Parc du Pléistocène
aire protégée de Russie De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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Le parc du Pléistocène (en russe Плейстоценовый парк, Pleïstotsenovy park) est une réserve naturelle de Russie (d'environ 14 000 hectares), accolée à un centre d'études scientifiques, située en Sibérie, dans la république de Sakha (ancienne Yakoutie), à 5 km environ de la ville de Tcherski[1].
Pays | |
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District fédéral | |
Sujet fédéral | |
Coordonnées | |
Ville proche | |
Superficie |
20 km2 |
Nom local |
(ru) Плейстоценовый парк, (en) Pleistocene Park |
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Type | |
Catégorie UICN |
IV (aire de gestion des habitats ou des espèces) |
Création |
1988 / 1996 |
Site web |
Le parc du Pléistocène a été créé en 1988 par Sergueï Zimov. Un premier enclos de 100 hectares a accueilli une population de grands herbivores, puis un second enclos bien plus grand a été créé, mais qui à ce jour n'abrite qu'une population peu dense d'animaux.
Le parc est situé dans l'une des zones de taïga les plus froides du monde (bien qu'en voie de réchauffement, en été, il n'y gèle plus la nuit déplore Sergueï Zimov)[2], à quelques kilomètres de la ville de Tcherski (la ville la plus froide du monde, qui avec son port fluvial était l'ancienne base de départ de la plupart des explorations de l'arctique par les scientifiques, mais aussi par les chercheurs d'or durant la période soviétique bien qu'elle a perdu une grande partie de ses moyens avec la chute du bloc soviétique, qui n'est accessible qu'en avion via deux vols hebdomadaires en 2017)[2]. Le parc entier repose sur une épaisse couche de permafrost, riche en fossiles de grands mammifères et dont une tranche (en recul rapide, d'environ 3m/an à cause du réchauffement) est visible et facilement accessible sur des dizaines de kilomètres le long des berges du fleuve Kolima[2].
Le parc jouxte une station scientifique, la NESS (Station Scientifique du Nord-Est) qui est depuis plusieurs décennies l'un des principaux lieux de recherche sur les écosystèmes arctiques.
Le parc bénéficie des moyens la NESS (Station Scientifique du Nord-Est), également créée par Sergueï Zimov, qui accueille toute l'année des spécialistes du pergélisol et des chercheurs en écologie, climatologie, biologie arctique, hydrologie, limnologie, géophysique, physique de l'atmosphère, etc. Elle dispose de 3 laboratoires dotés d'équipements modernes et d'une capacité d'accueil de 50 chercheurs à la fois[1]. Les visiteurs n'y sont pas autorisés en hiver.
Un enjeu scientifique majeur pour le Parc est de mieux comprendre ce qui fut le plus grand biome des terres émergées, qui a été dominant dans le nord de l'Eurasie et de l'Amérique du Nord durant 2 millions d'années : la steppe des mammouths, biome qui a entièrement et rapidement disparu à la fin de la dernière glaciation il y a 13 000 ans environ alors que l'humanité colonisait ces paysages qui évoluaient en toundra moussue et en taïga peu boisée[3].
Des études récentes (publication 2021), notamment basées sur des échantillons fécaux (fèces congelés et conservés dans le pergélisol) ont permis de reconstituer la nourriture et les usages de la steppe sibérienne préhistorique par 3 espèces (Mammouth laineux, Cheval préhistorique et Bison des steppes)[4]. Ces travaux ont une résolution taxonomique bien plus élevée que les précédents, car bénéficiant de la première analyse intégrée de l'ADN (barcoding moléculaire[4],[5]), du pollen et des macrofossiles trouvés dans les excréments de mammouths[4]. Ils confirment que le Mammouth laineux avait une alimentation très diversifiée, trouvée dans des habitats variés[4]. Ceci prouve que la « steppe à mammouths » du Pléistocène n'était pas homogène, mais bien constituée d'une mosaïque d'habitats[4]. Selon les données paléontologiques acquises dans les années 2010-2020, cette mosaïque rassemblait des zones arbustives, des berges, zones humides permanentes et des prairies productives[6],[7],[8]. Il ne faut plus imaginer la steppe à Mammouths comme de vastes prairies de graminoïdes mélangées comme le pensait Guthrie en 1990 à quelques espèces d'armoises. En 2014, Willerslev et al. ont en effet prouvé que la flore était plus diversifiée qu'on ne le pensait antérieurement, avec notamment des plantes vasculaires herbacées non graminoïdes qu'on retrouve dans de la mégafaune (source importante de protéines).
Autre découverte récente (2021) : le Bison des steppes et le cheval holocène n'étaient pas des brouteurs stricts ; ils mangeaient aussi des écorces ou des plantes d'environnement marécageux. En comparant l'usure de leurs dentition à celle des bisons et chevaux contemporains, on montre qu'ils mangeaient une nourriture plus tendre que leurs homologues contemporains, plus riche en herbacées[9].
On a récemment (2020) confirmé[10], dont par la mesure des densités de squelettes fossiles trouvés dans les pergélisols du nord de la Sibérie, que « la biomasse animale et la productivité végétale des steppes mammouths, même dans ces prairies les plus froides et les plus sèches de la planète, étaient proches de celles d'une savane africaine ».
De vastes troupeaux de grands herbivores y entretenaient un écosystème de steppe, stable. À la différence de ce qui s'est passé dans la savane, en zone froide, ces animaux réduisaient l'humidité et l'aération des sols, ainsi que la température du pergélisol (en compactant et perçant le manteau hibernal isolant de neige)[10] ; ils ont aussi contribué à un stockage dans les sols, en amplifiant même les variations climatiques glaciaires-interglaciaires[10].
Des études récentes ont montré que contrairement à une idée reçue, en dépit du froid hivernal, la productivité de cet écosystème était élevée ; elles ont aussi montré que ces milieux ont joué un rôle majeur dans la dynamique glaciaire-interglaciaire du stockage du carbone (le méthane congelé dans le pergélisol constitue encore le principal réservoir de carbone proche de la surface sur terre[10].
Dans ces steppes, les méga- et méso-herbivores jouaient un rôle important pour la dispersion des graines. Et, dans un environnement relativement sec, ils diminuaient le risque de feux[11],[12],[13].
L'extinction de la mégafaune des zones froides en fin du Quaternaire a eu des conséquences négatives pour l'environnement et peut-être la biosphère, avec des conséquences en cascade sur la composition, la structure et le fonctionnement des écosystèmes, et avec un risque d'incendies très accru, qui a contribué à la formation de nouvelles communautés dans les biomes[14]. Ces conséquences sont détectées, bien que difficilement, dans les changements floristiques et faunistiques observés par la paléontologie à cette époque[14]. Des travaux récents montrent que la fonge (étudiée via les archives polliniques fossiles) a aussi été affectée, expliquant certaines conséquences écologiques[14].
Selon plusieurs études récentes, le rétablissement des écosystèmes de prairie dans les plaines de régions froides diminuerait le risque d'incendies (et les émissions de CO2 liées), ralentirait le dégel du pergélisol et réduirait l'intensité et la vitesse de réchauffement actuels[10],[15],[16].
Les données fossiles accumulées, datées au carbone 14, associée aux modèles qui ont rétrospectivement reconstitué l'enveloppe climatique des steppes à mammouths montrent que le changement climatique (qui avait été bien supporté par la plupart des espèces lors des réchauffements précédents) ne peut expliquer l'extinction de cet écosystème qui a été dominant durant des milliers d'années (âges glaciaires récents)[10].
Un autre sujet préoccupant, abordé dans le Parc et la région, est le problème du relargage de méthylmercure (composé encore plus toxique que le mercure per, accumulé en grande quantité dans le pergélisol au cours des âges)[17].
Ce parc constitue l'une des plus grandes expérience scientifique de renaturation et de restauration écologique à ciel ouvert.
Le GIEC a clairement montré que l'une des explications de l'augmentation de la température[18] dans la zone polaire et circumpolaire est la réduction de la couverture neigeuse (et de la glace de mer dans l'Arctique). Ce phénomène a fortement réduit l'albédo de la surface de la Terre dans l'hémisphère nord[19]. Dans le contexte du changement climatique, une part croissante des infrarouges reçus du Soleil est maintenant absorbée en quantité massive par les sols et paysages de régions de toundra et de taïga, contribuant à l'amplification des changements de température dans l'Arctique[20]. Ce phénomène de rétroaction climatique est parfois qualifié de bombe climatique car il fait aussi fondre le pergélisol et ses clathrates, ce qui libère des quantités croissantes de méthane (et du CO2) dans l'atmosphère[21]. Contrôler la fonte du pergélisol et l'un des grands enjeux du réchauffement climatique et parmi les plus urgent.
Il est principalement de restaurer des paysages et écosystèmes de prairies, steppe, aussi proches que possible ceux de la dernière période glaciaire, quand les écosystèmes steppiques étaient les écosystèmes dominants de la planète.
Pour cela il faut faire reculer la taïga, qui dans cette région est pauvre en biodiversité, de couleur sombre (faible albédo) et modifie fortement la structure du manteau neigeux (qui n'est plus uniforme en hiver comme il l'était dans la toundra et les milieux de steppes) et qui donc contribue au réchauffement du permafrost ainsi, par conséquent, qu'aux émissions de méthane.
Sergueï Zimov est parti du constat qu'en Sibérie, la taïga et la toundra sont devenues herbeuses partout où elles ont été suffisamment dérangées, par exemple par des troupeaux de chevaux sauvages ou par l'un des goulags staliniens.
Il expérimente lui-même cette réversibilité en 1988, en observant un troupeau de 25 chevaux yakoutiens et montrant que dans leur enclos, ils convertissent rapidement la toundra humide et moussue en pâturage herbeux, en piétinant la neige et en fertilisant le sol en rongeant ou écorçant les arbustes[3]. Il pose donc l'hypothèse que l'immense steppe de mammouths était entretenue par les herbivores et que si elle est devenue une mosaïque de taïga et de toundra c'est parce que ces animaux ont disparu, probablement car devenus le gibier des humains[3] (qui à cette époque ont maitrisé le feu tout en important de nouvelles techniques de chasse (arc et pointes de flèche, propulseur, pièges).
L'été 1993, deux écologues de l'université Duke de Durham (Caroline du Nord), Chapin et James Reynolds, intrigués par cette idée, se rendent au NESS pour y rencontrer Sergueï Zimov. À force d'argumentations lors de discussions qu'ils jugent perturbantes, mais « vivifiantes », Sergueï Zimov finit par les convaincre ; après avoir approfondi cette hypothèse, deux ans plus tard (en 1995), avec Sergueï Zimov et certains de ses collègues russes, ils publient dans The American Naturalist un article selon lequel « la chasse humaine aurait pu jouer un rôle aussi important que le climat » dans l'extirpation de la mégafaune arctique[3].
Les steppes préhistoriques qui couvraient ces régions étaient « caractérisées par une forte densité d'animaux et notamment de grands herbivores (10 tonnes de grands animaux/hectare, soit environ 20 gros animaux par kilomètre carré, soit des millions de gros animaux pour toute la Sibérie)[3], une végétation herbacée riche et des taux élevés de cyclage biogéochimique »[1],[22].
Deux hypothèses de Sergueï Zimov sont testées à grande échelle dans ce parc :
Pour correctement tester ces hypothèses, le Parc doit donc reconstituer une grande biomasse d'herbivores. Certes, ces derniers (bovidés notamment) vont aussi émettre du méthane, mais bien moins que n'en émettrait le permafrost en leur absence selon les calculs de Sergueï Zimov cités par Denis Sneguiref[23] (réalisateur préparant un reportage long métrage[24] sur le sujet).
Selon Denis Sneguiref[23], depuis le milieu des années 2010 des capteurs posés par la station, en collaboration avec l'université de l'Alaska à Fairbanks (Alaska) et d'autres scientifiques, relèvent les différences de températures entre l'extérieur et l'intérieur du parc. Ces capteurs semblent montrer une tendance encourageante.
De plus, après 20 ans d'expérimentations, on commence à visuellement percevoir que la végétation est en train de significativement changer de nature entre l'extérieur et l'intérieur du parc (cf. photo ci-contre). Cependant, précise-t-il, dans les moments très froids, les animaux doivent encore être nourris et abreuvés.
Selon le chercheur russe Sergueï Zimov, cofondateur du parc, la toundra sibérienne actuelle est un écosystème très peu productif, parce qu'il résulte de la dégradation de l'écosystème steppique de la fin du Pléistocène par l'action de l'homme, lequel a fait disparaître les grands herbivores (dont le célèbre mammouth) et les carnivores associés[22] : « Une analyse des os recueillis dans le nord de la Sibérie a permis aux scientifiques de calculer que la biomasse animale, même dans les périodes les plus froides du nord, y atteignait 10 tonnes/km2 et que la moyenne par kilomètre carré de pâturage comprenait un mammouth, cinq bisons, six chevaux, et 10 rennes. Le nombre d'animaux dans les steppes du sud ou les steppes humides était significativement plus élevé que dans le nord ».
La restauration de ces steppes en lieu et place de la toundra pourrait contribuer à restaurer un puits de carbone et donc lutter contre la fonte du pergélisol sibérien.
Elle est basée sur la réintroduction d'animaux, initiée en 1988. Selon son site internet en 2020, le parc du Pléistocène se compose d'une zone close de 20 km2 qui abrite 8 espèces herbivores majeures : le bison d'Europe, le bœuf musqué, l'orignal, des chevaux yakoutes et des rennes[1], ainsi que des moutons, yacks et vaches kalmouks.
Nombre de grands herbivores du parc (janvier 2020) :
Le parc et son objectif de reconstitution d'une faune dense de grands méso-herbivores se veulent reproductibles dans d'autres régions. Divers éléments restent encore à préciser ou résoudre, dont :
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