Les organismes à métabolisme méthanogène, ou simplement les méthanogènes, sont des micro-organismes qui produisent du méthane comme sous-produit métabolique de la vie en conditions anoxiques, par méthanogenèse. Le méthane est le produit final de leur respiration anaérobie.
Certaines espèces peuvent néanmoins survivre un certain temps en présence de dioxygène.
Ils étaient autrefois classés comme Archéobactéries; mais celles-ci ont depuis été reclassées, les méthanogènes sont maintenant des Archées, un groupe de procaryotes distinct des bactéries[1].
Les microorganismes méthanogènes sont tous des procaryotesunicellulaires. Ils présentent des formes variées, principalement coccoïdales (forme de sphère) ou en bâtonnet plus ou moins longs, à enveloppe régulière ou non, formant parfois des spirilles. Ils sont isolés ou se regroupent selon des modalités classiques (par paire, en chaînettes plus ou moins allongées, en agrégats hétérogènes ou en biofilms. Certains sont mobiles.
Les méthanogènes sont tous des Archaea, lesquels ont pour caractéristique d'être dépourvues d'un polymère (D-glycérol) présent dans les parois cellulaires des bactéries et de tous les autres procaryotes. Le polymère qui joue les mêmes fonctions chez les Archaea est le L-glycérol qui implique un système enzymatique différent[3].
Alors que chez les Eucaryotes et Bactéries la membrane cellulaire a des glycérolipides constitués d’esters de glycérol et d’acide gras, les Archaea ont eux, une membrane faite de glycérol dont les groupements alcools sont associés à des alcools à longues chaînes carbonées branchées (un groupement méthyle tous les 5 atomes de carbone): des isoprénols. Cette association est permise par des liaisons éther, plus stables à haute température que les liaisons ester utilisées par les bactéries et procaryotes[4].
Les Archaea n'ont pas de muréine (peptidoglycane) dans leur paroi cellulaire. Certaines ont une pseudomuréine, et d'autres (selon l’ordre considéré) ont au moins un réseau paracristallin (couche S) constitué de sous-unités protéiques s'assemblant comme les pièces d'un puzzle, ce qui les rend résistantes aux antibiotiques interférant dans la synthèse du peptidoglycane telle la pénicilline, la cyclosérine ou la valinomycine. Cette antibiorésistance est souvent utilisées pour isoler ces micro-organismes[2].
Les organismes méthanogènes sont presque tous des anaérobies stricts, c'est-à-dire qu'ils meurent en présence de traces de dioxygène par auto-oxydation de certains cofacteurs nécessaires à leur métabolisme. Quelques espèces survivent quelque temps en présence d'oxygène[5], de même qu'en milieux extrêmes (de 0 à plus de 100°C, dans des milieux arides, acides, toxiques, très chauds…)[6].
Il existe même une exception connue à l'anaérobiose, Methanosarcina barkeri, qui produit une enzyme (superoxyde dismutase ou SOD) lui permettant de survivre longtemps en présence de dioxygène[7].
Habitats
Trois grands types d'habitats abritent ces microorganismes correspondant selon Garcia et al. (2000), à trois types de chaînes trophiques et à des voies de production de méthane différentes pour chaque type:
Zones humides et marines où des archées vivent dans les couches inférieures des sédiments où les sulfates sont épuisés, dans des milieux variés, allant de sédiments marins ou estuariens, jusqu'aux tourbières et marais[8]. Là selon Agnès Mihajlovski (2009)[9], environ un tiers du méthane est produit par le biais de la voie hydrogénotrophe et les deux tiers restant le sont par la voie acétoclastique[10],[11];
Le système digestif (intestins le plus souvent) de nombreux animaux (termites, mammifères, dont l'Homme ou les ruminants chez lesquels ils sont responsables d'importantes émissions de gaz, par leurs éructations principalement…). Quelques autres bactéries sont «méthanogènes partielles» (Helicobacter pylori dans l'estomac humain par exemple). Là, la méthanogenèse se fait essentiellement à partir d’H2 et de CO2[9];
Milieux extrêmes; de déserts chauds et secs et jusqu'à 3km de profondeur dans des échantillons de glace prélevés au Groenland[12]. Des archées extrêmophiles vivent et se reproduisent à des températures variant de 15à100°C (même un peu plus dans la vapeur d'eau de certains geysers et sources chaudes, éventuellement sous-marines évents hydrothermaux; c'est le cas par exemple de Methanopyrus kandleri qui vit optimalement à 98°C, et jusqu'à 110°C, trouvée jusqu'à 2 000 m de profondeur à la base des «fumeurs noirs» de la dorsale du Golfe de Californie[13]. Ces types d'archées constituent les espèces vivantes les moins rares dans les milieux souterrains profonds. On en a aussi trouvé à l'intérieur de roches «solides» de la croûte terrestre, à des kilomètres sous la surface. Là des archées hydrogénotrophes produisent du CH4 sans matière organique, à partir d'hydrogène géologiques (ex.: dans les roches profondes, l'hydrogène peut provenir de la dégradation thermique et radioactive de l'eau).
Substrats nutritifs
Les méthanogènes contribuent à la décomposition de la matière organique (en milieu anoxique), mais ils ne peuvent se nourrir directement des substrats carbonés les plus abondants (sucres, acides gras à longue chaine, alcools); ils dépendent de l’activité métabolique d’autres organismes et ne peuvent se nourrir que sur trois types de substrats carbonés[9]:
Remarque: au moins deux archées: Methanothermobacter thermoautotrophicus (Ordre 1) et Methanosarcina barkeri (Ordre 4) savent utiliser le CO (comme agent réducteur)[16],[17].
Voie méthylotrophe : dans ce cas les micro-organismes méthanogènes sont dits méthylotrophes, exploitant le groupe méthyle du méthanol, de méthylamines (monométhylamine, diméthylamine, triméthylamine et tetraméthylammonium) ou les sulfures de méthyle (méthanethiol et diméthylsulfure) . Ils sont tous de l’ordre des Methanosarcinales (Ordre 4), sauf certains Methanobacteriales hydrogénotrophes du genre Methanosphaera (Ordre 1). Certains tels Methanomicrococcus blatticola et des Methanosphaera (Ordre 1) ont néanmoins aussi besoin d'hydrogène durant leur croissance car réduisant les groupements méthyles par l'hydrogène[18],[19]; ils sont donc à la fois méthylotrophes et hydrogénotrophes obligatoires. Cette voie présente diverses variantes[20].
Voie acétotrophe (ou acétoclastique): c'est la voie d'où viennent les 2/3 du CH4 émis dans les zones humides et les sols. L'acétate est ici la source de carbone. Il est cassé en un groupement méthyle et un CO ensuite oxydé en CO2 alors que le groupement méthyle est lié à la méthanoptérine puis réduit en CH4 selon des réactions qui sont proches de celles des (?) aux deux dernières étapes de la voie hydrogénotrophe[9]. Remarque: Seuls deux genres (Ordre 4) utilisent cette voie: MethanosarcinaetMethanosaeta[9].
En règle générale, les Methanosarcinales utilisent préférentiellement le méthanol et les méthylamines par rapport à l’acétate. De nombreuses espèces utilisent également l’H2.
Certains scientifiques ont posé l'hypothèse que la présence de méthane dans l'atmosphère martienne puisse être le signe d'une méthanogenèse native sur cette planète[21].
Ils jouent un rôle important dans le cycle du carbone, les puits de carbone et le rétrocontrôle du climat par le Vivant (Il a été estimé qu'un tiers du méthane rejeté dans l'atmosphère pourrait avoir pour origine ces microorganismes).
Les méthanogènes jouent un rôle écologique majeur dans des environnements anaérobies où elles suppriment les excès d'hydrogène et de produits issus de fermentation par d'autres formes de respiration anaérobie. Les méthanogènes prospèrent habituellement dans les environnements dans lesquels tous les autres accepteurs d'électrons (comme l'oxygène, les nitrates, les sulfates, et fer trivalent) ont été épuisés.
Il existe aussi des symbioses avec des bactéries anérobies strictes qui fournissent en continu l'hydrogène et le gaz carbonique indispensables à la méthanogenèse hydrogénotrophe. On dit qu'il se forme un consortium écologique.
Étroitement lié à la biométhanogenèse, existent des organismes méthanotrophes, capables d'oxyder le méthane, via une réduction par des sulfates et nitrates[22].
La plupart des bactéries méthanogènes sont des productrices autotrophes, mais celles qui oxydent le CH3COO− sont classés comme chémohétérotrophes.
Les méthanogènes peuvent être classés en trois groupes en fonction du substrat utilisé pour la production de méthane[23].
Cette classe utilise le dioxyde de carbone (CO2) de leur milieu comme source de carbone, en présence d'hydrogène comme un agent réducteur. Le formiate peut aussi être utilisé comme source d'électrons par la plupart des méthanogènes hydrogénotrophes[23]. Trois organismes peuvent utiliser le monoxyde de carbone pour générer du méthane: Methanothermobacter thermoautotrophicus, Methanosarcina barkeri et Methanosarcina acetivorans[23].
Ce sont des réactions exergoniques (qui libèrent de l'énergie).
Elles ont lieu généralement dans des milieux réducteurs (potentiel < -330 mV).
Elles s'accompagnent donc d'une consommation d'hydrogène (processus d'épuration). Il y a aussi élimination du carbone réduit sous forme de CH4 gazeux (perdu pour le métabolisme).
Étapes de la méthanisation
mobilisation des matières organiques (végétales);
hydrolyse de la cellulose et des hémicelluloses → libération des glucides → voie des oxydations aérobies et des fermentations;
fermentation sur des composés organiques drainés à partir du tapis végétal ou accumulé par sédimentation du phytoplancton. Action des germes ANA (bactéroides, butyvibrio, bifidobacterum, bactobacillus, clostridium…);
libération d'acides organiques, de gaz carbonique, d'hydrogène
CO2, H2 → alimentation directe de la méthanogenèse.
Le méthane étant une source d'énergie verte et un gaz à effet de serre, les archaea méthanogènes intéressent de plus en plus les scientifiques et les industriels; elles représentent aujourd'hui une part très importante des recherches effectuées dans le monde sur les archaea[25].
On cherche aussi à diminuer les éructations riches en méthane des bovins nourris hors-sol (au soja notamment), par exemple par des additifs alimentaires à base d'algues[26].
On a déjà scientifiquement décrit une cinquantaine d'espèces de méthanogènes strictes, qui toutes sont anaérobies et appartiennent aux Archaea, mais ne forment pas un groupe monophylétique.
Ci-dessous, liste non limitative, à titre d'exemples:
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Bibliographie
Mihajlovski A (2009) Réévaluation de la biodiversité du microbiote méthanogène intestinal humain et influence de l'âge sur sa constitution Thèse de Doctorat en Microbiologie et Parasitologie. Université Blaise Pascal - Clermont- Ferrand II; Université d’Auvergne - Clermont-Ferrand. NNT:2009CLF1PP07. tel-00726349
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V. Peters, R. Conrad, 1995, Methanogenic and other strictly anaerobic bacteria in desert soil and other oxic soils, Applied and Environmental Microbiology, 61: 1673-1676
J.K. Kristjansson, et al.; 1982; Different Ks values for hydrogen of methanogenic bacteria and sulfate-reducing bacteria: an explanation for the apparent inhibition of methanogenesis by sulfate; journal Arch. Microbiol.; volume 131; pages 278-282; doi:10.1007/BF00405893
Mihajlovski A (2009) Réévaluation de la biodiversité du microbiote méthanogène intestinal humain et influence de l'âge sur sa constitution Thèse de Doctorat en Microbiologie et Parasitologie. Université Blaise Pascal - Clermont- Ferrand II; Université d’Auvergne - Clermont-Ferrand I, 2009. Français. NNT: 2009CLF1PP07. tel-00726349
Huber R, Kurr M, Jannasch H.W & Stetter K (1989) A novel group of abyssal methanogenic archaebacteria (Methanopyrus) growing at 110°C. Nature 342: 833-834.
Widdel F (1986) Growth of Methanogenic Bacteria in Pure Culture with 2-Propanol and Other Alcohols as Hydrogen Donors. Appl Environ Microbiol 51: 1056-1062
Bleicher, K., G. Zellner & J. Winter, (1989) Growth of methanogens on cyclopentanol/CO2 and specificity of alcohol dehydrogenase. FEMS Microbiol. Lett. 59: 307–312
O'Brien & al. (1984) Association of hydrogen metabolism with unitrophic or mixotrophic growth of Methanosarcina barkeri on carbon monoxide. J Bacteriol 158: 373-375.
Sprenger W.W, Hackstein J.H & Keltjens J.T (2007) The competitive success of Methanomicrococcus blatticola, a dominant methylotrophic methanogen in the cockroach hindgut, is supported by high substrate affinities and favorable thermodynamics. FEMS Microbiol Ecol 60: 266-275.
Miller T.L & Wolin M.J (1985) Methanosphaera stadtmaniae gen. nov., sp. nov.: a species that forms methane by reducing methanol with hydrogen. Arch Microbiol 141: 116-122
(en) Yuchen Liu et William B. Whiteman, «Metabolic, Phylogenetic, and Ecological Diversity of the Methanogenic Archaea», Annals of the New York Academy of Sciences, vol.1125, , p.171.189 (DOI10.1196/annals.1419.019)
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