Auteur d’une œuvre somme toute modeste et bien que n’ayant cultivé que trois genres instrumentaux – sonate, sonate en trio et concerto – Corelli est néanmoins considéré comme l'un des compositeurs majeurs de la période baroque. Il exerça une influence durant sa vie, mais également longtemps après, grâce à l'édition de ses opus chez de nombreux éditeurs à travers toute l'Europe.
Né à Fusignano près de Ravenne, Arcangelo Corelli est le cinquième enfant d'une famille prospère de propriétaires terriens[1]. Il reçoit le même prénom que son père, lequel est mort 5 semaines avant sa naissance. Le petit Arcangelo est ainsi élevé par sa mère Santa (née Ruffini ou Raffini) aux côtés de ses quatre frères et sœurs.
Il reçoit probablement ses premières leçons d'un professeur local, avant de partir en 1666 à Bologne, ville qui est à l'époque un centre majeur de la culture musicale, avec une école florissante de violonistes. Il y apprend le violon auprès de deux célèbres violonistes Leonardo Brugnoli et Giovanni Benvenuti, eux-mêmes élèves d'Ercole Gaibara. En 1671, il se rend à Rome et devient violoniste de l'église Saint-Louis-des-Français. Il y subit notamment l'influence d'Alessandro Stradella (autre élève de Gaibara), lequel fut créateur de la formation en concerto grosso, dont Corelli contribue au développement. Il fait partie des musiciens qui participent à la première présentation publique de l'oratorio le plus connu de Stradella, San Giovanni Battista, en 1675, en l'église San Giovanni Battista dei Fiorentini, à Rome[2].
Il pourrait avoir voyagé en Europe – en France, en Espagne, en Allemagne, mais aucun document ne le prouve véritablement – avant de s'installer définitivement à Rome où il passa presque tout le reste de sa vie, ne quittant la Ville Éternelle que pour un court voyage à Naples.
À Rome, où sa présence est attestée dès 1675[1], il parvient à se placer sous la protection de puissants mécènes — la reine Christine de Suède (à qui il dédie l'opus I de 1681), les cardinaux Benedetto Pamphilj et Pietro Ottoboni[1], neveu du pape régnant —, ce qui lui permet de mener une vie sans soucis financiers et de soigner particulièrement une œuvre assez réduite en nombre de pièces, mais de très grande qualité, entièrement destinée au violon et à l'orchestre à cordes. Le , il joua lors de l'inauguration du Teatro Capranica dans Dove è amore è pietà de Pasquini[1]. Le , le cardinal Pamphilj l'engagea comme maître de musique; il rejoint de la sorte d'autres musiciens: Matteo Fornari (avec qui il avait déjà joué) et le violoncelliste espagnol G.B. Lulier surnommé «Giovannino del violone»[1].
Il quitta la vie publique vers 1708. Il jouit alors d'une solide aisance financière, réunit une riche collection de tableaux de maîtres[1] et semble avoir été généreux envers ses proches.
Il mourut à Rome le et fut enterré au Sanctuaire de Sainte-Marie-de-la-Rotonde.
Sa renommée en tant que violoniste et chef d'orchestre — il lui arriva de diriger plus de 150 musiciens ()[1] — était très grande et plus encore, peut-être, que celle de compositeur dont la publication des œuvres était pourtant attendue avec impatience dans toute l'Europe. Son opus 1 connaît au moins 39 éditions de 1681 jusqu'à 1790 (sans compter les pastiches, les arrangements et les sélections), succès éditorial inconnu avant Joseph Haydn[1]. Quant à son œuvre la plus connue, l'opus 5, elle ne connaît pas moins de 42 éditions avant 1800[1]. Geminiani a arrangé les opus 3 et 5 sous forme de concerto grossi, et l'opus 6 était joué pendant tout le XIXesiècle en Angleterre[1]. Veracini laisse Dissertazioni sopra l'opera quinta del Corelli et Tartini écrit L’arte dell’arco. Plus tard, Serge Rachmaninoff utilise le thème de la Folia (opus 5 no12) et Michael Tippett lui rend hommage.
Corelli a été en contact avec de nombreux collègues musiciens: Bernardo Pasquini, Alessandro Scarlatti,etc. Georg Muffat et Georg Friedrich Haendel ont tenu à le rencontrer lors de leur voyage respectif en Italie: le premier dans les années 1690; le second produisant Il trionfo del tempo e del disinganno en et La resurrezione que dirige Corelli les 9 et [1]. Il fit partie de plusieurs sociétés savantes: l'Académie de Bologne, la Congrégation des virtuoses de Sainte-Cécile, l'Académie d'Arcadie (avec Pasquini et Scarlatti), où il prit le pseudonyme d'«Arcomelo Erimanteo»[1].
Son influence a été très grande, à la fois dans la diffusion de formes nouvelles — sonate et concerto grosso — et dans la technique du violon. Ce rayonnement s'est exercé largement au-delà des frontières italiennes. Par exemple, Jean-Sébastien Bach et François Couperin l'admiraient beaucoup. Le premier lui a emprunté un thème de sa Sonate op. 3 no4 pour sa Fugue d'orgue en si mineur (BWV 579). Le second en faisait, pour la musique italienne, le pendant de ce qu'était Lully pour la musique française: il lui dédia «Le Parnasse, ou L’apothéose de Corelli» et s'efforça d'imiter son style dans les sonates dites «des goûts réunis». Dandrieu laisse une pièce de son second livre de clavecin (1727) intitulée «La Corelli»[1].
Corelli eut par ailleurs de nombreux disciples violonistes et compositeurs qui essaimèrent dans différents pays: Francesco Geminiani, Giovanni Battista Somis, Pietro Locatelli, Giovanni Stefano Carbonelli, Francesco Gasparini, entre autres. On considère généralement que Corelli est l'initiateur de la technique moderne du violon, bien qu'il ne fût pas tenté par la virtuosité pure. Il est tout à fait représentatif du style baroque italien, caractérisé par l'emploi d'une ornementation riche — qui sera reprise plus tard par Jean-Sébastien Bach —, d'un continuo composé de plusieurs instrumentistes — clavecin, violoncelle, théorbe, guitare baroque — comme l'attestent plusieurs peintures contemporaines, et d'un contraste dynamique et rythmique important séparant chaque mouvement — comme en a témoigné Georg Muffat dans ses écrits.
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Arcangelo Corelli laisse environ 82 œuvres. Ce qui a été publié de son vivant est relativement restreint: cinq numéros d'opus; auxquels il faut ajouter l'opus 6, qu'il ne put terminer (bien que joué dès 1682), et qui fut publié à titre posthume. Ces recueils contiennent chacun douze morceaux.
Opus 3: 12 sonates d'église (da chiesa) en trio (Rome, 1689)[5]
en fa majeur: Grave, Allegro, Vivace et Allegro
en ré majeur: Grave, Allegro, Adagio et Allegro
en si-bémol majeur: Grave, Vivace, Largo et Allegro
en si mineur: Largo, Vivace, Adagio et Presto
en ré mineur: Grave, Allegro, Largo et Allegro
en sol majeur: Vivace, Grave, Allegro et Allegro
en mi mineur: Grave, Allegro, Adagio et Allegro
en do majeur: Largo, Allegro, Largo et Allegro
en fa mineur: Grave, Vivace, Largo et Allegro
en la mineur: Vivace, Allegro, Adagio et Allegro
en sol mineur: Grave, Presto, Adagio et Allegro
en la majeur: Grave, Vivace, Allegro, Allegro et Allegro
Opus 4: 12 sonates de chambre (da camera) en trio (Rome, 1694)[6]
en do majeur: Prélude (Largo), Courante (Allegro), Adagio et Allemande (Presto))
en sol mineur: Prélude (Grave), Allemande (Allegro), Grave et Courante (Vivace))
en la majeur: Prélude (Largo), Courante (Allegro), Sarabande (Largo) et Gavotte (Allegro))
en ré majeur: Prélude (Grave), Courante (Allegro), Adagio et Gigue (Allegro))
en la mineur: Prélude (Adagio), Allemande (Allegro), Courante (Vivace) et Gavotte (Allegro))
en mi majeur: Prélude (Adagio), Adagio, Allegro-Adagio, Allemande (Allegro) et Gigue (Allegro))
en fa majeur: Prélude (Largo), Courante (Allegro-Grave), Sarabande (Vivace) et Gigue (Allegro))
en ré mineur: Prélude (Grave), Allemande (Allegro) et Sarabande (Allegro)
en si-bémol majeur: Prélude (Largo), Courante (Allegro), Grave et Gavotte (Allegro))
en sol majeur: Prélude (Adagio-Allegro), Grave et Gavotte (Presto))
en do mineur: Prélude (Largo), Courante (Allegro) et Allemande (Allegro))
en si mineur: Prélude (Largo), Allemande (Presto) et Gigue (Allegro)
Opus 5: 12 sonates pour violon solo et continuo — nos1-6da chiesa et nos7-12da camera; la douzième sonate exploite le thème de «La Folia» (Rome, 1700)[7]
en ré majeur: Grave-Allegro-Adagio-Grave-Allegro-Adagio, Allegro, Allegro, Adagio et Allegro
en si-bémol majeur: Grave, Allegro, Vivace, Adagio et Vivace
en do majeur: Adagio, Allegro, Adagio, Allegro et Allegro
en fa majeur: Adagio, Allegro, Vivace, Adagio et Allegro
en sol mineur: Adagio, Vivace, Adagio, Vivace et Gigue (Allegro)
en la majeur: Grave, Allegro, Allegro, Adagio et Allegro
en ré mineur: Prélude (Vivace), Courante (Allegro), Sarabande (Largo) et Gigue (Allegro)
en mi mineur: Prélude (Largo), Allemande (Allegro), Sarabande (Largo) et Gigue (Allegro)
en la majeur: Prélude (Largo), Gigue (Allegro), Adagio et Gavotte (Allegro)
en fa majeur: Prélude (Adagio), Allemande (Allegro), Sarabande (Largo), Gavotte (Allegro) et Gigue (Allegro)
en mi majeur: Prélude (Adagio), Allegro, Adagio, Vivace et Gavotte (Allegro)
Opera prima, Sonate a trè, doi Violini, e Violone, ò Arcileuto, col Basso per l'Organo. Consecrate alla Sacra Real Maestà di Cristina Alessandra Regina di Svezia & c. Da Arcangelo Corelli da Fusignano, detto il Bolognese. Imprimé par Gio. Angelo Mutij; Rome, 1681. Réimpressions: Bologne 1682; Rome 1683; Venise 1684; Bologne 1684; Modène 1685; Rome 1685; Bologne 1688; Rome 1688; Anvers 1688; Bologne 1697; Amsterdam 1695-1700; Paris 1700, 1710; Bologne 1714; Venise 1707; Amsterdam 1715.
Opera seconda, Sonate da Camera a trè, doi Violini, e Violone, ò Cimbalo Consecrate all'Emin.mo e Rev.mo Signore il Signor Card. Panfilio da Arcangelo Corelli da Fusignano, Detto il Bolognes. Imprimé par Gio. Angelo Mutij; Rome, 1685. Réimpressions: Bologne 1685; Modene 1685; Venise 1686; Rome 1686; Venise 1687; Rome 1688; Anvers 1689; Rome 1691; Venise 1692; Bologne 1694; Venise 1697; Amsterdam 1697; Bologne 1701; Rome 1701; Londres 1703; Venise 1705; Amsterdam c. 1706, c. 1709; Paris c. 1710; Amsterdam c. 1716, c. 1716 (con titolo diverso); Paris c. 1719; Londres c. 1720.
Opera terza. Sonate à tre, doi Violini, e Violone, ò Arcileuto col Basso per l'Organo Consecrate all'Altezza Ser.ma di Francesco II. Duca di Modena, Reggio &c. da Arcangelo Corelli da Fusignano detto il Bolognese. Imprimé par Giacomo Komarek Boerno, 1689. Réimpressions: Bologne 1689; Modène 1689; Venise 1691; Anvers 1691; Venise 1694; Monti 1695; Rome 1695; Amsterdam c. 1697; Venise 1700; Rome 1701; Bologne 1702; Amsterdam c. 1706, c. 1709; Venise 1710; Amsterdam c. 1716, c. 1716 (avec un titre différent); Paris c. 1718, c. 1719.
Opera quarta. Sonate à tre composte per l'Accademia dell'Em.mo e Rev.mo Sig.r Cardinale Otthoboni et all'Eminenza sua consecrate da Arcangelo Corelli da Fusignano. Imprimé par per Gio. Giacomo Komarek Boemo, 1694. Réimpressions: Bologne 1694; Rome 1695; Venise 1695; Amsterdam 1696; Anvers 1696; Rome-Modène 1697; Bologne 1698; Venise 1700; Venise 1701; Londres ca. 1701-02; Bologne 1704; Amsterdam c. 1706; Amsterdam c. 1709; Amsterdam c. 1709 (titre différent); Venise 1710; Paris c. 1710; Amsterdam c. 1716, c. 1716; Londres c. 1720.
Opera quinta. Sonate a Violino e Violone o Cimbalo Dedicate all'Altezza Serenissima Elettorale di Sofia Carlotta Elettrice di Brandenburgo Principessa di Brunswich et Luneburgo Duchessa di Prussia e di Magdeburgo Cleves Giuliers Berga Stetino Pomerania Cassubia e de Vandali in Silesia Grossen Burgravia di Norimberg Principessa di Halberstatt Minden e Camin Contessa di Hohenzollern e Ravenspurg Ravenstain Lauenburg e Buttau da Arcangelo Corelli da Fusignano. Réimpressions: Bologne 1700; Amsterdam c. 1700; Londres c. 1700, 1702; deux à Amsterdam, c. 1708, c. 1709, et deux c. 1710; Bologne 1711; Londres c. 1711; Londres, s.d., c. 1712; Amsterdam c. 1716; Paris 1719; Amsterdam 1723.
Opera sesta. Concerti Grossi Con duoi Violini e Violoncello di Concertino obligati e duoi altri Violini, Viola e Basso di Concerto Grosso ad arbitrio, che si potranno radoppiare; Dedicati all'Altezza Serenissima Elettorale di Giovanni Guglielmo Principe Palatino del Reno; Elettore e Arcimarescialle [sic] del Sacro Romano Impero; Duca di Baviera Giuliers, Cleves & Berghe; Principe di Murs; Conte di Veldentz, Spanheim, della Marca & Ravenspurg; Signore di Ravenstein & c. & c. da Arcangelo Corelli da Fusignano.