homme politique français, chef de file des Girondins pendant la Révolution De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jacques Pierre Brissot, également connu sous le nom de Brissot de Warville, né le à Chartres et mort guillotiné le à Paris, est un journaliste, écrivain et homme politique français. Après une carrière d’écrivain et de « philosophe » qui l'amena en Angleterre, en Suisse et en Amérique du Nord, il se consacra au journalisme révolutionnaire et à la politique parisienne. Il est principalement connu pour son rôle de chef de file des girondins, une faction politique active pendant la Révolution française.
Brissot de Warville | |
Jacques Pierre Brissot, peinture de Fouquet, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, 1792. | |
Fonctions | |
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Député d'Eure-et-Loir | |
– (1 an, 1 mois et 26 jours) |
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Législature | Convention nationale |
Groupe politique | Girondins |
Successeur | Claude Julien Maras |
Député de la Seine | |
– (1 an et 7 jours) |
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Législature | Assemblée nationale législative |
Groupe politique | Gauche |
Biographie | |
Nom de naissance | Jacques Pierre Brissot |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Chartres, France |
Date de décès | (à 39 ans) |
Lieu de décès | Paris, France |
Nature du décès | Guillotiné |
Sépulture | Catacombes de Paris |
Nationalité | Française |
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Originaire d’un milieu modeste, Brissot s’installe à Paris en 1774 pour y exercer comme juriste. Il se tourne rapidement vers l’écriture et la publication, devenant un polygraphe prolifique. Durant cette période, il fréquente des intellectuels de renom tels que Voltaire et d'Alembert. En 1784, il est brièvement emprisonné à la Bastille, une expérience qui semble marquer un tournant dans son parcours. Par la suite, il se rapproche du duc Philippe d'Orléans et s’engage dans des causes réformatrices, notamment en fondant la Société des amis des Noirs en 1788, une organisation militant pour l’abolition de l’esclavage.
En 1789, il échoue à se faire élire député aux États généraux mais prend part aux activités de la municipalité de Paris après les événements de juillet 1789. Parallèlement, il s’implique dans les débats de l'Assemblée constituante. Élu député de la Seine en septembre 1791 à l’Assemblée législative, il devient une figure centrale des « brissotins », un groupe républicain modéré qui plaide pour la guerre contre les monarchies européennes. Il joue notamment un rôle dans la déclaration de guerre au roi de Bohême et de Hongrie en avril 1792.
Après la chute de la monarchie lors de la Journée du 10 août 1792, Brissot est élu député de l'Eure-et-Loir à la Convention. À ce titre, il devient une figure des girondins, un groupe modéré de plus en plus critiqué par les montagnards et les Hébertistes. Ces oppositions se cristallisent notamment autour du procès de Louis XVI, où Brissot et ses alliés se montrent réticents face à l’idée d’une exécution immédiate du roi.
Le conflit entre girondins et montagnards culmine au printemps 1793. Les journées insurrectionnelles de mai et juin provoquent l’arrestation de nombreux députés girondins, dont Brissot. Tentant de fuir, il est capturé, jugé et condamné à mort le 30 octobre 1793. Il est exécuté le lendemain, devenant l'une des premières victimes emblématiques de la Terreur.
Jacques Pierre Brissot est issu d’une famille originaire de Chartres, en Beauce. Son père, Guillaume Brissot, décédé le , exerce la profession de « maître-traiteur et cuisinier », succédant à son propre père, Jacques Brissot, lui-même qualifié de « maître-cuisinier » dans des actes notariés[A 1]. Guillaume épouse Marie-Louise Legrand, qui décède à Chartres le [A 2]. Le couple, marié le dans la paroisse Saint-André[A 3], donne naissance à seize enfants, dont seulement sept atteignent l'âge adulte. Jacques Pierre, treizième enfant et quatrième parmi les survivants, voit le jour dans la maison familiale située au n° 16 rue de la Grande-Boucherie, aujourd’hui rue du Cygne. Il est baptisé dans l’église Saint-Saturnin le jour de sa naissance[A 1].
Parmi ses frères et sœurs, trois sont ses aînés. Sa sœur aînée, Marie Louise, née en 1741, reste célibataire et meurt à Chartres en 1805[1]. Sa sœur cadette, Marie Jeanne, née en 1744, connaît également une vie marquée par le célibat et s’éteint en 1788 dans la même ville. Son frère Simon-Antoine, né en 1752, est orienté vers la carrière ecclésiastique. D'abord prêtre à Jouy en 1780, il officie ensuite à l'Hôtel-Dieu de Chartres en 1783, puis à Saint-Hilarion. Déporté en 1792[A 2], il revient à Chartres où il décède en 1810.
Jacques Pierre a également trois frères et sœurs plus jeunes. Parmi eux, Marie-Louise-Adélaïde, née en 1754, se marie avec Jacques Bonnet, marchand et épicier à Chartres[Note 1]. Un autre frère, Pierre-Louis, né en 1759, commence comme « juré priseur vendeur de meubles »[2], mais gravit les échelons dans l'administration financière sous la Révolution, devenant successivement payeur-général d’Eure-et-Loir, payeur de guerre pour plusieurs divisions militaires, puis receveur général à Rouen en 1813[A 2]. Enfin, la plus jeune, Marie Louise Augustine, née en 1761, décède célibataire en 1783[A 2].
Vers la fin du règne de Louis XV[A 4] (1710-1774), Chartres compte 3 000 feux, c'est-à-dire un peu plus de 10 000 habitants.
Il est d'abord mis en nourrice dans une famille campagnarde, où il est médiocrement traité. De constitution faible, sa santé se dégrade, aussi sa mère décide de s'en occuper elle-même[A 2]. Dans ses Mémoires, Brissot évoque ses premières années : « J'ai été élevé cruellement », dira-t-il communément[A 5]. Plus tard, évoquant son enfance, il dira qu'il n'avait jamais connu la tendresse d'un père, et les années n'améliorèrent pas la situation. Sa mère, douce et avisée, faisait tout pour essayer de tempérer la rudesse de cette éducation[A 5].
Guillaume Brissot ne veut pas que ses fils aillent au collège alors que lui-même ne sait que lire et écrire ; il pense qu'ils le « mépriseraient »[A 6] s'ils faisaient des études secondaires. Mais son épouse lui fait entendre raison et, après avoir été dans une petite école créée par les filles d'un tourneur[réf. nécessaire], Jacques-Pierre est confié, ainsi que son frère aîné, à son oncle Pierre Brissot, curé d'Écublé. Là, il découvre les charmes de la campagne et acquiert un goût pour la vie rurale qu'il gardera toute sa vie[A 6].
Pour commencer l'étude du latin, Brissot est placé chez un maître de pension à Chartres. Il évoquera avec horreur les longues journées d'études des déclinaisons et conjugaisons, tâche particulièrement ardue pour des enfants de sept à huit ans[A 6]. Malgré cela, il va pouvoir ensuite entrer au collège.
Il commence le collège en 1762, à huit ans, et s'y distingue en remportant les plus grands succès[Note 2]. Il lit jour et nuit pour mieux apprendre. Il reconnaît aussi tout ce qu'il doit à l'abbé Comusle, qui lui a donné accès à sa bibliothèque et le dirige dans ses études latines[A 6]. Au départ, il est mis en demi-pension chez le principal du collège, François Berthinot, un homme dur qui corrige sévèrement les élèves pour des fautes bénignes. Jacques-Pierre ressent le fouet avec indignation et un sentiment d'injustice. Il a dû s'en plaindre à sa mère qui le retire des mains de ce « despote barbare »[A 7]. Il collectionne les prix pendant les sept années que durent ses études, fait l'admiration de ses professeurs et de ses condisciples. Toutefois, il regrettera l'éducation provinciale qui fait de lui une « machine à plagiat », victime d'une formation livresque sans véritable maître[A 7]. . Il est alors très pieux, selon la tradition familiale. Un de ses condisciplesNicolas-François Guillard, futur poète, se moque souvent de lui pour sa ferveur religieuse. C'est en rhétorique (première) que la fréquentation d’un camarade[Qui ?] et certaines lectures l'éloignent de la religion. Il devient peu à peu un adepte de Voltaire, de Diderot et de Rousseau, au désespoir de sa famille qui veut le voir « porter le petit collet ». La Profession de foi du vicaire savoyard lui semble être un nouvel évangile[A 7].
L'histoire de Charles Ier d'Angleterre et de Cromwell le frappe beaucoup et le conduit à la haine du despotisme. « J'ai détesté les rois de bonne heure[A 7]. » Comme il a le même âge que Louis XVI, il se demande pourquoi ce dernier est sur le trône alors que lui est le fils d'un traiteur[A 8].
Il quitte le collège après une année de philosophie sous la direction de l'abbé Thierry en 1768-1769.
Au cours de ses années de collège, il a trouvé des amis, Pierre-Charles Blot, un des animateurs de la Révolution à Lyon, Gaillard, Bridel, Vaugeois, Bouvet, Bouteroue, Sergent[Qui ?], l’abbé Chasles et surtout Jérôme Pétion, fils d'un procureur au présidial de Chartres, maire de Paris en 1792[A 8].
Sans quartiers de noblesse, sans grande fortune, bien des voies sont fermées à la moyenne bourgeoisie de l'époque[3]. Sa sœur lui suggère d'entrer dans une carrière ecclésiastique, mais il n'en est pas question pour un hommes des Lumières, qui a perdu la foi et ne veut pas être « sciemment un charlatan »[A 9]. Il opte pour le droit et, comme il faut « traverser le labyrinthe de la chicane », entre chez un procureur important de Chartres, Louis-Henri Horeau.
Là, il se lie d'amitié avec le fils de son patron, Michel-Claude, qui se passionne pour les sciences et lui ouvre sa bibliothèque. Brissot se lance dans l'étude de la physique, de l'italien et de l'anglais, étant attiré depuis longtemps par l'histoire et le système de gouvernement de l’Angleterre qui a rompu très tôt avec l'absolutisme royal[A 9]. Il se distrait donc des travaux fastidieux de la chicane en se précipitant dans les études les plus variées. Il écrit alors sa première brochure, Rome démasquée ou Observations sur le droit canonique, imprimée par la suite.
Il se découvre un goût pour l’érudition, en particulier pour la linguistique. Aussi songe-t-il un moment, malgré son athéisme, à se faire bénédictin, ordre dont la congrégation de Saint-Maur se consacre à l'édition et à l'étude des textes anciens. Il en est dissuadé par son ami le moine philosophe dom Mulet[4].
En 1774, il décide d'allonger et « d'angliciser » son nom, se faisant appeler « Brissot de Warville », nom qui évoque le village d'Ouarville, situé à environ 25 km de Chartres, où il a été mis en nourrice et où sa famille possède des terres. De son côté, son frère se fait appeler « Brissot de Thivars », localité située à huit kilomètres de Chartres[A 10].
Au bout de quatre ans dans l'étude Horeau, Brissot décide de partir à Paris continuer sa carrière juridique, devenant premier clerc du procureur au Parlement de Paris, Nolleau. Après six mois de travail non rémunéré, il doit toucher un traitement de 400 livres.
Il arrive dans la capitale le , alors que Louis XVI, âgé comme lui de 20 ans, vient de monter sur le trône[A 11]. Nolleau, qui est un homme cultivé et féru de philosophie et de littérature, accueille aussi le jeune Robespierre[5].
En rupture avec sa riche famille, Brissot vit d’expédients littéraires, vend sa plume et son talent, déborde de projets, multiplie les écrits.
En 1780, il se fait recevoir avocat à Reims. Il écrit dans ses mémoires[6] : « Je songeai (…) à me faire recevoir avocat. Il fallait prendre des degrés dans la faculté de droit, et, comme ce n’était qu’une vaine formalité, je préférai la voie la plus prompte, celle de les acheter à Reims. Le voyage que je fis dans cette ville me convainquit de l’avilissement de son université, et du mépris que méritaient tous ces établissements qui étaient moins une école qu’un marché de titres. On y vendait tout, et les degrés, et les thèses et les arguments. Je rougis pour les docteurs qui m’interrogeaient ; ils me parurent jouer ou me faire jouer une mascarade dont le comique était encore relevé par les sujets de leurs interrogations, car ils me questionnèrent ou feignirent de me questionner très sérieusement sur la question de savoir si les eunuques pouvaient se marier ». Et il ajoute « avoir payé six cents livres pour cette pantalonnade. ». En fait, il se consacre de plus en plus à l'écriture et prend contact avec des personnalités du monde intellectuel.
En , il souhaite rencontrer Voltaire, âgé de 83 ans, qui vient pour la dernière fois à Paris (il meurt le 30 mai suivant). Trop timide, Brissot n'ose pas entrer chez ce philosophe admiré par l'Europe entière et qui a fréquenté plusieurs monarques. C'est alors que sort de chez le vieil homme une très belle femme d'une trentaine d'années : Madame du Barry (1743-1793), dernière favorite de Louis XV, en disgrâce à la cour de Louis XVI ; elle est devenue comtesse par mariage, mais est d'origine roturière. Revenant sur ses pas, la comtesse présente le jeune Brissot à Voltaire. Le futur révolutionnaire reconnaîtra avoir été charmé par cette femme à la réputation exagérément sulfureuse.
Il travaille alors sur un ouvrage, Théorie des lois criminelles, publié en 1780, dont il a déjà conçu le plan. Peu après sa visite, il en envoie la préface à Voltaire[7], qui le remercie par une lettre encourageante et flatteuse : « Votre ouvrage sera digne de la philosophie et de la législation ; il pourra contribuer au bonheur des hommes, s’il est écrit avec l’énergie qui caractérise l'exorde »[8].
D’Alembert (1717-1783), auquel le jeune écrivain s'est aussi présenté, a été moins bienveillant ; Brissot a en revanche été touché de celui de Linguet (1736-1794) et se voue tout entier[pas clair] au créateur des Annales politiques. Linguet lui donne des conseils et le charge de quelques articles pour le Mercure ; mais une intrigue lui fit enlever ce journal[pas clair].
Brissot, qui s’obstine dans une carrière que son père désapprouve, est obligé, en 1778-1779, d’aller rédiger le Courrier de l'Europe de Samuel Swinton, feuille anglaise dont on publie une traduction à et qui soutient les insurgés américains. Il y rencontre Charles Théveneau de Morande, avec lequel il a de très mauvais rapports. Brissot doit bientôt subir un censeur, qui réduit son travail à la simple traduction du journal de Londres ; il quitte donc cet emploi.
Brissot, qui persiste dans une carrière que son père désapprouve, se tourne en 1778-1779 vers le journalisme en devenant rédacteur pour le Courrier de l'Europe, une feuille anglaise qui soutient les insurgés américains et dont une traduction est publiée à Boulogne-sur-Mer. C’est au sein de cette aventure éditoriale qu’il rencontre Charles Théveneau de Morande, avec lequel il entretient des relations particulièrement tendues. Toutefois, contraint de se cantonner à la simple traduction des articles de Londres sous l’œil d’un censeur, désillusionné, il quitte cet emploi. De retour à Paris, il se livre à l’étude des sciences physiques et s’occupe de chimie avec Fourcroy et Marat.
Il remporte deux prix à l’Académie de Châlons. En 1781, il remporte le second prix de cette académie, sur le sujet : « Lorsque la société ayant accusé un de ses membres par l'organe du ministère public succombe dans cette accusation, quels seraient les moyens les plus praticables et les moins dispendieux de procurer au citoyen reconnu innocent le dédommagement qui lui est dû de droit naturel ?» [9].
Il travaille sur un Traité de la vérité et publie sa Théorie des lois criminelles[10], au sujet de laquelle Servan lui écrit : « Vous avez réalisé l’un de mes vœux les plus anciens, la réunion de tous les ouvrages qui ont traité des lois criminelles. Crions, monsieur, crions, tout un siècle ! Peut-être à la fin un roi dira : Je crois qu’ils me parlent ; peut-être il réformera. » Brissot disait, à ce sujet, que Servan avait raison, excepté sur un point : « C’est le peuple qui a entendu, et qui a réformé. »
Si les premiers ouvrages de Brissot lui valent l’amitié de quelques-uns des jurisconsultes et des littérateurs les plus célèbres, il n'en tire rien sur le plan financier, les libraires ne lui versant aucune rémunération. Il se met alors à écrire des pamphlets sur L’Inégalité sociale et une Bibliothèque philosophique du législateur (1782-1786, 10 volumes), dans la lignée de Rousseau (1712-1778).
Tout en participant à Paris aux spéculations boursières sous Louis XVI[réf. nécessaire], il imagine d’aller établir à Londres une sorte de Lycée ou de Musée, pour servir de point de réunion à tous les savants de l’Europe, un foyer d’où se répandraient les connaissances enfermées dans chaque nation, souvent inconnues chez les autres. Ce projet séduit plusieurs personnes, et d’Alembert cherche à y intéresser ses amis.
Après un voyage en Suisse, nécessité par la publication de ses ouvrages et le désir de se donner des correspondants, Brissot part pour l’Angleterre. Mais il ne reçoit pas les appuis espérés. Après y avoir publié le Journal du Lycée de Londres, qui comporte des notices pleines d’intérêt[réf. nécessaire] sur la littérature anglaise, il est emprisonné pour dettes à Londres à la suite de démêlés avec Swinton et forcé de renoncer à son projet.
Quelques jours après son retour en France, en 1784, il est arrêté et enfermé à la Bastille, ayant été dénoncé comme auteur des Passe-temps d’Antoinette, pamphlet contre la reine Marie-Antoinette, qui en réalité a été écrit par le marquis de Pellepore. Si Brissot n’est pas l’auteur de ce libelle contre la reine, le pamphlet Le Diable dans un bénitier semble avoir bénéficié de sa collaboration[11]. Il reste quatre mois enfermé, et est libéré à la suite de l'intervention de Félicité de Genlis et du duc d’Orléans[12], qui ont fait reconnaître son innocence.
Sorti de la Bastille, Brissot va demeurer chez Étienne Clavière, avec qui il s’est lié d'amitié pendant son voyage en Suisse. Ils composent ensemble plusieurs ouvrages sur les finances, qui paraissent sous le nom de Mirabeau. En effet, Mirabeau vit alors dans leur intimité.[pas clair]
À cette époque le marquis Ducrest, frère de Félicité de Genlis, est chargé de la gestion de la fortune du duc d’Orléans[13]. Il songe à s’entourer d’hommes instruits et de publicistes, dont les conseils et les écrits puissent servir ses projets de réforme. Brissot, dont l'épouse est lectrice de Mlle Adélaïde, se laisse séduire par les projets de Ducrest : il accepte une place à la chancellerie du Palais-Royal. Là il s’aperçoit combien il peut compter sur les principes et le caractère d’hommes qu’il voyait conspirer au milieu des orgies du palais, et parler de réformes et de liberté dans les boudoirs, avec des filles.[pas clair]
À la suite d’un complot qui éclate au Parlement[Quoi ?], organisé par la chancellerie d’Orléans, le prince est exilé et une lettre de cachet est lancée contre Brissot. Prévenu à temps, il se réfugie à Londres. Pendant ce nouveau séjour en Angleterre, Brissot est présenté à la Société de l’abolition de la traite des Noirs.
À son retour à Paris, il établit une société semblable appelée Société des amis des Noirs, qui commence ses travaux au mois de . Parmi les membres signataires du procès-verbal de la première séance, on remarque Clavières et Mirabeau. Il faut les considérer, avec Brissot, comme les fondateurs de cette société, qui exercera une si grande influence sur le sort des colonies ; la Fayette, Bergasse, la Rochefoucauld, Lacépède, Volney, Tracy, Lavoisier, Pastoret, Pétion, Sieyes, et plus tard l’abbé Grégoire, seront au nombre de ses membres les plus actifs et les plus dévoués. À cette époque il est aussi, tout comme Nicolas Bergasse ou le Marquis de Lafayette, un partisan de la théorie du magnétisme animal émise par le médecin allemand Franz Anton Mesmer. Il rejettera plus tard le magnétisme animal comme pratique contre-révolutionnaire.
Devenu secrétaire de Louis-Philippe d’Orléans il se charge, en 1788, d’aller, au nom de la Société des amis des Noirs, étudier aux États-Unis les moyens d’émanciper les populations que l’on veut rendre libres et dignes de la liberté. Il est accompagné par le financier genevois Étienne Clavière et débarque à Boston après 51 jours de mer, muni de deux lettres d'introduction, l'un du Général Lafayette destinée à George Washington, l'autre d'Armand Marc de Montmorin Saint-Hérem, Ministre des Affaires étrangères, à Éléonor François Élie de Moustier, ministre plénipotentiaire de la France aux États-Unis[14]. Il y passe quatre mois avant de se rendre ensuite aux Pays-Bas autrichiens où il assiste à la révolution brabançonne.
À son retour des États-Unis d'Amérique, Brissot « se jeta [dans la Révolution] avec l'impétuosité d'un homme qui avait concouru à la préparer par ses écrits », selon les Mémoires de Madame Roland[15].En , il est parmi les fondateurs de la Société des amis des Noirs qui milite alors pour l'égalité des Hommes de couleur libres avec les blancs, l’abolition immédiate de la traite des Noirs et la suppression progressive de l’esclavage colonial. Lors de la réunion des États généraux de 1789, il publie de nombreux d’écrits, qui fixent, dès lors, l’attention sur lui. Quelque temps avant la prise de la Bastille, il crée un journal républicain, le Patriote français, qui connait un grand succès. C'est dans ce journal qu'il qualifie d'« enragés », les baptisant ainsi, les égalitaires émettant le cœur des revendications populaires.
Il ne lui manque que quelques voix pour être député suppléant aux États généraux avec ses amis Siéyès et Pétion. Les États généraux, réunis le 5 mai 1789 à Versailles, deviennent l'Assemblée nationale constituante le 9 juillet. Les événements du 14 juillet renforcent considérablement le pouvoir des réformateurs.
Brissot s'engage activement dans les affaires révolutionnaires dès les débuts de la Révolution française. Il intègre la première municipalité de Paris ainsi que le comité des recherches de la ville. Bien qu'il ne siège pas à l'Assemblée nationale, sa réputation de publiciste engagé lui vaut d'être associé aux travaux du comité de constitution. En octobre 1790, aux côtés de Clavière, Jean de Bry et Carra, il est nommé par sa section membre de l'Assemblée électorale du département de Paris, chargée d'élire les fonctionnaires de l'ordre civil et ecclésiastique. Il intègre la La société des Amis de la Constitution, mais c’est seulement après la scission de juillet 1791 qu’il parvient à y établir une influence significative au sein des Jacobins. En , Brissot prend publiquement position contre Barnave , membre influent du comité des colonies. Dans une lettre ouverte, il l'accuse de trahir ses engagements en favorisant secrètement le maintien de la domination coloniale à Saint-Domingue. Cette dénonciation, amplifiée par les clubs révolutionnaires au printemps 1791, gagne en résonance après l'annonce à Paris de l'assassinat du mulâtre Vincent Ogé, figure de la lutte contre l'esclavage et l'oppression coloniale. Lorsque Louis XVI tente de fuir en juin 1791, Brissot s'impose comme une voix centrale du mouvement républicain. Il rédige, au Champ-de-Mars, la pétition du 17 juillet 1791 appelant à la déchéance du roi et à la proclamation de la République. Cette prise de position radicale le place en opposition irréconciliable avec Théveneau de Morande, un ancien libelliste qu'il avait rencontré à Londres, alors journaliste monarchien. À Londres, Morande avait conduit à l’arrestation de Brissot, en dénonçant ses supposées activités subversives auprès des autorités françaises. Cette épisode nourrit une inimitié durable qui atteint son paroxysme dans le contexte révolutionnaire[16]. Il forme autour de lui un cercle restreint d’amis, principalement issus de la Gironde, qui se réunissaient régulièrement avant les sessions de l'Assemblée. Parmi les plus connus figuraient Pierre Victurnien Vergniaud, Armand Gensonné, Élie Guadet, Jean-François Ducos, et Condorcet. Ce groupe, désigné plus tard sous le nom de « girondins », était marqué par l'influence personnelle de Brissot, dont le charisme et l'optimisme étaient notables[17].
Élu à l’Assemblée législative le , après onze ballottages[A 12], les objectifs de Brissot à l’automne 1791 restent flous. Il ne semble pas se distinguer idéologiquement des autres jacobins et ne cherche pas à renverser la monarchie. Sa stratégie semble plutôt axée sur l’acquisition du pouvoir politique, qu’il considère seul moyen de sauver la nation en danger[18]. Entre 1791 et 1793, ses prises de position et ses objectifs évoluent, parfois de manière contradictoire, alors qu'il tente d’influencer les autres députés et de placer ses amis au ministère au printemps 1792. Cependant, pendant quelques mois, ses discours et sa personnalité lui permettent de connaître un franc succès parmi les députés jacobins. Ainsi, durant l’hiver et le printemps 1792, Brissot se distingue par sa défense acharnée de la déclaration de guerre aux puissances de l’Europe[19]. Il déploie une rhétorique agressive et belliciste, tant à l'Assemblée législative qu’au club des jacobins[20]. Sa rivalité avec Robespierre commence en décembre 1791 autour de cette question, et s’intensifie lorsque Brissot et les girondins lancent des attaques contre Robespierre, affirmant mieux comprendre le peuple[21]. La confrontation devient personnelle, avec des échanges de plus en plus violents entre leurs alliés respectifs[22].
La position belliciste de Brissot le met en opposition avec plusieurs futurs montagnards ou sans-culottes, tels que Danton, Marat, Billaud-Varennes, Camille Desmoulins, Anthoine, Hébert, Doppet et Santerre. Ces derniers, convaincus avec Robespierre du danger pour la Révolution de compromettre sa vocation pacifique inscrite dans la constitution de 1791, s’opposent fermement à l’idée d’engager la France dans un conflit extérieur. Pour eux, préserver la paix avec les puissances européennes serait un élément fondamental de la stabilité révolutionnaire et de la légitimité du nouveau régime[23].
Le , il réussit à faire voter un décret législatif pour l'égalité des droits des hommes de couleur libres et des blancs. C'est le seul point qui l'accorde encore à Robespierre. Alors qu'en février 1792 dans Jacques-Pierre Brissot démasqué Camille Desmoulins attaque sa politique coloniale en laquelle il voit un facteur de division du camp révolutionnaire, Robespierre, au contraire, rend hommage à ce combat le dans Le défenseur de la Constitution similaire à celui qu'il menait à l'assemblée constituante[24].
En février 1791 dans une brochure consacrée à la traite des Noirs[25] Brissot avait repris et transformé une formule de Mirabeau « bières flottantes » prononcée par le célèbre tribun l'année précédente au Club des jacobins () [26] en "longues bières". Robespierre reprit cette expression en avril 1793 dans son projet de réglementation de la propriété[27]. C'est aussi qu'entre temps, le 11 août 1792, l'assemblée législative a fait supprimer les primes accordées jusque là aux négriers depuis 1784, mesure réclamée depuis sa naissance par la Société des Amis des Noirs. A tort où à raison Brissot en a conclu dans le Patriote français du 24 novembre 1792 que "la traite appartenait au passé [28]. A son tour le 24 avril 1793 Robespierre considérait prendre acte de la fin de la traite comme une nouvelle réalité.
Réélu à la Convention (1792) par le département d’Eure-et-Loir, il est alors regardé comme le puissant chef de file de ce parti « brissotin », bientôt « girondin », qui combat les excès des montagnards, mais dont la force va s’évanouir avec la royauté qu’il a renversée, et sur les débris de laquelle il voulait établir un ordre des choses nouveau. Il combat sans cesse l’anarchie. Voulant mettre en procès le ministre Delessart, il est attaqué dans le Journal de Paris par François de Pange.
Il flétrit de toute son indignation les septembriseurs, et s’élève avec tant d’énergie contre la condamnation à mort du roi, qu’il regarde comme impolitique, qu’en entendant son arrêt Louis XVI s’écrie : « Je croyais que M. Brissot m’avait sauvé ! »[29] Brissot cependant, convaincu de l’inutilité de ses efforts, a voté la mort, mais avec la condition expresse que le jugement ne soit exécuté qu’après avoir été ratifié par le peuple. Ce vote ne sert qu’à exaspérer les montagnards, sans sauver le roi ni même retarder sa mort.
Brissot, qui comprend tout ce que la France républicaine doit montrer d’audace devant l’Europe monarchique, et qui n’est pas assez inhabile pour croire qu’on la laissera paisiblement organiser ses forces, fait encore déclarer la guerre à l’Angleterre et à la Hollande, dernier acte politique par lequel il se signale. Sans cesse attaqué par les montagnards, tour à tour accusé de royalisme et de fédéralisme, il s’attire la haine de Robespierre et tombe, avec tous ses amis, le 31 mai.
Brissot fait partie des vingt-neuf députés décrétés d'arrestation à leur domicile à l'issue de la journée du 2 juin. Il se soustrait à la garde de ses gendarmes mais est arrêté à Moulins le 10 juin, muni de faux papiers suisses[30]. Il est reconduit à Paris et incarcéré à la prison de l'Abbaye[31]. Dans l'attente de son procès, il cherche à légitimer ses actions dans ses Mémoires, où il accuse sévèrement ceux qu'il estime responsables de sa chute. Seul Étienne Clavière échappe à sa colère, qu'il remercie pour son éducation républicaine. Décrété d'accusation comme conspirateur contre l'unité de la République et l'un « les agents de la faction anglaise, qui a exercé une influence si funeste sur le cours de notre révolution » devant le tribunal révolutionnaire le 3 octobre 1793[32], il est condamné à mort le 30, ainsi que vingt-et-un de ses collègues[33], et guillotiné le lendemain; les corps sont inhumés à la Chapelle expiatoire qui se trouve à l'emplacement de l'ancien Cimetière de la Madeleine.
Brissot est l’un des écrivains qui ont exercé le plus d’influence sur la marche de la Révolution française, ou qui, du moins, ont le plus accéléré son mouvement. Ses premiers ouvrages sur la législation, ses nombreuses brochures, ses discours à l’Assemblée législative et à la Convention attestent son dévouement aux grands principes de la Révolution française. Moraliste de l’école de Jean-Jacques Rousseau, il a toutes les vertus qu’il prêche dans ses écrits. Enthousiaste des mœurs américaines longtemps avant d’avoir visité l’Amérique, c’était un véritable quaker[34]. Son désintéressement et son austère simplicité étaient faits pour honorer cette république qu’il se glorifiait d’avoir aidé à fonder.
Jacques Pierre Brissot se fait rapidement appeler Brissot de Warville, il signe déjà de ce nom lors de l'inventaire établi après le décès de son père en 1780, alors qu'il est étudiant en droit[35].
Il est parfois indiqué que Jacques Pierre Brissot ajouta à son patronyme "de Warville", forme anglicisée de "Ouarville" parce qu'il a été placé en nourrice dans une famille demeurant au hameau d'Ouarville, commune de Lèves (Eure-et-Loir).
Or, dans ses Mémoires, Jacques Pierre Brissot écrit : « Né le second de mes frères, je portais, pour être distingué d'eux, suivant l'usage de la Beauce, le nom d'un village où j'avais été mis en nourrice et où mon père possédait quelques terres. Ce village s'appelait Ouarville, et Ouarville fut le nom sous lequel j'ai été constamment connu dans mon pays ; ainsi mon troisième frère fut appelé Thivars[36]. »
La famille Brissot possédait bien des terres sur la commune d'Ouarville (située à 29 kilomètres de Chartres) : le , suivant acte reçu par Me Vincent Chevard, notaire à Chartres, la famille Brissot, dont la veuve de Jacques Pierre Brissot, tutrice de ses trois enfants, se partage 27 hectares de terres situées à Ouarville[37] et le , suivant acte reçu par Maître Peluche, notaire à Chartres[38], Anacharsis Brissot de Warville (1791-1860), fils de Jacques Pierre Brissot, vendit à Louis François Chauveau, 6,78 hectares de terres situées à Ouarville dont il avait hérité, par représentation de son père, de sa grand-mère Marie Louise Legrand veuve de Guillaume Brissot[39].
Le , il épouse à Paris, paroisse Saint-Sulpice, Marie Catherine Félicité Françoise Dupont, née le à Boulogne-sur-Mer, paroisse Saint-Nicolas, qui a été aide-préceptrice, sous les ordres de Madame de Genlis, des enfants du duc d'Orléans, le futur « Philippe-Égalité »[40] et traductrice d’œuvres anglaises, notamment d’Oliver Goldsmith et de Robert Dodsley.
Après la mort de son époux, elle demeure à Paris, section des Thermes, rue et maison de Sorbonne (1800)[41], puis rue de Condé, Faubourg Saint-Germain n°15 (1802)[42], puis 8 rue Wertingen, cour abbatiale (1814) (aujourd'hui rue de Furstemberg), où elle meurt le . Elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise.
Le couple a trois enfants[43] :
Par son fils Anacharsis, Jacques Pierre Brissot est le grand-père du peintre Félix Brissot de Warville (1818-1892).
Ses Mémoires et son Testament politique (4 vol.) ont été publiés en 1829-1832 par son fils avec François Mongin de Montrol :
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