Il intégra en 1515 la guilde de Saint-Luc des peintres d'Anvers comme franc-maître[4] et travailla en collaboration avec différents peintres dont Quentin Metsys. Ce dernier devait être assez intime avec lui puisqu'à sa mort, il fut désigné comme l'un des tuteurs de ses enfants[5]. Lors de son voyage aux Pays-Bas, Albrecht Dürer se lia d'amitié avec Joachim Patinier et réalisa son portrait. C'est «un bon peintre de paysage» nota-t-il dans son journal de voyage[6]. Il lui emprunta des couleurs, un de ses élèves, et assista à son second mariage le [7].
Assez répandu en Wallonie, le patronyme «Patinier» renvoie au métier de fabricant et vendeur de patins, sorte de socques en bois utilisés au Moyen Âge dans cette région pour surélever les pieds afin d'éviter la boue ou la poussière[8]; selon d'autres sources, le patronyme «Patinier», assez répandu dans le Dinantais, renvoie plutôt au premier mot latin patina (plat en métal, soit patène: le plat en métal à Dinant était l'industrie locale; cf. dinanderie). Le patinier est ainsi le batteur de cuivre. Le nom se retrouve encore localement dans la région sous la forme Patigny ou Patinet[9].
Les faits avérés concernant Joachim Patinier étant fort limités, les suppositions les plus hardies ternissent souvent ses biographies.
Ainsi, certains commentateurs pensent que Henri Bles (Herri met de Bles), maître des paysages mosans, fut peut-être son élève ou son allié à un degré quelconque de parenté[10], cependant cette hypothèse souvent évoquée n'a jamais pu être confirmée[11].
De même, son supposé pèlerinage à la Sainte-Baume en Provence n’est attesté que par les représentations dans certaines de ses œuvres du site réputé avoir accueilli Marie Madeleine[12].
Considéré comme l'un des initiateurs du genre «paysage» dans la peinture occidentale, Joachim Patinier est un peintre d'histoire. Il réalisa des peintures à l'huile sur panneaux de bois dans le genre pictural majeur qui s’inspire surtout de scènes issues de l’histoire chrétienne popularisée par La Légende dorée de Jacques de Voragine. Son style est caractérisé par l'utilisation fréquente de la perspective atmosphérique qui offre une vision panoramique en plongée. Ses compositions comportent généralement trois plans principaux distincts: un premier plan brun sur lequel sont disposés les figures principales et leurs accessoires ainsi que des éléments minéraux et végétaux (des rochers, des herbes, des fleurs, un arbre ou un arbuste presque mort), un plan moyen à dominante verte où sont représentés avec finesse et précision de nombreux personnages vaquant aux occupations les plus diverses, et un arrière-plan aux reliefs remarquables d'un bleu intense — on parle parfois de «bleu Patinir»[14] —, qui rejoignent un ciel nuageux de même tonalité dans lequel semble surgir un orage menaçant.
«Il avait une façon particulière de traiter le paysage avec beaucoup de soin et de finesse, ses arbres étant comme pointillés. Il y introduisait de jolies petites figures, en sorte que ses œuvres étaient recherchées, se vendaient bien et qu’elles se sont répandues en divers pays.
Il avait pour coutume de placer quelque part dans ses œuvres un petit homme satisfaisant un besoin, d'où le surnom de ch[ieur]. qui lui fut donné. Il fallait parfois chercher ce petit bonhomme comme la chouette dans les œuvres de Henri de Bles.»
Joachim Patinier semble avoir eu recours à divers collaborateurs pour exécuter les figures de premier plan de bon nombre de ses tableaux. Ainsi, Quentin Metsys collabora avec Patinier pour l'exécution des Tentations de saint Antoine (Galerie: 3) du musée du Prado de Madrid[16], et, probablement, pour le Paysage avec saint Christophe portant l'Enfant Jésus du musée de Flandre de Cassel[17].
La manière de Joachim Patinier fut reprise par bon nombre de peintres de la même génération ou de la suivante, parmi lesquels on peut citer Joos van Cleve, Corneille Metsys, Lucas Gassel, Henri Bles et le Maître des demi-figures féminines. Les emprunts thématiques et stylistiques furent parfois si importants que de nombreuses œuvres de ces continuateurs furent confondues avec celles de Joachim Patinier lui-même (Galerie: 16-20).
Triptyque avec saint Jérôme, le baptême du Christ et les tentations de saint Antoine, vers 1518, huile sur bois, 120,8 x 81,9 cm & 122,6 x 37,8 cm, The Metropolitan Museum of Art, New York, inv. 1936 (36.14 a-c) (Galerie: 9)[ref. 13].
Paysage avec saint Jérôme, vers 1516-18, huile sur bois, 76,5 × 137 cm, musée du Louvre, Paris, inv. RF2429 (Galerie: 11)[ref. 15].
Paysage avec saint Jérôme, vers 1516-18, huile sur bois, 36,35 × 25,5 cm, Fondation Bemberg Toulouse, inv.1101
Œuvres graphiques:
Paysage avec saint Christophe traversant la rivière, dessin, 27 × 34,2 cm, musée du Louvre, Paris, Département des Arts graphiques, inv. 18976[ref. 16].
Paysage avec saint Christophe, dessin signé, plume au bistre et au lavis sur papier, 13,3 × 19,9 cm, Kupferstichkabinett, Berlin, inv. KdZ 6698[ref. 17].
Saint Christophe portant l'Enfant Jésus[20], huile sur bois, 76,4 × 60 cm, musée de Flandre, Cassel, inv. 2004.4.1[ref. 18].
Œuvres de l'atelier de Joachim Patinier
Les œuvres classées dans cette section sont caractérisées par des traits picturaux, graphiques et techniques proches de ceux observés dans les tableaux du maître sans toutefois atteindre la finesse d'exécution qui définit son style.
Paysage avec repos pendant la fuite en Égypte, vers 1518-20, huile sur bois, 31,7 × 57,6 cm, collection Jean Bonna, Genève[ref. 19].
Paysage avec repos pendant la fuite en Égypte, vers 1518-24, huile sur bois, 31,5 x 57,5 cm, musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, inv. 314 (Galerie: 12)[ref. 20].
Triptyque avec repos pendant la fuite en Égypte, Saint Jean Baptiste et Saint Corneille, vers 1518-24, 110 × 72 cm & 110 × 30 cm, collection particulière, Wiesbaden[ref. 22].
Paysage avec saint Jérôme (fragment), vers 1522-24, huile sur bois, 38,1 × 35,2 cm, National Gallery, Londres, inv. 4826 (Galerie: 13)[ref. 23].
Paysage avec prédication de saint Jean Baptiste, vers 1515-18, huile sur bois, 35,2 × 45,3 cm, musée Old Masters, Bruxelles, inv. 6178 (Galerie: 14)[ref. 24].
Paysage avec saint Jérôme, vers 1517-24, huile sur bois, 25,5 × 34,7 cm, Fondation Ruzicka, Zurich, inv. R23[ref. 25].
Triptyque avec saint Jérôme, saint Jean, saint Antoine et Marie Madeleine, vers 1517-24, huile sur bois, 90,5 × 89 cm et 89 × 38 cm, collection particulière[ref. 26].
Paysage avec prédication de saint Jean Baptiste, vers 1515-18, huile sur bois, 37,5 × 50,8 cm, Philadelphia Museum of Art, inv. 1944-9-2[ref. 28].
Paysage avec Marie Madeleine en extase, vers 1517-24, huile sur bois, 26,2 × 36 cm, Kunsthaus de Zurich, inv. R24 (galerie: 15)[ref. 29].
Œuvres anonymes attribuées à Joachim Patinier
Cette section regroupe les tableaux classés comme tels dans les collections publiques, ainsi que ceux pour lesquels un doute sérieux d'attribution subsiste.
Cette section regroupe les tableaux dont les auteurs sont les disciples, les continuateurs, les membres de l'école ou de l'entourage du maître.
Paysage avec saint Jérôme, huile sur bois, 26,3 × 26 cm, York City Art Gallery, inv. YORAG: 743[ref. 35].
Paysage avec crucifixion, vers 1520-24, huile sur bois, 72,2 × 21 cm, collection particulière, Madrid[ref. 36].
Multiplication des pains et des poissons[22], 1538-1543, huile sur bois, 124,5 × 142 cm, Museo de Arquitectura y Pintura del Monasterio San Lorenzo del Escorial, inv. 10014744[ref. 37].
Le peintre apparait sous ce nom dans la liste datée de 1515-16 des maîtres libres admis dans la guilde de saint Luc d'Anvers. Cf. Vergara 2007, p.363 Doc. 1. Le patronyme est parfois précédé de la particule «de» qui correspond en néerlandais au «le» français. Ainsi, c'est sous la forme «de Patinier» que le peintre est noté dans deux actes datés de 1520. Cf. Vergara 2007, p.363 Doc. 2-3.
Albrecht Dürer et Charles Narrey, Albert Durer à Venise et dans les Pays-Bas; autobiographie, lettres, journal de voyages, papiers divers, Paris, Jules Renouard, (lire en ligne), p.91, 126, 132.
«Nous inclinons fort, pour ce qui nous concerne, à le croire élève ou allié à un degré quelconque de Patenier, autant à cause de la concordance des genres, que par le fait du voisinage des localités d'où les deux peintres étaient originaires.» écrit Henri Hymans. Cf. Van Mander & Hymans 1904, p.197, note 1.
Dans l'article «Patinir ou Patenier, Joachim» du Dictionnaire de la peinture (Larousse, Paris, 2003, (ISBN2-03-505390-0)) on peut lire (p. 622): «Il est pratiquement certain que, dans les années 1515-1520, l'artiste a fait un pèlerinage aux Baux-de-Provence d'où il a rapporté le sujet de bon nombre de ses œuvres, notamment la Fuite en Égypte des musées de Berlin.» Cette assertion est erronée, car, outre l'évidente confusion entre les Baux-de-Provence et la Sainte-Baume en Provence qui est effectivement représentée au second plan du Repos pendant la fuite en Égypte de Berlin (voir Repos pendant la fuite en Égypte (Joachim Patinier)), l'hypothèse d'un voyage du peintre dans le sud de la France et en Italie est aujourd'hui abandonnée (cf. Alain Tapié 2012: p.150).
Le site de la Sainte-Baume, supposé conserver les restes de sainte Marie Madeleine qui aurait vécu les trente dernières années de sa vie dans ce lieu de pénitence, était depuis le Moyen Âge pour toute l'Europe chrétienne, un important lieu de pèlerinage. Il fut souvent représentée non seulement dans les tableaux, mais aussi dans les miniatures et les gravures comme en témoigne le folio 60 du manuscrit à peinture intitulé Vie de la belle et clere Magdalene de François de Moulin enluminé par Godefroy le Batave qui date de 1517 (Cote FRANCAIS 24955), ou cette gravure au burin sur cuivre également conservée à la Bibliothèque Nationale de France représentant la Sainte-Baume (cote Va-83-fol.).
Dans l'édition anglaise de l'ouvrage (ang) The true effigies of the most eminent painters, and other famous artists that have flourished in Europe. Curiously engraven on copper-plates. Together with an account of the time when they lived, the most remarkable passages of their lives, and most considerable works. Very useful for all such gentlemen as are lovers of art and ingenuity., Londres, (lire en ligne), le nom du peintre est orthographié «Patinier» dans le texte (p.1) et «Patenier» en haut à gauche de l'estampe (Planche 8).
La seconde assertion de Van Mander est sujette à caution, car le bonhomme en question se fait bien rare dans l'œuvre du peintre qui, par ailleurs, a signé en toutes lettres quelques-uns de ses tableaux. Cf. Van Mander et Hymans 1884, p.192 et 198 ainsi que l'article Henri Bles de Wikipédia.
Les 2 premiers tableaux, qui témoignent du début de la carrière du peintre, sont signés «∙OPVS∙/∙IOACHIM∙D∙/∙PATINIR∙», alors que les autres, qui représentent sa maturité, sont signés «∙ OPVS ∙ / ∙ IOACHIM ∙ D / ∙ PATINIER». Cf. (es) Patinir, estudios y catálogo crítico, Madrid, Museo National del Prado, , 408p.
Les tableaux répertoriés ici ont fait l'objet d'une étude dans le catalogue de l'exposition «Patinir» du Prado en 2007. Cf. Références et bibliographie: Catalogue.
Ce tableau, acquit par le musée de Flandre de Cassel en 2004, a fait l'objet d'une publication par Sylvie Germain (cf. Références et bibliographie) dans laquelle une note de l'éditeur signale que: «les spécialistes s'accordent aujourd'hui à penser que le panneau est sans doute une œuvre à deux mains: Joachim Patinir pour le paysage et Quentin Metsys pour les personnages.» (op. cit., p. 21). Le tableau est cependant toujours marqué «attribué à» sur la base Joconde: cf. notice du Portail des collections des musées de France.
Curieusement, une reproduction de cette œuvre, anciennement assignée à Joachim Patinier mais aujourd'hui plutôt attribuée à Corneille Metsys, fils de Quentin Metsys, sert à illustrer l'article «PATENIER ou PATINIR JOACHIM (1475 à 1480 env.-1524)» de l'Encyclopaedia Universalis (2014).
(en) Verena Voigt (trad.from the German by A.P. Dierick), «Joachim Patinir (ca.1485·1524) and The beginnings of landscape painting in the low countries», Canadian Journal of Netherlandic Studies, vol.I, noXIV, , p.19-28 (lire en ligne[PDF], consulté le ).
Ouvrages
Paul Dupouey, Le Temps chez Patinir, le paradoxe du paysage classique: thèse de doctorat, Université de Nancy II, 2007-2008, 533p. (lire en ligne).
(nl) Reindert Leonard Falkenburg, Joachim Patinir, Het landschap als beeld van de levenspelgrimage, Nimègue, .
Sylvie Germain, Joachim Patinir, Paysage avec saint Christophe, Ennetières-en-Weppes, Éditions invenit, , 40p. (ISBN978-2-918698-10-4).
André Piron, Joachim Le Patinier, Henri Blès: Leurs vrais visages, Gembloux, J. Duculot, , 64p.
Henrik Stangerup, Joachim Patinir, Paris, Flohic éditions, , 80p. (ISBN978-2-908958-49-2).
Cet ouvrage contient trois illustrations de peintures dont l'attribution à Joachim Patinier est très douteuse: Sainte Madeleine pénitente (inv. D 212) du Musée des beaux-arts de Dijon (p. 45), Le Repos pendant la fuite en Égypte (inv. KMS1743) du Statens Museum for Kunst de Copenhague (p. 63), et le Paysage aux bergers d'une collection privée de Schoten en Belgique (p. 65). Les deux premières de ces œuvres sont aujourd'hui attribuées au Maître des demi-figures féminines.
Henrik Stangerup (trad.du danois), L'Idée du bleu: Joachim Patinir, Paris, Flohic éditions, , 89p. (ISBN2-84234-104-X).
Jacques Stiennon, Jean-Patrick Duchesne et Yves Randaxhe, Cinq siècles de peinture en Wallonie: de Roger de le Pasture à Paul Delvaux, Bruxelles, Les éditeurs d'art associés, , 335p. (ISBN2-87148-016-8).
Karel Van Mander et Henri Hymans (trad.notes et commentaires de Henri Hymans), «Joachim Patenier. Peintre de Dinant», dans Le Livre des peintres de Carel van Mander: vie des peintres flamands, hollandais et allemands (1604), tome 1, Paris, (lire en ligne), p.192-196.
Michel Weemans, Herri met de Bles: Les ruses du paysage au temps de Bruegel et d'Érasme, Paris, Hazan, , 320p. (ISBN978-2-7541-0689-4).
DVD Patinir. La invención del paisaje., Realizado por Angular Producciones con la colaboración del Museo del Prado y el Centro de Estudios Europa Hispánica, durée: 50 min, Idiomas: castellano, inglés y francés.