Une autre appellation, plus ancienne, est celle de galiote à bombes.
En dehors du domaine militaire, ce type de navire à la coque renforcée a montré son efficacité en milieu polaire, où la pression de la glace est importante. Ainsi, en 1770, les bombardes HMS Racehorse et HMS Carcass participent à une expédition vers le pôle nord; expédition qui comptait, parmi ses marins, le jeune Horatio Nelson.
Au XVesiècle, la guerre de siège mettait en œuvre des mortiers. Mais quand la ville assiégée était un port, il n'était pas possible de l'attaquer ainsi par la mer. Les galiotes à bombes, ou bombardes, furent imaginées par le chevalier Renau d'Eliçagaray pour permettre de telles attaques.
Elles tomberont en désuétude avec l'apparition des obus explosifs tirés par les canons Paixhans, sous la Restauration.
Le modèle de base est un navire marchand hollandais, nommé galiote. Il est à fond assez plat, solidement construit et portant généralement 3 mâts.
La coque.
Afin d'augmenter leur solidité, les bombardes sont doublées en bordages très forts et croisés diagonalement. La taille des pièces utilisées est comparable à celle des vaisseaux de 50 canons[2]
La mâture.
Elles portent deux ou trois mâts[3]. Ces mâts sont, comme sur les galiotes de commerce, décalés vers l'arrière, ce qui donne un aspect déséquilibré, mais permet de dégager la place pour les mortiers.
Il existera des modèles de galiotes à 3 mâts, mais pour lesquels il est indispensable de démonter le mât de misaine avant de pouvoir mettre en œuvre les mortiers. Ce système sera donc peu fréquemment utilisé.
Le gréement, sur l'avant, peut voir des chaînes remplacer les cordages, pour des raisons évidentes de solidité[4].
L'armement.
L'armement principal des galiotes est composé de un ou deux mortiers. Mais elles disposent aussi de pièces de canon pour leur auto-défense. Ce sont des pièces légères, de 4 ou 6 livres[5] et au nombre de 4 à 10. Il semble que les bombardes britanniques aient porté plus de canons que les françaises.
Le mortier (description). Les premiers modèles sont munis de tourillons à leur base. Cela permet de faire varier leur inclinaison. Le tube du mortier est déplacé par des câbles attachés au grand-mât. Un coin vient ensuite le bloquer dans la position choisie.
Pour des raisons de solidité, ce type de mortier sera remplacé par un modèle coulé avec la plaque sur laquelle il repose (d'où son nom de mortier à plaque). Il n'y a plus de réglage, le mortier pointe à un angle de 45°, reconnu comme étant celui offrant la meilleure portée. Les Britanniques resteront fidèles au modèle à tourillons, considérant, entre autres, que la possibilité de coucher le mortier sur son support améliorait la stabilité du navire.
On trouve un mais plus souvent deux mortiers. En général du même calibre mais pas toujours. Les mortiers sont montés de front sur les premières galiotes françaises, mais le montage en tandem deviendra le plus fréquent.
Les Britanniques innoveront en montant des mortiers sur pivot, ce qui permettra de varier aisément l'angle de tir.
Le mortier repose sur un puits, c'est-à-dire sur un système de charpente rendu aussi solide et en même temps aussi élastique que possible, qui s'élève du fond de la cale. Le support est constitué de madriers, empilés et fermement chevillés. Ce support a des espaces vides qui sont utilisés pour ranger le matériel.
L'angle fixe, formé par la direction du mortier et sa plateforme, est de 45°, qui est l'angle de la plus grande portée. Quelquefois la pièce tourne sur le pivot ou la semelle de son affût.
L'équipage.
L'équipage d'une bombarde varie selon le type. Les bombardes dessinées par Renau d'Eliçagaray ont un équipage de 36 marins et 5 officiers. Les artilleurs viennent du corps des bombardiers; ils sont une dizaine.
Quand il s'agit d'un autre type de bombarde, comme la Salamandre, frégate-bombardière, l'équipage atteint la centaine de marins.
Chez les Britanniques, la grande différence est à chercher chez les artilleurs qui viennent du Royal Artillery, c'est-à-dire de l'artillerie terrestre.
Les mortiers et leurs supports prenant beaucoup de place, les marins doivent s'installer sur l'avant, les officiers sur l'arrière. Il est fréquent, dans ces conditions, qu'un navire de charge suive la galiote, autant pour lui porter les munitions que pour offrir quartier à une partie de l'équipage.
La navigation.
Les galiotes ne sont pas réputées pour leurs qualités marines, mais elles sont capables de naviguer en haute mer. Ainsi, les toutes premières, construites à Dunkerque, devront aller au Havre pour y embarquer leurs mortiers. Elles devront affronter une tempête mais arriveront sans encombre à leur destination, prouvant par là-même, la qualité des réalisations de Renau d'Eliçagaray.
La disposition du grand-mât, reculé vers l'arrière a pour effet de compliquer les manœuvres de virement de bord. Pour y remédier, on utilisera des focs de grandes dimensions.
La mise en place.
Les galiotes ne tirent leurs mortiers qu'en étant à l'ancre. Il ne semble pas qu'il y ait des exemples d'utilisation des mortiers d'une galiote en déplacement[6]. La galiote va jeter ses ancres pour se trouver à bonne distance de sa cible.
Dans cette position, elle risque d'être la cible de l'artillerie ennemie. C'est pour cela que les bombardements ont souvent lieu de nuit.
Quand la bombarde ne gagne pas seule son emplacement de tir, elle peut être remorquée par des chaloupes ou des galères. Lors des bombardements d'Alger, la mise en place des galiotes se fait en 2 temps. D'abord, des chaloupes vont mouiller des ancres à un emplacement choisi. Ensuite, les galiotes vont se hâler sur le câble d'ancre pour atteindre leur position.
Généralement, mais pas toujours, les galiotes sont mises en ligne pour effectuer leur bombardement.
Pour éviter que l'ennemi ne tente de s'emparer des galiotes à l'ancre, elles sont équipées de quelques canons et pierriers. Mais, en général, leur protection est effectuée par des vaisseaux, des galères, voire des chaloupes armées. On pourra même voir des vaisseaux intercalés dans la ligne des galiotes, pour leur offrir la protection d'une artillerie plus importante.
Le bombardement.
Préparation du tir
La mise en batterie ressemble à celle d'un vaisseau classique, avec, par exemple, mise en place de sable humide sur le pont.
On retire aussi tous les éléments de gréement pouvant gêner le tir des mortiers.
Les bombes, si elles n'ont pas été préparées auparavant sur un autre navire, le sont dans la partie arrière de la galiote, c'est-à-dire la partie réservée normalement aux officiers et dont tous les éléments ont été démontés et descendus à fond de cale.
visée
Si les mortiers sont de l'un des modèles à pivot, ils sont orientés en direction de la cible.
Si, en revanche, ils sont fixes, la visée est plus compliquée. Il faut orienter l'ensemble du navire pour l'amener dans la bonne position. C'est pour cette raison que la galiote utilise plusieurs ancres et, soit elle tire sur le câble de l'une d'entre elles pour s'orienter, soit elle place des croupières sur les câbles et joue sur ceux-ci pour obtenir la bonne orientation.
Il n'y a pas moyen de régler le tir en distance. Soit le mortier est fixe, et la question ne se pose pas, soit l'inclinaison dépend du, ou des, coins de bois qui sont utilisés pour caler l'engin, système trop peu précis. On joue donc sur la quantité de poudre qui sera utilisée, pour lancer plus ou moins loin les bombes.
L'éclatement de la bombe est produit par une mèche. On la coupe à la longueur correspondant à la durée estimée de vol du projectile et on l'enfonce dans l'orifice prévu sur la bombe. Dans les premiers temps, il fallait allumer la mèche de la bombe en place avant de mettre à feu la charge. Ensuite, on se rendra compte que le tir lui-même suffit à enflammer la mèche.
cadences de tir.
On ne donnera qu'un exemple: en 1682, lors du premier bombardement d’Alger par 5 galiotes, il sera tiré trois bombes et demi par mortier et par heure[7]. Au total, la ville reçoit 308 bombes en 4 nuits de bombardement.
En France
Des galiotes à bombes ont participé aux combats suivants:
5 Galiotes participent à l'expédition menée par Duquesne. Il s'agit de La Menaçante, La Cruelle, La Bombarde, La Foudroyante et La Brûlante. Elles sont commandées non par un marin, mais par un officier d'artillerie, le capitaine Camelin.
Leur position de tir sera modifiée chaque nuit.
Entre les galiotes, sont placés des vaisseaux ou des galères pour les défendre en cas d'attaque ennemie.
Touage sur des ancres placées par des chaloupes. Les mortiers tirent par le travers des galiotes, ceci gêne la mise en place et offre la plus grande cible possible aux tirs ennemis. Cependant, les seuls dégâts proviendront de l'éclatement prématuré de bombes. La Cruelle connaîtra même un début d'incendie qui sera éteint par les quelques marins qui n'avaient pas sauté à l'eau.
Il y a maintenant 7 galiotes, mais aussi 4 chaloupes-carcassières[8]. Le système utilisé est similaire à celui de l'année précédente: ancres de touage placées par des chaloupes, cordage de chaque ancre relié à un vaisseau; la galiote se met en place et tirant sur le cordage. Maintenant, les mortiers des galiotes tirent vers l'avant.
Il mettra en œuvre 10 galiotes. Elles sont mises en place par les galères. Chaque galiote a un vaisseau, en arrière, pour la défendre en cas d'attaque des galères de Doria. Du 18 au , les galiotes lanceront près de 4000 bombes sur la ville[9].
Il y a 5 galiotes. Elles se mettent en place le soir, avec le système des ancres placées par des chaloupes. Le bombardement dure toute la nuit, environ 500 bombes sont lancées sur la ville. Les tripolitains cèdent rapidement, il n'y aura pas à rééditer le bombardement[10].
Il y a 10 galiotes de prévues. Seules 9 galiotes sont mises en position. Elles sont en mauvais état et, quand le feu cesse, le , c'est plus parce qu'elles ne sont plus en état de tirer que par décision politique. La ville a tout de même reçu près de 10 000 bombes[11].
L'escadre britannique de Gambier, qui va s'attaquer à l'escadre française mouillée sous le vent de l'île d'Aix, comprend les galiotes à bombes Aetna et Thunder. Elles ne joueront cependant aucun rôle important dans la bataille.
Les 5 galiotes suivantes participent au bombardement, Aetna, Devastation, Meteor, Terror[13] et Volcano.
Autres pays
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Cette liste ne comprend que des galiotes à bombes. Elle ne comprend pas les bâtiments comme La Salamandre, construite en 1696 à Toulon, qui sont des frégates bombardières. Ses caractéristiques sont très différentes (300 tonneaux, 100 hommes d'équipage, 20 canons en sus des 2 mortiers).
Elle ne comprend pas non plus les bâtiments de soutien des galiotes, comme HMS Helderenberg de 1688.
On remarquera que les noms donnés ont généralement un rapport avec le feu et ses manifestations. On remarquera aussi le réemploi fréquent de noms déjà attribués auparavant.
Le terme «bombe» de l'époque, XVIIeouXVIIIesiècle, fait référence à un projectile explosif et non à l'engin qui est actuellement nommé «bombe». Ces bombes sont sphériques, creuses, en fonte de fer. Emplies de poudre qui est mise à feu par une mèche distincte de celle qui fait partir la bombe. On peut aussi trouver le terme de «carcasse» qui fait référence à une bombe incendiaire, lancée à partir des mêmes mortiers.
On trouve des descriptions de bombardes à mât unique. Mais leur description les fait plus assimiler à des chaloupes qu'à des galiotes. Dans ce cas, on les appelle plutôt: prames d'artillerie, chaloupes carcassières, ou canonnières-bombardes à l'extrême fin du XVIIIesiècle. Se rapporter à l'ouvrage The line of battle, cité en bibliographie, page 95.
À l'époque, les calibres sont caractérisés par le poids du projectile tiré et non par le diamètre de leur âme. Un canon de 4, tire un boulet de fer d'un poids de 4 livres. De même, les mortiers seront de 12, de 18…
Encore que la question puisse se poser, comme pour la bataille de Vélez-Malaga, où le vaisseau Le Fier, de Villette-Mursay, voit son arrière détruit par une bombe, sachant que les adversaires anglo-hollandais disposaient de 2 galiotes. Mais les sources sont imprécises.
Ce n'est plus le même navire que celui cité pour 1801.
Ouvrages utilisés comme référence
Edmond Pâris et Pierre de Bonnefoux, Dictionnaire de la marine à voile [détail des éditions]
Jean Boudriot et Hubert Berti, L'artillerie de mer: marine franc̜aise 1650-1850, Paris, ANCRE, coll.«Archéologie navale française», , 198p. (ISBN978-2-903179-12-0 et 2903179123)
Jean Peter, L'artillerie et les fonderies de la marine sous Louis XIV, Paris, Institut de stratégie comparée Economica, coll.«Hautes études maritimes», , 212p. (ISBN2-7178-2885-0 et 978-2717828856)
Jean Peter, Les artilleurs de la marine sous Louis XIV, Paris, Economica Institut de stratégie comparée, coll.«Hautes études maritimes», , 158p. (ISBN2-7178-2821-4 et 978-2717828214)
(en) Brian Lavery, The arming and fitting of English ships of war, 1600-1815, Londres, Conway Maritime Press, , 319p. (ISBN0-85177-451-2 et 978-0851774510)
(en) Robert Gardiner (editeur) et Brian Lavery (éditeur), The line of battle: the sailing warship, 1650-1840, London Havertown, PA, Conway Maritime Press Distributed in North America by Casemate Pub, coll.«Conway's History of the Ship», (ISBN0-85177-954-9 et 978-0851779546), p.89-95
(en) P Goodwin, Anatomy of a ship: bomb-vessel Granado 1742, Conway,
Jean Peter, «Une stratégie de la terreur sous Louis XIV: les galiotes à bombes», Revue Internationale d'Histoire Maritime, no81,.
Livres.
Jean Peter, L'artillerie et les fonderies de la marine sous Louis XIV, Paris, Institut de stratégie comparée Economica, coll.«Hautes études maritimes», , 212p. (ISBN2-7178-2885-0 et 978-2717828856)
Jean Peter, L'artillerie et les fonderies de la marine sous Louis XIV, Paris, Institut de stratégie comparée Economica, coll.«Hautes études maritimes», , 212p. (ISBN2-7178-2885-0 et 978-2717828856)
Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, coll.«Bouquins»,
(en) Brian Lavery, The arming and fitting of English ships of war, 1600-1815, Londres, Conway Maritime Press, , 319p. (ISBN0-85177-451-2 et 978-0851774510)
(en) Robert Gardiner (editeur) et Brian Lavery (éditeur), The line of battle: the sailing warship, 1650-1840, London Havertown, PA, Conway Maritime Press Distributed in North America by Casemate Pub, coll.«Conway's History of the Ship», (ISBN0-85177-954-9 et 978-0851779546), p.89-95.
Fiction.
Une galiote à bombes en action est décrite dans le livre de C. S. Forester, Le seigneur de la mer (une des aventures de Horatio Hornblower), publié en 1991 (?) chez Phébus.
Récit d'une galiote à bombes en action décrite dans le livre de Alexander Kent, "A l'honneur ce jour-là" Phébus, 2005