La Guerre anticommuniste de 1919 en Hongrie aussi dénommée, dans une optique nationaliste, « guerre hungaro-roumaine » désigne la guerre anticommuniste contre la république des conseils de Hongrie menée du au par les troupes roumaines, tchécoslovaques, serbes et françaises (Armée d'Orient dans le Banat et Armée du Danube en Transylvanie) épaulant les conservateurs antibolchéviks hongrois de Gyula Peidl et Miklós Horthy.

Faits en bref Date, Lieu ...
Guerre anticommuniste de 1919 en Hongrie
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Affiche de la Hongrie communiste par Mihály Bíró (1919) : « Canailles !, est-ce cela que vous vouliez ? » – Franchet d'Espèrey, Lloyd George et Wilson figurent à gauche, Clemenceau et le roi Ferdinand de Roumanie à droite de la table.
Informations générales
Date
Lieu Hongrie, Transylvanie, Slovaquie.
Issue Victoire de la coalition anticommuniste ;
Effondrement de la République des conseils de Hongrie.
Terreur blanche en Hongrie.
Belligérants
Drapeau de la République soviétique hongroise République des conseils de Hongrie
République slovaque des conseils
Drapeau de la Roumanie Royaume de Roumanie
Drapeau de la France France (Armée française de Hongrie)
Drapeau de la Tchécoslovaquie Tchécoslovaquie
Drapeau du royaume des Serbes, Croates et Slovènes Royaume des Serbes, Croates et Slovènes
Armée hongroise antibolchevique (hu)
Commandants
Béla Kun
Sándor Garbai
Aurél Stromfeld (en)
Ferenc Julier (hu)
Vilmos Böhm (en)
Drapeau de la Roumanie Ferdinand Ier
Gheorghe Mărdărescu (en)
Drapeau de la Roumanie Traian Moșoiu
Drapeau de la Roumanie Constantin Prezan
Drapeau de la France Henri Berthelot
Drapeau de la France Louis Franchet d'Espèrey
Tomáš Masaryk
Milan Rastislav Štefánik
Maurice Pellé
Pierre Ier
Gyula Peidl
Miklós Horthy[1]
Forces en présence
10 000 à 80 000 hommes. 10 000 à 96 000 hommes.
Pertes
~ 4 000 tués ; six divisions
se sont rendues, soit 41 328 hommes
dont 1235 officiers, avec 348 canons[2].
3 670 tués.
7 996 morts par typhus et dysenterie.
11 666 pertes au total[3].
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Contexte régional

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Groupes ethno-linguistiques du royaume de Hongrie en 1910.
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Dislocation de l'Autriche-Hongrie en 1918-19, théâtre des opérations et situation au 1919.
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Rouge : la république des conseils.
Ocre : Körösvidék perdu en avril 1919 face à l'Armée française de Hongrie et aux troupes roumaines.
Rose : territoire repris en mai 1919 aux Tchécoslovaques.
Bleu-vert : territoires sous contrôle de l'armée franco-serbe commandée par Louis Franchet d'Espèrey.
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Géopolitique régionale dans une perspective diachronique.
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Timbre hongrois surchargé Occupation française en 1919.
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Opérations de la coalition anticommuniste dans le Körösvidék durant la première phase de la guerre, à partir de la mi-avril. En gris la zone démilitarisée proposée par le conseil inter-allié du 28 février.
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Front le 3 mai 1919.
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Patrouille roumaine à Budapest, juillet 1919.
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Miklós Horthy entrant à Budapest à la tête de l'« armée nationale (hu) », le .
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Monument aux morts de la coalition antibolchévique (1919) à Lippa. La mort d'un lieutenant et d'un soldat français de l'Armée française du Danube en ce lieu est mentionnée au-dessus de la liste, incluant un Georges Pellé[4].

À la fin de la Première Guerre mondiale, le , la dislocation de l'Autriche-Hongrie permet la proclamation, le d'union de la Transylvanie à la Roumanie. Côté hongrois, les décisions de la conférence de Paris au sujet de la nouvelle frontière hungaro-roumaine étaient inacceptables pour la République démocratique hongroise, dont le gouvernement, dirigé par Mihály Károlyi démissionne[5] après avoir reçu le la « note de Fernand Vix », imposant à l'armée et l'administration hongroises de se retirer à l'ouest du massif transylvain du Bihor[6].

Les bolcheviks hongrois prennent alors le pouvoir, tandis que dans une dernière tentative de sauver sa situation, une partie de la noblesse hongroise offre la couronne hongroise à Ferdinand Ier de Roumanie, préférant une union personnelle entre la Grande Hongrie et la Roumanie dans les frontières de 1918, plutôt qu'un rattachement pur et simple à la Roumanie des territoires austro-hongrois à majorité roumanophone (tel qu'il fut consacré en 1920 par le traité de Trianon)[7].

Confronté à la présence des troupes alliées, Béla Kun comprend l'impossibilité de retrouver les frontières hongroises d'avant 1918 et préfère soutenir la création de républiques communistes-sœurs[8] au Banat[9] et en Slovaquie[10].

Durant les guerres antibolchéviques soviéto-polonaise de 1919-1921 et hungaro-roumaine de l'été 1919, les autorités polonaises et roumaines, soutenues respectivement par les missions françaises Faury et Berthelot, participent à l'intervention alliée pendant la guerre civile russe, craignent que le Russie soviétique et la Hongrie bolchévique ne fassent leur jonction à travers la Pocoutie et la Ruthénie[11] : la 8e division roumaine des généraux Jacob Zadik et Nicolae Petala et la 4e division polonaise du général Franciszek Kraliczek-Krajowski prennent donc position en Pocoutie, tout en déclarant qu'elles n'intervenaient pas contre la république populaire d'Ukraine occidentale (qui n'en sera pas moins annexée par la Pologne en 1921)[12].

Déroulement du conflit

Pour récupérer les territoires perdus par la République démocratique hongroise, les bolcheviks hongrois décrètent la mobilisation générale et forment l'Armée rouge hongroise qui entre en conflit en contre les troupes tchécoslovaques dans l'ex-Haute-Hongrie devenue la Slovaquie. Cette offensive victorieuse débouche sur la prise de la majeure partie de la Slovaquie où une République slovaque des conseils est proclamée, Béla Kun étant fédéraliste. La République houtsoule ukrainienne est également prise. Au même moment, l'architecte et écrivain hongrois Károly Kós, avec le soutien de 40 000 partisans du multiculturalisme transylvain, proclame à Huedin la république socialiste de Kalotaszeg[13],[14],[15],[16]. Plus au sud, dans le Banat, les bolcheviks locaux dirigés par Otto Roth proclament aussi une république des Conseils[17],[18], mais ne parviennent pas à s'imposer car ils n'ont pas assez de partisans ; les Roumains, par la voix de leur député Sever Bocou de Lipova, préfèrent proclamer leur union avec la Roumanie, et les Serbes avec la Serbie (dont les troupes occupaient le pays depuis )[19].

Le , sous la présidence de Gyula Peidl, un gouvernement hongrois opposé à la république des conseils de Hongrie est formé à Szeged, dont l'amiral Miklós Horthy est l'homme fort et le ministre de la Guerre. En juin, la conférence de la paix de Paris met un terme au conflit hungaro-tchèque, en rendant la Slovaquie à la Première République tchécoslovaque. Malgré la « terreur rouge » qu'ils pratiquent, les Alliés sont divisés sur l'attitude à adopter face au régime de Béla Kun. David Lloyd George et Woodrow Wilson adoptent des positions modérées, mais Georges Clemenceau est intransigeant face aux « complices de Lénine ».

Le Sud-Africain Jan Smuts est envoyé pour parlementer avec Béla Kun, mais pour ce dernier, le retrait de l'armée roumaine au sud de la rivière Mureș est un préalable à toute négociation : cela lui aurait permis des jonctions avec la Russie soviétique, conformément aux directives de Lénine[20].

Pour empêcher cette jonction et « contenir la menace rouge » en Transylvanie et en Bessarabie, la France maintient la mission Berthelot. Le plan du maréchal Foch de faire donner directement les armées alliées contre la Hongrie, est écarté car de nombreux soldats français sympathisent avec l'idéal communiste. Ce seront les armées franco-serbe dirigées par Louis Franchet d'Espèrey et roumaine soutenue par Henri Berthelot qui sont réorganisées en Roumanie, « tête de pont de l'Entente », pour former l'Armée française du Danube afin d'intervenir en Hongrie et chasser les communistes du pouvoir[21].

Les 15 et , Béla Kun lance une offensive préventive contre les armées coalisées contre lui, mais l'armement hérité de l'armée austro-hongroise et les munitions sont insuffisants ; quant aux bolchéviks russes, ils sont engagés dans la guerre civile russe. L'Armée rouge hongroise avance néanmoins dans le Körösvidék car les coalisés aussi sont exsangues. Le front se stabilise dans les Carpates occidentales roumaines. L'armée roumaine reçoit armes et munitions de France par la mer Noire et fin avril, elle brise les lignes hongroises, met fin à la petite république de Károly Kós et atteint la rivière Tisza. Le , le gouvernement de Béla Kun demande la trêve.

Béla Kun prépare cependant une contre-attaque : le , l'Armée rouge hongroise attaque et repousse les troupes franco-serbes, tchécoslovaques et roumaines. Mais, faute de munitions, cette seconde attaque de Kun contre les coalisés, menée entre le 17 et le , tourne au désastre : le 26, les armées roumaine et française atteignent de nouveau la rive est (gauche) de la Tisza et, dans la nuit du 29 au , traversent cette rivière et avancent sur Budapest mettant l'Armée rouge hongroise en déroute. L'armée nationale hongroise (hu) et les troupes roumaines sont à Budapest en , évinçant le régime communiste au profit du gouvernement hongrois de Gyula Peidl, dont le ministre conservateur Miklós Horthy met en place une « terreur blanche » qui durera environ un an ; en revanche, les Français évitent d'entrer dans la capitale hongroise[22].

Chronologie

  • Préalable (décembre 1918) : à la suite de l'union de la Transylvanie à la Roumanie, l'armée roumaine prend position en Transylvanie et dans le Nord-Est du Banat.
  • Première phase (avril 1919) : l'Armée rouge hongroise tente de récupérer ces régions mais les Roumains contre-attaquent et atteignent la rivière Tisza.
  • Seconde phase (août 1919) : les Roumains et l'Armée nationale hongroise (hu) défont l'Armée rouge hongroise et prennent Budapest.

Historiographies hongroise et roumaine

Le laps de temps allant de l'union de facto des Roumains transylvains à la Roumanie () au traité de Trianon de jure (1920) est présenté de manière différente selon les sources secondaires :

  • Pour l'historiographie nationaliste hongroise et, à sa suite, internationale, toute cette période est une guerre nationale et territoriale d'une durée d'un an et demi (déc. 1918-juin 1920) entre la Hongrie et la Roumanie, ayant pour enjeu l'appartenance de la Transylvanie à la « Grande Hongrie » ou à la « Grande Roumanie » ; entre le et le traité de Trianon, la Transylvanie est un « territoire hongrois sous occupation militaire roumaine » : c'est la présentation adoptée dans les ouvrages en magyar, et dans nombre de textes anglais et allemands entre autres[23].
  • Pour l'historiographie roumaine, il n'y a eu ni déclaration de guerre, ni opérations militaires avant et après , donc la guerre ne s'inscrit qu'entre ces deux dates. Ainsi le laps de temps entre le et le traité de Trianon est, en Transylvanie, une « période de cogestion hungaro-roumaine » puisque le pays est conjointement administré par le « Conseil national des Roumains de Transylvanie, Banat, Crișana et Maramureș » (Consiliul Dirigint), le gouvernement hongrois d'Oszkár Jászi (en) et l'état-major du général roumain Alexandru Averescu[24],[25]. Quant à la prise de Budapest, elle marque la fin de l'« oppression séculaire » des Roumains d'Autriche-Hongrie[26] et le « début d'une nouvelle ère »[27].

Dans une perspective géopolitique élargie, la guerre d'avril- apparaît comme une intervention militaire opposant au gouvernement bolchévik de Béla Kun une coalition anti-communiste comprenant l'armée roumaine principalement, mais aussi des troupes tchécoslovaques, serbes et françaises, ainsi que le gouvernement contre-révolutionnaire de Gyula Peidl dont le véritable maître était Miklós Horthy[28],[29],[30],[31].

Annexes

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