de Montagna. On y voit également une intégration déjà parfaitement maîtrisée d'éléments architecturaux idéalisés dans la composition de l’œuvre, ici une pergola, qui seront régulièrement repris dans les tableaux majeurs de Cima.
Le peintre s'installe alors à Venise, où sa présence est attestée dès 1492 et où il est «maître», ce qui sous-entend qu'il a son propre atelier avec au moins un apprenti. Il s'impose dans la cité lagunaire comme peintre d'art sacré, obtient rapidement une élogieuse réputation qui s'étendra bien au-delà de Venise, et laissera quantité de tableaux commandés tant par une clientèle laïque que religieuse.
Vasari dit de lui qu'il fut l'élève de Giovanni Bellini, qu'il mourut jeune et que sans cela il eût probablement égalé son maître.
L'année 1494 voit quelques paiements effectués à l'artiste. Les autres paiements remontent à 1499, 1504 et 1510.
Entre 1500 et 1515, il a probablement vécu entre Venise et la région de l'Émilie. À Parme, Bologne, des œuvres lui ont été commandées pour les églises, comme la Vierge et l'Enfant, des saints Michel et André en 1505 et la Conversation sacrée en 1513.
Sa présence à Conegliano, où il a passé les étés, est documentée pour la dernière fois en 1516. Il meurt entre 1517-1518, probablement à Conegliano, où il existe aujourd'hui un musée Giovanni Battista Cima.
Le Couronnement de la Vierge v. 1490, huile sur toile (restauration en 1999) basilique San Zanipolo Venise
Vierge à l'Enfant couronnée avec des saints et des saints patrons (Conversation sacrée avec les saints Sébastien, Jean-Baptiste, Madeleine et Roch), v. 1490, huile sur toile, 301 × 211 cm, Pinacothèque de Brera, Milan.
Vierge à l'Enfant trônant avec les Saints, 1496-1499, peinture sur bois, 419 × 213 cm, Galeries de l'Académie de Venise, 1495, Tempera et huile sur panneau de bois, 212 × 139 cm, Galeries de l'Académie de Venise. Provient de Santa Chiara à Murano
Conversation sacrée, 1496, huile sur toile, 54 cm × 72 cm, fondation Gulbenkian à Lisbonne
Vierge à l'Enfant avec les saints Jean-Baptiste et Nicolas de Tolentino, v. 1500, tempera et huile sur peuplier, 72,1 × 111,1 cm, Brooklyn Museum, New York
Il s'agit de tableaux dans lesquels la Vierge en majesté et l'enfant Jésus, sont entourés de personnages saints avec lesquels ils semblent converser dans un espace commun, contemporains ou non:
Les premières œuvres sont à tempera mais Cima da Conegliano passe rapidement à la peinture à l'huile. Ses supports sont essentiellement du bois même s'il existe quelques toiles.
Ses tableaux comportent très peu de repentirs[12], ce qui peut supposer un certain nombre de dessins préparatoires mais qui n'ont pas été conservés. En effet, seule une dizaine de feuillets ont été identifiés[13].
Il était considéré comme l'un des grands peintre vénitiens de son temps, jusqu'à la fin du XIXesiècle. Il a influencé plusieurs de ses contemporains dont Giovanni Bellini, Vittore Carpaccio, Titien et même, sans doute, Albrecht Dürer[2]. Son aura a décliné durant le XXesiècle.
Augusto Gentili, «Giovanni Battista Cima da Conegliano», dans Giovanna Nepi Sciré, La Peinture dans les Musées de Venise, Paris, Editions Place des Victoires, (ISBN978-2-8099-0019-4), p.150 à 157