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Le réensauvagement peut désigner, d'une part la réimplantation d'espèces animales (le plus souvent de grande taille) disparues depuis plusieurs siècles ou millénaires, d'autre part simplement l'absence d'intervention humaine, dans une région donnée, ou encore sur une surface très limitée.
Dans le premier cas, elle se distingue de la « simple » réintroduction d'espèces, car elle vise à recréer un écosystème disparu depuis longtemps (et sur lequel les données scientifiques sont assez fragmentaires malgré les progrès de la paléontologie) ; l'idée directrice est de reconstituer les écosystèmes préhistoriques, au moyen de la réimplantation de formes proches (ou réputées telles) des espèces éteintes (en termes de phylogénie ou d'exigences écologiques).
Ces projets sont financièrement et techniquement difficiles à réaliser (les grandes espèces ne peuvent être réintroduites que dans des pays où l'espace est suffisant et la pression humaine faible), ils peuvent sembler utopiques. Toutefois, certains cas ont démontré qu'une espèce pouvait bien s'adapter à un milieu d'où elle avait disparu depuis des millénaires, qu'elle ait été introduite volontairement ou de manière fortuite. Par exemple, les chevaux en Amérique du Nord sont disparus au début de l'Holocène et y ont été réintroduits avec succès, depuis le XVIe siècle.
Dans le second cas où l'absence d'intervention humaine est recherchée, toutes les activités perturbatrices pour la nature sont interdites et il n’y a pas d’intervention de gestion sur le site : seules la balade sur les sentiers définis et l'observation sont autorisées. La difficulté consiste alors à s'approprier financièrement le terrain (par une association indépendante notamment) et à faire respecter les règles associées à cette protection[1].
Le réensauvagement peut également être défini comme une renaturation à grande échelle.
Le terme ré-ensauvagement (rewilding) fut créé par des membres de l'ONG Earth First ![2] Le concept fut explicité en premier par Michael Soulé et Reed Noss[3],[4]. Le ré-ensauvagement est pour eux un complément à la conservation de la biodiversité qui forment ensemble la conservation. Il doit mettre l’accent sur la restauration et la protection de grandes zones de nature sauvage et celles des grands animaux, surtout les carnivores.
Il contient trois valeurs de base :
L’insuffisance de zones sauvages dans une région n’est pour eux pas une excuse pour ignorer les grands carnivores ; chaque région doit être un lien dans un vaste réseau continental. Un plan de conservation ne peut donner un poids égal aux buts biocentriques et socio-économiques, car les premiers ne seraient jamais réalisés.
Selon Earth First! , la biologie doit toujours être le but final; le caractère politiquement problématique de la réintroduction de grands carnivores dans des régions peuplées ne doit pas servir d’excuse pour refuser le ré-ensauvagement. Selon eux, réensauvager avec les carnivores éliminés jadis et autres espèces clé de voûte est un moyen autant qu’une fin. Cette fin est l’obligation morale de protéger la nature sauvage et les restes de la faune et de la flore du Pléistocène, non seulement pour notre plaisir mais aussi pour leur valeur intrinsèque[3].
La notion de réensauvagement a bénéficié des découvertes paléontologiques, et notamment de la preuve d'une extinction massive de grands animaux au début de l'Holocène (particulièrement forte dans les Amériques et en Australie mais constatée aussi sur les autres continents), qui aurait bouleversé les écosystèmes.
Les hypothèses sont encore incertaines : une chasse excessive, un changement climatique brutal, des maladies, ou peut-être une conjonction de ces trois facteurs auraient pu occasionner cette catastrophe écologique.
Selon certains, ces extinctions seraient suspectées d'avoir réduit la biodiversité végétale et animale tout entière, les grands animaux ayant une influence capitale par leur action sur l'écosystème.
À l'heure où de nombreuses grandes espèces (éléphants, rhinocéros, grands félins…) qui ont survécu jusqu'ici sont de nouveau menacées d'extinction (notamment en Afrique et en Asie du Sud, où elles avaient longtemps été préservées mais sont désormais en danger du fait de la surpopulation et souvent de l'instabilité politique), l'idée est venue de réintroduire certaines d'entre elles (du moins celles qui parviendraient à s'adapter aux climats, à l'espace et à la nourriture disponible) dans des parties du monde où la présence humaine est restée faible : Ouest américain, Sibérie, Patagonie, Afrique du Sud…
Ce projet a été proposé par le zoologue américain Josh Donlan en 2005, dans la revue Nature[6].
Selon une étude publiée en 2018 dans la revue scientifique « Nature » par des chercheurs de l'université du Queensland (Australie), 3,3 millions de kilomètres carrés, soit la surface de l'Inde, ont perdu leur caractère sauvage entre 1993 et 2009. Les espaces sauvages ne représentent plus que 23 % de la surface terrestre (hors Antarctique) contre 85 % il y a un siècle[7].
Les États-Unis sont un des pays où l'extinction des grands animaux (mammifères le plus souvent) est la mieux documentée ; c'est dans ce pays que le projet est apparu et a partiellement été enclenché.
Plusieurs espèces ont de ce fait été réintroduites :
La réintroduction d'autres espèces (souvent de grands prédateurs) est plus controversée, en raison de la cohabitation avec l'homme, le bétail voire les animaux sauvages déjà existants (bisons, cervidés etc.). Ont notamment été évoquées les espèces suivantes :
D'autres espèces (le plus souvent menacées d'extinction dans leur environnement d'origine) ont été évoquées, sans susciter autant de controverses que les précédentes (mais leur introduction est très hypothétique pour l'heure) :
Enfin, certaines autres espèces font encore partie de la faune locale, leur statut de conservation est variable selon les espèces et les secteurs géographiques :
Le projet American Prairie Reserve vise à faire vivre des troupeaux de bisons dans un écosystème de prairie.
En dehors de ces projets, diverses espèces de grands mammifères ont d'ores et déjà été introduits dans de grands domaines du Sud-Ouest des États-Unis. L'intérêt écologique et génétique de ces animaux, qui vivent librement n'a pour l'instant pas réellement été évalué.
La Sibérie orientale accueille aussi un grand projet de réensauvagement, dit parc du Pléistocène, associé à une station scientifique et lancé par le scientifique Sergueï Zimov, son fils et d'autres scientifiques en Yakoutie.
Plusieurs espèces (appartenant le plus souvent à l'actuelle faune russe, mais autrefois présentes dans presque toute l'Europe et tout le nord de l'Eurasie) ont été introduites dans une réserve de 160 kilomètres carrés (soit 16 000 hectare) :
D'autres introductions sont en projet :
La liste semble composite mais elle est cohérente avec l'objectif de restaurer le biome des steppes à mammouth, et certaines de ces espèces ont eu des ancêtres ou parents proches vivant dans des climats froids aux temps préhistoriques (comme le Lion des cavernes qui a longtemps côtoyé le tigre à dent de sabre, disparu un peu plus tôt). Le lion doit assurer la fonction de grand prédateur, nécessaire pour la régulation et la santé des troupeaux d'herbivores.
Par ailleurs, les Russes ont une expérience notable en zootechnie, ils avaient réussi l'introduction de nombreux ongulés en semi-liberté dans un certain nombre de réserves, comme celle d'Askanya Nova au temps de l'Union soviétique.
L'Europe ne dispose pas d'espaces sauvages de grande taille comme les deux continents précédents, mais quelques réserves, comme celles d'Oostvaardersplassen aux Pays-Bas ou de Knepp en Angleterre sont parcourues par de grands ongulés, cousins d'espèces éteintes : le Mouflon, le Bison d'Europe (qui subsiste à l'état sauvage en Pologne et en ex-URSS), l'Aurochs de Heck, le Tarpan, voire le Cheval de Przewalski.
L'on y trouve aussi des races rustiques d'animaux domestiques (bovins, moutons, porcins…) très proches des races élevées depuis le Néolithique.
Mais il ne s'agit pas là de « reconstituer » la faune préhistorique, plutôt de permettre l'entretien de certains écosystèmes à peu de frais et sans contraintes majeures, dans des espaces depuis longtemps modifiés par l'homme (dans le cadre des civilisations agro-pastorales traditionnelles) ; toutefois, le cas du Cheval de Przewalski est un peu particulier puisqu'il s'agit d'un essai destiné à acclimater les animaux (élevés en zoo depuis des décennies) à des conditions de vie de type « sauvage » en prévision de leur réintroduction en Mongolie, Sibérie et Chine du Nord (en cours).
En France, l'ASPAS est engagée dans la démarche de libre évolution pour permettre un réensauvagement naturel[11]. Elle a par exemple acheté en un ancien terrain de chasse privé de 490 hectares à Léoncel dans la Drôme pour le rendre intégralement à la nature[7] en créant la Réserve de Vie Sauvage du Vercors.
À l'échelle européenne, l'organisation Rewilding Europe vise à coordonner les projets de réensauvagement en Europe et compte 5,8 million d'hectares dans son réseau en 2023[12].
Le Brésil et l'Argentine sont de bons candidats potentiels pour accueillir une telle expérience : ils comprennent de vastes plaines, une grande diversité climatique (du climat équatorial au climat subpolaire), et… la faune de grands mammifères sauvages y est étonnamment limitée depuis l'extinction des Megatherium, Glyptodon et autres Smilodon, de telle sorte que plusieurs niches écologiques seraient a priori vacantes.
Dans les temps préhistoriques, l'île japonaise de Hokkaidō accueillait des tigres, qui ont disparu à la fin de la dernière glaciation (mais ont survécu dans l'Extrême-Orient russe, en Corée et en Chine). La réintroduction du tigre au Japon que certains envisagent s'inscrirait dans cette optique, mais aussi dans une stratégie de préservation du Tigre de Sibérie, animal menacé d'extinction, dans un environnement proche de celui qu'il occupe encore sur le continent.
Avec sa faune unique au monde (composée pour l'essentiel de marsupiaux), et les effets catastrophiques des introductions, volontaires ou accidentelles, d'animaux exogènes (renard, chat, lapin, dromadaire, etc.), l'Australie ne semble pas une terre d'élection pour les opérations de « réensauvagement ».
Toutefois, quelques biologistes défendent des projets de réensauvagement « à la marge », pour pallier la disparition de certaines espèces qui parcouraient jadis ce continent. Pour ce faire, il est nécessaire que des formes voisines existent encore sur Terre, ce qui n'est pas le cas pour beaucoup de représentants disparus de la mégafaune australienne (wombat géant, lion marsupial…).
Une exception est le Dragon de Komodo, qui vit dans quelques îles indonésiennes.
Le biologiste australien Tim Flannery a suggéré que l'écosystème australien pourrait bénéficier de l'introduction de dragons de Komodo, qui pourrait occuper en partie le créneau grand carnivore laissé vacant par l'extinction du varanidé géant Megalania. Toutefois, Flannery plaide pour la plus grande prudence et une extension progressive de ces expériences, en particulier car « le problème de la prédation des grands varanidés sur l'homme ne doit pas être sous-estimé ». Il se sert de l'exemple de la réussite de la coexistence des hommes avec les crocodiles d'eau salée au nord de l'Australie comme preuve que les Australiens peuvent s'adapter avec succès à une telle expérience.
Voir aussi l'article suivant : Dragon de Komodo.
Selon leurs promoteurs, les projets de « réensauvagement » auraient plusieurs avantages, primant sur leurs coûts ou inconvénients :
Les points suivants sont parfois cités :
Le réensauvagement est souvent basé sur l'introduction de grands animaux : les petites espèces de mammifères, d'oiseaux et de reptiles, les amphibiens, les poissons, sans parler des insectes et autres invertébrés ou les plantes, dont les restes fossiles sont peu connus, et qui sont peu connus du grand public, ne sont pas ou peu pris en compte et ceci pourrait déboucher sur une fragmentation des habitats de ces espèces[17]. Les organismes introduits pourraient apporter des maladies néfastes pour la faune locale, et causer des déprédations indésirables sur les animaux et les plantes qui n'y seraient pas adaptées. David Nogués-Bravo et Carsten Rahbek affirment que les avantages du réensauvagement manquent de preuves et que de tels programmes peuvent conduire par inadvertance à un « désauvagement », à travers l'extinction d'espèces locales et mondiales. Ils affirment également que les programmes de réensauvagement pourraient détourner le financement de « projets de conservation plus valides scientifiquement »[18]. Selon d'autres auteurs, il est théoriquement possible d'augmenter les populations d'espèces animales natives rares grâce à des projets de réensauvagement et en même temps de repousser les néobiotes[19].
Le réensauvagement pourrait cohabiter difficilement avec l'homme, ses cultures et son bétail comme dans le cas plus controversé de la presence d'espèces carnivores (de même que celui de l'ours et du loup, pourtant bien présents et communs jusqu'à une époque récente)[20]. Erica von Essen et Michael Allen, utilisant la classification politique des catégories animales de Sue Donaldson et Will Kymlicka, affirment que les normes de nature sauvage imposées aux animaux sont arbitraires et incompatibles avec le principe selon lequel les animaux sauvages devraient se voir accorder la souveraineté sur les territoires qu'ils habitent et le droit de prendre des décisions concernant leur propre vie. Pour résoudre ce problème, Erica von Essen et Michael Allen soutiennent que le réensauvagement doit s’aligner sur la conservation traditionnelle et en accueillir la pleine souveraineté, ou plutôt assumer l’entière responsabilité du soin des animaux qui ont été réintroduits[21].
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