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compositeur et musicien polonais (1958-2013) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Zbigniew Karkowski, né le à Cracovie (Pologne) et mort le au Pérou, est un compositeur et musicien expérimental de renommée internationale. Son œuvre met au premier plan l'expérience sensorielle du son, vécue dans l'instant présent, et s'oppose à tout enfermement dans des structures et systèmes[1],[2]. Selon Kasper T. Toeplitz, "le monde sonore de Karkowski c’est la musique noise, les compositions algorithmiques, le fracas, la puissance et le volume comme données premières et essentielles"[3]. Zbigniew Karkowski s'est produit professionnellement depuis les années 1980 dans le cadre des musiques contemporaine, industrielle, noise ou expérimentale.
Naissance |
Cracovie ( Pologne) |
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Décès | (à 55 ans) |
Genre musical | Musique expérimentale, musique bruitiste, musique industrielle |
Dès l'âge de 8 ans, Zbigniew Karkowski apprend à jouer du piano et de la flûte, puis étudie la musique au lycée musical Frederik Chopin à Cracovie[4].
En 1979, âgé de 21 ans, il déménage en Suède, où il collabore avec un groupe d'artistes autour du label Radium à Göteborg[5]. L'une de ses premières œuvres de musique électronique, Theta, est publiée en 1984 sur la compilation Gothenburg 84. Il joue dans différents groupes (DNA/the Yeomen, Texas Instruments, P.I.T.T. & The Dreamers et Mental Hackers). Dès 1985, il étudie la composition à l’École nationale de musique à Göteborg, auprès de Mikael Edlund, Bo Holten, Lars Johan Werle et Åke Parmerud, ainsi que l’esthétique de la musique moderne au département de musicologie de l’université de Göteborg, et l’informatique musicale à l’université de technologie Chalmers[4]. Il réalise de 1986 à 1989 des compositions dans le studio de musique informatique à Chalmers, ainsi qu'au studio EMS à Stockholm. De ces travaux résulte l'album Bad Bye Engine, réalisé avec Ulf Bilting et publié par Radium en 1988[6].
Après avoir terminé ses études en Suède, Karkowski vit aux Pays-Bas, à Amsterdam, de 1990 à 1993. Il étudie la sonologie pendant un an au Conservatoire Royal de Musique de La Haye.
Karkowski déclare dans un entretien avec Boris Wlassof que ses premières racines musicales se trouvent chez les compositeurs de l'école polonaise des années 1960 et 1970 (Penderecki, Krauze, Lutoslawski, Kotonski, Schaeffer, Serocki, Górecki, Baird, Szalonek etc), pour lesquels "la tonalité du son, le timbre, la texture" sont les paramètres les plus importants d'une pièce musicale[7]. Il mentionne également Luigi Nono, Richard Maxfield, Jerry Hunt, Étant Donnés, Otomo Yoshihide et Keiji Haino[7]. C'est l'écoute de Metastasis de Iannis Xenakis qui l'a "définitivement orienté vers le son"[8].
Pendant ses études, Karkowski a participé à de nombreux cours de maîtres d’été organisés par le Centre Acanthes à Avignon et Aix-en-Provence, où il a l'occasion d'apprendre auprès de Iannis Xenakis, Olivier Messiaen, Pierre Boulez et Georges Aperghis, entre autres.
Le compositeur Iannis Xenakis a exercé une influence particulière pour Karkowski, qui le décrit comme "très généreux, chaleureux, curieux, absolument ni dans l'ego ni dans la symbolique du maître"[8]. Karkowski effectue en 1987 une résidence au CEMAMU[8], centre de création musicale fondé par Xenakis. Lors d'un stage aux Ateliers UPIC en 1989, Karkowski a pu travailler avec UPIC, un outil de composition musicale assisté par ordinateur créé par Xenakis, et a assisté à des cours donnés par ce dernier à l'Université de Paris I[9]. Les matériaux sonores générés par Karkowski sur UPIC en 1989 sont intégrés dans plusieurs compositions:
Karkowski est le co-curateur (avec Naut Humon) d'une réédition de la composition Persepolis (créée par Xenakis en 1971), qu'il décrit comme "un vrai trip en apnée dans le magma des timbres"[8]. Cette édition, sortie sur le label Asphodel en 2002, est un double CD présentant l'œuvre originale aux côtés de neuf nouvelles interprétations par différents artistes, dont la pièce Doing By Not Doing par Karkowski lui-même[12].
Zbigniew Karkowski a travaillé activement en tant que compositeur de musique à la fois acoustique et électroacoustique. Il a écrit des pièces pour grand orchestre (commandées et interprétées par l’Orchestre symphonique de Göteborg), ainsi qu’un opéra et plusieurs pièces de musique de chambre qui ont été interprétées par des formations professionnelles en Suède, en Pologne, en Suisse[13] et en Allemagne. Depuis 1994, il a vécu et travaillé à Tokyo, et y a été actif dans la scène noise underground[14],[15].
Ses travaux ont été présentés dans plus de 30 pays en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et au Japon.
Il a collaboré avec de très nombreux artistes, dont Blixa Bargeld (The Execution Of Precious Memories en 1994), Merzbow (sous le nom MAZK, depuis 1999), Kasper T. Toeplitz (sous le nom Le Dépeupleur, depuis 1999), Tetsuo Furudate, Li Chin Sung (Dickson Dee), Antoine Chessex[16], ou dans le groupe Sensorband (avec Atau Tanaka et Edwin van der Heide).
En 1990, Karkowski participe à une tournée aux Etats-Unis, avec Phauss, Ulf Bilting et The Hafler Trio.
Entre 1990-1993, Karkowski contribue à plusieurs albums de The Hafler Trio (Kill The King, Mastery Of Money, Resurrection) et à deux albums de John Duncan: River In Flames (1991) et Send (Touch, 1993).
En 1993, Karkowski rencontre Atau Tanaka lors d'un concert donné par celui-ci à STEIM (Amsterdam). Avec Edwin van der Heide, lié au Institute of Sonology (den Haag), ils forment le trio Sensorband. La première performance de Sensorband a lieu le 8 décembre 1993, dans le festival "Voyages Virtuels" organisé par Les Virtualistes à Paris. Pendant une dizaine d'années, ce groupe se produit aux Pays-Bas, en France, au Canada.
En 1994, Karkowski crée la musique d'un spectacle de Blixa Bargeld, The Execution Of Precious Memories, créé à Berlin lors du festival de poésie "1st Music Poetry Force"[17]. Ce spectacle voyage au Japon (Tokyo et Osaka) en 1995[18]. Karkowski crée pour cette occasion un "noise orchestra" auquel participent des musiciens japonais, dont Akifumi Nakajima (Aube) et Keiji Haino[19].
En juin 1997, Karkowski effectue avec Sensorband une résidence d'un mois au NTT InterCommunication Center à Toyko, suivie d'un spectacle avec les artistes vidéo autrichiens Granular Synthesis[20]. C'est aux studios ICC/NTT que Karkowski enregistre sa première collaboration avec le musicien japonais Tetsuo Furudate (l'album World as Will, publié en 1998 sur Staalplaat) ainsi qu'avec Masami Akita (l'album Sound Pressure Level, publié en 1998 sur OR).
En septembre-octobre 1997, Karkowski participe au festival d'art Steirischer Herbst en Autriche, où il rencontre Helmut Schäfer[21]. Celui-ci a mis en place un studio d'instruments électroniques, pour un projet nommé endoscape/technoscope[22]. Ils produisent 30 heures d'enregistrements, qui donnent lieu à l'album Disruptor (OR, 1998)[23].
Le 5 décembre 1997, Karkowski dirige à Tokyo un concert du Senssurround Orchestra, un grand ensemble de musiciens composé notamment de Sensorband, Tetsuo Furudate, Merzbow, Akifumi Nakajima, K.K. Null, Kasper T Toeplitz, Dror Feiler, Reiko A, Mayuko Hino, Hiroshi Hasegawa et Masahiro Miwa.
En janvier 1998, Karkowski effectue avec Akifumi Nakajima (Aube) un enregistrement au temple Chion-in à Kyoto (temple pourvu d'un plancher rossignol, qui produit un son caractéristique, semblable à un pépiement d'oiseau, au passage d'une personne). Six mois plus tard, lors d'une résidence commune de trois jours à Steim (Amsterdam), ils créent une composition à partir de ce matériel, qu'ils présentent lors d'un concert le 11 juin 1998. Cet enregistrement est édité sous le titre Mutation (ERS, 1999).
En juillet 1998, Karkowski dirige à nouveau le Senssurround Orchestra lors de deux concerts: à Berlin, au centre d'art Podewil; ainsi qu'à Londres dans le cadre du Meltdown Festival (dont le directeur artistique cette année est John Peel). Les enregistrements des trois concerts sont édités par Karkowski et Edwin Van Der Heide, et publiés sur CD (Staalplaat / Mort Aux Vaches, 2000).
En janvier 1999, Karkowski participe aux concerts des artistes du label autrichien Mego au ICC/NTT. Dans ce cadre, Karkowski donne plusieurs concerts en duo avec Peter Rehberg, qui fournissent la matière de leur album collaboratif Pop, aux sonorités rugueuses et agressives.
En mars-avril 1999, une tournée de Sensorband passe par New York, Washington DC, Baltimore, Cleveland, Detroit, Chicago et Pittsburgh.
En 2002, Karkowski effectue une résidence à la Maison de Radio France, où il réalise une pièce commandée par l'Atelier de création radiophonique[24]. Cette pièce, basée sur des signaux radio et le son de l'électricité statique, est éditée par le label Post Concrete sous le titre ElectroStatics.
En 2005, Karkowski crée une composition radiophonique à la suite d'une commande de Radio Copernicus, un projet de radio artistique situé à la Universität der Künste (UdK), qui émet en radio locale et sur internet de juillet à décembre 2005[25].
En 2008, Karkowski est artiste en résidence au ICST (Institute for Computer Music and Sound Technology) à Zurich, où il crée une pièce pour système de diffusion ambisonique[26].
En 2009, une commande permet à Karkowski de développer une composition pour l'ensemble vocal polonais Gęmba. La pièce Encumbrance est créée en décembre 2009, lors de la sixième édition du festival Gęmbofon à Varsovie. Les parties vocales sont accompagnées par des fréquences sinusoïdales, produites par des générateurs d'ondes analogiques[27].
En mars 2010, au Studio Varèse de l'Université de Californie à Santa Barbara, Karkowski et Xopher Davidson enregistrent cinq pièces qui forment leur quatrième album collaboratif (publié en 2013 par Sub Rosa sous le titre Processor)[28]. Ils utilisent notamment des générateurs de signaux Wavetek, et un Comdyna GP-6 (calculateur analogique des années 1960).
Karkowski a donné des concerts dans d'innombrables pays, avec un intérêt particulier pour les endroits et les publics peu exposés à la musique occidentale[29]. En 2003, il donne des concerts à Shanghai, Guangzhou et Macau, en collaboration avec le musicien chinois Li Chin Sung, qui font l'objet d'un disque édité par Noise Asia (Revenge Of Ying And Yang)[30].
En 2004, Karkowski joue au Radar Sound Art Festival, à Mexico, suivi de concerts en Argentine, Uruguay, Brésil, Pérou et Paraguay[31]. Des sessions enregistrées en août-septembre 2004 à Buenos Aires avec les musiciens argentins Anla Courtis, Jaime Genovart, Jorge Haro et Pablo Reche donnent lieu au disque Connector, édité par Musica Genera.
En février-mars 2006, une tournée à travers la Chine conduit Karkowski à Hong Kong, Chengdu, Shenzhen, Shanghai et Pékin[32]. Trois des concerts de cette tournée seront édités sous forme de disque: celui donné le 25 février 2006 à Shenzhen sur le label EMD (Switch, avec Lin Zhiying)[33], celui du 1er mars à Shanghai sur le label Troniks (Penetration, avec Torturing Nurse et Li Chin Sung)[34], et celui du 7 mars à Pékin sur le label Kwanyin Records (Live At Waterland Kwanyin, avec Wang Fan et Li Chin Sung)[35]. Durant deux semaines de cette tournée, à Shanghai et Beijing, les cinéastes belges Guy-Marc Hinant et Dominique Lohlé tournent une centaine d'heures d'images qui deviendront le film documentaire Fuck You, sorti en 2010.
Karkowski co-rédige avec Yan Jun un article sur la musique expérimentale en Chine, intitulé The Sound of the underground: an overview of experimental and non-academic music in China, qui est publié en 2007 dans World New Music Magazine[36], et accompagne en 2009 une anthologie éditée par le label Sub Rosa[37].
Le 31 octobre 2013, Zbigniew Karkowski donne sa dernière performance publique à Londres, au Horse Hospital, produisant la bande sonore pour la projection du film “1984 – The Last Man in Europe” (une production de la BBC de 1954, basée sur le 1984 de George Orwell)[38]. Cet enregistrement sera publié par Erratum Musical sur vinyle[39].
Les derniers enregistrements musicaux ont lieu en Suède, dans les EMS Studios à Stockholm, en compagnie de Jean-Louis Huhta et Lars Akerlund. Datés du 24 novembre 2013, ces enregistrements seront publiés par Sub Rosa[40].
Trois semaines plus tard, le 12 décembre 2013, Zbigniew Karkowski est mort, au Pérou, d'un cancer extrêmement rapide[1]. Des articles commémorent sa disparition, notamment dans le magazine The Wire[41], signés par Atau Tanaka et Richard Whitelaw[29].
Le 1er février 2014, le cinéma Oblo à Lausanne accueille une soirée en son hommage[42]. Un événement a lieu le 1er juin à la Cave12 à Genève, avec des concerts de Kasper T. Toeplitz, Francisco Meirino et Chrs Galarreta[43]. Le groupe GGR Betong se forme à Göteborg dans le but de transcrire et interpréter la pièce Doing By Not Doing de Karkowski au festival GAS le 18 octobre[44]. La salle de concert Ochiai Soup à Tokyo organise le 14 décembre un événement commémoratif intitulé "Music Begins" (la musique commence), avec Tetsuo Furudate, Dennis Wong, Lars Akerlund, Christophe Charles, Cal Lyall et Yousuke Fuyama[45],[46].
En 2015 et 2016, le projet Karkowski/Xenakis, organisé par Sonora, programme durant un même concert des œuvres de Xenakis et de Karkowski, mettant en lumière les similarités dans leur approche au son[47]. Le premier concert est donné le 17 octobre 2015 au Göteborg Art Sounds Festival, donnant lieu à la première performance de Studio Varèse (composition écrite en 2013, pour double basse et musique électronique) interprétée par Aleksander Gabryś. D'autres concerts (16 au total) se déroulent à Rome (Nuova Consonanza Festival), Huddersfield, Wrocław, Poznań, Varsovie, Bratislava, Brno et Oulan-Oudé (Indi Classical Festival). Parmi les pièces interprétées figurent Form & Disposition (2008, pour percussion et électronique), Nerve Cell_0 (2012, pour violoncelle et musique électronique), et Fluster (2010, pour guitare basse et musique électronique).
En 2018, le festival de musique électronique L’tronica Festival basé à Łódź organise une série d'événements dédiés à la réception de Zbigniew Karkowski en Pologne et à l'étranger. Lors de ces concerts, des œuvres de Zbigniew Karkowski sont interprétées par des musiciens de Pologne (Gerard Lebik, Maciej Ożóg, Robert Piotrowicz, Łukasz Szałankiewicz) et d'ailleurs. Sous le titre “Ex-L'tronica. Karkowski re:mix”, ces concerts ont lieu à Londres (le 15 septembre 2018)[48], Dresden (le 12 octobre)[49], Tokyo (le 3 novembre, avec Tetsuo Furudate et Pain Jerk)[50], Prague (le 11 décembre) et New York (le 22 décembre 2018 avec Phill Niblock et Elliott Sharp)[51],[52].
Karkowski collabore avec le compositeur autrichien Helmut Schäfer (1969-2007) après leur rencontre au festival Steirischer Herbst en 1997[21]. L'album Disruptor marque leur première collaboration[23]. Le 20 avril 2007, Helmut Schäfer se donne la mort[21]. Une année plus tard, le 20 avril 2008, Karkowski donne avec Tetsuo Furudate un concert-hommage[53]. Deux albums réunissant des enregistrements de leur duo sont publiés de manière posthume.
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