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notation musicale, chant grégorien De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La lettre significative est une abréviation, employée dans un certain nombre de manuscrits du chant grégorien, afin de préciser le mouvement mélodique, le rythme et le reste.
Selon Ekkehard IV, chroniqueur de l'abbaye de Saint-Gall et auteur du Casus sancti Galli, c'était le chantre romain Romanus qui présenta les lettres significatives auprès de l'école de Metz, en y apportant la copie du cantatorium de saint Grégoire Ier[mh 1].
En fait, les lettres significatives se trouvent, pour la première fois, dans une dizaine de manuscrits entre les VIIIe et IXe siècles. Seules les deux lettres s'y employaient : c (cito ou celeriter) et t (tenete, tarde ou trahe). Il s'agit de la Passion chantée dans l'Évangile. La lettre c s'employait pour le récit tandis que celle de t était attribuée aux paroles de Jésus-Christ, qui doivent être particulièrement prononcées avec gravité et majesté[mh 2]. Plus tard, d'autres lettres significatives furent ajoutées, pour d'autres personnages ou plus de précision[mh 3].
Ces lettres sont employées principalement dans les deux manuscrits issus de la famille sangallienne. Il est important qu'il s'agisse des notations les plus distinguées ainsi que les plus correctes du chant grégorien, avec lesquelles le Graduale Triplex fut publié en 1979. De plus, la rédaction de toutes les éditions critiques du livre de chant, est de nos jours effectuée en consultant ces manuscrits. Parmi eux, le Graduale novum du Vatican, sorti depuis 2011, s'accompagne de ces neumes sangallians, tout comme le Graduale Triplex.
Auparavant, il semble que l'école de Metz, une autre tradition grégorienne principale, ait jugé que les lettres significatives ne soient pas nécessaires pour leur notation[mh 4]. Toutefois, une fois que Marie-Claire Billecocq, spécialiste de la notation messine, avait trouvé les lettres significatives dans le manuscrit Laon 239[mh 5], la connaissance sur les lettres significatives furent renouvelée[nm 1].
lettre | Graduel (Einsiedeln) | Cantatorium (Saint-Gall) |
---|---|---|
1. lettres mélodiques | ||
a | 794 | 77 |
l | 2718 | 129 |
m | 2342 | 159 |
s | 7789 | 361 |
c | 5754 | 79 |
i | 6890 | 337 |
total | 26287 ( = 80%) | 1142 ( = 27%) |
2. lettres agogiques ou de phrasé | ||
c | 3511 | 2354 |
p | 360 | 18 |
st | 297 | 73 |
x | 320 | 144 |
t / tm | 1614 | 446 |
total | 6102 ( = 19%) | 3035 ( = 72%) |
3. lettres dynamiques | ||
f | 41 | 21 |
g | 4 | 1 |
k | 1 | 4 |
total | 46 | 26 |
4. autres lettres | ||
— | 152 | 30 |
Ces lettres significatives étaient présentées par Dom Anselm Schubiger, prêtre, maître de chœur et compositeur de l'abbaye territoriale d'Einsiedeln, dans son livre L'École de chant de Saint-Gall du VIIIe au XIIe siècle (1858, traduction française 1866) [lire en ligne].
Quoique van Waesberghe eût réalisé sa précieuse statistique en 1939, il fallut attendre les études sémiologiques établies dès les années 1950, pour fixer scientifiquement les fonctions des lettres significatives. Car, ces dernières s'accompagnent toujours des neumes anciens. Donc, les catégories au-dessous sont essentiellement celles de Dom Eugène Cardine. Celles des études par Neil McEwan, ajoutées, se distinguent par les astérisques.
Le prolongement horizontal de certains lettres, surtout t, indique que leur effet s'étend sur plusieurs signes neumatiques[sg 4].
Dans certains cas, les lettres significatives servaient également à corriger la graphie neumatique. Par exemple, lorsque l'on avait écrit un pes carré au lieu du pes rond ( J ), une lettre c fut ajoutée à la tête du pes carré, afin de le transformer en pes rond[sg 5],[eg33 2].
Parfois, les lettres s ou a indiquent une signification contraire, en comparaison d'une autre lettre simultanément employée, à savoir, un intervalle de neume moins, plus fréquemment un demi-ton. Ainsi, un pes entre deux s signifie un intervalle do - re, au contraire de l'élan suivant, par exemple do - fa[sg 5].
D'après l'étude approfondie de Neil McEwan, la lettre t demeure surtout expressive et qualitative alors que l'épisème ( ˘ ) indique le prolongement quantitatif de note. Ils ne sont pas en général alternatifs, car la lettre t était plus souvent attribuée aux mots importants dans le texte[eg33 3].
Tout comme le neume ancien, la lettre significative peut mettre sa fonction secondaire. Si la lettre t apparaît juste avant une note la plus importante, cela fonctionne comme incitation, pour préparer le sommet. Donc, la lettre remarque aux chantres qu'il ne faut pas retarder inutilement après une articulation expressive[eg33 4].
Ces lettres s'employaient assez rarement.
Le système de la notation messine est différent de celui de Saint-Gall. Ainsi, la lettre a (augete) s'employait, souvent entre deux neumes, au lieu de la t sangallienne, pour le même chant. Cependant, la fonction de celle-ci ne se trouve pas dans la notation de Saint-Gall[eg33 5].
Classification selon Neil McEwan[nm 1] :
La plupart des notations grégoriennes publiées au XXe siècle s'emploient l'épisème horizontal ( — ), normalement pour maintenir une note plus longuement, comme le tenuto dans la notation moderne.
Il est vrai que l'épisème horizontal se trouve dans quelques manuscrits médiévaux, dans deux ou trois manuscrits avec quelques centaines de documents[eg33 6], y compris l'Antiphonaire de Hartker auprès de la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Gall[cd 1].
Toutefois, les études récentes indiquent que cette fonction attribuée est fausse, et que le rôle de l'épisème horizontal ressemble à celui des lettres significatives. Car, il est évident qu'il n'existe aucune continuité entre cet épisème et le tenuto. Il s'agit des signes d'expression. Certes, l'épisème horizontal peut créer un léger élargissement. Mais, cette longueur n'est qu'un moyen, et non but[cd 2]. Plus précisément, il indique une nuance infime du rythme, ce que les musiciens appellent de nos jours l'agogique. Il est probable que seuls les solistes sont capables de réaliser cette nuance musicale[eg33 6].
Si l'épisème s'emploie sur le torculus, il faut distinguer deux manières, selon qu'il est placé aux cadences ou dans le corps même de l'incise[cd 5] :
Comme cette variété de la pratique de l'épisème horizontal est considérée en tant qu'obstacle pour les chœurs, notamment ceux de non professionnels, l'édition de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes décida de supprimer cet épisème, à partir de sa première édition critique du chant de livre, l'Antiphonale monasticum (2005). D'ailleurs, l'épisème vertical n'exista jamais au Moyen Âge. Donc celui-ci fut également supprimé[eg33 6].
Étant donné que les lettres significatives se trouvent dans des manuscrits sangalliens desquels l'usage est de nos jours recommandé pour l'interprétation sémiologique, il faut les connaître pour ce type de représentation. Cela est ce que Dom Eugène Cardine conclut :
« Comme on l'a vu, les lettres dites « romaniennes » apportent parfois des précisions ou suggestions très importantes tant pour la restitution des mélodies grégoriennes que pour leur interprétation, ce qui justifie l'usage abondant qu'en font certains manuscrits. »
— Sémiologie grégorienne, p. 141
Certes, il s'agit des meilleurs manuscrits du chant grégorien, pour rétablir la finesse de la mélodie. Nonobstant, les études des lettres ne sont pas encore suffisantes[eg33 7]. Au contraire des neumes, il est en effet difficile à comparer ces lettres aux notations dans d'autres traditions qui manquaient de ce système. En outre, comme déjà mentionné, Michel Huglo remarquait que de nombreuses lettres furent vraisemblablement ajoutées par les chantres, et non notateurs. Il n'est pas certain que cette révision fût correcte. Encore attend-on des études approfondies[eg33 2].
Donc, lors de l'interprétation sémiologique, il faut une connaissance de ces lettres au minimum, notamment afin d'éviter la confusion avec d'autres neumes tels certains épisèmes (comme ʊ ≠ c ). Toutefois, l'usage n'est pas considéré comme obligation. Voici le conseil de Dom Cardine :
« Quant aux lettres dont la signification est doutouse, il vaut mieux ne pas chercher à forcer leur interprétation[sg 4]. »
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