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Affaire Kalinka Bamberski
Affaire Dieter Krombach Affaire Kalinka Bamberski | |
Fait reproché | Homicide |
---|---|
Pays | Allemagne |
Ville | Lindau |
Date | |
Nombre de victimes | 1 : Kalinka Bamberski |
Jugement | |
Statut | Affaire jugée : condamnation par contumace puis définitive de Dieter Krombach |
Tribunal | cour d'assises de Paris |
Date du jugement | - |
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L’affaire Dieter Krombach, également nommée affaire Kalinka Bamberski, est une affaire criminelle qui débute à Lindau en Allemagne le . Ce jour-là, Kalinka Bamberski, une adolescente française âgée de 14 ans, meurt dans la maison de son beau-père allemand, le cardiologue Dieter Krombach. Des résultats d'autopsie suspects poussent le père français de la jeune fille, André Bamberski, à faire pression sur les autorités allemandes pour qu'elles enquêtent sur l'implication de Krombach dans la mort. Lorsque l'Allemagne classe l'affaire en 1987 et refuse son extradition, Krombach est jugé par contumace en France et reconnu coupable d'homicide involontaire en 1995.
En 2009, André Bamberski fait enlever Dieter Krombach en Allemagne par des hommes de main afin de le livrer à la justice française, où il est finalement jugé et reconnu coupable en 2011 d'avoir causé des « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Il est ainsi condamné à quinze années de réclusion criminelle, jugement confirmé en appel en 2012. Dans le même temps, André Bamberski est condamné à un an d'emprisonnement avec sursis pour l'enlèvement.
Dieter Krombach est libéré de prison pour raisons médicales le , puis meurt en Allemagne le , à l'âge de 85 ans.
André Bamberski est né le 22 juillet 1937 au Quesnoy, en France. La famille de son père est originaire de Pologne. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands le déportent avec sa sœur jumelle en Allemagne puis en Pologne[1],[2]. Il rentre en France en 1946 et réalise des études de comptabilité et devient expert-comptable.
En 1962, après trente-six mois de service militaire en Algérie, il s'installe à Casablanca, au Maroc. Il y rencontre et épouse Danièle Gonnin avec qui il a deux enfants, Kalinka, née le 7 août 1967, et Nicolas, né en 1972[3],[4]. Au début des années 1970, André Bamberski est financier spécialisé en fiscalité internationale et dirige une entreprise de 850 personnes à Casablanca. Là, lui et son épouse rencontrent Dieter Krombach (né le à Dresde) et la seconde épouse de celui-ci ; la première épouse de Krombach, Monika, avec qui il a eu deux enfants, Diana et Boris, étant décédée subitement à 24 ans des suites d'une thrombose[5]. Krombach travaillait en tant que médecin cardiologue au consulat allemand de Casablanca. C'est là que Krombach et Danièle Gonnin commencent une liaison intime. Avec sa femme et ses enfants, Bamberski rentre en France en 1976 et s'installe à Toulouse. Mais la relation entre son épouse Danièle et Krombach se poursuit dans cette même ville et tous deux quittent finalement leurs partenaires respectifs avant de se marier en 1977. Après le divorce de leurs parents, les enfants de Bamberski sont initialement confiés à leur père, avant que la garde ne soit finalement accordée à leur mère en 1980. Ils partent alors vivre avec la famille recomposée Krombach à Lindau, en Allemagne. Kalinka, selon son souhait, devait repartir vivre en France pour la rentrée scolaire de 1982[3].
Kalinka Bamberski, née le à Casablanca, au Maroc[6], est retrouvée morte le (âgée de 14 ans) à Lindau (Bavière), au domicile de son beau-père, le docteur allemand Dieter Krombach, chez qui elle passe les vacances au bord du lac de Constance.
Le médecin explique aux enquêteurs qu’il a injecté à Kalinka une préparation à base de fer et de cobalt (Kobalt-Ferrlecit, un médicament administré aux personnes anémiées, sans effet sur la mélanisation) parce qu’elle « se plaignait de ne pas bronzer suffisamment » auprès de son frère Nicolas et de sa demi-sœur Diana[7]. D’après lui, l’adolescente serait morte d’une insolation, après une journée passée à faire de la planche à voile[8],[9].
Le médecin légiste qui autopsie le corps de Kalinka le après-midi à l'hôpital de Memmingen ne se prononce pas sur les causes exactes de sa mort[10]. Il a constaté des traces de sang frais sur les parties génitales, une déchirure de la vulve et la présence de substances blanchâtres dans le vagin, qu’il n’a pas fait analyser par un frottis. Si aucune expertise toxicologique n’a été pratiquée, le légiste a toutefois qualifié d’« étranges » et de « grotesques » les injections de différents produits pratiquées par Krombach pour réanimer Kalinka, alors que son corps se trouvait déjà en état de rigidité cadavérique. La présence de débris alimentaires dans son œsophage et la trachée lui fait penser qu'elle est morte étouffée par des vomissements[7]. À la suite de cette autopsie, le parquet de Kempten classe l’affaire le [11].
Une nouvelle enquête est lancée en France. Le corps de Kalinka Bamberski, inhumé près de Toulouse, est exhumé, afin qu'on puisse procéder à une deuxième autopsie. Celle-ci permet de découvrir que l'appareil génital de la jeune fille a été entièrement retiré, ne permettant pas de plus amples examens[12].
Le , la quatrième chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris écrit qu'il existe des « charges suffisantes [permettant de conclure que] Dieter Krombach a [...] volontairement donné la mort à Kalinka Bamberski » et prononce son renvoi pour « homicide volontaire » devant la cour d'assises de Paris[13]. Il encourt alors la réclusion criminelle à perpétuité.
Le , la cour d'assises de Paris se place en retrait par rapport aux réquisitions de 1993 et reconnaît Dieter Krombach coupable d’« avoir [...] volontairement exercé des violences sur la personne de Kalinka Bamberski, [...] violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». En l'absence de l'accusé, la cour le condamne, par contumace, au maximum de la peine prévue par l'article 222-7 du Code pénal français, soit quinze ans de réclusion criminelle[14], sans que sa peine soit assortie d’un mandat d’arrêt international. Ce mandat sera délivré deux ans plus tard[15] sur l'insistance du père de la victime.
En , Dieter Krombach, séparé de Danièle Gonnin depuis 1984, et divorcé de cette dernière depuis 1989[16], est condamné en Allemagne à deux ans de prison avec sursis, pour avoir violé, sous anesthésie, Laura Stehle, une de ses patientes âgée de 16 ans. Identifié par son sperme, le médecin a reconnu les faits. Cinq autres patientes l’ont accusé de viol, mais leurs témoignages n’ont pas été retenus, faute de preuves[15]. Pour ce viol, il est condamné à une peine de deux ans de prison, associée du sursis, ayant plaidé coupable et ayant renoncé à exercer toute activité médicale en Allemagne[17].
Arrêté en en Autriche, le cardiologue a été relâché un mois plus tard sans que son extradition ne se déclenche.
En , il est condamné à deux ans et quatre mois de prison ferme pour escroquerie par le tribunal de Cobourg : il avait traité illégalement des patients en se présentant comme remplaçant officiel de médecins pendant les vacances, même s'il avait perdu le droit de pratiquer la médecine en 1997[18]. Une patiente avait recherché le nom du médecin sur internet[19].
Affaire Dieter Krombach | |
Titre | Affaire Krombach c. France |
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Organisation | Conseil de l'Europe |
Tribunal | Cour européenne des droits de l'homme |
Date | |
Personnalités | |
Composition de la cour | Pdt : W. Fuhrmann, J.-P. Costa, L. Loucaides, P. Kūris, F. Tulkens, K. Jungwiert, Nicolas Bratza |
Autre personne | André Bamberski : père de la victime (Kalinka Bamberski) |
Détails juridiques | |
Branche | Procédure pénale |
Problème de droit | Conformité de la procédure de contumace |
Voir aussi | |
Lire en ligne | Texte de la décision |
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Le Dr Krombach reproche à la France de le condamner par contumace pour des faits relevant d'un non-lieu en Allemagne.
Le , la Cour européenne des droits de l'Homme déclare que plusieurs violations de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) ont eu lieu durant le procès de , notamment en raison de l'impossibilité pour l'accusé, absent, de se défendre devant la cour d'assises, ce qui contrevient à l'article 630 du code de procédure pénale. En conséquence la CEDH condamne la France à lui verser 100 000 francs français pour frais de procédure[20].
Cela a d'ailleurs débouché sur une réforme des procès par contumace, ceux-ci ne pouvant être considérés comme des procès équitables, car l'accusé ne peut se défendre ni se faire représenter par un avocat[21].
Le dimanche , le commissariat de Mulhouse est averti par téléphone que le cardiologue allemand se trouve sur un trottoir de la rue du Tilleul à deux pas du tribunal de Mulhouse. Les policiers le retrouvent en effet vers 3 h 50 sous le porche d'un immeuble de cette rue blessé à la tête, bâillonné et ligoté[22]. Quelques heures avant cette découverte, il avait été enlevé près du lac de Constance, non loin de la frontière autrichienne, par trois hommes, Anton Krasniqi, un Kosovar, Kacha Bablovani, un Géorgien, et Ivan, un Russe. Le docteur avait ensuite été jeté dans une voiture, qui avait pris la direction de Mulhouse[23]. Aussitôt après la découverte du docteur, la police interpelle le père de Kalinka, André Bamberski, et le place en garde à vue : au moment des faits, ce dernier se trouvait à Mulhouse, alors qu'il réside près de Toulouse, en Haute-Garonne[15]. André Bamberski reconnait avoir commandité l'enlèvement du docteur Krombach pour le livrer à la justice française. Le père risque alors une condamnation pour enlèvement[24].
Le cardiologue est conduit à l'hôpital de Mulhouse et placé en garde à vue, puis transféré le à Paris, où il est hospitalisé[25]. Un juge des libertés et de la détention (JLD) ordonne son incarcération[25].
Un nouveau procès doit avoir lieu du au aux assises du palais de justice de Paris, mais est reporté en raison de l'état de santé de l'accusé. Il reprend le mardi et le . La cour d'assises de Paris condamne Dieter Krombach à quinze années de réclusion pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », suivant les réquisitions de l'avocat général. Les avocats du médecin font appel de cette condamnation.
Le , il se dit victime de violences de la part de ses codétenus de la prison de Fresnes, dont Marc Machin[26].
Le , en appel, il est condamné par la cour d'assises de Créteil à 15 ans de prison. Toutefois, son avocat, Philippe Ohayon, décide de saisir, en accord avec son client, la Cour de cassation, car, pour lui, les accords internationaux n'ont pas été respectés.
Ce pourvoi est rejeté le [27],[28], rendant la condamnation définitive[29]. En , Dieter Krombach a néanmoins saisi la CEDH. Celle-ci estime que certains des griefs soulevés par le requérant ont été formulés hors-délai et que, pour d'autres griefs, le requérant n'a pas épuisé toutes les voies de recours interne. Enfin, le CEDH considère la majeure partie de la requête irrecevable ; elle retient toutefois le point soulevé par Krombach, à savoir qu'il avait été relaxé par le parquet allemand pour le décès de Kalinka Bamberski et ne peut donc être jugé deux fois pour la même affaire. La CEDH communique cette partie de la requête au gouvernement défendeur[30]. Après avoir reçu les conclusions des gouvernements français, allemand et belge, de la part de M. Bamberski et du requérant, la CEDH estime que le double jugement n'est interdit que dans le cas de juridictions d'un même État, et, à l'unanimité, « déclare le grief tiré de l’article 4 du Protocole n° 7 irrecevable »[31].
Le , le procès d'André Bamberski pour avoir fait enlever Dieter Krombach s'ouvre au tribunal de Mulhouse[32],[33],[34]. Le procureur de la République requiert six mois de prison contre lui[35],[36]. Le , le tribunal correctionnel le condamne à un an de prison avec sursis[37],[38],[39],[40],[41],[42],[43], une peine plus lourde que les réquisitions. Au civil, André Bamberski est condamné à payer un tiers des indemnités dues à Dieter Krombach pour l'enlèvement et les violences qu'il a subies à cette occasion. André Bamberski fait appel de cette condamnation civile. Le , il obtient qu'il soit uniquement condamné à payer une partie des indemnités dues au titre de l'enlèvement et non pas des violences, la justice estimant qu'il n'est en rien responsable des violences infligées à Dieter Krombach lors de son enlèvement par les hommes de main[44], qui sont condamnés à payer une provision de 6 000 euros au titre des dommages et intérêts à Dieter Krombach, en attendant les expertises médicales pour déterminer les montants précis à payer[45].
Invoquant le principe pénal du non bis in idem, et arguant que la justice allemande avait à ses yeux tranché le dossier en 1987, Dieter Krombach introduit en octobre 2014 une requête devant la Cour européenne des droits de l'homme, mais sans succès. À partir de 2015, il formule des demandes pour être libéré pour raison médicale ; et en 2016, une expertise montre qu'il souffre d'une pathologie cardio-vasculaire susceptible de menacer son pronostic vital.
Le , le juge de l’application des peines du tribunal de Melun accepte de suspendre la peine, ce qui permettrait à Krombach de séjourner dans un EHPAD en France ou en Allemagne ; le parquet fait appel, à la satisfaction d'André Bamberski[46]. La cour d'appel décide d'ordonner une nouvelle expertise pour déterminer si la peine doit être réellement suspendue[47].
Le , la cour d'appel de Paris a ordonné une nouvelle expertise de l'état de santé de l'ancien médecin allemand. L'examen du dossier a été renvoyé au mois de , le médecin restant, lui, en prison[48].
Le , la cour d'appel rejette la demande de suspension de peine pour raison médicale[49].
En , la demande de grâce présidentielle déposée par Krombach est rejetée, faute de motif suffisant[50].
Au cours de l'été 2019, Krombach désormais octogénaire est examiné par des experts médicaux qui concluent que son état de santé n'est plus compatible avec une détention ordinaire. André Bamberski engage l’avocat Stéphane Maitre pour tenter de s’opposer à une libération anticipée[51].
Le , le tribunal de l'application des peines lui accorde une suspension de peine. Mais l'exécution de la décision est suspendue en attendant sa reconnaissance par les autorités judiciaires allemandes qui n'interviendra que le .
En raison de son état de santé, le tribunal de l'application des peines de Melun ordonne la suspension de peine de Dieter Krombach. Il est libéré le [52].
Âgé de 84 ans, il quitte donc la prison de Melun le pour repartir en Allemagne. De Toulouse où il réside, André Bamberski considère que cette remise en liberté est illégale, injuste, ahurissante et abominable[53]. Dieter Krombach meurt le à Winsen (Luhe), à l’âge de 85 ans[54].
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