Charles Cotin, né vers 1604 à Paris, où il est mort en décembre 1681, est un ecclésiastique, poète, essayiste et polémiste français du Grand Siècle. Il n'est plus connu aujourd'hui que pour avoir été l'une des principales "victimes" des satires de Boileau et le modèle avéré de Trissotin, le pédant coureur de dot des Femmes savantes de Molière; un double "assassinat littéraire" dont il ne s'est pas encore relevé, en dépit de quelques tentatives de réhabilitation[1] et de rares études modernes sur son œuvre[2].
Après avoir étudié les langues anciennes (latin, grec, hébreu, syriaque), il entre dans les ordres vers le milieu des années 1630 et devient prédicateur et aumônier du roi Louis XIII.
Dès ce temps, semble-t-il, il fréquente les salons littéraires, celui de la marquise de Rambouillet en particulier, et mène une triple carrière, de prédicateur, de philosophe politico-religieux et de poète galant.
Ainsi fait-il paraître, au cours de la même année 1646, un Recueil des énigmes de ce temps, qui connaîtra de multiples rééditions et dans lequel il théorise ce genre littéraire à la mode, et un essai philosophique en forme de dialogue, intitulé Théoclée ou la vraie philosophie des principes du monde, où est exposée, pour la première fois en langue française, la philosophie atomiste d'Épicure et de Lucrèce, dont Cotin a traduit et adapté en alexandrins de longs passages du De natura rerum.
Le , il est reçu à l'Académie française. Il s'y montrera jusqu'à sa mort particulièrement assidu et laborieux, ce qui lui vaudra d'être choisi en 1659 pour prononcer l'oraison funèbre du surintendant Abel Servien.
En 1666 il fait publier un "méchant pamphlet contre Molière et Boileau"[3] qui lui attirera les représailles de ces deux auteurs. C'est Molière qui lui asséna le plus grand coup, en 1672, en faisant de lui le Trissotin des Femmes savantes[4].
À sa mort, en 1681, un anonyme composa cette épitaphe:
Ode à la puissance de Dieu, sur les victoires du Roy (1628) Texte en ligne
Discours à Théopompe sur les forts esprits du temps (1629) Texte en ligne
Les Regrets d'Aristée. Sur le trépas de Daphnis (1631)
La Jérusalem désolée, ou Méditation sur les leçons de Ténèbres (1634) Texte en ligne
La Polimnie ou la Métamorphose d'une nimphe en oranger (1642) Texte en ligne
Recueil des énigmes de ce temps (1646 texte en ligne, 1655 texte en ligne, 1658 texte en ligne, 1661, texte en ligne). Réédition sous le titre Les Énigmes de ce temps; texte établi, présenté et annoté par Florence Vuilleumier-Laurens, Paris, Société des textes français modernes, 2003.
Théoclée, ou la Vraye philosophie des principes du monde (1646) Texte en ligne
Réflexions sur la conduite du roi (1663 Texte en ligne, repris dans les Œuvres galantes, 1665)
Œuvres galantes, en prose et en vers. De Monsieur Cotin (1663, 1665) Texte en ligne
Odes royales sur les mariages des princesses de Nemours (sans date, vers 1665) Texte en ligne
La Critique désintéressée sur les satyres du temps (sans date, 1667) Texte en ligne
Sur le siege de Maestric (sans date, 1673) Texte en ligne
Salomon ou la politique royale, 3 volumes (sans date, vers 1665)
Jean Chapelain, «Liste de quelques gens de lettres françois vivans en 1662 composée par ordre de M. Colbert, par M. Chapelain», dans Desmolets (éd.), Mémoires de littérature et d'histoire, Paris, 1726, t. II, p. 47, consultable en ligne.
Adrien Baillet, Jugemens des sçavans sur les principaux ouvrages des auteurs, tome quatrième contenant les poètes. Cinquième partie, Paris, 1686, p.244-245, consultable sur Internet Archive.
Charles Romey, Hommes et choses de divers temps, Paris, Paris, Dentu, 1864, p.205-240, consultable en ligne.
Pierre Larousse, Les Grotesques d'autrefois. Vie du très-ridicule, très-fameux et très inconnu Abbé Cotin telle qu'elle figurera dans les colonnes du Grand dictionnaire, Paris, 1867, consultable en ligne.
Charles-Louis Livet, Précieux et précieuses, Paris, 1859, 4e éd. 1895, p.112-132consultable en ligne.
Édouard-Charles Buisson, «Les Victimes de Boileau. L'Abbé Cotin», La Quinzaine, 1-15 novembre 1895, p.57-83, consultable ligne, 15-30 novembre 1895, p.183-206, consultable en ligne.
Abel Lefranc, «Un procès littéraire à réviser, Molière et l’abbé Cotin», dans Mélanges de philologie romane et d’histoire littéraire offerts à Maurice Wilmotte, Paris, 1910, vol. I, p.301-316.
Henri Busson, La Pensée religieuse française de Charron à Pascal, Paris, Vrin, 1933, p.77-82.
Antoine Adam, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, t. III, Paris, Del Duca, 1952, p.163-165.
Documents du Minutier central concernant l'histoire littéraire (1650-1700), Paris, Presses Universitaires de France, 1960, p.165-167, consultable en ligne.
Viviane Mellinghoff-Bourgerie, «Le Cantique des cantiques, "poème dramatique" ou texte transgénérique? Remarques sur la Pastorale sacrée (1662) de l'académicien Charles Cotin», dans Entgrenzungen. Studien zur Geschichte kultureller Grenzüberschreitungen, Würzburg, Königshausen und Neumann, 1992, p.153-175.
[de] Andrea Gillert, Die Rezeption heidnischen Denkens im Werk Charles Cotins. Ein Beispiel popularphilosophischer Textproduktion im "Grand Siècle", Frankfurt/M., Berlin, Bern, New York, Paris, Wien, 1998.
Roxanne Roy, L'Œuvre de Charles Cotin ou Pour une esthétique de la galanterie (mémoire de maîtrise, département de langue et littérature françaises, Université McGill, Montréal), 1998, texte en ligne.
Roxanne Roy, «La Pastorale sacrée ou La réécriture galante du Cantique des Cantiques», Tangence, n° 66, Presses de l'Université du Québec, été 2001, p. 67-83, lire en ligne.
Pierre Bayle terminait son article sur l'abbé Cotin par ces lignes: «Je ne sais si la mémoire de Cotin sera jamais réhabilitée; j'en doute un peu, car les traits dont M. Despréaux l'a percé sont tournés d'une manière que tout le monde les sait par cœur et les applique à tout propos. Cela fomente et perpétue la prévention, de sorte qu'on ne sera guère disposé à examiner les ouvrages de Cotin ou à leur rendre justice, quand même ils mériteraient au fond quelques éloges, et en le voyant tout couvert de plaies, comme le Déiphobe de Virgile, on ne s'écriera point: Quis tam crudelis optavit somere pœnas? Quelle étrange fureur / D'un pareil attentat put concevoir l'horreur?»