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tragédie de Jean Racine De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Bérénice est une tragédie historique en cinq actes et en vers (1 506 alexandrins) de Jean Racine, représentée pour la première fois le à l’hôtel de Bourgogne, avec Marie Champmeslé, sa nouvelle actrice vedette, dans le rôle-titre. L'épître dédicatoire est adressée à Colbert.
Bérénice | ||||||||
Frontispice de l'édition Claude Barbin (1671). | ||||||||
Auteur | Jean Racine | |||||||
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Genre | tragédie | |||||||
Nb. d'actes | 5 actes en vers | |||||||
Lieu de parution | Paris | |||||||
Éditeur | Claude Barbin | |||||||
Date de parution | 1671 | |||||||
Date de création en français | ||||||||
Lieu de création en français | Paris | |||||||
Compagnie théâtrale | Hôtel de Bourgogne | |||||||
Chronologie | ||||||||
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Racine, dans sa préface, résume la pièce : « Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait, lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. »
Quoique la Troupe du Palais-Royal, que dirigeait Molière, ait joué Tite et Bérénice de Corneille juste une semaine plus tard, la pièce de Racine est entièrement différente de celle de son illustre aîné.
Contrairement à ce dernier, qui s'est attaché à s'inspirer des faits historiques et à construire l'intrigue de sa pièce sur la rivalité entre Bérénice et Domitie, future épouse de Domitien (frère et successeur de l'empereur Titus), Racine a voulu conserver l'image idéalisée d'un Titus renonçant à l'amour pour obéir à la raison d'État, qui s'est installée dans l'imaginaire sous l'influence de l'historien Suétone. On peut voir ainsi dans cette tragédie comme un reflet de la monarchie absolue et de l'exemplarité de Louis XIV. La princesse Palatine[1], puis Voltaire[2], se feront l'écho de l'analogie qui était née dans l'esprit de certains contemporains entre cette histoire et la renonciation fameuse du jeune Louis XIV à Marie Mancini lors du Traité des Pyrénées, qui lui avait imposé le mariage avec l'Infante d'Espagne. En citant Jacques Morel, pour qui « l'œuvre de Racine constitue un long dialogue avec Louis XIV (Théâtre complet, 1980) », un programme de la Comédie-Française précise que « l'action de Titus est donnée en paradigme de la monarchie française, de la légitimité du Roi et [que] Bérénice est la tragédie de la nécessité politique. »
« La tragédie de Racine avait tout lieu de plaire au monarque qui, dans ses actes et dans l'image qu'il renvoyait de la raison d'État, de la continuité monarchique, des pouvoirs et des devoirs qui incombent à la souveraineté, incarna le mieux le vers de Titus : « Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner. (acte IV, scène 5) » Tout comme Louis XIV qui s'engage à respecter les lois fondamentales du Royaume, rempart contre la tyrannie, Titus rappelle la loi romaine qui lui interdit d'épouser une reine étrangère :
Rome, par une loi qui ne se peut changer,
N'admet avec son sang aucun sang étranger,
Et ne reconnaît point les fruits illégitimes
Qui naissent d'un hymen contraire à ses maximes. (Paulin, acte II, scène 2)(Programme de Bérénice de la Comédie-Française, représentée à Luçon le 15 avril 2011, p.4-5) »
Depuis le XVIIIe siècle, certains auteurs, au premier rang desquels le propre fils du dramaturge, Louis Racine, ont affirmé l'idée selon laquelle Henriette d'Angleterre aurait demandé aux deux auteurs de composer ces deux pièces simultanément sur le même thème. Cependant, ce concours hypothétique fut combattu en 1907 par Gustave Michaut, puis, cinquante ans plus tard, par Raymond Picard[3]. De nos jours, c'est Georges Forestier qui précise encore les raisons qui portent à croire que Jean Racine, poussé peut-être par la troupe de L'Hôtel de Bourgogne (qui aurait souhaité rivaliser avec celle de Molière), aurait entrepris de se confronter directement au « grand Corneille » (qui avait tant critiqué son Britannicus), après avoir appris que ce dernier préparait un ouvrage sur les amours contrariées de Titus et Bérénice, propice à l'œuvre théâtrale de style élégiaque qu'il souhaitait écrire[4].
Alors que Tite et Bérénice ne compta que trois représentations, les spectateurs parisiens revenaient pleurer à Bérénice de Racine[5]. En commandant une représentation devant la Cour, le Roi Soleil lui-même exprima sa préférence[6]. Lorsque, par ordonnance du roi, la Comédie-Française eut été fondée en 1680, c'est Bérénice qui fut choisie, après la première représentation honorable du 23 août de Phèdre[7]. Le 23 octobre, cette nouvelle troupe royale commença à jouer Bérénice, de nouveau avec Marie Champmeslé[8].
Suétone avait raconté l’histoire de l’empereur romain et de la reine de Judée : parce que Rome s’opposait à leur mariage, Titus dut renvoyer Bérénice chez elle, inuitus inuitam (malgré lui, malgré elle). Racine élève la liaison sans doute assez banale d’un Romain et de sa maîtresse au niveau d’un amour absolu et tragique…
Bérénice est longtemps restée dans un purgatoire dont elle n’est ressortie qu’à la fin du XIXe siècle. En 1893, selon une forte volonté de Julia Bartet, un des modèles de la Berma de Marcel Proust, la Comédie-Française reprit cette pièce, mise en scène par Mounet-Sully, et eut le vent en poupe[8],[9]. Aujourd’hui, c’est l’une des tragédies de Racine les plus jouées après Phèdre, Andromaque et Britannicus.
Depuis la mort de Vespasien, père de Titus, tous s'attendent à une légitimation des amours qui lient celui-ci à Bérénice, reine de Palestine. Antiochus, roi de Commagène, ami proche de Titus, est secrètement amoureux de Bérénice depuis de longues années ; il décide, à l'approche du mariage désormais imminent, de fuir Rome - ce qu'il annonce à Bérénice en même temps qu'il lui avoue son amour pour elle. De son côté, Titus ayant sondé les assemblées romaines qui s'opposent à ses noces décide de renoncer à prendre Bérénice pour femme. Il envoie Antiochus annoncer la nouvelle à la reine. Celle-ci, sachant désormais les sentiments que l'ami de Titus nourrit pour elle, refuse de le croire. Pourtant Titus vient lui confirmer qu'il ne l'épousera pas, tout en la suppliant de demeurer à son côté, ce que, in fine, refuse Bérénice.
La tragédie naît de l’affrontement de deux impératifs inconciliables. Titus ne peut mettre en danger sa mission à la tête de Rome au nom de la passion qui l’unit à Bérénice. La pièce aurait pu procéder par revirements et coups de théâtre pour unir puis éloigner successivement les deux personnages. Racine choisit au contraire de supprimer tous les événements qui pourraient faire de l’ombre à l’unique action du drame : l’annonce, par Titus, du choix qu’il a fait de quitter Bérénice. Titus, à l'acte II, scène 2[10], après que Paulin lui a annoncé que Rome refuse qu'il épouse une reine comme Bérénice, a pris la décision de la renvoyer. Il lui reste dès lors à l’annoncer à Bérénice et celle-ci doit l’accepter. Leur passion n’est jamais remise en cause, à aucun moment la vie d’un personnage n’est en danger : rien ne vient distraire l’attention. L'habileté artistique de Racine consiste à « faire quelque chose à partir de rien » (préface de Bérénice), à créer chez le spectateur « cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie » à partir d’un sujet que l’on peut raconter en une phrase (4 vers). La tension atteint son paroxysme à la fin du 4e acte, lorsque Titus explique le drame qui le sépare de Bérénice, qui refuse la décision qu’il a prise. Puis le 5e acte montre admirablement comment les deux personnages font face à leur devoir : contrairement à d’autres personnages de Racine, ils acceptent leur séparation sans se réfugier dans la mort.
Acte I
Acte II
Acte III
Acte IV
Acte V
Andromaque et Bérénice, par Muriel Mayette :
« Deux œuvres si différentes : l'une cherchant le pardon, l'histoire des amours vierges et des idéaux impossibles, la pièce des revirements et des pulsions destructrices, l'autre, chagrin des amours consommées et périssables, déroulé d'une nuit pour un départ, aucun rebondissement, aucune surprise, mais le long deuil des sentiments. »
« Deux œuvres si proches, dans leur parfaite composition, les lapsus permanents, la chanson intérieure d'un rythme cardiaque épuisé, l'alexandrin maître... Mais tous debout face au monde face à leur destin et seuls, toujours, seuls avec les mots pour ne pas mourir. Le théâtre où le dire est la véritable action. Les mots viennent repousser la violence des sentiments et accouchent au matin d'une nouvelle vie[11]. »
Dans ses Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture (1719), l'abbé Du Bos critiquait sévèrement Bérénice en affirmant que son sujet est mal choisi et ne saurait susciter la compassion:
« Un Prince de quarante ans qu'on nous représente au désespoir & dans la disposition d'attenter sur lui-même, parce que sa gloire & ses intérêts l'obligent à se séparer d'une femme dont il est amoureux & aimé depuis douze ans, ne nous rend guéres compatissant à son malheur. Nous ne sçaurions le plaindre durant cinq actes. [...] Un tel malheur ne sçauroit l'abbatre , s'il a un peu de cette fermeté, sans laquelle on ne sçauroit être, je ne dis pas un Héros, mais même un homme vertueux. [...] C'est faire tort à la réputation qu'il a laissée, c'est aller contre les loix de la vraisemblance & du pathétique véritable, que de lui donner un caractere si mol & si efféminé. [...] Aussi quoique Bérénice soit une piéce très-méthodique & parfaitement bien écrite, le public ne la revoit pas avec le même goût qu'il lit Phédre, & qu'Andromaque. Monsieur Racine avoit mal choisi son sujet [...] »
Touchant la dramaturgie, les trois règles du théâtre classique sont entièrement respectées[12]. D'abord, au regard de l'unité de lieu, il est écrit qu'il s'agit d'un cabinet qui est entre l'appartement de Titus et celui de Bérénice, à Rome, selon la préface de Racine[13]. Ensuite, c'est la déclaration de Titus qui présente l'unité d'action, notamment « Comment ? » et « Quand ? ». Le départ de Bérénice est sa conséquence. Enfin, le drame ne dure que 24 heures (l'unité de temps). La pièce de Racine respecte donc toutes les règles classiques de son temps. De plus la règle de bienséance est respectée également puisque rien de ce qui pourrait heurter la sensibilité du spectateur n'apparaît dans la pièce. La règle de vraisemblance est elle aussi respectée.
Rita Strohl (1865-1941) a écrit en 1892, une sonate pour violoncelle intitulée « Titus et Bérénice » et suivant le drame racinien[24].
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