Les «trois-ponts» sont des vaisseaux de guerre apparus au XVIIesiècle. Pendant plus de 200 ans, ce furent les plus puissants bâtiments militaires à voiles que les grandes puissances navales pouvaient déployer en opération. Ils servaient souvent de vaisseaux amiraux. Ils disparurent au XIXesiècle avec l’avènement de la marine à vapeur.
Un vaisseau à trois-ponts est un navire de guerre à voile emportant trois batteries de canons complètes sur trois ponts couverts. La plupart du temps les gaillards étaient également armés de canons, mais ne constituaient pas une batterie continue ou flush deck et donc n'étaient pas pris en compte. Les trois-ponts étaient considérés comme les navires de ligne par excellence, c'est-à-dire d'une puissance suffisante pour faire partie d'une ligne de bataille. «Sa masse imposante, la puissance de son artillerie, la richesse de sa décoration semblent devoir lui donner la souveraineté des mers, lui conférant ainsi un intérêt tout particulier. Vaisseau de prestige, il n’existe qu’en nombre réduit dans les armées navales du XVIIIesiècle où son rôle est de porter et défendre la marque de l’amiral»[4]: le trois-ponts est donc le navire amiral par excellence.
Dans le système de classement des vaisseaux, ils étaient considérés comme des navires de premier ou de deuxième rang, bien qu'en réalité les trois-ponts de cette dernière catégorie fussent plutôt une spécificité anglaise, portant 90 à 98 canons, et peu représentée dans les autres marines. La flotte de Louis XIV comportait néanmoins des trois-ponts de 64-80 canons classés comme tels. Cette particularité se rencontrait d'ailleurs surtout à partir des années 1650 jusque vers le milieu du XVIIIesiècle.
Plus tard les vaisseaux de troisième rang les plus importants pouvaient aussi être considérés comme trois-ponts.
Au fil des siècles les trois-ponts deviennent de plus en plus imposants, le plus grand jamais construit étant le navire ottomanMahmudiye (1829)[5], si l'on omet les vaisseaux mixtes propulsés à la vapeur. Pour pouvoir embarquer toujours plus de canons, les marines d'Occident développent la formule des quatre-ponts, appellation toutefois sujette à caution puisque ce sont en réalité des trois-ponts dont les gaillards ont été rejoints entre eux pour former un flush-deck continu de la proue à la poupe, mais dont l'artillerie n'est pas couverte. À ce jour, seuls trois «quatre-ponts» non-mixtes[6] ont effectivement été mis en service: le Santísima Trinidad (1769-1805) espagnol, le USS Pennsylvania(en) (1837-1861) américain et le Valmy (1847-1891) français. Les Britanniques quant à eux dessinèrent mais ne construisirent finalement pas le quatre-ponts HMS Duke of Kent(en) (1809) de 170 canons.
à tort en effet, car la figure de proue est bien un bucentaure, visible à l'agrandissement. Le Redoutable serait plutôt une silhouette dans le fond à gauche, lui aussi démâté
À propos du vaisseau de 74 canons, surnommé "le 74", qui était comme le dit Jean Boudriot«la principale machine de la guerre navale à la fin du XVIIIesiècle [...et lui aussi] vaisseau de ligne par excellence», voir notamment cet ouvrage de référence en quatre tomes: Jean Boudriot, Le Vaisseau de 74 Canons: traité Pratique d'Art Naval, éditions des Quatre Seigneurs, puis éditions ANCRE, coll.«Archéologie navale française», , 391p. (ISBN978-2852310094 et 2852310090, présentation en ligne).
Jean-Claude Lemineur, Les Vaisseaux du Roi Soleil: la création et l'évolution de la Marine de Louis XIV, éditions ANCRE, coll.«Archéologie navale française», 2015 (deuxième édition), 248p. (ISBN978-2903179878 et 2903179875, présentation en ligne). Cité dans: Nicolas Mioque, «Qu’est ce qu’un trois-ponts?», sur "Trois-Ponts!" ou "troisponts.net", (consulté le ), en exergue.
Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil et Robert Muchembled (dir.), L'Europe, la mer et les colonies: XVIIe – XVIIIesiècle, Paris, Hachette supérieur, coll.«Carré histoire», , 255p. (ISBN2-01-145196-5)
Jean-Claude Lemineur, Les Vaisseaux du Roi Soleil: la création et l'évolution de la Marine de Louis XIV, éditions ANCRE, coll.«Archéologie navale française», 2015 (deuxième édition), 248p. (ISBN978-2903179878 et 2903179875, présentation en ligne)
Un ouvrage d'histoire présente la «théorie du vaisseau trois-ponts» au moment où elle fut élaborée et telle que le Chevalier de Tourville la présenta à Colbert en 1680: il tentait alors de «fonder une théorie [générale] de la conception des vaisseaux». Ce projet donna lieu à la construction de deux navires nommés «L'Ambitieux », en 1691 et 1692. Cet ouvrage contient entre autres de précieux documents historiques: «la reproduction commentée de tous les documents graphiques du XVIIesiècle conservés au Musée de la Marine à Paris et [...] divers manuscrits, très utile apport à la connaissance de notre architecture navale de la période Louis XIV»; il éclaire les enjeux de la conception du navire trois-ponts du XVIIesiècle au XIXesiècle, dans les rapports de force entre grandes puissances navales de l'époque: Jean Boudriot, Le vaisseau Trois-ponts du chevalier de Tourville précédé de: Mélanges sur l'architecture navale française au XVIIesiècle, éditions ANCRE, coll.«Archéologie navale française», (présentation en ligne).