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révolution roumaine dans le cadre des mouvements démocratique et nationalistes du printemps des peuples de 1848. De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La révolution roumaine de 1848 est une partie du printemps des Peuples et de la renaissance culturelle roumaine : elle commence en . Dans les pays unifiés de longue date, comme la France, la révolution a eu un caractère essentiellement social, tandis que dans les pays politiquement divisés tels l'Allemagne, l'Italie ou la Roumanie, elle a aussi porté des revendications d'émancipation nationale et d'unification. Dans la quasi-totalité des atlas historiques occidentaux, la révolution roumaine de 1848 est ignorée pour deux raisons :
La contribution moldave à la révolution de 1848 fut surtout intellectuelle. Les lettrés et enseignants moldaves se réunissent le dans les salons de l'hôtel Pétersbourg à Iași, et forment une sorte de Constituante présidée par Vasile Alecsandri, qui rédige un programme en 35 points. Le Hospodar Mihail Sturdza est au courant et, jouant les despotes éclairés, laisse faire. De fait, l'aristocratie des boyards et la bourgeoisie y adhèrent, d'autant que le programme en 35 points était relativement modéré. La jeunesse manifeste, les ouvriers et les ruraux s'agitent. Mais Mihail Sturdza apprend bientôt que des troupes russes se massent à la frontière pour étouffer toute tentative révolutionnaire, et il avertit alors Alecsandri que lui et ses proches seront arrêtés préventivement pour être envoyés à Constantinople afin d'y être assignés à résidence. Durant le transfert, en Valachie, à Brăila, une amie du Hospodar, la princesse Maria Rosetti, les fait « évader » et les fait passer secrètement en Bucovine (la partie autrichienne de la Moldavie) en passant par la Transylvanie[2].
Ainsi, l'été 1848, une cinquantaine de chefs révolutionnaires moldaves, dont Alexandru Ioan Cuza, Mihail Kogălniceanu, Costache Negri, Alecou Russo et Vasile Alecsandri se retrouvent à Cernăuți. Kogălniceanu y publie en août un nouveau programme en 36 points intitulé "Les vœux du parti de la nation de Moldavie". Contrairement à la version modérée de mars, ce nouveau programme est beaucoup plus radical : il exige l'égalité politique et civile de tous les citoyens, sans distinction de religion, d'origine ou de sexe, l'institution d'une école gratuite et obligatoire, la réforme agraire, l'abolition du Règlement organique (une législation imposée par l'Empire russe en accord avec l'Empire ottoman, depuis 1834) et l'unification de la Moldavie et de la Valachie. La Transylvanie, la Bucovine et la Bessarabie n'y sont pas mentionnées, pour ne pas provoquer une invasion des Empires voisins, mais une carte de César Bolliac circulant dans les milieux révolutionnaires indique en gros caractères le nom « România » s'étalant de Timișoara dans l'empire d'Autriche à Cetatea Albă en Russie[3].
Cela suffit pour que les autorités autrichiennes dispersent et assignent à résidence les chefs révolutionnaires en divers points de la Bucovine, étouffant ainsi dans l'œuf la révolution en Moldavie.
Comme lors de la révolution de 1821, le mouvement révolutionnaire fut beaucoup plus intense en Valachie, où les anciens Pandoures (roumain : panduri) de Tudor Vladimirescu surent rallier à eux une grande partie de l'armée et de l'administration. Les citadins, quasi-unanimes, adhérèrent à la révolution.
Le même jour, l'ambassadeur russe à Constantinople se présente au siège du gouvernement ottoman pour déclarer que la Russie ne tolérera pas de foyer révolutionnaire à ses portes et que si le suzerain turc n'intervient pas dans les principautés qui lui sont vassales, l'armée russe le fera.
Le même jour, à Giurgiu, un protocole d'intervention est signé entre la Russie et l'Empire ottoman, la première devant occuper la Moldavie, le second la Valachie. Le gouvernement valaque envoie alors un ambassadeur auprès du commandant des troupes turques, Soliman Pacha, pour l'assurer des intentions pacifiques et cordiales du nouveau gouvernement vis-à-vis de la Sublime Porte. Soliman Pacha exige la dissolution du gouvernement provisoire en préalable à son entrée à Bucarest, afin de négocier lui-même la constitution d'un gouvernement agréé par l'Empire ottoman. Malgré la désapprobation de la population, le gouvernement accepte, reçoit Soliman Pacha à Bucarest (mais sans son armée), négocie, et un compromis est signé : une « régence princière » (en roumain : locotenență domnească) sera assurée par Ion Heliade Rădulescu, Cristian Tell et Nicolae Golescu, avec l'assentiment du suzerain ottoman. À la suite de cette reconnaissance, l'ensemble des gouvernements européens reconnaissent le nouveau gouvernement valaque, à l'exception de l'Empire russe. Ce dernier exige le limogeage de Soliman Pacha et son remplacement par un partisan de la répression sans limites : Fouad Pacha.
En Transylvanie, la situation est particulière car les révolutionnaires hongrois de Lajos Kossuth, profondément jacobins et centralisateurs, entendent annexer ce pays, ainsi que la Croatie, et supprimer toute autonomie locale ; de plus, ils veulent faire du magyar la seule langue de la future Hongrie révolutionnaire[réf. nécessaire]. Dans ce projet, les roumanophones de Transylvanie, qui s'étaient déjà soulevés en 1784, n'ont aucune chance de voir aboutir leurs revendications. En conséquence, si une minorité de roumanophones, moins attachés à leur culture, adhère au programme de Kossuth lors des diètes de Cluj/Kolozsvár et de Debrecen, la majorité, par contre, s'en détache, pour initier une révolution séparée, et anti-hongroise. Cette situation profitera aux forces réactionnaires, et cela d'autant plus facilement que l'armée révolutionnaire de Kossuth se montre très brutale avec quiconque discute un tant soit peu les décisions du gouvernement de Budapest.
Le , à Blaj, a lieu l'assemblée révolutionnaire des Roumains de Transylvanie, réunie à l'initiative de l'avocat Avram Iancu (en magyar : Janko Abraham), qui forme aussi un corps de volontaires. L'armée de Kossuth réagit par des tirs sans sommation, mais les volontaires roumains, montagnards aguerris par une vie de privations et experts en pièges et embuscades, la repoussent par deux fois dans le massif du Bihor, à Abrud et à Mărișel (dans les mêmes terroirs où la révolution transylvaine de 1784 avait tenu en échec les hussards magyars 64 ans plus tôt). Parmi les leaders de cette révolution, qui reprennent à peu de chose près les revendications du Supplex libellus valachorum de 1784 et des 36 points du "Parti de la nation de Moldavie", on note la présence d'Alexandru Papiu-Ilarian, d'Ioan Axente Sever, de Simion Balint, de Simion Bărnuțiu, d'Ioan Buteanu, de Petru Dobra, Timotei Cipariu, Ioan Dragoș, Ioan Sterca-Șuluțiu et David Urs de Margina.
Le , à Cluj/Kolozsvár, a lieu une réunion exceptionnelle de la diète transylvaine. Le système électoral censitaire fait que la majorité roumanophone du pays (70 % de la population) y est très peu représentée (sur 300 députés, il y a 273 magyars, 24 germanophones et seulement 3 roumanophones). La majorité des députés, des magyars ralliés à Kossuth, proclame l'annexion de la Transylvanie à la Hongrie, au grand dam des roumanophones, mais aussi des Saxons et d'une partie des Széklers. Même le grand poète hongrois Sándor Petőfi, lui-même transylvain, prit parti contre cette décision.
Le divorce était définitivement consommé entre les révolutionnaires hongrois d'un côté, et les roumains et les croates de l'autre. Les efforts de Nicolae Bălcescu, médiateur missionné par le gouvernement révolutionnaire de Valachie, qui alla voir Kossuth lui-même à Budapest (la conversation eut lieu en français), n'aboutirent à rien. Une partie de l'armée magyare en était encore à réprimer les roumains en Transylvanie, alors qu'à l'appel des Habsbourg soucieux de reconstituer leur empire, les troupes russes envahissaient déjà la Hongrie révolutionnaire, conformément aux traités de la Sainte-Alliance. Résultat : la révolution hongroise fut écrasée à la bataille de Șiria (près d'Arad).
Quant aux révolutionnaires roumains, les autorités impériales leur accordèrent l'amnistie à condition de déposer les armes, ce que la plupart firent (les autres s'exilèrent). L'autonomie de la Transylvanie fut rétablie pour encore 19 ans (elle fut définitivement abolie en 1867). Avram Iancu sombra dans la dépression, cessa de plaider, adopta un comportement excentrique (il parcourait les villages en jouant des airs de flûte), fut radié du barreau, refusa une décoration offerte par le jeune empereur François-Joseph en visite en Transylvanie (pour le remercier d'avoir combattu Kossuth) et fit un tel scandale face au souverain, qu'il fut considéré fou et chassé manu-militari[6].
La révolution roumaine de 1848 a été un échec comme quasiment partout ailleurs en Europe (avec une seule exception en Suisse, où la République et Canton de Neuchâtel fut proclamée le 1er mars 1848 au détriment du roi de Prusse; en France, elle a permis un changement de régime qui n'a débouché que sur un second Empire bonapartiste), mais elle a néanmoins été facteur de progrès sociaux, par les réformes auxquelles les conservateurs ont été obligés de consentir, et surtout, elle a fait comprendre aux révolutionnaires (presque tous réfugiés à Paris et à Bruxelles) que pour atteindre leurs objectifs, l'efficacité d'une bonne coordination et d'une action progressive, diplomatique et politique, était supérieure à celle d'une révolution violente. Onze ans après 1848, les « principautés danubiennes » de Moldavie et Valachie laissent place à une Principauté de Roumanie qui réforme les institutions, sécularise les domaines ecclésiastiques, procède à une réforme agraire partielle, rend l'instruction primaire obligatoire, et fait reconnaître son existence et son régime par l'Europe. La principauté de Roumanie reste vassale de l'Empire ottoman pour encore 19 ans, mais est déjà de facto un État indépendant.
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