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Les abus sexuels dans l'Église catholique en Belgique désignent des agressions sexuelles de mineurs et majeurs, commises au sein de l'Église catholique en Belgique par certains de ses clercs et agents pastoraux.
L’Église belge est confrontée à des révélations d’abus sexuels perpétrés par des membres du clergé, souvent à l’encontre de mineurs. Ces cas, couverts pendant des décennies, ont suscité une indignation nationale et conduit à plusieurs enquêtes judiciaires, ainsi qu’à des réformes internes au sein de l’Église. En 2024, le pape François, lors d'une visite en Belgique, demande aux évêques belges de ne pas couvrir les agressions sexuelles.
En Belgique, plusieurs affaires traitées en justice dans les années 1990, ainsi que l'impact psychologique de l'affaire Dutroux, provoquent la mise en place de premières mesures à la fin des années 1990[1]. En 1997, le cardinal Godfried Danneels ordonne la création d'une ligne téléphonique de dénonciation « verte » destinée aux victimes de prêtres pédophiles. En 1999, Lanneau et Danneels sont mis en cause lors d'un procès civil pour non-assistance à personne en danger, un prêtre de leur diocèse s'étant rendu coupable d'actes de pédophilie. Dans le procès en appel, ils sont cependant reconnus innocents. En 2000, la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale est instaurée pour assister les victimes qui se font connaître[2],[3]. Dans les années 2000, moins d'une dizaine de prêtres sont condamnés pour abus sexuels[1]. Le père Rik Devillé, défenseur des droits des victimes, estime toutefois que de nombreux dossiers sont restés sans suite, les faits étant prescrits. Des prêtres n'auraient pas été sanctionnés et le point de vue de certaines victimes délaissé[4],[5].
Le , l'évêque de Bruges, Roger Vangheluwe, démissionne après avoir reconnu des abus commis sur un jeune garçon, les faits s'étant produits alors qu'il était encore prêtre diocésain ainsi qu'au début de son épiscopat[6],[7],[8]. André Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles, et primat des évêques de Belgique, estime que Vangheluwe aurait dû, en raison des actes qu'il avait commis, refuser l'ordination épiscopale[9]. Le fait que Roger Vangheluwe ait pu être ordonné évêque malgré ces abus incite Léonard à renforcer les enquêtes préalables aux nominations, y compris celles des prêtres et diacres[10],[11]. L'archevêque invite aussi les victimes à se manifester à la commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale. Les jours suivant voient un afflux de témoignages, une centaine de personnes dénonçant des faits anciens[12].
Début mai, Léonard insiste pour que les victimes portent plainte et « implore ceux qui accomplissent une tâche pastorale et qui ont commis des abus sexuels à se rendre spontanément à la justice »[11]. À la suite des aveux publics de Roger Vangheluwe, la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuel dans une relation pastorale reçoit de nombreux courriers et témoignages sur des faits commis les décennies précédents. En un mois, 350 plaintes sont enregistrées[13]. Le , le ministre de la justice annonce qu'un magistrat de référence va être désigné pour centraliser tous ces dossiers[14].
Le , les évêques de Belgique rendent publique une lettre pastorale sur cette « onde de choc ». Ils reconnaissent que « des responsables d'Église n'ont pas suffisamment pris la mesure du drame de l'abus sexuel sur mineurs et de l'étendue de ses séquelles ». Les évêques demandent pardon aux victimes. Appelant à une « culture de vérité et de justice », ils remercient « les victimes qui trouvent le courage de briser le mur du silence ». Ils décident d'appliquer plus sévèrement les critères d'admission à l'ordination ou à toute autre responsabilité dans l'Église. Les évêques estiment que la question des abus dans l'Église est en lien avec le mode d'exercice de l'autorité. Aussi, « l'Église doit entreprendre un examen de conscience afin de faire évoluer ces normes d'exercice de l'autorité qui peuvent conduire à des abus de pouvoir sur mineurs. »[15],[16].
Début , le ministère de la justice organise, par une circulaire, une collaboration entre les parquets et la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale, qui recueille, au nom de l'Église, les plaintes confidentielles, généralement soumises à prescription[17],[18]. Celles-ci sont alors au nombre de 475[18]. Selon cet accord, la commission prend elle-même la décision de faire connaître à la Justice, avec l'autorisation des plaignants, les faits pouvant constituer une infraction[18]. Des faits prescrits sont notamment signalés pour éviter que leur auteur ne mette en danger d’autres personnes[19]. Toutefois, les juges d'instruction ne sont pas liés par cette convention. L'un d'eux mène, le jeudi , une large perquisition dans les établissements de l'Archidiocèse de Malines-Bruxelles[18],[20],[19]. La raison de cette opération est une instruction ouverte à charge d'inconnu pour des attentats à la pudeur commis sur mineurs d'âges[20]. Le palais archiépiscopal de Malines est fouillé, ainsi que la crypte de la cathédrale Saint-Rombaut de Malines, le domicile du cardinal Godfried Danneels, ancien archevêque, et les locaux de la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale. Du matériel informatique et des dossiers sont saisis, dont ceux traités par la Commission[20].
À la suite de cette perquisition du , les membres de la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale démissionnent le lundi , estimant que leur travail n'est plus possible dans ces conditions[18],[21]. Le président de la commission, Peter Adriaenssens déplore notamment la méfiance des autorités judiciaires[18],[21]. Certains commentateurs considèrent que la Commission, en recueillant les témoignages des victimes, permettait à l'Église d'éviter que celles-ci se confient directement à la justice[17]. D'autres pensent au contraire qu'elle représentait un sas important, donnant aux personnes la possibilité de témoigner de leur souffrance avec la garantie que leur démarche resterait confidentielle[22],[19]. L'association Child Focus, un groupe de 250 médecins signataires d'une pétition, et le ministre de la Justice déplorent la façon dont les perquisitions se sont déroulées et le fait que les enquêteurs n'aient pas respecté le désir de discrétion des victimes qui s'étaient confiées à l'Église[23],[24],[25].
Pour beaucoup de commentateurs, l'accord entre le ministère de la justice et l'Église sur le traitement des dossiers est bancal dès lors que ceux-ci peuvent être saisis à tout moment par un juge d'instruction[17],[18],[26]. Le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, souhaite toutefois que l'Église assure à nouveau, la gestion des dossiers saisis auxquels la justice ne donnera pas suite. Cela afin que l'Église puisse donner des réponses, et accorder des réparations, aux victimes qui se sont adressées à elle pour des faits prescrits par la justice[23].
Le , le parquet général estime que les perquisitions menées au sein de l’Église étaient entachées d'irrégularités : « elles furent trop générales, dépassaient la saisine du juge d’instruction », a expliqué l'avocat du cardinal Danneels[27]. Les documents de la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale auraient été saisis illégalement. Les perquisitions menées dans la Commission sont déclarées nulles et les dossiers doivent lui être restitués[28],[29]. Le , la chambre des mises en accusation de Bruxelles conclut que les perquisitions ordonnées en juin au palais épiscopal de Malines et au domicile du cardinal Danneels étaient illégales. Toutes les pièces qui avaient été enlevées devront être rendues[30].
Le rapport de la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale est rendu public par son président Peter Adriaenssens, le [31]. La Commission a enregistré 327 plaintes d'hommes et 161 de femmes pour les soixante dernières années. Les faits ont surtout été commis dans les années 1960-70, et ont eu des conséquences parfois dramatiques. Au moins treize victimes d'abus se sont suicidées[32]. La commission ayant démissionné en juin à la suite des perquisitions, la création d'un centre d'accueil est, un temps, envisagée par l'Église pour aider les victimes, en concertation avec la Justice, le ministère public et les tribunaux interdiocésains[33]. Les évêques renoncent ensuite à ce projet, estimant que le pouvoir judiciaire doit être seul à gérer les plaintes[34]. Les demandes des victimes seront toutefois prises en considération au niveau des diocèses et ordres religieux concernés[35]. Fin , la Conférence épiscopale de Belgique établit que sur 134 prêtres abuseurs identifiés depuis les années 1960, seuls 21 ont fait l'objet d'une condamnation par l'Église ou la justice. Les autorités judiciaires, ont été saisies de 70 % des cas. Moins d'un abuseur sur six a été suspendu par les évêques[36],[37],[38].
De à , une commission parlementaire présidée par la députée Karine Lalieux auditionne les évêques, les supérieurs de congrégations religieuses, les représentants des victimes et des hommes politiques pour analyser les causes des abus commis et les moyens mis en œuvre pour y remédier[39],[40],[41]. Son rapport est rendu public le et contient 70 recommandations. Celles-ci portent entre autres sur les indemnisations, les délais de prescription qui devraient être rallongés, l'éloignement du coupable et le recours à l'association Child Focus pour tout signalement d'abus[42],[43].
En 2019, le prêtre belge Rik Devillé publie In naam van de Vader (« Au nom du père », éditions EPO, non traduit), Rik Devillé y présente 101 témoignages de victimes d'abus sexuels au sein de l'Église catholique en Belgique. Cet ouvrage conduit, en septembre 2023, à un documentaire de la chaîne publique flamande Vlaamse Radio- en Televisieomroeporganisatie : Godvergeten (« Les oubliés de Dieu ») basé essentiellement sur le travail de Rik Devillé[44]. À la suite de ce documentaire, le Parlement fédéral institue une commission d’enquête sur le sujet[45] Rik Devillé vient témoigner devant des députés en novembre 2023. Considérant que l'Église « possède la pédocriminalité dans son ADN », il préconise que le suivi de ces dossiers soit assuré exclusivement par la justice civile[44],[46].
Dans son homélie de Noël 2023, Luc Terlinden, évoque principalement les enfants victimes d’abus sexuels ou d’une adoption forcée : « une réalité douloureuse qui est revenue au grand jour ces dernières semaines à la suite des témoignages poignants de victimes. Ceux-ci nous invitent non seulement à la compassion mais aussi à un engagement résolu pour le respect de la dignité de toute personne humaine… »[47].
Afin de préparer la visite du pape François en Belgique en septembre 2024, pour célébrer le 600e anniversaire de l’Université catholique de Louvain, des victimes d'agressions sexuelles commises au sein de l'Église lui adressent une lettre pour qu'il comprenne leur douleur et demander des actions concrètes dans ce domaine[48].
L'évêque de Hasselt, Patrick Hoogmartens, annonce ne pas participer aux célébrations lors de la venue du pape, ayant rédigé une « nécrologie élogieuse d’un prêtre du diocèse ayant commis des violences sexuelles » avant de se rétracter[49]. Par ailleurs, une chanson composée par le prêtre Paul Schollaert (nl), prévue pour la cérémonie du 29 septembre, est déprogrammée après la révélation des abus sexuels de ce prêtre, abus restés inconnus du public après un accord en 2002 entre les parties concernées et de leur engagement à rester discrètes. À la suite de cette erreur, Luc Terlinden, président de la Conférence épiscopale de Belgique, souhaite mettre en place un suivi des délinquants sexuels, une des recommandations de la commission Dutroux il y a près de 30 ans[50].
Le pape François reçoit 17 victimes de violences sexuelles commises par des membres du clergé belge dont certaines ont témoigné dans le documentaire Godvergeten, parmi ces 17 victimes se trouve Anne-Sophie Cardinal violée par un prêtre à l'âge de 10 et 11 ans et Jean Marc Turine violé par plusieurs Pères jésuites du collège Saint-Michel à Bruxelles. D’autres victimes d'abus sont présentes lors d’une réception du pape au château de Laeken, ainsi que des victimes d’adoptions forcées. Le prêtre Rik Devillé critique le mode de sélection opaque des victimes autorisées à voir François. Joël Devillet, victime d'un abbé pédophile à partir de ses 14 ans, regrette de ne pas pouvoir rencontrer le pape[51],[52]. Toujours est-il, que le Pape a prononcé le mot « crime » au lieu de « péché » pour évoquer les abus sexuels et qu'il réfute la notion de prescription[53]. Lors de la messe au stade Roi Baudouin à Bruxelles, il demande aux évêques belges de ne pas couvrir les agressions sexuelles au sein de l'Église [54].
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