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La philosophie de l'architecture est une branche de la philosophie qui étudie les fondements théoriques, la pratique et les œuvres de l'architecture. La philosophie de l'architecture s'intéresse plus précisément à la pensée architecturale, la production des œuvres et sa place au sein des arts en général, sous trois aspects principaux : esthétique, social et fonctionnel. Elle est indissociable d'une réflexion sur l'espace. L'une des théorisations les plus anciennes qui nous soit parvenue est le traité De l'architecture de Vitruve. Il existe différentes philosophies de l'architecture propres aux grands courants de l'histoire de l'esthétique, élaborées à la fois par des philosophes et des architectes.
Durant l'Antiquité gréco-romaine, de grandes œuvres sont construites qui ont fait date dans l'histoire de l'architecture. Une pensée théorique de l'architecture se développe parallèlement. Dans la Grèce antique, le philosophe Aristote prend le cas de l'architecture pour déduire sa définition de la production artistique. Il écrit :
« Et puisque l'architecture est un art, et est essentiellement une certaine disposition à produire, accompagnée de règle, et qu'il n'existe aucun art qui ne soit une disposition à produire accompagnée de règle, ni aucune disposition de ce genre qui ne soit un art, il y aura identité entre art et disposition à produire accompagnée de règle exacte[1]. »
À l'époque romaine, l'architecte Vitruve rédige le plus grand traité qui nous soit parvenu, le De architectura ou De l'architecture.
On trouve aussi un court texte consacré à l'architecture dans l'encyclopédie de Pline l'Ancien, la Naturalis Historia ou Histoire naturelle. L'historien romain mentionne les architectes renommés, Chersiphron pour le temple d'Artémis à Éphèse, Philon d’Athènes pour son arsenal du Pirée, Ctésibios pour son art de l'hydraulique, et enfin Dinocrate pour ses plans de la ville d'Alexandrie[2].
L'architecte et théoricien Jacques-François Blondel se charge d'écrire les articles « Architecte »[3] et « Architecture »[4] de l'Encyclopédie dirigée par Diderot et d'Alembert, dans l'édition de 1751. Il a écrit plus de 500 articles et dessiné de nombreuses planches dans le domaine de l'architecture, jusqu'à son départ de l'entreprise encyclopédique en 1759[5].
Blondel rappelle l'origine grecque du mot « architecte » — αρχιτεκτων — qui signifie « principal ouvrier ». Il ajoute : « On entend par ce nom, un homme dont la capacité, l'expérience et la probité, méritent la confiance des personnes qui font bâtir ». Le Français pense que les architectes qui possèdent ces qualités sont « utiles à la société »[3].
Arthur Schopenhauer, philosophe allemand appartenant au romantisme et grand philosophe de l'art, étudie l'architecture dans son maître-ouvrage Le Monde comme volonté et comme représentation. Il écrit que « Les œuvres de l’architecture, contrairement à celles des autres arts, n’ont que très rarement une destination purement esthétique »[6]. L'architecture est soumise à des buts utilitaires, elle doit être fonctionnelle. Ses contraintes sont très fortes, mais d'un autre côté l'architecture est un métier « honorable » parce qu'elle est indispensable aux êtres humains. Schopenhauer apprécie particulièrement l'architecture « de l’Inde, de l’Égypte, de la Grèce et de Rome » ; il mentionne aussi l'architecture gothique[6].
Schopenhauer s'intéresse également à l'hydraulique, par exemple à l'utilisation des fontaines, et au paysagisme. Il donne des critères de beauté pour l'art des jardins : « Pour qu’un paysage soit beau, il faut avant tout qu’il réunisse une grande richesse de productions naturelles ; il faut ensuite que chacune d’elles se distingue nettement, se détache clairement, tout en respectant à la fois l’unité et la variété de l’ensemble »[7].
Quant à Friedrich Nietzsche, il consacre un paragraphe à l'architecture dans le Crépuscule des idoles en 1888. La démarche est similaire à celle de Schopenhauer, à savoir définir et positionner l'architecture par rapport aux autres arts, en se servant de sa philosophie. L'architecture constitue une exception à la dualité nietzschéenne de l'apollinien et du dionysiaque élaborée en 1872 dans La Naissance de la tragédie. L'apollinien et le dionysiaque sont deux types d'ivresse avec une finalité artistique : l'apollinien se traduit par le rêve, la contemplation distanciée de l'œuvre, tandis que dans le dionysiaque l'artiste fait corps avec la production artistique, il devient lui-même œuvre d'art. En d'autres termes, le dionysiaque est une sorte de transe extatique fortement liée à la musique et au rythme. La tragédie, quant à elle, constitue l'union suprême de l'apollinien et du dionysiaque[8].
À propos de l'architecture, Nietzsche écrit :
« L’architecte ne représente ni un état dionysiaque, ni un état apollinien : chez lui, c'est le grand acte de la volonté, la volonté qui transporte les montagnes, l'ivresse de la grande volonté qui aspire à l'art. Les hommes les plus puissants ont toujours inspiré les architectes ; l'architecte a toujours été sous la suggestion de la puissance. L'édifice doit rendre manifeste la fierté, la victoire sur la pesanteur, la volonté de puissance ; l'architecture est une sorte d'éloquence de la puissance incarnée dans les formes, qui manie tantôt la persuasion, tantôt la flatterie, tantôt simplement l'impératif[9]. »
L'architecture a ceci de commun avec les autres arts qu'elle repose sur une « ivresse », mais ce qui la singularise c'est l'expression directe de la volonté de puissance, c'est-à-dire la tendance à l'expansion et à la domination qui s'exerce ici sur la matière et contre la « pesanteur ». En ce sens, l'architecture est une lutte, une résistance, idée que l'on trouvera formulée à nouveaux frais chez Martin Heidegger à propos des temples grecs[10].
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