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Le massacre de la Ghouta est un bombardement à l'arme chimique au gaz sarin[6] qui s'est produit le pendant la guerre civile syrienne et a frappé plusieurs villes et quartiers à l'est et au sud de Damas en Syrie dans l'ancienne oasis de la Ghouta tenue par l'Armée syrienne libre. L'attaque a fait entre plusieurs centaines et près de 2 000 morts selon différentes estimations, la grande majorité des victimes étant des civils.
Massacre de la Ghouta | |||
Victimes de l'attaque chimique. | |||
Date | |||
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Lieu | Ghouta (Damas, Syrie) | ||
Victimes | Civils et rebelles | ||
Morts | 502 à 1 845[1],[2] | ||
Blessés | 3 600 à 9 924[3],[2] | ||
Auteurs |
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Guerre | Guerre civile syrienne | ||
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Les deux camps (armée régulière, opposition armée) se rejettent mutuellement la responsabilité des bombardements. Si la Russie, l'Iran et le régime syrien incriminent l'opposition, les gouvernements américain, français, israélien, suédois, britannique, turc, canadien et la Ligue arabe incriminent eux l'armée régulière.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a déclaré vouloir faire la lumière sur ces accusations[7]. Il s'agit de l'attaque chimique la plus meurtrière depuis le massacre de Halabja et la deuxième bataille d'al-Faw menés par l'armée irakienne en 1988. À cette époque la Syrie n'est pas signataire de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (ratifiée en 1993 et entrée en vigueur en 1997).
Face au risque d'une intervention militaire occidentale, la Russie a proposé un accord débouchant sur un démantèlement du stock d'armes chimiques du régime syrien. Cette proposition a été acceptée par les États-Unis.
Lorsque la guerre civile éclate, la Syrie fait partie des huit pays au monde — avec l'Angola, la Corée du Nord, l'Égypte, Israël, la Somalie et le Soudan du Sud — à ne pas avoir signé la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, entrée en vigueur en 1997[8]. Elle a cependant rejoint en 1968 le Protocole de Genève, qui comporte un engagement moral à ne pas utiliser d'armes chimiques, mais qui n'encadre ni la possession ou ni la production de ces armes[8],[9].
Le , un porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères admet pour la première fois que la Syrie dispose d'un stock d'armes chimiques et précise : « aucune arme chimique ou non conventionnelle ne sera utilisée contre nos propres citoyens [...], ces armes ne seront utilisées qu'en cas d'agression étrangère ». « Elles ne seront jamais, jamais, utilisées contre nos citoyens, quelque soit l'évolution de la crise »[10][11],[12],[13],[14]. Le , le président des États-Unis Barack Obama avertit le « régime Assad, mais aussi à d'autres acteurs sur le terrain » que « le moindre mouvement ou emploi d'armes chimiques » aurait « d'énormes conséquences » et constituerait une « ligne rouge »[15],[16],[17],[18]. Si cette dernière devait être franchie, le président américain menace d'une possible intervention militaire : « Jusqu'ici, je n’ai pas donné l’ordre d’intervenir militairement. [...] Si nous commencions à voir des quantités d’armes chimiques déplacées ou utilisées, cela changerait mon calcul et mon équation »[16]. Cette position est également endossée deux jours plus tard par le Premier ministre britannique David Cameron[15]. Le , le président français François Hollande déclare également que l'emploi d'armes chimiques par le régime syrien serait « une cause légitime d'intervention directe »[15],[19].
La première attaque au gaz sarin de la guerre civile syrienne a lieu en octobre 2012, à Kafr Takharim et Salqin, à 60 kilomètres à l'ouest d'Alep[4]. Un autre attaque a lieu à Homs, le , mais il s'agit peut-être d'un bombardement conventionnel sur un entrepôt contenant des produits chimiques selon le chercheur Joseph Henrotin[20],[21]. Le , le sarin est encore employé à Khan Al-Assal, près d'Alep[20],[21]. Après cette dernière attaque, le régime syrien accuse pour la première fois l'Armée syrienne libre d'avoir utilisé des armes chimiques[18]. Il donne également un bilan de 26 morts à Khan Al-Assal, dont 16 de ses soldats[3]. Les rebelles démentent et accusent le régime[18]. En août 2013, treize allégations d'attaques ont été recensées[3].
Le , le général Itaï BrunPuis, le chef du département de recherche et d'analyse au sein de la division du renseignement de l'armée israélienne, déclare que les forces de Bachar el-Assad ont fait usage de l'armée chimique : « Pour autant que nous sachions en fonction de notre expertise, le régime a utilisé des armes chimiques mortelles contre les rebelles lors d'une série d'incidents ces derniers mois »[22]. Cependant, le même jour, la Maison-Blanche réagi vivement, affirmant que les États-Unis ne sont «pas parvenus à la conclusion» que le régime de Bachar al-Assad utilisait des armes chimiques[23]. Mais, le , les États-Unis et le Royaume-Uni affirment pour la première fois que le régime syrien a probablement utilisé des armes chimiques[22],[24]. Le secrétaire à la Défense des États-Unis, Chuck Hagel, affirme alors que : « La communauté américaine du renseignement conclut, avec différents degrés de certitude, que le régime syrien a utilisé des armes chimiques à petite échelle en Syrie, en particulier du sarin »[22],[24]. Cependant la Maison Blanche se montre plus prudente et indique que les évaluations du renseignement n'apportent pas de « preuves formelles » suffisantes[22],[24]. De son côté, un porte-parole du ministère britannique des affaires étrangères affirme que Londres a « des informations limitées mais convaincantes de plusieurs sources montrant l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, y compris du gaz sarin »[22]. Mikhail Bogdanov, vice-ministre des Affaires étrangères russe, réclame des preuves, et déclare: « les informations faisant état de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie ne doivent pas constituer un alibi pour une intervention militaire » [25].
Selon Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l’IRIS, la question se pose de savoir pourquoi Bachar Al Assad aurait utilisé des armes chimiques, étant donné qu'il connaît la ligne rouge des occidentaux, et que son intérêt stratégique est de continuer une guerre conventionnelle en s'appuyant sur la Russie et la Chine comme il l'a fait jusqu'à présent[26]. Mais pour Joseph Henrotin, chargé de recherches à l'Institut de stratégie et des conflits, « le régime syrien sait pertinemment qu'une intervention occidentale est très improbable. Non seulement les grandes puissances ne souhaitent pas s'impliquer dans ce conflit, mais dans l'état actuel, les armées françaises et britanniques n'ont plus la capacité à conduire une opération en Syrie.»
Selon les rebelles, à partir du mois de mars 2013, les troupes du régime syrien commencent à utiliser des armes chimiques contre eux dans la Ghouta orientale[27]. La Ghouta orientale couvre une plaine agricole à l'est de Damas, sur laquelle vivent plus d'un million de personnes, tandis que la Ghouta occidentale se situe au sud-ouest de la capitale syrienne. Les villes de ces zones, passées sous le contrôle de l'opposition, sont « assiégées et bombardées depuis plus de huit mois » et « ont essuyé des bombardements « classiques » intensifs »[2]. Le journaliste Jean-Philippe Rémy et le photographe Laurent Van der Stockt, travaillant pour Le Monde, se rendent en avril dans le quartier de Jobar, contrôlé par l'Armée syrienne libre, à l'est de Damas[27]. Une guerre sans merci s'y déroule. Ils y sont témoins à plusieurs reprises d'attaques à l'arme chimique par l'armée syrienne, Laurent Van der Stockt étant même légèrement blessé[27]. Selon Jean-Philippe Rémy : « Pas de diffusion massive, sur des kilomètres, mais un usage occasionnel et localisé par les forces gouvernementales, visant les points de contact les plus durs avec un ennemi rebelle tout proche »[27]. Les deux envoyés spéciaux regagnent ensuite la France avec des vêtements et des échantillons de sang, d'urine et de cheveux, fournis par des médecins et des insurgés et prélevés principalement sur des combattants rebelles de Jaych al-Tahrir al-Cham actifs à Jobar et Zamelka[28]. Les analyses, menées par le Centre d'études du Bouchet, dépendant de la Direction générale de l'Armement (DGA), confirment début juin l'utilisation du gaz sarin[28],[29],[30],[31].
Le , la France affirme être certaine de l'utilisation de gaz sarin en Syrie par le régime de Bachar el-Assad, « à plusieurs reprises et de façon localisée » selon le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius[9],[32],[29]. Le lendemain, le Royaume-Uni affirme à son tour être convaincu de l'usage de sarin, « très probablement du fait du régime »[29]. Cependant les États-Unis se montrent dans un premier temps plus prudents, estimant le 4 juin qu'il convenait d'« augmenter le faisceau des preuves »[29]. Mais le , les États-Unis affirment à leur tour être désormais certains de l'utilisation d'armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad et annoncent qu'ils vont fournir une assistance militaire directe à l'Armée syrienne libre[33],[34]. Ben Rhodes, conseiller du président américain, déclare alors : « Au terme d’un examen mûrement réfléchi, nos services de renseignement sont arrivés à la conclusion que le régime d’Assad avait utilisé contre les opposants des armes chimiques, y compris du gaz sarin, à petite échelle mais à de multiples reprises l’an dernier »[33]. Il affirme également que les attaques chimiques en Syrie ont fait au moins 100 à 150 morts depuis le début du conflit, mais estime ce bilan « probablement incomplet »[33],[31]. La Syrie et la Russie contestent ces accusations[35]. Alekseï Pouchkov, le président de la commission des Affaires étrangères de la Douma, déclare notamment que : « Les informations sur l'utilisation par Assad d'armes chimiques sont des faux du même ordre que les mensonges concernant les armes de destruction massive de Saddam ». Le ministère syrien des Affaires étrangères a pour sa part estimé qu'« en décidant d'armer les rebelles syriens, les États-Unis ont démontré qu'ils pratiquaient une politique du "deux poids, deux mesures" en matière de lutte antiterroriste »[35].
Fin mars 2013, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni demandent à l'ONU l'envoi d'une mission d'enquête pour vérifier les différentes accusations d'emploi d'armes chimiques[18]. La Syrie dépose également une requête mais uniquement pour une mission dans le seul village de Khan al-Assal, où le régime accuse les rebelles d'avoir fait usage d'armes non conventionnelles[18]. Le 21 mars, le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, annonce l'ouverture d'une enquête pour vérifier « toutes les allégations »[18]. Une équipe des Nations unies est formée, dirigée par Åke Sellström et constituée de quinze experts originaires de pays « neutres » nordiques, latino-américains ou asiatiques, mais le régime syrien refuse de la laisser entrer sur son sol et elle se retrouve bloquée à Chypre[18],[3]. La raison invoquée par la Syrie est qu'elle-même demandait une expertise sur le village de Khan Aassal « cible d'un missile doté de matières chimiques toxiques tiré par les bandes terroristes » selon elle, mais qu'elle refuse que l'ONU enquête sur la totalité du territoire syrien compte tenu « du rôle négatif qu'elle a joué en Irak et qui a ouvert la voie à l'invasion américaine » de 2003[36].
En attendant, les enquêteurs passent au crible toutes les informations disponibles en provenance de la Syrie, notamment en interrogeant des médecins et des réfugiés qui auraient été témoins de potentielles attaques chimiques[18]. En mai, une enquête en Turquie essaie de déterminer si des réfugiés syriens ont été exposés à des armes chimiques[37]. Début juin, des rapporteurs à l'ONU se déclarent prudents sur la « question délicate des armes chimiques », et citent quatre cas où « il y a des raisons de croire que de petites quantités d’agents chimiques ont été répandues ». La membre de la commission d'enquête Carla Del Ponte déclare attendre que « des experts disent par qui, quand et comment, ces armes ont été utilisées » et confiait que « d’expérience, dans un conflit, des crimes sont commis par tous les camps »[38]. Fin juin, le président de la Commission d'enquête de l'ONU sur la Syrie déclare que la même incertitude règne encore[31]. Fin juillet, la Syrie finit par donner son feu vert à l'ONU pour une mission de quatorze jours sur trois sites : Khan al-Assal, près d'Alep ; Otaybah, près de Damas ; et Homs[39],[3]. Les enquêteurs de l'ONU arrivent à Damas le [40].
Le , peu après minuit, en plein siège de la Ghouta orientale, l'armée syrienne lance une offensive contre les groupes rebelles[41],[2],[42]. À l'est de Damas, les quartiers et les villes de Zamalka, Jobar, Irbin, Hammouriya, Douma et Aïn Tarma sont intensivement bombardés, de même que Daraya et Mouadamiyat al-Cham, au sud de la capitale syrienne[41],[2]. Ces localités, toutes contrôlées par la rébellion, sont alors la cible de frappes aériennes et de tirs de roquettes[41],[42]. Pour l'OSDH, Mouadamiyat al-Cham subit d'ailleurs ses bombardements les plus intensifs depuis des mois[43]. Selon l'Armée syrienne libre, à partir de 2 h 25 du matin, des obus de mortier et 29 missiles munis de charges neurotoxiques sont tirés[2]. D'après le général Selim Idriss, chef d'état-major de l'ASL, les missiles et les obus sont tirés par la brigade 155 depuis l'aéroport militaire de Mezzeh et par la brigade 127, rattachée à la 4e division du général Maher el-Assad, depuis le Mont Qasioun[2]. Selon les États-Unis, les premières mentions d'une attaque chimique apparaissaient sur les réseaux sociaux vers 2 h 30 du matin, heure locale[44]. La Commission générale de la révolution syrienne diffuse sur YouTube des vidéos montrant un grand nombre de victimes des gaz toxiques[42].Selon Human Rights Watch, le vecteur de dispersion du gaz chimique serait des roquettes sol-sol de 330 mm pouvant contenir 60 litres de gaz liquide et ainsi que des roquettes de 140 mm de 2,5 litres de contenance, ces roquettes portent des inscriptions en cyrillique[45] de fabrication soviétique[46].
De nombreux civils trouvent la mort dans leur sommeil[2]. D'autres trouvent refuge dans des caves, ce qui les exposent encore davantage aux gaz toxique[2]. Plusieurs sauveteurs viennent en aide aux victimes sans protection et sont contaminés à leur tour[2]. Les blessés sont conduits dans différents hôpitaux de fortune, mais les médecins ne disposent pas de stocks d'atropine suffisants[2]. D'après Le Monde, les médecins constatent les symptômes suivants : « pupilles dilatées, yeux rouges, tremblements, hallucinations et pertes de mémoire, nausées, vomissements, malaises, troubles respiratoires et cardiaques, paralysie et convulsions neurologiques »[2].
Des témoignages expliquent dans The Guardian les symptômes auxquels ils ont assisté après les attaques : « des gens qui dormaient et [qui sont] morts dans leurs lits », des maux de tête et nausées, « du liquide qui sortait de la bouche et du nez des victimes », « l'odeur de quelque chose comme du vinaigre et des œufs pourris », une suffocation, « les corps qui changeaient de couleur (en bleu) », et « des yeux rouges et qui grattent[47] ». Les symptômes, rapportés par les habitants de Ghouta et des médecins témoignant auprès de l'ONGI Human Rights Watch, impliquaient « de la suffocation, des spasmes musculaires, de l'écume dans la bouche »[48].
Abu Omar de l'armée syrienne libre explique dans The Guardian que les roquettes impliquées dans les attaques étaient inhabituelles : « on pouvait entendre le son des roquettes propulsées dans les airs, mais aucun bruit d'explosion » et aucun dégât évident dans les bâtiments[47]. Les témoignages de Human Rights Watch rapportent des « symptômes impliqués par l'utilisation de gaz innervants »[48].
Dés le lendemain des attaques, le régime syrien poursuit ses bombardements sur les quartiers de la Ghouta tenus par l'opposition[3]. Des chars de l'armée syrienne entrent également dans le quartier de Jobar[3].
Le jour même de l'attaque, Georges Sabra, le président de la CNFOR, basée à Istanbul, affirme que le bombardement chimique a fait plus de 1 300 morts[49],[50]. Le lendemain, Fahad Al-Masri, porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL) à Paris déclare que 1 729 morts et 6 000 personnes souffrant de problèmes respiratoires ont été recensés[3],[50]. Quelques jours plus tard cependant, l'ASL rehausse son bilan à 1 845 morts et 9 924 blessés[2].
Le 21 août, le Bureau des médias de Damas, une organisation de l'opposition, affirme avoir dénombré 150 morts à Hammouriya, 100 à Kfar Batna, 67 à Sakba, 61 à Douma, 76 à Mouadamiya et 40 à Irbib[51].
Le 22 août, Oubaida Al Moufti, porte-parole de l'Union des organisations syriennes de secours médicaux (UOSSM), déclare que « grâce à un relevé des identités et des lieux », 1 188 morts ont été comptés, dont 540 victimes par armes chimiques, et 4 000 blessés par armes conventionnelles ou chimiques[52],[50].
Le 23 août, à une heure du matin, le Bureau médical central de la Ghouta-Est annonce que les attaques ont fait 473 morts et 1 600 blessés dans la ville de Zamalka, ce qui en fait la localité la plus durement touchée[53]. Au total, le bilan dans la Ghouta orientale est de 1 302 morts, dont 67 % de femmes et d'enfants, et 9 838 blessés[53]. Des centaines de morts sont également répertoriés à Daraya et Mouadamiyat al-Cham[53]. Un quart des victimes ont été touchées par des bombardements « classiques », les autres ont été atteintes par les gaz[53].
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) évoque de son côté plus de cent morts le 21 août mais précise que « ce chiffre augmentera certainement »[42]. Le bilan passe à au moins 136 morts le 22 août[50], puis 322 morts le 24 août[54], mais il est une nouvelle fois revu à la hausse le 31 août par l'OSDH qui affirme avoir recensé au moins 502 morts, dont 137 femmes, 80 enfants et plusieurs dizaines de rebelles[1].
Le 24 août 2013, Médecins sans frontières affirme que 3 600 patients « présentant des symptômes neurotoxiques » ont été reçus dans trois hôpitaux du gouvernorat de Rif Dimachq et que 355 d'entre-eux sont morts[55],[56].
Le 30 août 2013, les États-Unis publient un rapport de leurs services de renseignement qui indique que l'attaque chimique de la Ghouta a fait au moins 1 429 morts, dont 426 enfants[44].
Le 2 septembre 2013, la France publie une note de la DGSE et de la DRM indiquant que l'analyse de 47 vidéos « expertisées » et « authentifiées » filmées par des médecins, des habitants ou des rebelles ont permis de recenser la mort d'au moins 281 civils[57].
En septembre, le Centre de documentation des violations en Syrie (VDC) a pour sa part rencensé 588 morts, dont 135 femmes et 108 enfants[58].
Suite aux événements, le secrétaire général des Nations unies redirige la mission d'enquête présente à Damas depuis le 18 août[3]. Le , le régime syrien autorise les enquêteurs de l'ONU à se rendre sur les lieux des attaques du 21 août[3]. Une autorisation qui arrive trop tard selon les États-Unis et le Royaume-Uni qui estiment que Damas a eu le temps en cinq jours de détruire ou d'altérer les preuves[3]. Les autorités syriennes promettent d'observer un cessez-le-feu le temps de la visite des enquêteurs, tandis que l'opposition s'engage également à assurer la sécurité des experts dans les zones sous son contrôle[3]. Les enquêteurs se rendent d'abord à Moudamiyé le 26 août, puis à Ain Tarma et Zamalka les 28 et 29 août. Ses conclusions sont publiées le 16 septembre 2013 sous la cote A/67/997–S/2013/553[59]. Le rapport d'enquête, constitué de 48 pages, confirme sans équivoque l'utilisation d'armes chimiques, "roquettes surface-surface contenant du sarin, produit neurotoxique" à Ain Tarma, Moudamiyé et Zamalka mais n'avance aucune responsabilité dans cette attaque, la mission n'ayant pas été mandatée pour enquêter sur la question.
Le , les États-Unis publient un rapport sur le massacre de la Ghouta[44]. Le Secrétaire d'État John Kerry qualifie l'attaque de « crime contre l'humanité » et affirme que le gouvernement américain à la « forte certitude » que le régime de Bachar el-Assad soit le responsable de l'attaque chimique[44]. Il indique également que l'usage de gaz neurotoxique par les rebelles est « hautement improbable » et que « les attaques à la roquette du 21 août ne provenaient que des sites du gouvernement »[44]. Les États-Unis affirment aussi qu'au cours des trois jours ayant précédé l'attaque, des équipes syriennes responsables des armes chimiques se trouvaient à Adra, « près d'une zone utilisée par le régime pour mélanger des armes chimiques, y compris du gaz sarin »[44]. John Kerry ajoute également que : « Nos services de renseignement ont passé en revue et repassé en revue soigneusement les informations sur cette attaque. [...] Cela a été fait de manière plus attentive que lors de l'expérience de l'Irak. Nous ne répéterons pas ce moment »[44].
Sur la responsabilité des attaques, les pays occidentaux affirment sans réserves la responsabilité du régime de même que Human Rights Watch[60]. Selon la reporter Hélène Sallon, journaliste pour Le Monde : « Les puissances occidentales ont réuni un faisceau de preuves grâce aux vidéos filmées par les témoins des attaques, aux rapports des médecins, aux images satellites, aux évaluations de divers services de renseignement et notamment à l'interception de conversations téléphoniques des autorités syriennes. Des échantillons prélevés sur les victimes ont été sortis de Syrie »[2]. Selon le Washington Post, le renseignement américain a enregistré chaque étape de l'attaque chimique, des préparatifs ayant débutés le 18 août, en passant par l'utilisation de masques à gaz par l'armée syrienne le 21 août, jusqu'à l'évaluation effectuée après l'attaque par les fonctionnaires syriens eux-mêmes, avec notamment un enregistrement clé d'un message indiquant aux équipes syriennes chargés de l'attaque de stopper l'opération. Le Washington Post affirme cependant que, même si le rapport du renseignement américain est très détaillé, aucun enregistrement n'a été fourni, afin de protéger les sources et les méthodes[61].
D'après l'universitaire Thomas Pierret : « L'argumentaire des pro-Assad fut mis à mal dès le 27 août à la suite de la mise en ligne d'images qui, en dépit de leur importance capitale, n'ont guère retenu l'attention des médias occidentaux. Ces images, diffusées sur la blogosphère anglophone par Brown Moses, montrent des bérets rouges de la Garde Républicaine d'Assad procédant au tir de l'une desdites roquettes « artisanales » au moyen d’un lanceur iranien de type Falaq-2. [...] Combinée au rapport de l'ONU, les images évoquées ici ne laissent donc aucune espèce de doute quant à la culpabilité du régime de Bachar al-Assad dans l'attaque chimique la plus meurtrière depuis la tragédie de Halabja en 1988 »[62]. Pour Olivier Lepick, spécialiste des armes chimiques dans le think tank de la Fondation pour la recherche stratégique, « la simultanéité de l'attaque, dans des endroits différents, réclame un savoir-faire tactique indéniable que seul le régime syrien possède ». L'historien universitaire François Géré abonde dans ce sens, estimant qu'il y a « 98 % de chances pour que le régime syrien soit l'auteur de l'attaque, bien qu'il ne faille pas négliger les 2 % restants »[63]. Mais Robert Parry affirme que le rapport du renseignement américain indique que le nombre de quartiers touchés par des attaques chimiques n'est pas une donnée certaine, car des victimes peuvent avoir été transférées vers des cliniques d'autres quartiers, donnant une fausse impression d'une attaque plus répandue. Robert Parry ajoute, au sujet de ce rapport, qu'il ne contient aucune preuve qui pourrait être vérifiée de manière indépendante[64].
De son côté, la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution avance qu'elle s'apprêtait à lancer, deux jours après le massacre, une grande offensive contre le régime à partir de plusieurs fronts, appuyée par les brigades les plus puissantes de la rébellion : le pouvoir syrien, alerté à la dernière minute par ses espions et n’ayant plus le temps de mobiliser ses troupes, aurait alors décidé de recourir à une frappe chimique de grande envergure, seule à même d’éviter que ses lignes de défense ne soient enfoncées[65].
Cependant, le 18 septembre 2013, la Russie annonce avoir reçu des éléments de la part du régime syrien prouvant que ce sont les rebelles qui ont fait usage d'armes chimiques : d'après le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov, « on ne peut considérer les conclusions auxquelles sont parvenues les inspecteurs de l'ONU que comme des conclusions politisées, de parti pris et unilatérales »[66]. Quant à Vladimir Poutine, il attribue la responsabilité de l'attaque aux rebelles dans une tribune publiée dans le New York Times[67]. Pierre Piccinin da Prata, enlevé en Syrie et libéré le 8 septembre, a de son côté affirmé que le gaz sarin n'avait pas été utilisé par le régime de Bachar Al-Assad, une déclaration accueillie avec prudence par le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, et nuancée par son compagnon d'infortune, le reporter italien Domenico Quirico[60] qui écrit : « C'est une folie de dire que je sais qu'Assad n'a pas utilisé de gaz »[68].
Bachar el-Assad nie être responsable de l'attaque et affirme : « il n'y a pas de preuve que j'ai utilisé des armes chimiques contre mon peuple ». Il juge par ailleurs l'accusation incohérente : « Supposons que notre armée souhaite utiliser des armes de destruction massive : est-il possible qu'elle le fasse dans une zone où elle se trouve elle-même et où des soldats ont été blessés par ces armes, comme l'ont constaté les inspecteurs des Nations unies en leur rendant visite à l'hôpital où ils sont soignés ? Où est la logique ? ». D'après le quotidien allemand Bild citant une source du Service fédéral de renseignement allemand, le président syrien n'aurait jamais approuvé personnellement l'attaque. De hauts gradés de l'armée syrienne « réclament régulièrement depuis environ quatre mois des attaques chimiques au palais présidentiel à Damas (mais) ces demandes ont été toujours refusées, et l'attaque du 21 août n'a vraisemblablement pas été approuvée personnellement par Bachar al-Assad »[69]. Ces révélations viennent conforter les révélations de Foreign Policy selon lesquelles, de source américaine, « dans les heures qui ont suivi l’horrible attaque à l’est de Damas, un responsable du ministère de la Défense syrien a échangé un coup de téléphone paniqué avec un dirigeant d’une unité qui s’occupe des armes chimiques, lui demandant des réponses autour d’une attaque au gaz neurotoxique qui a fait plus de 1 000 victimes »[70].
Revenant sur un document des services de renseignement français présenté le 2 septembre 2013 par Jean-Marc Ayrault comme apportant la preuve d'une attaque « massive et coordonnée » de la part du pouvoir syrien, Bernard Squarcini, ancien directeur central du renseignement intérieur, souligne ses points faibles et « combien cette note de notes n’est pas conclusive et certainement pas suffisante pour fonder, de manière imparable, la nécessité de déclencher des bombardements de représailles »[71].
En décembre 2013, le journaliste d'investigation Seymour Hersh révèle que l'administration américaine, afin de mieux soutenir les accusations contre le régime de Bachar el-Assad, aurait volontairement dissimulé lors de ces événements que le groupe djihadiste Front al-Nosra disposait de gaz sarin[72]. D'après le journaliste, Barack Obama aurait également accusé le régime en s'appuyant non sur des communications interceptées au moment de l'attaque, mais sur des interceptions réalisées en décembre 2012 et analysées a posteriori. La direction du renseignement national dément ces affirmations[73].
En janvier 2014, Richard Lloyd, ancien inspecteur de l'ONU spécialiste des missiles, et Theodore Postol (en), professeur au MIT, publient un rapport de 23 pages[74] selon lequel le régime syrien ne peut être tenu responsable du massacre. Ils ont pour cela étudié des « centaines » de photos et des vidéos d'ogive, de restes de roquettes, d'impacts sur le sol, et de barils contenant le gaz sarin, publiées sur Internet, et se sont livrés à une analyse physique interne qui a permis, selon le docteur George Stejic, directeur des laboratoires Tesla qui emploient Richard Lloyd, d'établir le volume de gaz sarin utilisé, la portée des missiles, leur direction ainsi que l'endroit d'où ils ont été tirés. Le rapport contredit le rapport américain, notamment en affirmant que les roquettes tirées étaient de courte portée, une conclusion que François Géré, directeur de l'Institut français d'analyse stratégique (Ifas), juge « crédible », d'autant plus qu'elle est évoquée par le rapport final de l'ONU. Or, le rapport américain affirme que les roquettes ont été tirées depuis le « cœur » du territoire contrôlé par le régime à Damas : au contraire, tout point situé à deux kilomètres des impacts se situe en territoire rebelle. Mais d'après François Géré et Olivier Lepick, il est probable que le régime ait avancé ses vecteurs de lancement au plus près des positions adverses, pour réduire le temps de passage au-dessus de ses propres troupes et ainsi diminuer les risques de bavure. Olivier Lepick considère par ailleurs que « la simultanéité des attaques et la quantité de Sarin utilisé rend très peu plausible le fait que la rébellion ait pu mener ces attaques », et doute que la rébellion « dispose du savoir-faire tactique nécessaire »[75].
En juin 2014, dans un éditorial du journal Le Point, Franz-Olivier Giesbert affirme, en citant Richard Lloyd, que seuls les rebelles djihadistes ont pu perpétrer l'attaque chimique de Ghouta. Il accuse notamment le quotidien Le Monde et le gouvernement français, d’avoir désigné sans preuves, afin de justifier d'éventuelles frappes à venir, le régime de Bachar al-Assad[source insuffisante][76],[77].
Cependant le rapport de Richard Lloyd et Theodore Postol (en) est controversé[78]. Le journal américain The Daily Beast dénonce également le fait que Theodore Postol ait travaillé dans son rapport en collaboration avec Maram Susli , une étudiante syrienne en chimie ayant exprimée sur les réseaux sociaux des propos conspirationnistes, pro-Assad et pro-Hezbollah[79],[80]. Eliot Higgins , fondateur du site internet Bellingcat , critique également l'article de Seymour Hersh ainsi que le rapport de Lloyd et Postol, qui selon lui s'est basé sur une carte des positions erronées et a sous-estimé la portée des roquettes Volcano utilisées par le régime[81],[82],[83],[84],[85],[86],[87],[88],[89]. Les analyses de Higgins sont appuyées par l'universitaire Thomas Pierret[90],[91], ou encore par l'historien Cédric Mas[92]. Le chercheur Ziad Majed attribue également la responsabilité du massacre au régime syrien[93].
En février 2015, Paulo Sergio Pinheiro, président de la Commission d'enquête de l'ONU, déclare que tout indique que les auteurs de l'attaque chimique au sarin à la Ghouta « avaient accès au stock d'armes chimiques de l’armée syrienne et qu’ils avaient l’expertise et l’équipement nécessaire pour manipuler de façon sûre de grandes quantités »[94].
Dans les mois qui suivent le massacre, la question de la responsabilité du massacre demeure controversée mais la grande majorité des experts continuent de pointer du doigt l'armée syrienne[95].
Le , le secrétaire d’État américain John Kerry téléphone à ses homologues britannique, français, russe et canadien en affirmant qu'il y a « très peu de doutes sur l'usage d'armes chimiques[114]. ». La « ligne rouge », avertissement lancé par Barack Obama le , est ainsi franchie — une nouvelle fois — un an plus tard[115].
Le :
Le 29 août 2013, de justesse, la Chambre des Communes britannique rejette par 285 voix contre 272, une motion présentée par le Premier ministre David Cameron qui défendait le principe d’une intervention militaire en Syrie.
Le , Barack Obama annonce la décision d'intervenir militairement mais en consultant au préalable le Congrès des États-Unis, consultation qui doit se tenir le 9 septembre. Jusqu'au dernier moment le gouvernement français reste persuadé de frappes américaines le 1er septembre au matin[120].
Le , François Hollande annonce attendre le rapport de l'ONU avant toute opération militaire[121].
Le , l'ONU adopte une résolution qui « condamne fermement l'utilisation d'armes chimiques en Syrie et en particulier le massacre dans la Ghouta ». Le texte « encourage » le Conseil de sécurité à faire appel à la justice internationale pour sanctionner les auteurs de crimes contre l'humanité commis en Syrie, dont le massacre de la Ghouta[122].
Immédiatement les chancelleries craignent une action, hors du droit internationale, violation des accords de l'ONU.
Les États-Unis menacent de lancer une centaine de missiles Tomahawk contre la Syrie[123].
Après son adhésion à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, la Syrie a remis son inventaire de ses armes chimiques à la date limite fixée au 20 septembre 2013 par l'accord russo-américain du 14 septembre 2013[141].
Après le volte-face américain, les opposants qui avaient misé sur une intervention militaire occidentale pour faire chuter le régime sont désormais discrédités. Le , des brigades du Front islamique de libération syrien et du Front islamique syrien déclarent qu'elles rejettent la Coalition nationale syrienne et affirment que cette organisation ne les représente pas[142]. Ces deux mouvements sont dissous deux mois plus tard et le 22 novembre, plusieurs groupes rebelles islamistes — dont les principaux sont Ahrar al-Cham, Jaysh al-Islam et Liwa al-Tawhid — annoncent la formation d'un nouveau rassemblement ; le Front islamique, qui devient le plus important mouvement rebelle syrien[143],[144].
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